Plaignant
M. Kristian Gravenor
Mis en cause
M. Martin
Patriquin, journaliste, M. Dimitri Katadotis, rédacteur en chef, M. Pierre
Paquet, éditeur, Communications Voir
et l’hebdomadaire Hour
Résumé de la plainte
M. Kristian Gravenor, journaliste à
l’hebdomadaire montréalais Mirror,
porte plainte contre le journaliste Martin Patriquin du journal montréalais
Hour pour avoir publié des informations
fausses à son sujet. Ce faisant, M. Patriquin aurait porté atteinte à sa
réputation et mis sa famille en danger.
Griefs du plaignant
Kristian Gravenor, qui
est journaliste à l’hebdomadaire
Montreal Mirror, porte plainte contre le journaliste Martin
Patriquin de l’hebdomadaire anglophone montréalais
Hour pour avoir publié des informations fausses à son sujet. Le
plaignant estime que M. Patriquin
a ainsi porté atteinte à sa réputation et mis en danger les membres
de sa famille. Il l’aurait même fait deux fois dans la même édition du journal
Hour le 19 juin 2003.
M.
Patriquin aurait d’abord écrit dans son journal: «
Montreal Mirror columnist Kristian Gravenor, who owns a home near
Oxford Park where the league used to play, went so far as to call the fans
« hooligans » at a council meeting. ».
Pour le plaignant, ceci est entièrement faux et il
aurait dit tout le contraire les trois fois qu’il est allé aux réunions du
Conseil d’arrondissement Côte-des-Neiges / Notre-Dame-de-Grâce. Il aurait
plutôt dit que le président de la ligue, M. Earl Gordon, avait tout son respect
et qu’il était certain que les joueurs sont très
gentils, « mais que la ligue et la foule sont trop grandes pour le parc ». Le
mis-en-cause aurait publié tout le contraire.
À la suite de cet article, un homme qui
était dans le parc en compagnie de ses enfants, s’est fait menacer devant eux
par des individus qui croyaient qu’il était l’auteur des paroles rapportées par
le journal. Selon M.Gravenor, ce qu’a écrit le journaliste a donc
engendré une menace à la sécurité de sa famille. Pour lui, l’irresponsabilité
et la lâcheté du mis-en-cause sont inacceptables.
La même accusation reviendrait dans un
autre article dans la même édition du journal. Pourtant, à chaque entrevue
qu’il a donnée, il a pris soin de ne jamais insulter les gens de la ligue. Il
trouve inacceptable, voire raciste, que le journaliste ait parlé de la couleur
de sa peau, ce qui n’a rien à voir avec le dérangement des voisins. Il cite
ensuite l’extrait contesté :
«
League detractors, meanwhile, are themselves
largely home-owning whites who live near Oxford Park, and are aghast at the
resulting brouhaha when soccer comes to their neighbourhood. These people
complain about noise, booze, overcrowding of the park and vandalism. The
Mirror’s Kristian Gravenor called the fans « hooligans » (!), either
forgetting or ignoring the term’s violent connotations. (Soccer hooligans don’t
just make noise, folks. They have a tendency to try and bash your head in if
you wear the wrong colours.) All this, despite the fact that the police have
received only a few complaints for noise and drinking. There is a mess to clean
up after the games, to be sure, and like any large gathering of people, there
is bound to be more than a moron in the pack. Still, noise and broken glass are
hardly worthy of eviction to La Salle, as happened recently. Appearances may
well be deceiving, but one can’t help but see the obvious color line that
divides the two sides ».
Le plaignant ignore
pourquoi le journaliste le cite, il ne lui a jamais parlé de sa vie. Le
journaliste n’a jamais fait d’effort pour le rejoindre. Il trouve bizarre cette
phrase qu’il n’aurait jamais dite et demande où le journaliste a pris cela.
S’il considère qu’il y a des problèmes de comportement chez certains
spectateurs, il ne généralise pas ce comportement à tous. Ce que le journaliste
suggère, au fond, « c’est qu’on est des racistes »; ce que nie le plaignant. Sa
vie et ses articles dénonçant le racisme démontrent le contraire depuis
longtemps. Le plaignant s’étonne qu’un journaliste fasse deux articles la même
semaine sur une petite histoire locale si banale et pense que le mis-en-cause
visait plutôt à dénoncer un journaliste concurrent.
Commentaires du mis en cause
Selon M. Patriquin, le plaignant est le
plus grand critique de la West End Recreational
Soccer League
(WERCL). M. Gravenor a souvent critiqué publiquement le fait que le
parc Oxford soit le lieu de rendez-vous de la ligue, de même qu’il a critiqué
ses partisans. Il l’a même écrit dans une chronique (
column
) l’an dernier et c’est par ce texte que M. Patriquin aurait connu
sa position. Il supposait qu’il pouvait la mentionner puisque le journaliste
avait déjà écrit sur le sujet.
M. Patriquin répond ensuite à M. Gravenor
qui niait avoir utilisé le mot « hooligan » lors de la réunion du Conseil
d’arrondissement. Selon lui, M.Gravenor a utilisé ce mot en présence d’un
journaliste du Suburban pour désigner les partisans (
supporters). Ses paroles ont même été
citées dans ce journal sans qu’il ne porte plainte devant le Conseil de presse.
M. Patriquin fait alors observer que M. Gravenor ne dit pas la même chose dans
un courriel qu’il lui a envoyé à la suite de la parution de l’article et où il
a écrit
: « I might have referred to soccer hooligans
in one context or another, but I never branded the league in general as
hooligans. » « M. Gravenor a raison, il n’a jamais
fait référence à la ligue à titre de «
hooligans « , et pour ma part, je n’ai jamais dit qu’il l’a
fait », soutient le mis-en-cause. « Ce sont les spectateurs qu’il a désignés
ainsi. »
M. Patriquin se dit malheureux que la
famille de M. Gravenor se sente menacée. Il trouve tout de même un peu exagérée
son accusation d’irresponsabilité professionnelle
(journalistic
irresponsability), puisque le plaignant a lui-même
admis avoir fait référence aux « hooligans » et qu’une autre publication l’a
également rapporté. M.Patriquin se demande comment il peut être blâmé du
fait qu’un de ses voisins s’est fait harceler. Il affirme ne pas être
responsable des actions des autres personnes, particulièrement de celles qui en
harcèlent d’autres après avoir lu quelque chose dans un journal. Il résume le
tout en disant : « Tout ce que je sais, c’est que M. Gravenor a utilisé le mot
« hooligans » en public et que je l’ai rapporté dans ma chronique ». Il ajoute
qu’il trouve absurde que M. Gravenor considère qu’il copie ses idées semaine
après semaine.
Le mis-en-cause répond ensuite à
l’accusation de M. Gravenor selon laquelle il trouve anormal qu’un journaliste
écrive deux articles la même semaine sur un sujet aussi banal, ce qui ressemble
à une attaque à un compétiteur. Si l’histoire est si banale, pourquoi a-t-il
lui-même produit une chronique sur le sujet? En fait, il a écrit ces deux
articles pour traiter de deux aspects différents de la nouvelle : la menace de
poursuite contre le conseiller Jeremy Searle; et les commentaires au sujet de
M. Searle en particulier et de la ligue en général.
Enfin, pour ce qui est de la plus grave
accusation, celle à l’effet que le journaliste avait laissé entendre qu’il
était raciste, il affirme que ce n’est pas ce qu’il a fait. Dans son article,
il a tenté de démontrer que M. Gravenor était intolérant à l’idée qu’on joue au
soccer dans le parc du voisinage. M. Patriquin en donne pour preuve un extrait
de la lettre qu’il lui a fait parvenir à la suite de la publication de sa
chronique, lettre qui illustre très explicitement son point de vue sur la ligue
de soccer et sur ses partisans.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a fourni aucune réplique.
Analyse
Pour qu’un grief exprimé dans le cadre
d’une plainte soit retenu par le Conseil de presse, non seulement faut-il que
ce que le plaignant y dénonce soit vraisemblable mais en outre, il faut que le
plaignant fasse une démonstration probante que ce qu’il avance est conforme aux
faits.
Or, dans le cas soumis à l’attention du
Conseil, le plaignant contestait l’exactitude de ce qu’avait rapporté le
journaliste concernant des propos qu’il aurait tenus en public. Le journaliste
rétorquait que dans une correspondance privée, le plaignant reconnaissait avoir
déjà fait référence aux « hooligans » et il en fournissait la preuve. L’examen
du document révèle effectivement l’utilisation par le plaignant du mot
«hooligans », mais sans en préciser le contexte. Par contre, le Conseil
n’a jamais pu prendre connaissance de ce qu’a effectivement dit M.Gravenor
en public, sinon par l’affirmation contenue dans sa plainte, aussitôt
contredite par celle du journaliste mis en cause.
Devant des opinions contradictoires et non
démontrées, le Conseil de presse ne retient jamais les griefs. Ainsi, tout ce qui
concerne le grief d’inexactitude des affirmations de M. Patriquin dans ses
articles ne peut être retenu.
Le plaignant invoquait ensuite qu’à cause
des propos inexacts rapportés par le journaliste, ce dernier avait atteint à sa
réputation et mis en danger les membres de sa famille. P
uisque le plaignant n’a pas fait la preuve de l’inexactitude examinée
précédemment, il n’est pas non plus possible de retenir les accusations qui en
découlent, soit qu’il y a eu atteinte à la réputation et conduite irresponsable
de la part du journaliste.
Le plaignant reprochait ensuite au
journaliste d’avoir publié inutilement deux articles sur le sujet de même que
d’avoir utilisé des propos à connotation raciste en faisant référence à la
couleur de certains individus. Après examen et sur ces aspects, le Conseil a
considéré qu’en vertu de la latitude journalistique reconnue aux journalistes
et aux médias, les mis-en-cause n’avaient pas outrepassé les règles
déontologiques habituelles.
Enfin en ce qui a trait au reproche au journaliste
de n’avoir pas fait les efforts pour le rejoindre, le Conseil donne raison à
M.Gravenor sur cet aspect et il estime que si les parties avaient échangé
entre elles, l’imbroglio dans lequel elles se sont retrouvées aurait
vraisemblablement pu être évité.
Au-delà de cette réserve, le Conseil de
presse rejette sur le fond la plainte contre l’hebdomadaire
Hour et son journaliste Martin
Patriquin.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C15D Manque de vérification
- C15I Propos irresponsable
- C17G Atteinte à l’image