Plaignant
Le Syndicat des travailleurs et
travailleuses unis du Québec (STUQ) et Me Giovanni Bruno, conseiller syndical
Mis en cause
M. Marc Lestage, journaliste, M. Yves Bellefleur,
rédacteur en chef et le quotidien, Le Soleil
Résumé de la plainte
Me Bruno Giovanni, conseiller syndical et le Syndicat des
travailleurs et travailleuses unis du Québec (STUQ) portent plainte contre le
journaliste Marc Lestage et le quotidien Le
Soleil suite à la publication d’un article intitulé «Maraudage
chez Derko, La FTQ prétend que le STUQ « a
imité » des signatures », le 30 avril 2003 en page A 16.
Ils dénoncent un «manque flagrant d’éthique
journalistique» dans la rédaction de l’article, notamment au sein de la
manchette, considérant l’inexactitude et le manque de vérification des faits
énoncés. Ils mettent en évidence un manquement à l’impartialité et au respect
de la réputation en prenant en compte le contexte de lutte syndicale dans
lequel il a été publié.
Griefs du plaignant
Le cadre de réflexion des plaignants s’inscrit dans une
affaire de fausses signatures, réglée suite à une enquête interne de la part de
leurs services mais relayée de leur point de vue d’une manière partiale et
inexacte par le journal Le Soleil.
Les plaignants reprochent au journaliste d’avoir mis en
évidence, par le choix d’un titre relevant du sensationnalisme, des faits basés
sur « une fausse information diffamatoire ».
Ils relèvent l’absence de vérification
des propos jugés « faux, mensongers,
malicieux, diffamatoires »auprès des personnes et organismes concernés.
Une atteinte à la réputation du STUQ est donc constatée.
Dans le cadre de la fin de la période de maraudage et de la
rivalité entre deux organisations syndicales, le STUQ, partie plaignante, et la
Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), un manque d’impartialité est
relevé d’une part par l’absence du point de vue des plaignants et d’autre part
par le traitement en tant que tel de l’information à la disposition du
journaliste.
Commentaires du mis en cause
En préambule de son commentaire, le
journaliste met en exergue le fait que l’article sur lequel se fonde la plainte
ne constitue « qu’une illustration très partielle » de la couverture que le
quotidien Le Soleil a réalisé durant la période de tensions qui a opposé
la FTQ et le STUQ, soit du 26 avril au 7 mai 2003.
Il rappelle ensuite les faits qui ont été
relatés par le biais de quatre textes dédiés à cet affrontement syndical. Avec
cette mise en contexte, Marc Lestage affirme que Le Soleil « n’a été que
le témoin impartial d’une lutte syndicale ponctuée d’incidents plus ou moins
illicites ».
Il estime que le traitement journalistique de
cette affaire n’a jamais «cédé au sensationnalisme» et ne remet pas
en cause la pertinence des titres. Selon lui, ceux-ci reflètent « toujours
fidèlement la situation du conflit, au quotidien».
Les articles cités ont été joints au dossier.
Réplique du plaignant
Me Bruno Giovanni indique que le commentaire du
mis-en-cause ne résiste pas à une analyse rigoureuse des
articles joints par M. Marc Lestage. Ainsi, à ses yeux, ils constituent en
comparaison de l’article du 30 avril 2003, «un facteur plutôt
aggravant» par rapport à la plainte déposée. Ainsi, il explique que la
couverture effectuée par le journal Le
Soleil et son journaliste dans les articles du 27 et 29 avril est
«équitable», la version des opposants étant rapportée.
Il énonce le fait que M. Lestage disposait des coordonnées
pour les joindre et prendre en considération le point de vue du STUQ mais qu’il
n’a pas exercé cette vérification de «la véracité des prétentions de la
FTQ».
Le plaignant affirme l’inexistence d’affidavits accusateurs.
En ce qui concerne l’affidavit de M. René Lamalice,
celui-ci mentionne seulement que sa signature a été imitée et n’établit aucune
accusation contre le STUQ. M. Bruno Giovanni considère les propos rapportés par
le journaliste comme «des accusation graves» à l’encontre du STUQ.
Selon lui, aucune vérification n’a été produite auprès de M.
Lamalice et du commissaire du travail.
Considérant l’article du 7 mai 2003, celui-ci ne contient
pas de rectification malgré lesréactions du syndicat précisant qu’ils
n’étaient pas «impliqués dans l’imitation de signatures et qu’ils leur
avaient envoyés des documents dont la mise en demeure et l’aveu de Mme Denise
Roy».
Le plaignant indique également que le traitement de ce sujet
n’est pas comparable à celui du 30 avril 2003, mais qu’il existe un certain
nombre d’oublis. D’après le conseiller syndical, la version de l’affaire dans
l’article du 7 mai 2003 est «non seulement cachée dans le texte mais
également mal rapportée avec des sous-entendus à l’égard du STUQ».
Rappelant le contexte de période de maraudage qui se
terminait vers le 5 mai 2003, le plaignant dénonce une atteinte à la réputation
du STUQ et l’effet qu’elle a pu produire sur «les travailleurs sollicités
pour adhérer à la FTQ ou pour maintenir l’adhésion au STUQ».
La plainte est donc maintenue.
Analyse
Le Conseil a examiné tous les documents soumis à son attention dans le cadre de la plainte du Syndicat des travailleurs et travailleuses unis du Québec représenté par Me Giovanni Bruno. Les plaignants remettent en cause la rédaction de l’article du 30 avril 2003 par le journaliste M. Marc Lestage du quotidien Le Soleil. Ils le jugent inexact, partial, diffamatoire, et sensationnaliste.
Les plaignants soutiennent que le journaliste a rapporté faussement et de façon partiale les faits sans prendre le temps d’exercer une vérification auprès du STUQ. M. Lestage prétend pour sa part que les différents articles que Le Soleil a publié durant la période de maraudage de Derko ont été fidèles aux faits. L’article doit être compris à la vue de l’ensemble de la couverture que le journal a réalisé durant la période du 26 avril au 7 mai 2003.
Après examen, le Conseil estime que le journaliste a rapporté de réelles irrégularités en mettant en évidence les accusations d’imitation de signatures basées sur un document assermenté. Celles-ci ont été reconnues par le plaignant dans l’article du 7 mai 2003 où le journaliste met à nouveau en lumière le conflit entre les deux organisations syndicales en exposant d’une manière claire leurs positions. La réaction du STUQ est exposée par l’intermédiaire de Me Bruno Giovanni. Il mentionne notamment que «le STUQ prévoit utiliser [une déclaration assermentée] pour se disculper devant le commissaire, si la FTQ maintient ses accusations».
Le Conseil rappelle que l’information livrée par les médias fait nécessairement l’objet de choix. Ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice. Ils ne se mesurent pas seulement de façon quantitative, sur la base d’une seule édition ou d’une seule émission, pas plus qu’au nombre de lignes ou au temps d’antenne. Ils doivent être évalués de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
Au regard de ces éléments, le Conseil considère que le journaliste a accordé un traitement adéquat aux rebondissements quotidiens de l’affrontement de ces deux organisations en période de maraudage.
Le titre de l’article a été également retenu comme grief par les plaignants. Ceux-ci estiment que le journaliste a fait preuve de sensationnalisme dans ce choix car celui-ci repose sur une information diffamatoire. Le mis-en-cause expose dans son commentaire « la précision et la pertinence de ces titres» qui résume la situation du conflit. Le Conseil observe que le journaliste a fait preuve de prudence face à cette information en usant d’un vocabulaire hypothétique ainsi que dans la mise en forme avec l’utilisation de guillemets. Le grief ne peut donc être retenu.
Conséquemment aux manquements précédents, les plaignants estiment qu’il y a eu une atteinte au respect de la réputation de leur organisme. Le journaliste dans son commentaire ne relève pas ce grief. Considérant le seul article, M. Lestage prend en considération des faits mettant en cause le STUQ. Mais le Conseil ne peut retenir ce grief, l’image du syndicat dans l’ensemble de la couverture n’étant pas altérée.
Le Conseil prend en considération le fait que le journaliste a couvert cet affrontement dans une série d’articles où aucun manquement n’a été observé. Sa mission n’est pas de porter un jugement sur la véracité des faits, ceux-ci étant établis et dénotant le basculement quotidien de la vérité d’un syndicat à l’autre durant une période de maraudage.
Décision
Aussi, pour l’ensemble de ces considérations, le Conseil de presse rejette-t-il la présente plainte à l’encontre du journaliste M. Marc Lestage et Le Soleil.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C13A Partialité
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information
- C17A Diffamation
- C17G Atteinte à l’image