Plaignant
M. Jacques Lanctôt
Mis en cause
M. Robert Lévesque,
journaliste, M. Pierre Thibeault, rédacteur en chef et l’hebdomadaire,
ICI Montréal
Résumé de la plainte
Jacques Lanctôt soutient que le journaliste Robert
Lévesque a porté atteinte à sa réputation en affirmant qu’il est
«hypocrite», «intellectuellement imbécile ou humainement
salaud» et qu’il vit «aux crochets de subventions
gouvernementales» dans une chronique publiée le 11 mars 2004 dans
l’hebdomadaire ICI Montréal.
Griefs du plaignant
Jacques Lanctôt soutient que le journaliste Robert
Lévesque a porté gravement atteinte à sa réputation et à son intégrité
personnelle et professionnelle. Selon lui, le journaliste aurait faussement
affirmé que M. Lanctôt est «intellectuellement imbécile ou humainement
salaud» et qu’il vit «aux crochets de subventions gouvernementales,
surtout fédérales». Il aurait eu des propos diffamatoires à son égard
lorsqu’il dit qu’il est un «hypocrite».
Il soutient que «[d]e tels propos gratuits, indignes
selon [lui] d’un journaliste, sont surtout de nature à [le] dévaloriser, à
miner [sa] crédibilité aussi bien auprès de [sa] famille que de [ses] auteurs,
tendent à attaquer [sa] réputation et à le faire passer pour quelqu’un de malhonnête,
tout en affectant gravement [son] moral».
Il demande que le Conseil se penche sur sa demande et que le
journaliste rétracte ses propos dans les pages de ce même journal.
Commentaires du mis en cause
En guise de commentaire, M. Pierre Thibeault, rédacteur en
chef nous a fait parvenir la lettre de réponse du plaignant à l’article de Robert
Lévesque. Celle-ci a été publiée le 18 mars 2004 dans la section
«courrier» du journal ICI
Montréal.
Réplique du plaignant
Le plaignant ne considère pas que le fait d’avoir publié sa
lettre en réponse à Robert Lévesque constitue
une réparation aux dommages qui lui ont été causés.
Il soutient que Robert
Lévesque a dépassé les bornes et que rien ne justifie qu’il l’ait traité
d’hypocrite et laissé entendre qu’il était une personne malhonnête à qui on ne
peut faire confiance.
Analyse
La chronique est un genre qui permet une plus grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Elle permet aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et d’exprimer leurs critiques dans un style qui leur est propre.
Ainsi, la chronique permet à son auteur de faire une lecture personnelle de l’actualité. Mais cette liberté ne lui permet toutefois pas d’enfreindre le droit d’une personne à sa dignité et au respect de sa réputation.
Dans sa chronique, intitulée «Lanctôt-les-culottes», Robert Lévesque traite, entre autres sujets, du documentaire «L’otage », de Carl Leblanc où James Richard Cross, l’otage de la cellule Libération dirigée par Jacques Lanctôt. Sa femme Barbara, sa fille Susan et Jacques Lanctôt se souviennent des événements de la crise d’octobre 1970.
Tout d’abord, lorsque le chroniqueur parle de M. Lanctôt dans sa chronique, c’est en lien avec le visionnement du documentaire. Plus précisément, ce que Robert Lévesque écrit est: «[o]n sort de cet excellent documentaire de Carl Leblanc en se demandant si cet homme-là [Jacques Lanctôt], aujourd’hui éditeur, est intellectuellement idiot ou humainement salaud». Il s’agit d’une opinion émise par le journaliste et elle n’a pas pour effet de créer une entorse à la déontologie journalistique.
Au sujet des subventions gouvernementales, il est exact de dire que Lanctôt éditeur en bénéficie. Il serait exagéré de prétendre qu’il vit «aux crochets» de subventions gouvernementales, mais cette inexactitude n’apparaît pas suffisante pour affirmer qu’elle permet de discréditer le plaignant.
Par ailleurs, le Conseil de presse tient à mentionner que M. Lanctôt a eu l’occasion de voir sa lettre de réponse à M. Lévesque publiée dans l’édition du 18 mars du même hebdomadaire et il y est virulent envers le journaliste Robert Lévesque. En effet, Jacques Lanctôt soutient que Robert Lévesque, «[l]oin de pourfendre la bêtise, il en est l’exemple même». Il le qualifie de «[r]idicule et minable», de «minable plagiaire», de «fieffé menteur». M. Lanctôt écrit que les éructations de M. Lévesque «n’émanent pas d’une quelconque intelligence, mais bien d’un profond ressentiment envers tout ce qui représente le combat pour un Québec indépendant […]. Car Robert Lévesque n’est qu’un petit raton caudataire de la culture de soumission». Pour le Conseil, cette lettre reflète davantage l’existence d’un conflit personnel qu’elle n’est une réplique à la chronique de M. Lévesque.
Le plaignant soutient que la publication de sa lettre ne constitue pas une réparation suffisante aux dommages qu’il a subis.
Selon la déontologie, la rectification et la mise au point s’imposent pour corriger les manquements et les erreurs envers des personnes qui ont pu survenir dans le traitement de l’information. Mais encore faut-il qu’une erreur ait été commise. Le chroniqueur Robert Lévesque peut émettre son opinion, peu tendre soit-elle, sans nécessairement avoir l’obligation de s’en rétracter par la suite.
Les médias et les journalistes ont cependant le devoir, lorsque cela est à propos, de permettre aux personnes de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet. Ainsi, les mis-en-cause ont respecté la déontologie journalistique en publiant la lettre du plaignant dans leur section «courrier».
Le mandat du Conseil de presse n’est pas d’obliger les médias à réparer les potentiels dommages causés à quelqu’un, mais bien de promouvoir le respect des plus hautes normes en matière d’éthique journalistique, notamment par le traitement des plaintes soumises à son tribunal d’honneur. Pour obtenir une réparation à des dommages subis, s’il en est, les personnes concernées peuvent entreprendre des démarches devant les instances judiciaires appropriées. Le Conseil n’a aucun pouvoir judiciaire, réglementaire ou coercitif.
Décision
En raison de ce qui précède, le Conseil rejette les griefs contre le journaliste Robert Lévesque, le rédacteur en chef Pierre Thibeault ainsi que l’hebdomadaire ICI Montréal.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante