Plaignant
M. Pierre Blain
Mis en cause
Mme Stéphanie Paquette, chef de la production
web régionale, M. Alain Saulnier,
directeur général de l’information radio et la
Société Radio-Canada, Ottawa-Gatineau
Résumé de la plainte
Pierre Blain reproche à la
Société Radio-Canada d’avoir diffusé des
informations mensongères et inexactes à son sujet sur le site Internet de la
Société de la région de Gatineau, le 19
mars 2004, suite à une sentence rendue contre lui par le juge Raymond Séguin la
veille.
Griefs du plaignant
Pierre Blain articule sa plainte
autour de quatre points.
1.
Le titre de l’article est mensonger:
«Pierre Blain doit rembourser Gatineau et payer une amende». Selon
M. Blain, le juge Séguin ne lui a jamais ordonné de rembourser une somme
d’argent à la Ville de Gatineau. Il y aurait plutôt eu une entente pour que la
somme totale soit remboursée à la province. Il serait aussi faux de dire que le
plaignant doit payer une amende. Il lui aurait au contraire été demandé de faire
un don à une œuvre de charité.
2.
Dans l’article, le journaliste dit que «Pierre
Blain doit rembourser la somme qui a été volée […]». M. Blain soutient
que ni le juge ni les avocats ne parlent d’argent volé. Le litige porterait
plutôt sur la facturation. À son avis, «[l]a version de cet article est
tendancieu[se]
et prête à confusion. [Le journaliste] interprète des faits pour [lui] porter
préjudice ».
3.
On identifie le plaignant comme étant le
«directeur général des élections de Gatineau» alors qu’il n’a
jamais occupé cette fonction. Il était plutôt président d’élections de la Ville
de Gatineau.
4.
Pierre Blain soutient que la photo de lui qui apparaît
sur le site Internet a été choisie afin de le stigmatiser, de le ridiculiser et
de l’humilier. Il ne sait pas d’où vient cette photo parce que selon lui,
aucune photo ne peut être prise dans un tribunal. De plus, son apparence
physique serait différente maintenant. Puisque la télévision de
Radio-Canada
était sur place lors de ses représentations à la Cour, le plaignant soutient
qu’«il est évident que la photo qui apparaît avec l’article a été choisie
afin de [le] stigmatiser».
Le plaignant affirme que le traitement médiatique d’une
affaire peut être préjudiciable et que cet article en est un exemple. Il
demande que des excuses lui soient présentées et que la
Société Radio-Canada, le journaliste et
le chef de pupitre soient sanctionnés.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la chef de la
production web régionale, nouveaux médias, Stéphanie Paquette:
La mise-en-cause
répond, dans le même ordre, aux quatre motifs de plainte.
1.
En regard du titre «Pierre Blain doit rembourser
Gatineau et payer une amende», Mme Paquette affirme qu’il est exact de
qualifier d’amende la somme que M. Blain doit verser à un organisme de charité.
Une «amende» se définit dans le dictionnaire
Le Petit Robert
2002 comme étant une «[p]eine pécuniaire
prononcée en matière civile, pénale ou fiscale, consistant dans le paiement
d’une somme au trésor public; [s]anction pécuniaire
infligée à quelqu’un». À son avis, le «reportage
web donne les explications nécessaires à
la compréhension du procès en mentionnant clairement que M. Blain a reçu une
absolution inconditionnelle et que sa peine constituait à faire un don de
charité. Par ailleurs, Mme Paquette reconnaît qu’une erreur s’est glissée dans
le titre du reportage. «C’est effectivement la [p]rovince
de Québec et non la Ville qui devra être remboursée.» Elle souligne que
l’erreur a été corrigée sur le site Internet et prétend que cette erreur ne
dénature pas le fond de l’information contenue dans le reportage.
2.
Quant à la l’affirmation selon laquelle «Pierre
Blain devra rembourser la somme qui a été volée, soit la somme de
7750$», la mise-en-cause soutient
«que de qualifier la somme de 7750$ de somme
« volée » est une utilisation correcte du terme dans les circonstances
de cette affaire.» Dans le dictionnaire
Le Petit Robert,
le mot «vol» est défini comme «[l]e fait de s’emparer du bien
d’autrui par la force ou à son insu; action qui consiste à soustraire
frauduleusement le bien d’autrui». Selon elle, le reportage décrit
clairement les faits à l’origine des poursuites et il est juste de qualifier de
«vol» le fait de profiter d’une position de confiance pour détourner
des fonds du trésor public à son profit.
3.
Quant au fait d’avoir donné à M. Blain le titre de
directeur général des élections de Gatineau, Stéphanie Paquette reconnaît qu’il
s’agit d’une erreur et qu’elle a été corrigée. Cependant, le fond de
l’information transmise au public n’aurait pas été altéré par cette erreur.
4.
En ce qui a trait à la photo de M. Blain, Mme Paquette
ne voit pas comment son utilisation puisse stigmatiser, ridiculiser ou humilier
M. Blain. La photo fait partie de la banque d’images Internet de la
Société.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique, le plaignant
soutient que la Société
Radio-Canada fait une vendetta de son cas en
interprétant le jugement qui a été rendu contre lui. Le reportage interprète
les faits plutôt que de les rapporter.
Il soutient qu’il est le seul à avoir insisté pour que la
totalité des sommes en litige soient remboursées et ne comprend pas ce qui a
motivé la Société Radio-Canada
à choisir cette photo de lui plutôt qu’une autre.
Analyse
Pierre Blain porte plainte contre la Société Radio-Canada pour avoir diffusé des informations mensongères et inexactes à son sujet sur le site Internet de la Société de la région de Gatineau, le 19 mars 2004. La nouvelle traitait d’une sentence relativement à des accusations d’abus de confiance et d’utilisation de faux documents.
Tout d’abord, le plaignant reproche à la SRC d’avoir utilisé le mot «amende» dans le titre de l’article, alors qu’il doit plutôt verser un don. Il regrette aussi que le reportage fasse allusion à de l’argent volé quand le litige porterait plutôt sur de la facturation. Le fait de dire que de l’argent a été volé serait tendancieux et prêterait à confusion.
Les règles d’éthique qui prévalent en « cyberjournalisme» sont les mêmes que dans les médias traditionnels. Relativement au mot «amende», le Conseil de presse est d’avis que son utilisation est conforme au sens qu’en donne le dictionnaire Le Petit Robert, soit une «peine pécuniaire prononcée en matière civile, pénale ou fiscale, consistant dans le paiement d’une somme au Trésor public ou une sanction pécuniaire infligée à quelqu’un». Dans le corps du texte, le journaliste fait clairement la distinction entre les montants que le plaignant a été condamné à payer: il doit rembourser la somme de 7750$ et verser un don de 3500$ à un organisme.
De plus, le fait de dire que Pierre Blain doit rembourser la somme qui a été «volée» ne semble ni inexact ni impropre. La Société précise dans l’article que le plaignant a reconnu avoir réclamé le paiement de factures au nom de sa femme, même si elle n’a pas fait tous les travaux exigés. Le sens commun du mot «vol», que l’on retrouve dans le dictionnaire Le Petit Robert, est «[l]e fait de s’emparer du bien d’autrui par la force ou à son insu; action qui consiste à soustraire frauduleusement le bien d’autrui». Cette définition apparaît respecter les faits, tels qu’étayés dans la décision sur la sentence de M. Blain.
Les professionnels de l’information ne sont pas tenus d’utiliser le même vocabulaire que leurs sources d’information, qu’elles proviennent d’un communiqué de presse, d’une décision judiciaire, etc. Ils ont cependant le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements.
Par ailleurs, la mise-en-cause reconnaît que des erreurs se sont glissées dans le traitement de la nouvelle dont M. Blain se plaint. Le juge a ordonné que la somme soit remise au gouvernement du Québec et non à la Ville de Gatineau et il s’agit d’une erreur d’avoir affirmé que M. Blain était le directeur général des élections. Ces erreurs ont été corrigées dans le texte de l’article diffusé sur le site Internet de la Société Radio-Canada.
Bien qu’il soit de rigueur que les professionnels de l’information soient vigilants dans le respect des faits, il arrive que des erreurs surviennent dans le traitement de l’information. Faire une erreur sur le titre des fonctions qu’a occupées une personne et sur l’entité qui doit recevoir le dédommagement est regrettable, mais dans le présent cas, cela ne nuit pas à la compréhension de la nouvelle, ni à son sens.
Le Conseil note cependant que si le titre de la fonction de M. Blain a été corrigé dans l’article du 19 mars 2004, il ne l’a pas été dans certains autres articles qui portent sur M. Blain. Ces textes peuvent encore être consultés sur le site Internet de la Société et le Conseil invite la mise-en-cause à faire les modifications qui s’imposent.
Enfin, le plaignant soutient que la photo de lui qui apparaît sur le site Internet a été choisie afin de le stigmatiser, de le ridiculiser et de l’humilier.
Le Conseil rappelle que si une photo est tirée des archives d’un média, comme cela est le cas, elle doit être identifiée ainsi et il invite la mise-en-cause à respecter cette règle. Toutefois, la photo et les événements dont il est question dans l’article ont un lien direct entre eux et le Conseil ne voit pas en quoi la juxtaposition de cette photo puisse être dégradante pour le plaignant.
Décision
En raison de tout ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette donc la plainte contre la Société Radio-Canada et contre Mme Stéphanie Paquette, chef de la production web régionale.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11H Terme/expression impropre
- C15A Manque de rigueur
- C15D Manque de vérification
- C17D Discréditer/ridiculiser