Plaignant
Carmen
Tremblay
Mis en cause
Nouvelles/Hebdo
(Michel Aubé, éditeur)
Résumé de la plainte
Carmen Tremblay porte plainte contre le journal
Nouvelles/Hebdo pour la publication, le
16 novembre 2002, d’une lettre ouverte contenant des propos jugés diffamatoires
et faisant preuve de manquement à l’éthique journalistique et pour le
non-respect du droit de réplique.
À la suite
d’un article élogieux publié le 11 octobre 2002 dans
Le Quotidien, sur la formation en soutien administratif au Centre
de formation professionnel de Dolbeau-Mistassini, la plaignante signe une
lettre le 2 novembre 2002 intitulée «Mise au point sur la qualité de
l’enseignement en Comptabilité et Secrétariat au CFP de
Dolbeau-Mistassini». À ce rectificatif fait réponse une lettre ouverte
d’un groupe d’étudiantes.
Griefs du plaignant
Tout d’abord, la plaignante situe le contexte de sa plainte.
Elle mentionne le texte qu’elle a signé en date du 2 novembre 2002,
intitulé «Mise au
point sur la qualité de l’enseignement en Comptabilité et Secrétariat au CFP de
Dolbeau-Mistassini» et qui
faisait suite à un article du 11 octobre 2002 publié dans
Le Quotidien et intitulé «Dolbeau-Mistassini reçoit un
important colloque».
Elle précise que la lettre ouverte du 16 novembre, faisant suite àla
sienne a été publiée et signée par un groupe d’étudiantes en Soutien
administratif, qu’elle ne connaît pas. Elle affirme que le groupe d’étudiantes
en secrétariat, «étant faussement mentionné dans la signature» du
texte, a fait parvenir au journal une lettre de rectification. Celle-ci n’a pas
été publiée par la rédaction du journal.
Selon la plaignante, la non-publication de la lettre de rectification est
un manquement à la liberté d’expression et au droit de réponse du public.
Après consultation d’un conseiller juridique, il ressort de l’analyse du
dossier que les propos de la lettre ouverte du 16 novembre sont diffamatoires,
causent préjudice et portent atteinte à la réputation de la plaignante.
Carmen Tremblay énonce
ensuite clairement qu’elle désire porter plainte contre le journal
Nouvelles/Hebdo «pour avoir
accepté de publier une lettre contenant de tels propos, faisant preuve ainsi de
manquement à l’éthique journalistique».
Commentaires du mis en cause
M. Michel Aubé
précise dès le début de ses commentaires que la décision de publier ou non une
lettre ouverte dans les Nouvelles/Hebdo appartient
à l’éditeur.
Il décrit
ensuite le déroulement de l’affaire. Il indique que le 23 ou 24 octobre 2002,
Carmen Tremblay a téléphoné à plusieurs reprises au secrétariat du journal pour
s’assurer que sa lettre, «Mise au point sur
la qualité de l’enseignement en Comptabilité et Secrétariat au CFP de
Dolbeau-Mistassini», serait publiée dans l’édition du 2 novembre.
S’étant entendue répondre que la décision de
publier ou non une lettre ouverte appartenait à l’éditeur et que cela dépendait
également de l’espace disponible pour cette chronique, Mme Tremblay s’adresse
directement à l’éditeur.
Le mis-en-cause rapporte ensuite les propos tenus
lors de la conversation téléphonique entre Mme Tremblay et lui-même. La
plaignante appuie sur le fait que sa lettre ouverte doit «absolument être
publiée dans les plus brefs délais puisqu’elle doit rétablir les faits auprès
de la présidente du colloque de l’Association professionnelle des enseignants
et enseignantes en commerce, Hélène Pilote, qui a dénigré dans le journal
Le Quotidien [son] cours».
Le mis-en-cause
lui fait part de son appréciation sur sa lettre: il la trouve
«quelque peu agressive». Mme Tremblay lui apprend que Hélène Pilote
est une personne étrangère à la région et qu’elle ne la connaît pas.
Michel Aubé
mentionne qu’il connaît bien Mme Tremblay et qu’il a entretenu de bonnes
relations avec elle. Il précise aussi que, alors qu’il acceptait de publier la
lettre de Mme Tremblay, il n’avait pas lu l’article du
Quotidien auquel la lettre
répondait.
