Plaignant
M. Éric Mailloux
Mis en cause
Mme Paule Genest, directrice générale de l’information et le Groupe TVA-LCN
Résumé de la plainte
Éric Mailloux porte plainte contre le Groupe TVA-LCN à propos d’un reportage sur la décapitation de Nick Berg, diffusé à partir du 12 mai 2004 à 8 h 00, aux 15 minutes. Il remet en cause la diffusion de cet acte barbare qui « n’apporte rien à la nouvelle » et qui a été présenté à une heure d’écoute discutable. Le reportage, dans cette perspective, verse dans le sensationnalisme de par la fin du document audiovisuel présenté avec une « certaine emphase macabre ».
Griefs du plaignant
Éric Mailloux met en évidence le fait que tous les médias québécois ont traité cette nouvelle par le biais de cet extrait vidéo, mais que « seule LCN présente la fin du document avec son ». Il dénote sur cette partie de l’extrait vidéo « une certaine emphase macabre » de la part du reportage de TVA. Le plaignant estime que cette diffusion « n’apporte en définitive rien à la nouvelle ».
Selon lui, « aucun être humain ne demande à avoir une représentation graphique de cet acte avec la violence qui l’accompagne ». Les « pires images du mauvais traitement des prisonniers irakiens de la prison d’Abou Ghraib » n’auraient rien à voir avec « l’horreur et l’inhumanisme de cet acte ». Il existe au contraire un effet pervers à cette diffusion, celui de servir « les objectifs des terroristes en terrorisant ceux qui regardent un tel acte ». Il note le « sensationnalisme » dans le traitement accordé à cette nouvelle, contraire à l’éthique journalistique. Il relève également les horaires de diffusion de ce reportage « où des enfants en bas âge peuvent être à l’écoute » rappelant que cette chaîne diffuse 24 heures sur 24.
Commentaires du mis en cause
Mme Paule Genest rappelle en premier lieu l’expérience et la réputation que possède le service des nouvelles de LCN dans la couverture de l’information, en présentent des « manchettes d’intérêt public » et en respectant les exigences des différents codes d’éthique.
Elle remarque que des sujets tels que celui de la décapitation de Nick Berg ou des événements violents tels des attentats ou des guerres « soulève[nt] toujours des questions au sein de [son] équipe ». Elle estime que le service des nouvelles a atteint un équilibre concernant « la délicate balance entre le droit du public à l’information et la dureté des images elle-même ». La mise-en-cause explique par la suite que des extraits du long document visuel diffusé sur un site irakien ont été repris par les télédiffuseurs du monde entier. Elle indique que le choix du service a été de « ne pas montrer les images de la décapitation» ainsi que de «ne pas diffuser le son ». Elle fait observer que « le lecteur [de nouvelles] de LCN explique que ces images ne seront pas montrées dans leur intégrité […] et précise que le document audiovisuel se termine par un cri ». Elle considère que ce choix « démontre [leur] respect des téléspectateurs ».
Au regard du grief du plaignant sur l’horaire de diffusion, la mise-en-cause indique que « les chaînes d’information continue comme LCN ne s’adressent pas aux enfants et qu’il appartient aux parents de déterminer s’ils peuvent ou non regarder ce genre de service spécialisé ».
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a présenté aucune réplique.
Analyse
Le choix et le traitement d’un sujet ou d’un événement particulier relèvent du jugement rédactionnel des médias et des professionnels de l’information, lesquels doivent exercer ce jugement en fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle. Les médias et les journalistes demeurent libres de publier [ou diffuser] au moment où ils le jugent opportun. Ce faisant, ils doivent cependant livrer une information équilibrée, conforme aux faits et à la réalité, et ne pas verser dans le sensationnalisme.
Dans le cas présent, l’extrait vidéo présenté lors du reportage de LCN du 12 mai 2004 met en évidence un fait d’une grande dureté, la décapitation de Nick Berg. Le plaignant remet en cause le choix et l’importance accordés à celui-ci et estime que l’heure de diffusion est contestable.
La mise-en-cause explique qu’il y a eut un débat au sein de son équipe autour de la « délicate balance entre le droit du public à l’information et la dureté des images elles-mêmes ». Après examen, le Conseil constate que les images diffusées au sein du reportage ne sont pas celles de la décapitation. Le choix de ne pas diffuser cette partie démontre un souci de qualité de l’information et du respect du public des médias audiovisuels du Québec. LCN ne présente pas l’extrait dans son intégralité, il se termine à la limite de l’acte par le cri de la victime. Le lecteur de nouvelles de LCN, en prévenant les téléspectateurs du caractère violent du reportage ainsi que de la fin sonore du document, met en garde les personnes sensibles.
Le Conseil rappelle que le téléspectateur est à même de juger de sa sensibilité au regard de cette mise en garde. L’heure de diffusion du reportage sur la décapitation de Nick Berg est dénoncée par le plaignant comme étant une heure d’écoute pour les enfants. La mise-en-cause estime quant à elle que « les chaînes d’information continue ne s’adressent pas aux enfants ». Les parents se doivent de « déterminer s’ils peuvent ou non regarder ce genre de service spécialisé ». Les médias peuvent diffuser un reportage au moment qu’ils le désirent. La nouvelle est un genre journalistique pouvant traiter de conflits présentant en corollaire des images au contenu plus ou moins violent. Il est nécessaire que le journaliste indique dans son commentaire le degré de violence des images utilisées si celles-ci sont de nature à choquer la sensibilité de certains téléspectateurs. Dans le cas présent, LCN l’a fait.
Aussi, le Conseil ne retient aucun manquement à l’encontre du service des nouvelles de LCN. Le public adulte doit prendre les précautions nécessaires afin de déterminer si le contenu diffusé sur LCN convient à de jeunes enfants. Éric Mailloux souligne que l’événement dont il est question dans cette plainte a « suscité le dégoût partout dans le monde ». Il précise que tous les êtres humains ont une « bonne idée de ce que peut être une décapitation » et que rien ne sert de la représenter si ce n’est qu’à l’égard « d’un sensationnalisme de bas étage ». Les images diffusées mettent en évidence un acte que les médias ne peuvent ignorer. Leur couverture inclut cet extrait car il est à la base de la nouvelle.
Après analyse, le Conseil estime que le diffuser dans son intégralité aurait été un manquement à la pondération de l’information. Le fait de le diffuser en partie ne peut être contestable qu’au regard de la sensibilité individuelle étant donné les avertissements liés à ces images. Au terme de son examen, le Conseil estime que le Groupe TVA-LCN et le service des nouvelles n’ont pas manqué à l’éthique journalistique dans le traitement de l’extrait vidéo de la décapitation de Nick Berg. En conséquence, il ne retient pas la plainte de M. Éric Mailloux à l’encontre de ces derniers.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C02B Moment de publication/diffusion
- C03C Sélection des faits rapportés
- C03D Emplacement/visibilité de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue