Plaignant
M. Tracy P. Cross
Mis en cause
M. Jeff Heinrich, journaliste, M. Peter Stockland,
rédacteur en chef, M. Georges Kalogerakis, éditeur et
le
quotidien,
The
Gazette
Résumé de la plainte
Tracy P. Cross se plaint que le
journaliste Jeff Heinrich ait interviewé sa fille de onze ans sans autorisation
lors d’une marche qui se déroulait le 8 février 2004 à Kanesatake.
Il se plaint aussi que le journaliste ait utilisé cette interview et identifié
sa fille dans un article publié le 9 février 2004 dans
The
Gazette.
Griefs du plaignant
Le plaignant, Tracy P. Cross,
reproche au journaliste Jeff Heinrich d’avoir interviewé sa fille de onze ans,
sans son autorisation ou celle de sa mère, alors qu’elle portait une banderole
avec d’autres personnes mineures dans le cadre d’une marche de solidarité à
Kanesatake. Il se plaint aussi que le journaliste ait
rapporté les propos de sa fille et l’ait identifiée dans
The
Gazette.
Il précise que sa fille, Sophia
Cross, ne savait pas que la personne qui s’est adressée à elle était un
journaliste et qu’elle ne voulait pas que ces propos soient rapportés dans un
journal.
Selon lui, les médias devraient faire preuve d’intégrité
professionnelle lorsqu’ils interprètent des questions d’intérêt public et devraient
se garder d’utiliser des méthodes qui minent la confiance du public ou qui
constituent une intrusion dans la vie privée des gens. Ils devraient s’abstenir
de divulguer des renseignements qui permettent d’identifier des mineurs.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Peter Stockland,
rédacteur en chef:
M. Peter Stockland,
rédacteur en chef à The
Gazette, répond que le Conseil recevra
une lettre du journaliste Jeff Heinrich au sujet de la plainte et que
The
Gazette endosse complètement les
explications de son journaliste.
Il précise que
The
Gazette considère les actes de son
journaliste comme relevant d’une pratique journalistique juste et correcte.
Commentaires de Jeff Heinrich,
journaliste:
M. Heinrich précise qu’il a
interviewé plusieurs personnes, jeunes et moins jeunes, lors de la marche
publique qui s’est déroulée dans l’après-midi du 8 février 2004.
Sophia Cross était l’une de ces personnes.
Selon lui, Mlle Cross marchait en
compagnie de plusieurs autres enfants qui portaient des banderoles, à la tête
de la marche sur la route 344. Comme il l’a fait auprès des autres personnes
interrogées, il s’est présenté aux enfants, leur a demandé pourquoi ils
prenaient part à cette marche et a pris note de leurs commentaires. Selon lui,
si les parents étaient présents lors de cet événement, ils ne se sont pas
manifestés.
L’événement aurait été couvert
par plusieurs médias, se déroulait dans une place publique extérieure et
impliquait plusieurs personnes. Le journaliste affirme que si M. Cross refuse
que quiconque interviewe sa fille, il n’aurait pas dû la placer au devant d’une
marche, aux vues des caméras de télévision et des journalistes qui auraient pu
vouloir la filmer ou lui demander son point de vue.
Réplique du plaignant
M. Cross précise dans sa réplique que les journalistes
devraient connaître les règles à respecter lorsqu’ils ont affaire à des
mineurs.
En tant qu’ancien chef de police, il soutient qu’il ne
pouvait interroger une personne mineure sans la présence et l’autorisation
écrite d’une personne responsable et que les journalistes devraient se plier à
la même règle.
Il précise aussi que l’événement auquel prenait part sa
fille n’était pas une manifestation, mais une marche de solidarité pour la
paix.
Enfin, il demande au Conseil de rendre une décision conforme
à ce que la loi prévoit pour la protection des mineurs.
Analyse
Le plaignant, M. Tracy P. Cross, reproche au journaliste Jeff Heinrich d’avoir interviewé sa fille de 11 ans, alors qu’elle prenait part à une marche de solidarité le 8 février 2004.
La marche de solidarité à laquelle Sophia Cross participait se voulait pacifique et non partisane. Cependant, elle s’est déroulée suite à des événements survenus en janvier 2004 à Kanesatake lors desquels le grand chef du Conseil de bande de Kanesatake, James Gabriel, a tenté de limoger son chef de police. Cela a donné lieu à des actes de violence importants dans la communauté.
Il appert que le journaliste ait interrogé plusieurs personnes lors de la marche, qu’elles soient jeunes ou moins jeunes. Il prétend s’être identifié à toutes les personnes et avoir noté leurs commentaires sur les raisons de leur participation. Bien que les exigences déontologiques semblent avoir été respectées, le Conseil s’interroge sur la pertinence de poser des questions à des enfants de onze ans sur une question délicate qui ne concerne pas spécifiquement les jeunes. Le Conseil invite les médias à user de prudence et de discernement dans le cas où les personnes interrogées sont des enfants.
M. Tracy se plaint que le journaliste ait rapporté les propos de sa fille et dévoilé son identité dans un article paru le 9 février 2004 dans The Gazette.
Sophia Cross a accepté de parler au journaliste, mais son consentement à participer au processus d’information ne peut constituer un critère décisionnel suffisant pour autoriser le journaliste à l’identifier. Rien ne l’empêchait toutefois de rapporter les propos de Sophia Cross de façon anonyme, ce qui n’aurait pas pour autant miné la crédibilité de l’information transmise.
Qu’une personne mineure âgée de onze ans prenne part à une marche publique sans la présence de ses parents, dans un contexte conflictuel comme celui de Kanesatake, relève de l’autorité parentale et ne peut non plus justifier la divulgation de son identité.
Le Conseil tient à préciser que son mandat est de promouvoir le respect des plus hautes normes en matière d’éthique journalistique et qu’il agit à titre d’arbitre dans nombre de conflits, notamment par le traitement des plaintes soumises à son tribunal d’honneur. Il ne remplit pas le rôle d’une instance judiciaire et n’a pas pour mission d’interpréter ou de faire appliquer la loi.
Décision
Pour ces raisons, le Conseil de presse se voit dans l’obligation de retenir partiellement les griefs contre Jeff Heinrich et The Gazette pour avoir divulgué l’identité de Mlle Cross.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C23H Interview et images d’enfants
Date de l’appel
20 August 2004
Décision en appel
Les membres de la Commission d’appel ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance par le Comité des plaintes
et de l’éthique de l’information, en s’appuyant sur l’Avis public que le
Conseil a lui-même publié en 1996 à propos de la protection de l’anonymat des
personnes mineures.
Griefs pour l’appel
The
Gazette