Plaignant
M. Stanley Neil
Mis en cause
M. Henry R.
Keyserlingk, journaliste, Mme Sharon McCully,
directrice, et le quotidien The Record
Résumé de la plainte
M. Stanley Neil porte plainte contre le quotidien
The Record, sa directrice Mme Sharon
McCully et son journaliste Henry R. Keyserlingk,
pour manque d’impartialité et publication de lettres de lecteurs diffamantes à
son endroit. Plus spécifiquement, il pointe deux articles publiés à trois jours
des élections municipales où il était candidat, articles contenant, entre
autres, des attaques personnelles et dans lesquels on l’aurait ridiculisé en
plus de réveiller des problèmes déjà réglés. Enfin le journaliste M.
Keyserlingk se serait placé lui-même en situation de
conflit d’intérêts.
Griefs du plaignant
M. Stanley Neil amorce sa plainte contre le quotidien
The
Record en rappelant les faits. Le 2
novembre 2003, la municipalité du Lac Brome, dont il était maire depuis
novembre 1999, tenait des élections municipales et il était à nouveau candidat.
Entre novembre 1999 et le jour des élections,
The
Record a publié plusieurs articles qui, de l’avis du plaignant,
n’auraient pas dû l’être à cause de leur manque d’impartialité.
The
Record a également autorisé la
publication de plusieurs lettres de lecteurs, provenant souvent de la même
source, lettres qu’il estime diffamatoires à l’égard des représentants de la
Ville et notamment à son propre égard.
Il précise que sa plainte vise plus spécifiquement deux
articles publiés dans les trois jours précédant les élections municipales.
Toutefois, il fera également référence à quelques autres articles pour étayer
sa démonstration. Le plaignant détaille sa plainte en huit points.
1. Le mercredi 29 octobre 2003, M. Henry Keyserlingk
a produit un article intitulé « Time for clean sweep
on TBL council ». Le journaliste y fait alors
plusieurs attaques très personnelles contre le plaignant en le visant
spécifiquement à au moins 15 occasions.
2. Au cours de cet article, le journaliste fait référence à
une lettre du 3 mai rédigée par M.D.Wing
[un conseiller municipal] dans laquelle ce dernier demande la démission du
maire. M.Wing avait reçu une mise en demeure à
la suite de ce geste et le plaignant s’interroge sur le professionnalisme du
journal qui permet à un de ses journalistes de citer des énoncés contenus dans
le document, plus spécialement à trois jours des élections municipales.
3. Le plaignant
demande pourquoi The
Record a permis à M.
Keyserlingk de soulever à nouveau, à trois jours des
élections, un problème réglé depuis deux ans au sujet d’un sentier de
motoneige.
4. En ce qui concerne
l’affaire de la route Darrah, il s’agit d’un dossier
déjà réglé par la Ville. En outre, alors que M. Keyserlingk
a déjà admis dans un article avoir un intérêt personnel dans le dossier, son
journal a permis que pas moins de dix textes soient publiés sur le sujet. Et il
faut noter qu’à l’exception de M.Keyserlingk,
tous les résidents de la route Darrah ont signé une
pétition voulant que leur route soit fermée. Le plaignant annexe aussi la copie
d’un texte d’un citoyen préoccupé des dérives éditoriales de M.
Keyserlingk.
5. M. Keyserlingk aurait également
ridiculisé le maire Neil à la suite d’une de ses déclarations voulant que la
loi soit là pour protéger le processus démocratique. Le plaignant s’étonne de
ce que M. Keyserlingk, qui est juriste de formation,
agisse ainsi et remette en question le processus démocratique; pourtant, la
modification du règlement de zonage à laquelle il fait référence a été défaite
lors d’un référendum antérieur à l’élection du maire actuel.
The
Record n’aurait donc jamais dû, selon
lui, permettre à qui que ce soit de laisser entendre à trois jours des
élections, que le maire actuel avait fait quelque chose de répréhensible à ce
sujet.
6. Le plaignant aborde ensuite la question de sa demande de
remboursement de ses frais juridiques. Alors que dans un article publié le 16
avril le journaliste cite des articles de loi utilisables pour défendre les
représentants officiels de la Ville, dans un article du 29 octobre, il fait le
contraire. Le plaignant conteste donc le professionnalisme et l’intégrité du
quotidien qui permet cela à trois jours des élections.
7. Le plaignant
reproche au journaliste d’avoir utilisé son journal dans une tactique de peur
pour convaincre les électeurs, trois jours avant le scrutin, qu’il y avait une
similarité entre « l’affaire Gauthier », une affaire de brutalité policière
survenue avant le mandat du maire actuel, et la situation actuelle.
8. M. Neil rapporte
enfin que le vendredi précédant les élections, la directrice du journal, Mme
Sharon McCully, publiait un article sous le titre «
Mayor
should
reflect
town » dans lequel elle a écrit que « très
souvent, la seule impression que les étrangers ont d’une ville leur vient des
manchettes [des journaux] ». Dans cet article la directrice énumère plusieurs
éléments peu reluisants du passé de la municipalité. Cet article semble avoir
été écrit pour coïncider avec tout ce qui a été mentionné plus haut et plus
spécialement l’article « Time for a clean sweep on
TBL council ». Cet article engendre donc une
impression fausse et induit en
erreur les citoyens.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la directrice du quotidien
The Record, Mme Sharon McCully:
Mme McCully rappelle que son
journal est un quotidien qui dessert la population anglophone des Cantons de
l’Est depuis 106 ans. Et que M. Keyserlingk est un
procureur de la Couronne à la retraite qui rédige une chronique hebdomadaire (
column) dans son journal depuis 1997. Ses
chroniques concernent surtout, mais non exclusivement, des sujets d’intérêt
juridique.Sa connaissance des lois et de leur application est sans
contredit un irritant pour ceux qui voient leurs manquements révélés au public.
À cause de la nature d’un journal communautaire qui a pour
objet les enjeux locaux, les chroniqueurs (columnist)
sont, à l’occasion, très près des sujets qu’ils traitent. Dans de telles
situations, chaque intérêt direct relatif à un sujet traité est déclaré.
The
Record a également établi une politique
très ouverte en ce qui a trait au courrier des lecteurs et il encourage les
débats sur les questions touchant la communauté.
Selon la directrice du journal, dans sa plainte l’ancien
maire de la ville du Lac Brome reproche au chroniqueur d’avoir fait des
commentaires sur l’administration précédente alors que les questions soulevées
ont pourtant déjà fait l’objet de nouvelles et qu’elles étaient d’intérêt
public. La directrice ajoute que M. Neil lui reproche également d’avoir écrit,
à la veille des élections, un éditorial pour rappeler aux électeurs
l’historique de la gouvernance de la Ville et pour inviter le Conseil à une
conduite faisant montre de plus de dignité.
En remettant en question le moment de publication de la
chronique et de l’éditorial, le plaignant laisse entendre que ce serait une
cause de sa non-réélection. Pourtant, le 24 octobre,
le quotidien a publié une longue entrevue pré-électorale
dans laquelle M. Neil a eu l’opportunité de faire valoir son programme et où il
a pu répondre aux critiques sur sa gestion des grands dossiers municipaux.
La chronique hebdomadaire de M. Keyserlingk
du mercredi 29 octobre était sa dernière avant les élections municipales. Comme
elle porte habituellement sur des questions d’actualité, il tombe sous le sens
qu’elle devait traiter des présentes élections. M. Neil, ou n’importe lequel de
ses partisans, avaient donc deux jours avant les élections pour répliquer par
le courrier des lecteurs.
Tout au long de son histoire,
The
Record a toujours produit un éditorial à la veille des élections
municipales, provinciales ou fédérales, une pratique que la directrice a toujours
l’intention de poursuivre. Selon elle, le plaignant remet en question le droit
du public à réagir. Or, depuis longtemps, la politique du journal est
d’encourager ses lecteurs à débattre ouvertement des sujets d’intérêt pour la
communauté. Plusieurs lettres ont été publiées, certaines critiquant et
d’autres supportant les décisions du Conseil. La fille de M. Neil a soumis une
lettre à l’éditeur qui a été publiée immédiatement après les élections. De même
en est-il de la lettre soumise par le plaignant à la suite des élections. Les
journalistes du quotidien ont également couvert avec diligence et objectivité
les réunions du conseil et interrogé des personnes des deux camps lors de
débats. Tout cela, en toute indépendance des positions prises dans les pages
éditoriales ou d’opinion du journal.
Selon la directrice, M. Neil n’a jamais communiqué pour se
plaindre de l’inexactitude des informations publiées dans
The
Record. Or, la politique du journal est d’apporter un correctif
immédiat à toute erreur de fait portée à l’attention du journal. Selon Mme
McCully, la plainte de M. Neil repose surtout sur
l’argument qu’une chronique et un éditorial portant sur les élections l’ont
dépeint sous un jour défavorable aux yeux des électeurs et furent ainsi
responsables de sa défaite électorale. Mais, selon elle, les électeurs ont
également pris en considération les quatre années de sa récente administration.
À ses commentaires, la directrice annexe 14 pages de nouvelles et de courrier
des lecteurs ayant trait aux activités municipales.
Commentaires de M. Henry Keyserlingk,
journaliste:
La réaction de M. Keyserlingk
comprend sept pages de commentaires présentés en deux parties, les commentaires
généraux et les commentaires spécifiques, ces derniers répondant aux huit
points soulevés par le plaignant. Le tout est suivi de 21 pages d’articles,
notamment de lettres de lecteurs, de reportages et de plusieurs de ses propres
chroniques.
A – Le chroniqueur amorce ses
commentaires généraux en précisant que depuis 1997 il a écrit plus de 300
chroniques pour
The
Record. Dans sa chronique du mercredi, il a toujours exprimé ses
opinions sur des sujets juridiques, politiques ou d’intérêt local.
B – L’objet de la plainte, la chronique du 29 octobre 2003
intitulée « Time for clean
sweep on TBL
council
», visait autant les actions du conseil municipal que celles du maire. Si le
plaignant a relevé les mots « maire », « Neil » et « he
» 15 fois dans le texte, le journaliste rappelle qu’il a également utilisé les
mots « council », « councilors
», « their names » et «
they » environ 18 fois.
C – Le plaignant laisse entendre qu’il était le candidat
favori dans les sondages et que sa défaite est attribuable à cette chronique.
Ce qui signifierait que même s’il a perdu par 329 voix contre M.
Wisdom (qui en a reçu 925 au total) cela voudrait dire que
329 personnes ont fait abstraction de ses quatre années à la mairie et ont
changé d’avis à trois jours des élections. Mais M. Neil n’explique pas pourquoi
les conseillers, qui ont également été critiqués, ont tous été réélus.
D – Chacune des questions auxquelles fait référence M. Neil
porte sur des sujets d’intérêt public, et plus spécialement sur la gestion des
conseillers, du maire ou des fonctionnaires de la Ville et ne peuvent être
qualifiées d’attaques personnelles. Il en donne pour exemple une de
ses chroniques publiée le 29 mai 2002.
E – Même s’il avait un intérêt personnel dans le dossier de
la route Darrah, le journaliste l’a déclaré
ouvertement à ses lecteurs en y consacrant, le 4 juillet 2001, un article
complet intitulé : «As a columnist,
am I walking a fine line? ».
F – À l’argument du plaignant voulant qu’en raison de la
date de publication de la chronique du 29 octobre 2003 il n’a pas eu le temps
de réfuter tout ce qui y avait été révélé, le journaliste rétorque que
pratiquement tous les incidents rapportés auxquels fait référence cette
chronique avaient déjà été rapportés dans des articles précédents qui remontent
jusqu’au 23 mai 2001.
G – En outre, à sa connaissance, avant les élections, le
plaignant n’a pas jugé nécessaire ou souhaitable de réfuter les opinions du
chroniqueur, soit par la voie du courrier des lecteurs, soit à l’occasion de
ses nombreuses entrevues avec les journalistes de
The
Record.
H – En examinant de plus près la plainte de M. Neil, on peut
observer que celui-ci conteste le droit du chroniqueur à écrire au sujet des
questions réglées (events
closed) ou pour des motifs négatifs (no constructive
purpose) mais que rarement il ne conteste les
faits rapportés dans ces chroniques.
I – Pour M.
Keyserlingk, dans sa plainte, M. Neil tire fréquemment ses
propres conclusions et des inférences qui n’apparaissent pas dans sa chronique
du 29 octobre mais il omet d’en indiquer les références.
Suivent les
commentaires spécifiques que M. Keyserlingk détaille
sur cinq pages, réfutant un à un chacun des reproches soulevés par le
plaignant.
Réplique du plaignant
Le plaignant présente une réplique spécifique à chacun des
journalistes mis en cause, la directrice et son chroniqueur en sept pages,
auxquelles s’ajoutent 41 pages d’annexes.
Dans sa réplique aux commentaires de Mme McCully,
le plaignant fait ressortir notamment que cette dernière présente M.
Keyserlingk comme un procureur de la Couronne à la
retraite, ce qui suggère l’idée que ce qu’il écrit est une opinion légale.
Or, M. Keyserlingk
n’a jamais reçu de formation en matière municipale et notamment en matière de
règlements de zonage. De plus, alors que la directrice se targue d’encourager
le débat ouvert, son journal a omis de publier une de ses lettres et un
commentaire écrit par sa femme. À un autre moment, alors que dans une lettre le
plaignant fournissait des détails sur une demande de modification de zonage,
The Record a omis plusieurs éléments
importants qui y étaient mentionnés.
M. Neil conteste ensuite l’assertion voulant qu’il ait eu
amplement l’opportunité de faire ses commentaires pour défendre ses
accomplissements comme maire. Il met en doute l’intégrité des
mis-en-cause qui se seraient acharnés à peindre de
lui une image aussi négative alors qu’ils avaient beaucoup d’exemples positifs
en sa faveur à leur disposition. Ils ont donc délibérément répandu des
allégations fausses et porté atteinte à sa réputation de maire de Lac Brome.
Sur la même lancée, le plaignant conteste le traitement qui
lui a été réservé par rapport à celui accordé à ses concurrents, dénonce le
manque d’équilibre dont The
Record a fait preuve et expose une
démonstration de ses griefs. Il indique qu’il aurait pu produire plusieurs
autres articles démontrant que
The Record a été
cynique et partial à son endroit.
Par sa réplique aux commentaires de M. Keyserlingk,
le plaignant veut répondre et apporter des clarifications aux commentaires du
chroniqueur. Il réutilise les divisions par commentaires généraux et
commentaires spécifiques.
A) Pour cet aspect, il renvoie aux commentaires généraux de
sa plainte.
B) Le plaignant dit répondre aux attaques personnelles
dirigées contre lui, mais que ce n’est pas à lui à
répondre pour les autres qui sont attaqués.
C) Quatre candidats se disputaient la mairie et non
seulement M. Wisdom et M. Neil. De plus, M.
Keyserlingk a laissé entendre que tous les autres
conseillers ont bien agi et qu’il est le seul qui a tout fait de travers. Il
n’y avait donc rien à dire sur les autres candidats qui soit
d’intérêt public?
D) et F) Le plaignant se demande pourquoi les éléments
mentionnés dans l’article du 29 octobre étaient les seuls d’intérêt public
alors que le journaliste était au courant des enjeux relatifs aux autres
candidats comme l’indiquent les documents qu’il annexe. Le fait que les sujets
aient été couverts dans un article précédent n’en fait pas moins une attaque
personnelle.
E) M.
Keyserlingk a appris d’autres journalistes qu’il devait
indiquer son intérêt au début du texte lorsqu’il écrivait sur un sujet dans
lequel il était impliqué, mais ce n’est pas ce qu’il a fait.
F) et G) Le plaignant dit avoir déjà répondu à ces éléments
dans sa réponse à Mme McCully. Il fait remarquer que
ce n’est pas parce The
Record et M. Keyserlingk
publient quelque chose que ce sont des faits. Ce sont
plutôt des opinions qui ne reflètent pas réellement les faits.
H) Le problème qu’il ressent avec les articles de M.
Keyserlingk est que lorsqu’il est évident que ce dernier
n’a pas de connaissances sur un dossier ou qu’il n’a pas fait de recherches sur
le sujet, son traitement est biaisé.
I) Il termine en précisant que pour sa part, il ne tire ses
conclusions qu’après avoir lu et fait ses propres recherches.
Suivent trois pages de commentaires pointus et détaillés
démontrant les griefs déjà exprimés.
Analyse
Au terme de l’étude de la présente plainte, il est apparu opportun au Conseil de rappeler en préambule certains principes reconnus par les médias et les journalistes depuis plus de 30 ans au Québec et consignés dans le recueil intitulé «Droits et responsabilités de la presse ». Ces principes portent sur les genres journalistiques et concernent plus spécifiquement le journalisme d’opinion.
La chronique (column), le billet et la critique sont des genres journalistiques qui laissent à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Ils permettent aux journalistes qui les pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. Ces genres accordent en général une grande place à la personnalité de leurs auteurs. C’est leur lecture personnelle de l’actualité, des réalités et des questions qu’ils choisissent de traiter qui est surtout mise en perspective.
En ce qui concerne l’éditorial et le commentaire, ces genres journalistiques constituent des tribunes d’opinions réservées à l’éditeur. Traditionnellement, l’éditorial et le commentaire émanent de la direction d’un média et reflètent la position, les convictions ou l’orientation générale de l’éditeur – ou de l’équipe éditoriale – quant aux questions qui y sont traitées. Les sujets et les contenus des éditoriaux relèvent de la discrétion de l’éditeur qui est libre d’établir la politique du média en ces matières. Il est également de son ressort de déterminer, à tout moment, l’espace qu’il juge à propos pour prendre position, faire valoir ses points de vue ou exprimer ses critiques. En matière d’éditorial et de commentaire, l’éditeur est libre d’exclure les points de vue qui s’écartent de la politique du média, sans qu’une telle exclusion puisse être considérée comme privant le public de l’information à laquelle il a droit.
