Plaignant
Mme Édith Simard
Mis en cause
M. Patrick Lagacé, journaliste, M.
Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien,
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Mme Simard reproche au journaliste
Patrick Lagacé et au
Journal de Montréal d’avoir dénigré la ville de Québec et ceux qui
y habitent en publiant une série de cinq articles, entre le 29 mars et le 2
avril 2004, intitulée: «Pourquoi je ne vivrais jamais à
Québec.»
Griefs du plaignant
La plaignante soutient qu’il est inacceptable et
inconcevable qu’un journal publie une série d’articles de dénigrement contre la
ville de Québec et ce, à la une du journal.
Selon elle, on compare immanquablement Québec et Montréal et
cela constitue de «l’anti-démocratie, de l’esprit de clocher dont on
essaie de se débarrasser depuis des décennies, de la provocation pure et
simple. Du manque de jugement».
Elle affirme n’avoir lu qu’un article de la série, mais
«[…] tremble à imaginer tout ce qui peut arriver. Il y a des guerres de
religions, de langues et de couleurs de peaux qui n’ont commencé que par la
simpliste idée que la personne qui est à côté de moi n’est pas correcte, n’a
pas le droit de penser, d’agir ou de croire à autre chose que moi».
Mme Simard se demande où est l’éthique
journalistique lorsqu’un journaliste se permet d’écrire «en toute
mauvaise foi, contre la population d’une grande ville».
À son avis, ce n’est pas tout le monde qui a l’occasion de
«noircir tant de pages». Ainsi, elle demande au
Journal de Montréal et au
Journal de Québec de publier sa lettre,
sans quoi elle soutient que son droit à déclarer publiquement son opinion
serait bafoué.
Commentaires du mis en cause
Selon M. Lagacé, la série
d’articles qu’il a rédigée «constituait un regard humoristique, absurde,
impressionniste et léger sur la ville de Québec et ses environs». Il
soutient que le poste de chroniqueur qu’il occupe au
Journal de Montréal lui permet une certaine liberté pour
«émettre des opinions, faire étalage de certaines subjectivités, dans le respect
des faits […]». Il précise que pour informer les gens que ces chroniques
se voulaient sarcastiques, le Journal de
Montréal a publié un avertissement, en lettres majuscules:
«CETTE SÉRIE A ÉTÉ ÉCRITE AVEC UNE MAUVAUSE FOI TOUTE
MONTRÉALAISE.»
Le journaliste explique que les chroniques qu’il a écrites
reflètent son point de vue personnel et que la présentation infographique de sa
chronique souligne que l’espace utilisé présente un point de vue et un ton
différents du reste du journal. Le titre en italique qui est propre à la
chronique et le «bloc-photo distinct» en
seraient des exemples.
Aussi regrette-t-il que Mme Simard
n’ait pas lu toute la série d’articles. M. Lagacé
croit que cela lui aurait permis de «se forger une opinion plus complète et
peut-être saisir, entre les lignes, au détour des sarcasmes, que cette série
d’articles constituait une tentative d’ironie qui, par la bande, se moquait
aussi des préjugés montréalocentristes des gens du
514».
Enfin, ce n’est pas parce que Mme Simard
possède une opinion différente de la ville de Québec que le journaliste se rend
coupable d’une quelconque entorse déontologique.
Réplique du plaignant
La plaignante n’a pas répliqué aux commentaires de Patrick
Lagacé.
Analyse
Le Journal de Montréal a publié du 29 mars au 2 avril 2004 une série d’articles dont le titre était «Pourquoi je ne vivrais jamais à Québec», rédigée par le journaliste Patrick Lagacé.
La plaignante, Mme Édith Simard, soutient qu’il est inacceptable et inconcevable qu’un journal publie une série d’articles de dénigrement contre la ville de Québec et ce, dans les premières pages du journal.
Précisons d’abord que les médias doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques, ceux-ci devant être facilement identifiables pour ne pas induire le public en erreur sur la nature de l’information présentée.
Les articles qu’a rédigés Patrick Lagacé sont des chroniques. En effet, les articles sont encadrés et placés sous le titre: «Pourquoi je ne vivrais jamais à Québec.» Au début de la chronique, une photo de Patrick Lagacé identifie la chronique ainsi: «Légende urbaine.» De plus, les cinq articles contiennent la mention, dans un encadré sur fond noir: «AVERTISSEMENT CETTE SÉRIE A ÉTÉ ÉCRITE AVEC UNE MAUVAISE FOI TOUTE MONTRÉALAISE.»
L’attention que les professionnels de l’information décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel. Le genre choisi de même que la façon de présenter et d’illustrer l’information sont aussi de la prérogative des médias.
Ainsi, le Journal de Montréal pouvait en toute liberté décider d’aborder ce sujet, dans les limites que lui prescrivent les normes déontologiques:l’information présentée doit être rigoureuse, complète et conforme aux faits et aux événements.
Une chronique est un genre journalistique qui laisse à ses auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Patrick Lagacé pouvait, comme il l’a fait, aborder sa chronique avec un ton humoristique, sarcastique et anecdotique et le Conseil de presse n’a aucune raison de croire qu’il y a un manque à la rigueur ou à l’exactitude de l’information présentée. Le grief ne peut donc être retenu sur ce point.
La plaignante s’inquiète des préjugés et des stéréotypes que peuvent véhiculer de tels articles et soutient que de ramener le débat à une comparaison entre les villes de Québec et de Montréal est simpliste, provocateur et reflète un manque de jugement.
Les professionnels de l’information doivent éviter d’entretenir des préjugés et d’utiliser des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris ou encore à heurter la dignité des personnes, mais ils ont la liberté d’exprimer leur opinion dans le respect des limites prescrites.
Le Conseil est d’avis que la série d’articles publiée est humoristique et ne se veut que l’opinion de son auteur. Elle est basée sur des faits, des anecdotes et des interviews. Le fait de comparer Québec et Montréal ne constitue pas en soi de la provocation et ne révèle pas un manque de jugement de la part du journaliste.
Enfin, Mme Simard, invoquant son droit à exprimer son opinion, aurait aimé voir sa lettre publiée dans les pages du Journal de Montréal.
Le Conseil reconnaît que les journalistes font partie des personnes qui ont le privilège d’exprimer leur point de vue dans les médias. Pour cette raison, il est aussi reconnu que les médias ont le devoir d’en favoriser l’accès à leurs lecteurs. Le public n’a toutefois pas accès de plein droit aux pages d’un journal. Ainsi, le 3 avril 2004, le Journal de Montréal a publié une sixième chronique de Patrick Lagacé dans laquelle le journaliste présente certaines des réactions qu’a soulevées la série de chroniques auprès du public. Il a présenté des points de vue différents et n’avait pas l’obligation de publier tous les commentaires qu’il a reçus.
Décision
Pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse ne retient pas la plainte contre le journaliste Patrick Lagacé et Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C02A Choix et importance de la couverture
- C15I Propos irresponsable
- C18C Préjugés/stéréotypes