Plaignant
M.
Nidal Joad
Mis en cause
M. Yanick Lévesque, journaliste, M. Jean
Lemay, directeur de la programmation, M. Claude St-Germain, directeur général
et la station radiophonique CJSO-FM
Résumé de la plainte
M. Nidal Joad porte plainte contre la
station CJSO-FM et le journaliste
Yanick Lévesque. La plainte vise des propos et des comportements non conformes
à l’éthique journalistique de la part de M. Lévesque lors de l’émission
radiophonique «Terminus » du 25 avril 2003.
Griefs du plaignant
Le plaignant reproche au journaliste Yanick
Lévesque et à la station CJSO-FM
d’avoir mal informé le public et de ne l’avoir informé que partiellement en ne
livrant que l’opinion des dirigeants de la ville de Sorel-Tracy mais non celle
de l’opposition. Ces manquements seraient survenus en 2003, entre la date de
l’adoption d’un règlement d’emprunt et celle de la signature du registre pour
s’y opposer.
La plainte vise également la partialité
dont aurait fait preuve le journaliste Yanick Lévesque qui aurait fait valoir
une opinion à l’appui du règlement dans son émission «Terminus » du 25
avril 2003. Le plaignant explique que les opposants au règlement d’emprunt pour
la revitalisation du centre-ville de Sorel ont réussi à contester celui-ci avec
817 signatures, le 22 avril 2003. Trois jours plus tard, le journaliste prenait
parti en affirmant qu’il est d’accord avec le projet de revitalisation.
M. Joad indique qu’il est chef du parti
politique municipal Action Civique Active à Sorel-Tracy, mais qu’en dépit de
cela, CJSO n’a pas cherché à couvrir
son opinion, même si celle-ci lui était parvenue par courriel et par
télécopieur et qu’elle avait été publiée par le journal
La Voix du 12 avril. Jusqu’au 22 avril, date de la signature du
registre contre le règlement d’emprunt, CJSO-FM
n’a couvert que l’opinion des dirigeants et des personnes qui sont en accord
avec le projet, soit le maire Marcel Robert, les conseillers municipaux et le
député de Richelieu à l’Assemblée nationale, Sylvain Simard.
Commentaires du mis en cause
En
guise de commentaires, le directeur de la programmation, Jean Lemay, transmet
au Conseil de presse ce qu’il nomme « une série de trois communications
mensongères et accusatrices et même menaçantes de M. Joad à l’endroit de notre
journaliste Yanick Lévesque ».
Le
premier envoi, daté du 9 avril, est un courriel de M. Joad adressé au
journaliste. Le plaignant y indique : «Depuis plus d’une semaine, vous
couvrez par vos nouvelles les 3 autres candidats et pas moi. Bien que vous en
avez assez des communiqués à couvrir vous ne couvrez pas. » M. Joad continue en
rappelant que ce qui a été convenu au tout début est que le journaliste
accorderait à chaque candidat 5 minutes dans son émission «Terminus » du
11 avril. M. Lévesque lui aurait ainsi promis qu’il aurait une couverture égale
aux trois autres candidats.
Le
plaignant dit avoir confectionné son plan de campagne électorale en conséquence
et tient le journaliste responsable s’il y a erreur dans sa campagne. Pour lui,
comme le journaliste a décidé de consacrer son émission «Terminus » à la
couverture du débat seulement, il a décidé ainsi de favoriser les trois autres
candidats concernés.
Le plaignant reproche également au
journaliste sa partialité lors des nouvelles régionales du 9 avril, car sa
présentation et sa contestation de l’attitude de M. Simard auraient dû faire
partie intégrale de la nouvelle.
Après avoir réaffirmé son désaccord avec le
traitement de l’information du journaliste, il lui sert un avertissement : « Je
vous rappelle que vous aussi pouvez être actionné personnellement d’une action
de 50 000 $. Je vous demande de me prendre au sérieux car pour cette fois-ci ce
sera une action. À défaut de vous ajuster, une lettre de mise en demeure vous
sera livrée par un huissier lundi le 14 avril. »
La seconde missive de M. Joad indique au
journaliste qu’il se retrouve devant deux options :
« 1. Soit respecter la loi et les
règlements du Conseil de presse du Québec, oublier votre orgueil et la loi et
l’intérêt public, et par conséquent, traiter mes communiqués selon leur valeur
et leur importance.
2.
Ou soit, plus malheureusement, perdre le temps et l’énergie par une
action judiciaire et préparer un chèque d’un montant assez impressionnant. »
Tout en lui conseillant de choisir la première option, il termine en lui
rappelant que ce conseil d’ami vise son intérêt et celui du public et que c’est
à lui d’en décider.
Le troisième texte, daté du 9 mai, est
adressé au directeur général de la station. M. Joad
y déplore une erreur du journaliste Yanick Lévesque qui aurait
mal informé les auditeurs : le sujet de sa plainte au Conseil de presse ne
serait pas sa défaite électorale, mais que le journaliste a
exprimé un appui au projet de revitalisation
du centre-ville et n’a pas informé le public de son opinion concernant ce
projet à savoir qu’il s’opposait au règlement d’emprunt mais non au projet
comme tel. Il ajoute qu’une nouvelle plainte sera portée ce même jour et une
action judiciaire sera entreprise concernant le non-respect de la loi
électorale.
M. Joad termine en invitant le directeur
général, M. St-Germain à « diriger Yanick Lévesque pour qu’il agisse en
conséquence (du respect de la loi et du Conseil de presse) ».
Quelques jours plus tard, le directeur de
la programmation achemine au Conseil copie audio de l’émission «Terminus
» du 25 avril 2003. M. Lemay invite le Conseil à constater que les opposants au
projet de revitalisation du centre-ville étaient représentés lors de cette
émission par M. Daniel Blette et ce, contrairement aux allégations de
partialité de M. Nidal Joad.
Réplique du plaignant
Le plaignant répond en proposant quelques
éclaircissements qui, selon lui, permettent de constater « la position d’ennemi
de la part de CJSO ».
M. Joad explique que le CÉGEP a organisé un
débat pour les candidats et qu’après avoir d’abord été invité, cette invitation
lui a ensuite été retirée. Il s’y est tout de même présenté pour faire valoir
son opposition à ce débat qui, selon lui, ne respectait pas tous les candidats.
Il a donc participé et, durant la période de questions, interrogé M. Simard,
celui qui avait demandé que son invitation lui soit retirée.
CJSO a diffusé le débat à deux reprises,
mais en coupant son intervention.
Pour M. Joad, la station a fait la
couverture d’un événement partial et par conséquent cette couverture est
également partiale. Tout en reconnaissant que la liberté de presse permet aux
médias de couvrir les événements qu’ils choisissent, les événements couverts,
selon lui, doivent l’être de façon complète; autrement les auditeurs sont mal
informés. Pour le plaignant, le fait de se présenter au débat et de poser des
questions fait partie intégrale de l’événement.
Le plaignant dénonce le fait que d’autres
rencontres ont également été couvertes par CJSO,
rencontres qu’il leur avait demandé de ne pas couvrir, parce qu’elles
favorisaient un candidat au détriment d’un autre, mais que les mis-en-cause ont
tout de même couvert, sans mentionner son opposition aux rencontres.
De plus, la station
CJSO n’a pas donné suite à son invitation à une conférence de
presse pour faire connaître son opinion et la solution qu’il proposait
concernant le référendum du 15 juin. Selon le plaignant, c’est depuis la
signature du registre des opposants à l’emprunt pour le projet de revitalisation
du centre-ville que CJSO ne lui
accorde plus de couverture, alors que la station couvre continuellement les
opinions des personnes en accord avec le projet.
Dans sa région, il y a eu quatre candidatures actives; il
considère que sa contestation fait partie des nouvelles et que cette opinion
aurait dû être rapportée.
Analyse
L’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission non plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne, mais aussi de façon qualitative, tout étant fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
En vertu de ces principes extraits du guide déontologique du Conseil de presse, malgré les prétentions de M. Joad, du parti politique municipal Action Civique Active (ACA), les mis-en-cause n’avaient pas nécessairement à assurer la symétrie entre les informations provenant de chacune des composantes de la scène municipale – dont l’ACA – dans la mesure où ils donnaient aux deux camps une couverture équitable. Et cette décision revenait à la station CJSO qui, aux yeux du Conseil, s’est acquittée de cette tâche dans le respect des règles déontologiques.
Par ailleurs, M. Joad affirmait que les mis-en-cause n’avaient pas couvert l’opinion des opposants au projet de revitalisation du centre-ville, objet du débat au moment de la plainte. Malgré les protestations fermes du plaignant, ce dernier n’a pas fait la démonstration de ses avancées et par conséquent, ce grief n’a pas non plus été retenu par le Conseil de presse.
Un autre aspect a également retenu l’attention du Conseil et pour lequel il apparaît opportun de référer à la déontologie et d’en rappeler un principe.
Dans l’exercice de leur fonction, les professionnels de l’information ne doivent pas se faire les publicistes ou les promoteurs des mouvements dans lesquels ils militent même si, dans les faits, ils transmettent l’information d’une façon adéquate et rigoureuse. Leur rôle n’est pas de dicter au public ce qu’il doit penser, mais de le renseigner le plus justement possible pour qu’il soit en mesure de porter un jugement éclairé sur les événements. Les entreprises de presse ont aussi une responsabilité en cette matière. Et elles doivent veiller, entre autres, à ce que, par leurs affectations, leurs journalistes ne se retrouvent pas en situation de conflits d’intérêts.
L’audition de l’enregistrement fourni par les mis-en-cause a démontré hors de tout doute que lors de l’émission d’affaires publiques du 25 avril 2003, le journaliste Yanick Lévesque et son collègue animateur Raynald Bergeron ont nettement pris parti pour un camp donné, à l’encontre des règles professionnelles qui exigeaient d’eux la plus grande neutralité dans le débat. Le Conseil a donc retenu le grief sur cet aspect, tout en adressant la mise en garde suivanteà CJSO: afin d’éviter toute confusion des genres, un média d’information se doit d’identifier clairement la tribune qu’il se réserve dans ses pages ou sur ses ondes, pour prendre position sur tout sujet ou dans tout débat d’intérêt public.
Le plaignant avait ajouté à l’intérieur de sa réplique certains griefs additionnels concernant notamment la rediffusion du débat sans la période de questions, des rencontres politiques partiales couvertes par CJSO et l’absence de couverture de sa candidature depuis le débat. Comme les mis-en-cause n’ont pas eu l’opportunité de présenter de réplique à ces griefs le Conseil ne les a pas retenus pour fins d’analyse.
Décision
Ainsi, au terme de cet examen, le Conseil de presse ne retient-il la plainte qu’au seul motif de conflit d’intérêts apparent plus haut mentionné, en précisant que cette décision s’applique conjointement à la station CJSO-FM pour avoir cautionné un tel état de fait.
Analyse de la décision
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité