Plaignant
M. Paul Lorion
Mis en cause
Mme Marie-Paul Rouleau, journaliste, Mme Geneviève Guay,
rédactrice en chef, Actualités radio, M. Alain Saulnier, directeur, Information
radio et la Société
Radio-Canada « Bulletin de
nouvelles radio », Montréal
Résumé de la plainte
M. Paul Lorion porte plainte contre la journaliste Mme
Marie-Paul Rouleau et la Société
Radio-Canada pour avoir utilisé
un bulletin de nouvelles pour diffuser un contenu éditorial.
La faute reprochée aux mis-en-cause
se serait produite au bulletin de nouvelles de 9 heures le 24 janvier 2004, à
la radio de la SRC.
Griefs du plaignant
M. Lorion rapporte que lors du bulletin de nouvelles
radiophoniques de 9 heures le samedi 24 janvier 2004, à la première chaîne de
la Société Radio-Canada (SRC), la journaliste Marie-Paul Rouleau a
annoncé la rentrée politique de M. Landry. Il estime que, dans ce cas, il
s’agissait bien d’un contenu-nouvelle.
Par contre, la journaliste indiquait également que M. Landry
avait profité de l’absence de Jean Charest pour faire cette rentrée, évitant
ainsi une réplique de ce dernier. Ce qui n’est pas bien, selon le plaignant,
puisqu’il ne s’agit pas d’une nouvelle mais plutôt de « prêter des intentions
aux gens », c’est-à-dire à M. Landry. À la rigueur, il pourrait s’agir de
contenu éditorial, mais non de nouvelle. Pour le plaignant, la journaliste
s’est servie des nouvelles pour passer du contenu éditorial, pour exprimer ses
opinons.
Selon le plaignant, la journaliste a, d’une part, donné dans
la facilité puisque Bernard Landry ne pouvait lui répondre. D’autre part, elle
a beau ne pas aimer Bernard Landry, pour des raisons
qui lui appartiennent, elle ne peut pas ainsi « prétendre de sa lâcheté ».
Pour ces raisons, le plaignant conteste le manque
d’intégrité de la journaliste Marie-Paul Rouleau.
Commentaires du mis en cause
Mme Geneviève Guay précise que le reportage de Mme Rouleau
portait sur une conférence de presse de M.Bernard Landry le 23 janvier
2004.
La représentante des mis-en-cause
indique ensuite les documents qu’elle inclut :
La représentante des mis-en-cause indique ensuite les documents qu’elle inclut :
Transcription d’un extrait de la conférence de M. Bernard
Landry, le 23 janvier 2004;
Un enregistrement du reportage de Marie-Paul Rouleau tel que
diffusé le 24 janvier à 9heures, de même que l’extrait sonore de la
conférence de presse.
Après avoir soigneusement examiné l’échange ayant eu cours
durant la conférence de presse et le reportage de la correspondante de la SRC,
Mme Guay conclut au bien-fondé du reportage et demande le rejet de la plainte.
La rédactrice en chef rappelle que le plaignant reproche à
la journaliste d’avoir accusé le Chef de l’opposition de lâcheté et de lui
avoir manqué de respect alors que tout ce qu’a dit Mme Rouleau c’est : « … Bien
sûr, ce n’est pas par hasard si M. Landry faisait sa rentrée politique en
l’absence de M. Charest, en voyage en Europe, qui n’est pas là pour lui donner
la réplique. »
Mme Guay fait valoir qu’il est normal et usuel que les
partis politiques cherchent à obtenir les meilleures places possibles dans les
médias pour leur porte-parole et de choisir leur moment d’intervention en
fonction de la possibilité de réplique de leurs adversaires, des stratégies bien
connues des journalistes, mais pas nécessairement de tous les auditeurs. Or, si
c’est le rôle des journalistes de rapporter les faits, c’est aussi leur rôle de
mettre en lumière le contexte de la nouvelle. Dans le présent cas il était,
selon elle, justifié d’évoquer le voyage du premier ministre pour expliquer
l’absence de réplique rapide à l’antenne.
En ce qui a trait au reproche d’avoir laissé entendre que M.
Landry faisait preuve de lâcheté, la rédactrice en chef suggère qu’il s’agirait
d’une interprétation personnelle de la part du plaignant. Mme Guay donne en
preuve le vide bien visible dans les journaux du samedi matin 24 janvier et la
transcription de l’échange entre les journalistes et M. Landry lors de la
conférence de presse. Dans ce dernier document, on note que M. Landry a choisi
de s’amuser des questions des journalistes et de jamais
s’en offusquer, notamment quand il a répondu à cette question.
La rédactrice en chef termine en ajoutant qu’il est
intéressant pour les citoyens de mieux comprendre les stratégies de
communication des partis politiques qui font partie de la vie quotidienne.
Jamais son équipe n’a hésité à relever des stratégies semblables lorsqu’elles
venaient d’autres formations politiques.
Réplique du plaignant
M. Lorion répond que lors de son reportage la journaliste
Marie-Paul Rouleau n’a pas mis en lumière l’absence du premier ministre de la
province mais qu’elle a plutôt expliqué que le Chef de l’opposition a profité
de cette occasion pour s’exprimer. À son avis, ceci fait toute la différence.
Le plaignant ajoute : « Dans son paragraphe no 6,
l’utilisation de son outil-miroir est bien décevante! L’interprétation que l’on
puisse faire lorsque l’on entend que ce n’est pas un hasard (donc c’est
calculé!) si le chef de l’opposition fait une déclaration me semble évidente. »
Analyse
Cette plainte soumise au Conseil de presse met en cause le principe de la liberté rédactionnelle reconnue aux journalistes dans le traitement d’une information.
Dans son recueil « Les droits et les responsabilités de la presse », le Conseil mentionne qu’à la liberté rédactionnelle sont également rattachées des responsabilités. En ce qui a trait au reportage et à l’analyse, les médias et les professionnels de l’information doivent s’en tenir à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte, sans les commenter. Ils doivent respecter l’authenticité de l’information afin de ne pas induire le public en erreur sur la vraie nature des situations, ou encore sur l’exacte signification des événements.
Or, après l’écoute des enregistrements fournis par les mis-en-cause, le Conseil ne peut tirer les mêmes conclusions que le plaignant. Il est vrai, reconnaît le Conseil, que la dernière phrase du reportage de Mme Rouleau n’apparaissait pas tendre à l’endroit de M. Bernard Landry. Cependant, compris dans le contexte du reportage et plus largement dans celui des événements politiques du moment, les propos des dernières secondes du reportage n’avaient pas, aux yeux du Conseil, la portée que lui impute le plaignant.
Le Conseil donne donc raison à la porte-parole de la SRC. Les informations concernant l’absence du premier ministre étaient pertinentes et faisaient partie de la mise en contexte du reportage puisque les journalistes, dont Mme Rouleau, ne pouvaient recueillir à chaud les réactions de M. Charest en raison de son absence à l’extérieur du pays.
De plus, l’enregistrement de la conférence de presse, fourni à l’appui de la défense de Mme Rouleau, montre bien que la question de la rentrée politique de M. Landry en l’absence du premier ministre lui a été posée deux fois et qu’il n’a jamais nié avoir choisi sciemment ce moment pour la faire. Ainsi, le Conseil ne peut conclure, comme le faisait le plaignant, à un commentaire malveillant à caractère éditorial de la part de la journaliste.
Décision
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte contre la journaliste Marie-Paul Rouleau et la Société Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C20A Identification/confusion des genres