Il a appris plus
tard qu’Hélène Pilote est une collègue de Mme Tremblay et que toutes deux sont
enseignantes au Centre de formation professionnel de Dolbeau-Mistassini. Le
mis-en-cause note sa désolation face à cette duperie et face au fait que sa
politique de respect et d’honnêteté dans les lettres ouvertes n’ait pas été
respectée.
Michel Aubé
traite ensuite de sa décision de publier la lettre ouverte, bien qu’il la
trouve agressive, du groupe d’étudiantes en Soutien administratif dans laquelle
elles prennent la défense d’Hélène Pilote. Il n’a appris que plus tard que les
auteurs de cette lettre avaient travaillé avec
Mme Pilote sur le colloque et non pas qu’elles étaient ses étudiantes.
Le mis-en-cause
mentionne ensuite qu’un autre groupe d’étudiantes lui a présenté une lettre
défendant leur professeur Carmen Tremblay. «Jugeant que la saga avait
assez duré, que cela n’apportait rien de constructif et que la bonne foi
laissait à désirer», il a pris la décision de ne pas publier la lettre.
Michel Aubé ajoute qu’il soupçonnait un conflit interne au Centre de formation
professionnel de Dolbeau-Mistassini.
Il termine ses commentaires en affirmant
qu’il pensait agir «en toute honnêteté en permettant à Mme Tremblay
d’exprimer son opinion et en accordant un droit de réplique aux
étudiantes». Il fait enfin remarquer que ce dossier relève «plutôt
d’un conflit personnel». Par respect pour les lecteurs, il n’a pas cru
bon de poursuivre les publications demandées.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique, la plaignante tient à
préciser et à rétablir certains faits concernant les commentaires de Michel
Aubé.
Comme elle l’a mentionné à M. Aubé, elle
dit connaître très peu Hélène Pilote; cette dernière ne travaillant pas dans le
même bâtiment ni dans le même domaine.
Carmen Tremblay
écrit également que Michel Aubé a avisé le directeur du Centre de formation
professionnel de la réception de la «lettre diffamatoire» et que ce
dernier lui a dit de ne pas la publier. La plaignante se demande pourquoi
l’éditeur est allé à l’encontre de cette directive et pourquoi il a communiqué
avec une étudiante signataire de la lettre pour lui demander l’autorisation de
publication.
La plaignante
s’interroge aussi sur la raison pour laquelle Michel Aubé, président du Conseil
d’établissement en formation professionnelle, a accepté de publier une telle
lettre diffamatoire allant à l’encontre de l’image du Centre de formation.
Dernière
interrogationde Mme Tremblay : «Pourquoi a-t-il accepté de publier
cette lettre alors que le journal[Le
Quotidien] en a refusé la publication?»
Pour finir, elle souligne que Michel Aubé,
en trouvant des justifications à sa décision, essaie d’entrer dans la
«vie personnelle de l’école».
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
La politique d’un média en matière de publication de lettres ouvertes relève de la prérogative de l’éditeur. Si celui-ci doit favoriser l’expression de plusieurs points de vue, il doit cependant éviter que le courrier des lecteurs ne devienne une tribune pour l’expression de propos irrespectueux ou d’attaques personnelles.
Concernant la non-publication de la lettre de rectification du groupe d’étudiantes en secrétariat, le Conseil de presse rappelle que si personne n’a accès de plein droit aux pages d’un journal, les médias et les professionnels de l’information ont cependant le devoir de favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points de vue.
Après analyse, le Conseil considère, dans le présent cas, qu’il aurait été plus logique et plus équitable que toutes les opinions dans cette affaire soient représentées au sein des pages du journal. La publication de la réponse du second groupe d’étudiantes aurait certes éclairé les lecteurs dans ce débat. Bien que le Conseil ait toujours reconnu aux rédactions la liberté de disposer des pages de leur journal, il juge fondé le grief de Carmen Tremblay sur cet aspect. De l’avis du Conseil, le journal aurait dû préalablement, dans les circonstances, prévenir ses lecteurs qu’il mettait fin au débat sur dans ses pages concernant ce dossier.
Pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse retient partiellement la plainte contre le journal Nouvelles/Hebdo, sur la base d’un seul grief.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C08H Lettres diffamatoires
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser