Plaignant
Conseil Musulman de Montréal (CMM) et M. M’Dean Mazboudi, vice-président, relations publiques
Mis en cause
M. Pierre Mailloux, animateur, M. Michel Lorrain, vice-président, information et des opérations régionales du Réseau Radiomédia et la station radiophonique CKAC 730
Résumé de la plainte
Le Conseil Musulman de Montréal (CMM) porte plainte contre l’animateur Pierre Mailloux et la station radiophonique CKAC pour avoir déclaré en ondes que l’islam est un cancer et que les musulmans sont des arriérés sociétaux. Cette déclaration a été faite durant l’émission «Un psy à l’écoute » diffusée entre 13 h et 15 h le ou vers le 19 janvier 2004.
Griefs du plaignant
Le ou vers le 19 janvier 2004, au cours de l’émission «Un psy à l’écoute » diffusée entre 13 h et 15 h par la station radiophonique CKAC, l’animateur radiophonique Pierre Mailloux aurait déclaré que l’islam est un cancer et que les musulmans sont des arriérés sociétaux. De tels propos ont provoqué l’indignation du plaignant qui en a été profondément offensé.
Pour le plaignant, de telles déclarations, en plus de violer toutes les chartes, constitutions et lois protégeant les libertés et droits fondamentaux et de transgresser peut-être même les dispositions pénales interdisant la propagation de la haine, constituent surtout une atteinte grave aux fondements et principes d’une société démocratique et civilisée. De ce fait, les propos de M.Mailloux portent atteinte aux droits et libertés chers à tous les citoyens et institutions de la société québécoise, canadienne et internationale.
Le plaignant se dit même très surpris et profondément bouleversé de voir que de tels propos aient réussi à trouver libre cours sur les ondes publiques confiées à CKAC et ses propriétaires pour en faire bon usage et exploitation. Il trouve cela d’autant plus regrettable «que la CKAC se veut une radio communautaire jouissant de la crédibilité et du respect », dit-il.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Pierre Mailloux:
M.Pierre Mailloux s’est présenté au bureau du Conseil de presse pour écouter l’enregistrement de l’émission en cause fourni par le plaignant dans le cadre de ce dossier.
M. Mailloux n’a aucun commentaire à ajouter à ceux déjà transmis par M. Sylvain Chamberland.
Commentaires de M. Sylvain Chamberland, président-directeur général:
En guise de commentaires, le Conseil a reçu la lettre de réponse adressée à M. Mazboudi à la suite de sa plainte au Conseil canadien des normes de la radiotélévision et au Conseil de presse du Québec. M. Chamberland rappelle l’affirmation du plaignant à l’effet que le Dr Pierre Mailloux aurait déclaré que l’islam est un cancer et que les musulmans sont des arriérés sociaux. Il rappelle aussi que le plaignant concluait en manifestant sa profonde indignation face à de tels propos qui l’auraient profondément offensé.
M. Chamberland dit avoir écouté les propos tenus dans le cadre de l’émission concernée et il conclut que ces propos du Dr Mailloux doivent être mis en contexte. Le sujet de
discussion portait sur l’intimidation et sur comment y faire face. L’échange entre le Dr Mailloux et son interlocuteur a lieu dans cadre d’une tribune téléphonique. Il porte sur les propos d’un journaliste qui refusait d’être bâillonné par les islamistes du seul fait de leur foi religieuse.
Selon le président-directeur général, les interlocuteurs ont alors eu un échange de points de vue. Au cours de cette discussion, le Dr Mailloux a par ailleurs admis que son point de vue n’était pas élargi et que sa connaissance de l’islam pouvait être incomplète. Son refus de discuter du port du hijab avec son interlocuteur, parce que celui-ci n’était pas une femme, n’est pas en soi une manifestation d’intolérance religieuse.
Le porte-parole des mis-en-cause reconnaît « que le sujet est délicat et que d’en traiter en utilisant des personnes de foi musulmane peut soulever chez certains auditeurs de l’indignation ». C’est pourquoi CKAC 730, tient à s’en s’excuser, ajoute-t-il.
La station CKAC 730 a beaucoup à cœur les préoccupations de ses auditeurs, selon M. Chamberland, et elle est très soucieuse de la qualité de sa programmation qui s’adresse à un large auditoire. Le président-directeur général termine en indiquant que sa station radiophonique est l’une des plus importantes dans le marché de Montréal et que sa direction est désolée lorsque des propos, tenus en ondes par le personnel de la station, peuvent avoir choqué des membres de son auditoire.
Réplique du plaignant
Le plaignant relève que dans sa lettre, M. Chamberland conclut que les propos du Dr Mailloux, quoique dérangeants, doivent être mis en contexte. Pour eux, ces propos ne sont en aucune façon excusables et ce comportement est inacceptable de la part du Dr
Mailloux et de CKAC.
Pour cela, le plaignant exigent des excuses publiques de la part des mis-en-cause à tous
les musulmans offensés par ces propos. De plus, le plaignant exige une émission spéciale de la station CKAC dans laquelle elle donnera une image réelle de l’islam afin de dissiper l’image négative laissée auprès de l’auditoire de CKAC par les propos du Dr Mailloux et cela, à la satisfaction du plaignant.
Analyse
Le plaignant reprochait au Dr Pierre Mailloux d’avoir tenu sur les ondes de la station CKAC, des propos qui violaient la constitution, les chartes et les lois protégeant les libertés et les droits fondamentaux. Ces propos transgressaient peut-être même, selon eux, les dispositions pénales interdisant la propagation de la haine.
Il n’est pas dans l’usage, au Conseil de presse du Québec, de trancher dans des contenus et dans des matières qui relèvent des tribunaux. En conséquence, le Conseil ne se prononce pas relativement à ces aspects des griefs. Le Conseil fait plutôt porter ses observations et ses conclusions sur les matières relevant de l’éthique journalistique et des principes qui la gouvernent.
Avant de rendre une décision, le Conseil de presse a examiné les propos du Dr Mailloux sous trois angles : celui du contexte de l’émission, celui de la latitude reconnue aux animateurs à l’intérieur du genre journalistique et celui du contexte des valeurs culturelles et du seuil de tolérance propre à notre société.
Le représentant des mis-en-cause invoquait le contexte de l’émission pour défendre les paroles son animateur: une émission portant sur l’intimidation et comment y faire face.
Après audition de l’enregistrement et considération du contexte de l’émission, le Conseil a conclu que rien dans l’enregistrement fourni ne permettait d’expliquer ou d’excuser les déclarations de l’animateur.
En ce qui a trait à la latitude reconnue aux animateurs à l’intérieur du genre journalistique du journalisme d’opinion, le Conseil rappelle que les règles déontologiques reconnues au Québec indiquent que les tribunes téléphoniques sont soumises aux mêmes exigences de rigueur, d’authenticité, d’impartialité et de qualité que tout autre type de traitement de l’information. Ainsi, les responsables de ces émissions doivent présenter une information complète et conforme aux faits et aux événements et être attentifs à l’équité et l’équilibre dans l’argumentation. Ils doivent également être respectueux des personnes, éviter de tenir des propos injurieux, grossiers, discriminatoires, voire haineux, ainsi que de verser dans la diatribe. Enfin, ils doivent respecter les opinions de leurs interlocuteurs et éviter à leur endroit tous propos, attitudes ou tons offensants.
À la lumière de ces principes, le Conseil a estimé qu’affirmer que «l’islam est un cancer et que les musulmans sont des arriérés sociétaux» constituait une déclaration outrepassant largement les normes déontologiques et professionnelles reconnues au Québec.
En regard également du seuil de tolérance et des valeurs culturelles québécoises et canadiennes, le Conseil a estimé que de tels propos équivalaient à une provocation indue, à la frontière de l’insulte, en plus de constituer une généralisation propre à perpétuer les préjugés plutôt qu’à les dissiper.
Le Conseil relève cependant que le président-directeur général de la station CKAC , M. Sylvain Chamberland, a pris soin de présenter des excuses au nom de son entreprise.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse retient un blâme contre la station radiophonique montréalaise CKAC et contre son animateur Pierre Mailloux.
Analyse de la décision
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination