Plaignant
Mme Johanne Lajeunesse
Mis en cause
M. Martin Everell, journaliste, M.
Pierre Bruneau, chef d’antenne, M. François Paradis, animateur, M. Serge
Fortin, directeur général de l’information et
le Groupe TVA
inc
.
Résumé de la plainte
Mme Johanne Lajeunesse se plaint
du traitement que les journalistes de TVA ont accordé aux faits
entourant un accident de la route impliquant ses deux enfants et une piétonne
et à la réclamation qu’ils ont faite à la succession de cette dernière pour les
dommages causés au véhicule.
Griefs du plaignant
Les plaintes portent sur un reportage diffusé le 15 janvier
2004 sur les ondes du TVA régional de Québec à 18h 00 et du
bulletin de nouvelles national de TVA à 17h 00. Elles portent
aussi sur l’émission «TVA en direct.com» du 16 janvier 2004 lors de
laquelle le même sujet a été abordé.
Les personnes visées par la plainte sont Martin
Everell, journaliste, Pierre Bruneau, chef d’antenne au TVA
national et enfin, François Paradis, animateur de l’émission «TVA en
direct.com».
Au journaliste Martin Everell, Mme
Lajeunesse reproche de s’être présenté chez elle sans
prévenir. Elle l’accuse d’avoir eu une approche intimidante et arrogante lors
de l’entrevue avec sa fille, ce qui l’a empêchée de bien se préparer à
répondre. Elle se plaint de ne pas avoir été avertie que cette entrevue
pourrait être diffusée lors de l’émission «TVA en direct.com».
Mme Lajeunesse énumère un certain
nombre de faits que le journaliste n’aurait pas mentionnés dans son reportage
et qui nuiraient à l’exactitude de l’information présentée. Le journaliste
n’aurait pas dit que les enfants de la plaignante ne connaissaient pas le
statut social des personnes qu’ils poursuivaient et qu’une possibilité de
médiation avait été proposée, que l’accident s’est produit à une heure de
trafic, que la piétonne qui a traversé l’autoroute aurait pu causer un accident
beaucoup plus grave et que la piétonne a commis un délit au sens du Code de la
sécurité routière. Il n’aurait pas parlé non plus du traumatisme qu’ont vécu
ses enfants. De plus, le journaliste aurait faussement affirmé que Jessica
Fleury conduisait le véhicule au moment de l’accident alors que c’est son frère
qui conduisait.
Le reportage serait, par surcroît, à forte tendance sensationnaliste.
Le journaliste aurait dit que c’est la «défunte» ou la
«morte» qui était poursuivie alors que c’était plutôt la succession
et que le montant réclamé concernait le remboursement d’un «paquet de
tôle». Les titres présentés pendant les reportages, soit «défunte
poursuivie» et «une morte poursuivie pour 1300$»
seraient évocateurs de sensationnalisme.
Dans sa plainte, Mme Lajeunesse a
aussi soulevé le manque d’impartialité du journaliste Martin
Everell, de Pierre Bruneau et de François Paradis, qui
semblaient, selon elle, sympathiser avec la famille de la défunte.
Relativement à l’émission «TVA en direct.com»,
elle se plaint que sa fille défende son point de vue par le biais d’une
entrevue préenregistrée tandis que les tenants de l’autre position sont
présents en studio pour faire valoir leur opinion.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Serge Fortin, directeur général de
l’information TVA:
M. Fortin tient à préciser que la
personne qui a accordé l’entrevue au journaliste est la fille de la plaignante,
Mme Jessica Fleury, que celle-ci est majeure et qu’elle a volontairement
accepté de donner une entrevue en invitant le journaliste à entrer dans la
maison pendant une trentaine de minutes. Il soutient que l’entrevue n’a pas été
réalisée sur le vif.
Quant au reproche selon lequel le
journaliste aurait dit que c’est Jessica Fleury qui conduisait au moment de
l’accident, M. Fortin avance plutôt qu’il aurait dit que la victime avait eu la
folle idée de traverser un boulevard très achalandé de Québec et que la Toyota
rouge n’a jamais pu l’éviter.
De plus, le journaliste aurait
utilisé les expressions «réclame à la famille de la défunte» ou
«on réclame à la succession» et non pas que Jessica Fleury
poursuivait la défunte. Selon lui, il ressort clairement du reportage qu’il y a
poursuite contre la succession.
À son avis, les faits que Mme
Lajeunesse reproche au journaliste de ne pas avoir dits
peuvent être déduits du reportage.
Enfin, relativement à l’émission «TVA en
direct.com», Serge Fortin croit que le traitement entourant la diffusion
de ses propos lors de toutes les émissions en cause laisse clairement entendre
que la poursuite intentée par Mme Fleury est légale même si celle-ci peut être
difficile pour les personnes en cause. Il soutient que François Paradis soulève
les questions pertinentes.
Réplique du plaignant
Selon Mme Lajeunesse, le droit de
poursuivre une succession ne constitue pas une problématique particulière.
Par ailleurs, elle précise que lorsque le journaliste dit
que Mme Fleury poursuit la défunte et qu’elle était «celle qui a
tué» on ternit son image.
Enfin, elle déplore la manque de
professionnalisme du journaliste Martin Everell et
croit que des excuses auraient été appropriées.
Analyse
Les reportages ou émissions qui présentent des drames humains sont particulièrement délicats à traiter à cause de leur caractère pénible tant pour les victimes que pour leurs proches.
Dans le présent cas, le reportage, présenté sur les ondes du réseau TVA les 15 et 16 janvier 2004, traitait d’une réclamation pour des dommages causés à un véhicule lors d’un accident où une piétonne a été heurtée à mort.
La plaignante, Johanne Lajeunesse, la mère des deux personnes qui étaient dans le véhicule au moment de l’accident, s’est plainte du traitement sensationnaliste du reportage.
Même si le Conseil est d’avis que les sous-titres utilisés «défunte poursuivie» et «une morte poursuivie pour1300$» étaient destinés à piquer la curiosité du public et misaient sur le caractère inusité de la poursuite, il ne peut retenir le grief.
En effet, le choix des termes à employer ou à éviter relève de la discrétion rédactionnelle, qui doit toutefois s’abstenir d’utiliser des qualificatifs de mauvais goût pouvant discréditer des personnes auprès de l’opinion publique. Par ailleurs, la nouvelle est d’intérêt public et son traitement qui apparaît équilibré et rigoureux, ne permet pas de conclure à du sensationnalisme.
Mme Lajeunesse adresse aussi un manquement au journaliste Martin Everell pour s’être présenté à son domicile sans avertir et ne pas avoir informé Jessica Fleury, fille de la plaignante qu’il a interviewée, que l’entrevue serait diffusée lors de l’émission « TVA en direct.com ».
Le Conseil est d’avis que le journaliste n’aurait pas dû se présenter au domicile de la plaignante sans préavis. Cependant, il a été invité à entrer dans la maison et a procédé à une entrevue de 30 minutes avec Jessica Fleury, qui était en droit de refuser l’entretien. Le journaliste aurait toutefois dû informer Mme Fleury de l’utilisation qu’il entendait faire de l’entrevue. Mais puisque l’entrevue a été donnée librement et que la façon de traiter un sujet, de même que le moment de la publication et de la diffusion des informations relèvent de la discrétion des médias et des journalistes, le Conseil ne peut accueillir ce grief.
La plaignante reproche au journaliste d’avoir omis de mentionner certains faits et d’avoir fait une erreur sur l’identité de la personne qui conduisait le véhicule au moment de l’accident.
Même s’il y a pu avoir une certaine confusion sur l’identité du conducteur, Martin Everell précise très clairement dans son reportage que Jessica Fleury était propriétaire de la voiture et que c’est son frère qui conduisait lors de l’accident.
Relativement à l’émission «TVA en direct.com», Mme Lajeunesse se plaint que sa fille défende son point de vue par le biais d’une entrevue préenregistrée.
Jessica Fleury n’intervient pas dans l’émission autrement que par des séquences de l’entrevue qui a été présentée dans le reportage du bulletin de nouvelles. Cependant, cette participation indirecte ne nuit pas à l’équilibre de l’argumentation présentée. En effet, pendant l’émission, l’animateur François Paradis est en compagnie de Chantale Tardif, sœur de la victime, et de Patrick Boutin, responsable de la succession et beau-frère de la victime et il pose des questions à une psychologue, à une avocate ainsi qu’au directeur des affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada. Le réseau TVA avait le droit de traiter le sujet avec l’approche journalistique choisie, permise par la liberté rédactionnelle.
Enfin, la plaignante soutient que Pierre Bruneau, Martin Everell et François Paradis ont manqué d’impartialité dans le traitement de cette nouvelle. Le Conseil de presse n’a remarqué aucun manque à l’éthique dans le reportage, sa présentation ou dans l’émission «TVA en direct.com» qui puisse permettre de croire qu’un parti pris pour ou contre qui que ce soit ait influencé le reportage.
Décision
Pour ces raisons le Conseil de presse du Québec rejette la plainte contre les journalistes Pierre Bruneau, Martin Everell et François paradis et Le Groupe TVA inc .
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C16D Publication d’informations privées
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches
- C17G Atteinte à l’image
- C23I Violation de la propriété privée
- C23L Altercation/manque de courtoisie