C’est sur la base de ces principes que le Conseil de presse a d’abord considéré les griefs exprimés par le plaignant. Au terme de son examen, le Conseil de presse n’a relevé aucune entorse aux principes cités plus haut, que ce soit dans les informations rapportées ou dans le ton ou le vocabulaire employés.
Ainsi, les journalistes Sharon McCully et Henry R. Keyserlingk disposaient de latitude et pouvaient légitimement, à quelques jours des élections, faire un retour sur les dossiers municipaux de toute la durée du mandat écoulé sans pour cela outrepasser les limites déontologiques. Rien dans le traitement journalistique analysé n’a permis non plus de conclure à une tactique de peur ou à quelque chose de cette nature.
Par ailleurs, même si les mis-en-cause n’ont pas toujours été tendres à l’égard du plaignant et de son administration, il est apparu au Conseil que dans le contexte de l’éditorial ou de la chronique, selon le cas, leur liberté rédactionnelle les autorisait en toute légitimité à traiter l’information comme ils l’ont fait et sous l’angle qu’ils ont choisi. La directrice et le journaliste n’ont pas manqué de respect au maire sortant et jamais ils n’ont proféré d’insulte à son endroit. Ainsi le Conseil ne peut-il retenir non plus le grief d’avoir nui à sa réputation de maire du Lac Brome.
En ce qui a trait au manque d’équilibre dénoncé par le plaignant, l’éditorialiste et le chroniqueur avaient la liberté de ne traiter que de certains aspects du débat dans la mesure où ils demeuraient conformes aux faits, ce qui est apparu le cas aux yeux du Conseil.
Reste la question du conflit d’intérêt évoqué par le plaignant. À ce sujet, un extrait de la jurisprudence du Conseil répond très précisément à cette matière :
« La crédibilité de l’information repose sur l’impartialité réelle et apparente des professionnels de l’information. Ces derniers, par conséquent, doivent éviter de se placer dans une situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts, même si, dans les faits, ils transmettent l’information de façon adéquate et rigoureuse. Par ailleurs, la divulgation de l’intérêt d’un professionnel de l’information dans un événement qu’il a couvert n’est nullement une façon de résoudre un conflit d’intérêts. » (Dossier D1989-05-020)
En vertu, donc, des principes de l’éthique journalistique, le Conseil a jugé que la divulgation de l’intérêt du chroniqueur n’était pas suffisante et que, dans le présent cas, la direction du quotidien The Record aurait dû veiller à ce que son chroniqueur s’abstienne du traitement du sujet de la route Darrah dans lequel il avait un intérêt réel.
Décision
Pour ces raisons et sans mettre en doute la bonne foi et l’honnêteté du chroniqueur Henry R. Keyserlingk qui avait pris soin de signaler préalablement son intérêt, le Conseil de presse du Québec retient sur ce seul aspect la plainte contre le journaliste Henry R. Keyserlingk, la directrice Sharon McCully et le quotidien The Record.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C02B Moment de publication/diffusion
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image
- C22H Détourner la presse de ses fins
Date de l’appel
20 August 2004
Décision en appel
Pour les deux appelants, c’est une seule décision:
Les membres
de la Commission d’appel ont conclu à l’unanimité de maintenir, pour l’essentiel,
la décision rendue en première instance par le Comité des plaintes et de
l’éthique de l’information. La plainte initiale demeure donc retenue
partiellement; en revanche, la Commission d’appel est d’avis que le reproche
retenu doit s’adresser exclusivement à la direction du journal
The
Record et non pas à l’endroit de Henry
R. Keyserlingk, considérant le fait que le
chroniqueur a manifesté dans le présent cas une volonté de transparence.
Le grief concernant l’apparence de conflit d’intérêts n’en
reste pas moins fondé. L’admission d’une faute peut-elle l’excuser? Ici parlent
la jurisprudence et tout l’historique du Conseil de presse: dans
l’établissement d’une norme, il ne peut y avoir de double standard. S’il
suffisait d’annoncer une faute pour se donner le droit de la commettre, plus
aucun processus normatif ne pourrait être mis en vigueur.
Griefs pour l’appel
M. Stanley Neil et
The Record