Plaignant
M. Murray Levine
Mis en cause
M. Martin Patriquin, journaliste, M.
Dimitri Katadotis, rédacteur en chef, M. Pierre Paquet, éditeur, Communications
Voir et l’hebdomadaire Hour
Résumé de la plainte
M. Murray Levine porte plainte à l’encontre
de l’hebdomadaire Hour à propos d’un
article du journaliste Martin Patriquin paru le 30 mai 2002, et de commentaires
que le même journaliste aurait fait concernant la lettre que le plaignant avait
écrite à l’éditeur du magazine, le 6 juin 2002.
Le plaignant reproche notamment au
journaliste d’avoir écrit qu’il «harcelait» les organisateurs du
Tour de l’Île de Montréal, en vue d’obtenir leur coopération pour que
l’événement soit associé à des œuvres de charité.
Griefs du plaignant
La plainte s’organise comme une réponse aux
propos tenus par le journaliste Martin Patriquin, en premier lieu, dans
l’article du 30 mai 2002, et en second lieu, dans les commentaires que celui-ci
a faits, suite à la lettre du plaignant à l’éditeur publiée le 6 juin 2002.
En ce qui concerne l’article «Tour de
Farce» du 30 mai 2002, le plaignant affirme ne pas avoir été en contact
avec l’organisation du Tour de l’Île de Montréal depuis au moins 6 ans, si bien
qu’il ne voit pas comment il aurait pu «harceler» ses organisateurs
ces dix dernières années, tel qu’il est mentionné dans l’article.
Il remet en question les propos de M.
Patriquin selon lesquels il aurait indisposé l’Université McGill. Il joint,
d’ailleurs, une lettre reçue de l’Université, dans laquelle le Bureau de
développement évoque le même projet de coopération que le plaignant revendique
pour le Tour de l’Île de Montréal.
Par ailleurs, le plaignant prétend que,
contrairement à ce que l’article indique, le maire Gérald Tremblay n’a pas
«décliné poliment son invitation» à prendre part à la cause. Au
contraire, il affirme qu’en appelant Tommy Schnurmacher ou Kim Fraser de CJAD,
on aura la confirmation que M.Tremblay a bel et bien dit sur les ondes de
CJAD qu’il avait l’intention de parler à l’organisation du Tour de l’Île
de Montréal d’une coopération avec des œuvres charitables. Il dit attendre de
M. Tremblay qu’il respecte sa parole. Celui-ci ne l’aurait pas encore
contacté.«Il est évident que c’est un homme occupé!», s’exclame-t-il.
M. Levine affirme n’avoir jamais menacé de
«harceler» les volontaires du Tour. Il leur aurait simplement tendu
des prospectus, le jour de l’événement, leur demandant d’abandonner la course,
estimant que cet événement ne méritait pas qu’ils s’en portent volontaires. Il
soutient à nouveau ne pas avoir menacé de harceler ni d’avoir harcelé qui que
ce soit.
Dans le numéro suivant de l’hebdomadaire
Hour, le 6 juin 2002, M. Levine répondait à l’article de
M. Patriquin par la voie du courrier des
lecteurs intitulé « mailbox ». Annexés à cette réplique
apparaissaient les commentaires de M.
Patriquin auxquels le plaignant répond maintenant.
Le plaignant affirme avoir envoyé de
nombreux fax à l’organisation du Tour, mais qu’il se serait arrêté quand on lui
a demandé de le faire. De ce fait, il considère qu’«aux yeux de la
loi», on ne peut l’accuser de «harcèlement par fax». Il
soutient ne pas avoir envoyé «des centaines de fax, voire plus»,
tel que l’affirme Martin Patriquin.
Il explique ensuite que ses propos tenus à
Suzanne Lareau, une des organisatrices du Tour, à l’effet qu’il serait
«le pire salaud qu’elle aurait jamais à croiser au cours de son
existence». Selon lui, ces propos ne constituaient, en fait, qu’une
blague, si on les remettait dans le contexte où il ne cherchait alors qu’à
obtenir leur coopération à des œuvres charitables.
Le plaignant reconnaît, de plus, avoir
effectivement mentionné, au cours de son entrevue avec Martin Patriquin, le
livre de Saul Alinsky «Rules for radicals » et les tactiques que
celui-ci propose. Mais, il met au défi M. Patriquin, qui ne connaissait pas cet
auteur, de prouver que les tactiques préconisées par Alinsky incluent aussi le
harcèlement, tel qu’il le prétend.
M. Levine estime que l’article de M.
Patriquin ne fournit aucun repère chronologique (timeline). En outre, le
journaliste s’efforcerait d’établir qu’il y a bel et bien eu harcèlement et de
le faire passer pour quelqu’un qui a commis un délit ou un crime.
Le plaignant justifie alors son action en
disant que le Québec est la zone où les dons aux œuvres de charité et le
bénévolat sont les moins répandus dans toute l’Amérique du Nord, la fin
justifie les moyens. Il utilise l’exemple du marathon de Londres où 76 % des 43
000 participants mobilisent des fonds pour les bonnes œuvres.
M. Levine considère que, ne pouvant
argumenter ce qu’il avançait, M. Patriquin a inventé des choses. Par exemple,
le journaliste a affirmé que le plaignant n’avait pas été aussi ouvert au
public, à propos de ses tactiques, que ce qu’il a été avec lui quand il l’a
interrogé. Sur ce point, le plaignant considère que le journaliste ne peut rien
affirmer puisqu’il il n’a pas parlé à toutes les personnes à qui il a lui-même
parlé. Il estime que M. Patriquin a cherché à le faire passer pour un menteur.
Le plaignant déclare enfin ne rechercher
aucune excuse ni rétractation. Il souhaite seulement que son projet de
coopération avec le Tour puisse aboutir.
Commentaires du mis en cause
M. Katadotis, rédacteur en chef considère
que le journaliste a fait de son mieux pour présenter une vue impartiale et
documentée de l’affaire. Selon lui, M. Patriquin a mis en évidence les efforts
de M.Levine pour convaincre l’organisation du Tour de l’Île de Montréal
de permettre aux participants de collecter de l’argent pour les œuvres de
charité.
Alors que M. Levine prétend n’avoir harcelé
personne, M. Katadotis déclare que les représentants de l’organisation du Tour
de l’Île voient certainement les choses différemment.
Enfin, il se demande pourquoi M. Levine
fait la démarche de porter plainte, s’il ne recherche aucune excuse ni
rétractation. « Qu’est-ce que la réalisation de son projet a à faire avec
[leur] journal?», demande-t-il.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a pas utilisé son droit de
réplique.
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de rechercher et de collecter les informations sur les faits et les événements sans entrave ni menace ou représailles. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Un des griefs exprimés par le plaignant en regard de l’article mis en cause avait trait au manque de repères chronologiques dont le journaliste aurait privé le lecteur. En vertu du principe de liberté rédactionnelle, le journaliste avait le droit de choisir de ne pas insister sur la dimension temporelle du sujet traité, pour mettre l’accent sur d’autres éléments jugés plus pertinents. Dans le présent cas, ce choix ne privait pas les lecteurs d’une donnée essentielle à la compréhension de l’article et, aux yeux du Conseil, ne peut être interprété comme un manquement professionnel.
La majorité des reproches formulés à l’endroit du journaliste avait trait au manque d’exactitude dont il aurait fait preuve en regard de plusieurs sujets abordés. Le plaignant les relèvent et demande que le journaliste en prouve l’exactitude.
Le Conseil aimerait rappeler, à cet égard, qu’il ne suffit pas à un plaignant de formuler une accusation pour obtenir automatiquement une condamnation de sa part sur un sujet donné. Encore faut-il que la véracité de ce qui fonde l’accusation soit établie. Et il appartient au plaignant de fournir la preuve de ce qu’il avance.
Or, après examen, le Conseil constate que tous les griefs exprimés par le plaignant en regard de l’inexactitude de l’information n’ont pas été démontrés et, par voie de conséquence, ces griefs n’ont pas été retenus.
Il en va de même pour deux autres accusations formulées par le plaignant. La première était à l’effet que, ne pouvant argumenter ce qu’il avançait, M. Patriquin avait inventé des choses.
La seconde voulait que le journaliste ait tenté de faire passer M. Levine pour un menteur mais sans pouvoir le prouver. Ces deux accusations n’ayant pas été démontrées, elles n’ont pas été retenues.
En utilisant une notion de « harcèlement » qui reposait sur une interprétation bien personnelle du mot, basée sur une approche légale, M Levine accusait également le journaliste d’avoir voulu le faire passer pour quelqu’un qui avait commis un délit criminel.
L’examen du dossier a révélé que, bien que le journaliste parle de harcèlement et de quasi-menace (quasi- threats ) dans son article, à nul endroit M. Patriquin n’a laissé entendre que le comportement du plaignant équivalait à une offense criminelle.
Pour le Conseil, l’acception donnée par le journaliste au mot «harcèlement » dans le contexte de l’article mis en cause n’avait pas la portée que lui impute le plaignant et ne peut être considérée comme portant atteinte à sa réputation ou à son image.
Enfin, le Conseil a noté que le plaignant avait eu la possibilité de s’expliquer et de faire valoir son point de vue dans les pages du lecteur.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Murray Levine contre le journaliste M. Martin Patriquin et le magazine hebdomadaire Hour.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12D Manque de contexte
- C15D Manque de vérification
- C15I Propos irresponsable
- C17G Atteinte à l’image