Plaignant
Mme Isabelle Dicaire
Mis en cause
M. Jérôme Landry, journaliste, M. Bernard Guérin, directeur
général, Affaires juridiques et Télévision
Quatre Saisons inc.
Résumé de la plainte
La plaignante reproche au réseau
Télévision Quatre Saisons et au journaliste Jérôme Landry d’avoir
diffusé un reportage irrespectueux, le 4 février 2004, sur la comparution de M.
Victor Karmouche au palais de justice de Québec. Ce
dernier a été accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec des personnes
mineures contre rétribution.
Griefs du plaignant
Selon Mme Isabelle Dicaire, le
journaliste Jérôme Landry, dans le reportage, poursuit M.Victor
Karmouche de façon répétée «au point où on [le]
montre devenir à moitié fou» alors que celui-ci aurait demandé qu’on le
laisse tranquille.
Le reportage serait «plus une opération de lynchage,
de harcèlement [qu’un] vrai reportage d’information publique […]». À son
avis, le reportage et l’attitude du journaliste sont carrément inacceptables.
La plaignante rappelle aussi que le reportage «montre
des photos de jeunes filles dans la piscine de M. [Karmouche]».
Commentaires du mis en cause
M. Bernard Guérin soutient que les images ont été filmées
alors que M. Karmouche comparaissait pour une
première fois au palais de justice de Québec et qu’elles ont été captées dans
un endroit public, soit les couloirs du palais de justice. À son avis, il ne
fait aucun doute qu’il s’agissait d’un événement d’intérêt public et les médias
avaient le droit de filmer M. Karmouche à cette
occasion.
M. Guérin affirme que le consentement de M.
Karmouche a été obtenu pour l’entrevue «bien que nous
puissions comprendre qu’il y avait néanmoins un certain inconfort à la vue de
l’ensemble des caméras des différents médias présents à l’occasion de sa
comparution».
Il ne s’agirait pas d’un «lynchage» parce que le
journaliste n’aurait fait que relater simplement les allégations qui ont été
déposées à l’endroit de Victor Karmouche et qu’il
aurait expliqué correctement le déroulement des procédures à son endroit.
Selon le mis-en-cause, le
reportage ne comporterait aucune contravention au code journalistique et aux us
et coutumes journalistiques généralement reconnus.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a pas répliqué
aux commentaires du mis-en-cause.
Analyse
Télévision Quatre Saisons a diffusé un reportage sur la comparution de M. Victor Karmouche lors de son enquête préliminaire au Palais de justice de Québec, le 4 février 2004. Ce dernier était accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec des personnes mineures.
Mme Isabelle Dicaire reproche à la station de télévision d’avoir diffusé ce reportage qui, selon elle, est plus une «opération de lynchage et de harcèlement» qu’un vrai reportage d’information. Le journaliste Jérôme Landry aurait poursuivi M. Karmouche de façon répétée bien que ce dernier ait demandé à ce qu’on le laisse tranquille.
Comme l’a soutenu le mis-en-cause, la comparution de M. Karmouche relevait de l’intérêt public et les images du reportage ont été filmées dans un endroit public, soit les couloirs du palais de justice de Québec. Les médias étaient en droit de rapporter cette nouvelle, de filmer et d’interroger M. Karmouche à cette occasion.
Deux images de jeunes filles en maillot de bain près d’une piscine, et dont le visage a été brouillé, ont toutefois été insérées dans la présentation du reportage. Le mis-en-cause soutient que ces images ont été filmées au domicile de M. Karmouche et qu’elles proviennent du dossier d’enquête de la police de Québec portant sur les accusations à l’endroit de M. Karmouche.
Le Conseil de presse tient cependant à rappeler que les professionnels de l’information doivent faire preuve de prudence, de discernement, de circonspection et doivent éviter tout sensationnalisme en particulier dans le traitement d’événements qui mettent en équilibre le devoir d’informer et le respect des droits de la personne.
Le traitement journalistique d’informations judiciaires doit donner lieu à un travail rigoureux, conforme aux faits et aux événements et les médias doivent éviter toute atteinte au principe fondamental de la présomption d’innocence. Dans les faits qu’ils présentent, les médias ne doivent pas permettre de faire des rapprochements tendancieux ni de juger un accusé avant son procès.
Sur ce point, le Conseil de presse se doit donc d’émettre une réserve. La presse doit éviter toute atteinte au principe de la présomption d’innocence et aurait dû identifier les images présentées et faire état de leur lien avec l’accusation.
Par ailleurs, la plaignante reproche au journaliste d’avoir eu une attitude inacceptable dans le traitement de cette nouvelle. Dans le reportage, on voit le journaliste Jérôme Landry suivre M. Victor Karmouche le jour de sa comparution au palais de justice de Québec afin de lui poser certaines questions. M. Karmouche répond brièvement aux premières questions du journaliste, mais demande à être laissé tranquille, après sa comparution, alors que plusieurs journalistes le suivent et tentent de l’interroger.
Même si le journaliste semble insister pour avoir des réponses à ses questions alors que M. Karmouche repousse d’une main la caméra de Télévision Quatre Saisons, le Conseil n’a pas identifié de manquement à la déontologie journalistique sur ce point. M.Karmouche accepte de répondre à certaines questions qui lui sont posées, même s’il manifeste son mécontentement et son exaspération à être suivi et interrogé par les journalistes.
Décision
Pour ces raisons, le Conseil de presse rejette les griefs contre Jérôme Landry et Télévision Quatre Saisons, mais émet cependant une réserve pour la présentation d’images non identifiées dans le traitement journalistique d’une nouvelle portant sur des accusations criminelles envers une personne.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C17H Procès par les médias