Plaignant
M. Denis Beaudin
Mis en cause
M. Pierre Bourdon, journaliste, M. Michel
Simard, rédacteur en chef et l’hebdomadaire,
Le Citadin
Résumé de la plainte
M. Denis Beaudin porte plainte à l’encontre du journaliste
Pierre Boudon, concernant un article paru le 27 mai 2004 dans l’hebdomadaire
Le Citadin. Il dénonce le manque de
rigueur journalistique, la mauvaise foi et le refus de rectification du
journaliste.
Griefs du plaignant
M. Beaudin dénonce un article qui évoque la nomination de la
nouvelle présidente de la Corporation des femmes d’affaires du Saguenay pour
l’année 2004, Mme Diane Smith. Les griefs du plaignant concernent un extrait de
l’article où il y est mentionné: «Diane Smith, mère de 2 enfants
(Michael 10 ans et Karine 13 ans) […]. » Selon M. Beaudin, Mme Smith est aussi
la mère d’un autre enfant qu’elle a rejeté et rayé de
sa vie. Cet enfant en aurait conservé des stigmates. Pour le plaignant, la
réaction de son fils à cet article a anéanti ses espoirs de pouvoir espérer
qu’un jour sa mère pourra l’aimer. De façon délibérée, mesquine et méchante,
elle vient de lui dire publiquement qu’elle l’a rejeté, ajoute M. Beaudin
Le plaignant décide donc de contacter le journaliste pour
lui expliquer la situation préjudiciable et dommageable que cette information
inexacte a pu créer. Il soutient que le journaliste aurait promis un erratum
dans l’édition du 10 juin, ce qui ne fut pas fait. Il a rencontré le
journaliste à son bureau qui lui signala qu’il avait changé d’avis, car
«il ne voulait pas s’embarquer dans une histoire de famille».
Le plaignant considère que cela n’a rien à voir avec une
histoire de famille, mais bien «d’une information publiée incomplète et
inexacte ayant entraîné des préjudices et dont un simple erratum corrigerait
tout». Bien que le plaignant considère que l’information véhiculée dans
l’article l’ait été de bonne foi, il estime que malgré tout, «il était
important de corriger le tir à partir du moment où il [le journaliste] est
informé de la méprise dont certainement il a été l’outil d’une manipulation de
madame, dans le but de mieux enfoncer le clou et de signifier clairement et de
façon cinglante à François et à tous ceux qui connaissent les faits, qu’il est
classé dans la filière numéro 13».
Le plaignant souligne que Chicoutimi n’est pas Montréal et
que beaucoup de gens étant au courant des faits, l’erratum prenait
donc toute son importance. Il considère de surplus que le journaliste en
refusant de faire son erratum, devient implicitement complice et sa mauvaise
foi ne se présume plus, elle se constate. Il exige donc, du journaliste et de
son journal, qu’un erratum de la même importance que l’article avec photo soit
publié et que le nom de son fils soit ajouté ainsi qu’un correctif quant au
nombre d’enfants.
Commentaires du mis en cause
De prime abord, les
mis-en-cause n’ont pas l’intention de répondre à
l’argumentation du plaignant, mais de s’en tenir aux faits.
Au cours de l’entrevue accordée par Mme Smith au
journaliste, cette dernière y précise n’avoir que deux enfants, elle les nomme
et indique leur âge. Les mis-en-cause
soulignent que cette information était «accessoire» à l’entrevue,
l’objectif étant de mieux connaître la nouvelle présidente des femmes
d’affaires.
De l’avis des mis-en-cause,
le journaliste n’avait pas à douter de l’information concernant les enfants de
Mme Smith. De plus, précisent-ils, il n’est pas de leur rôle d’enquêter sur la
vie familiale et personnelle des gens. À leur avis, il n’y a pas eu de faute
professionnelle.
Les mis-en-cause soulèvent que si
Mme Smith a effectivement et délibérément, puisqu’en aucun temps elle a
communiqué avec eux pour corriger cet «oubli», omis de nommer un
enfant, appartenait-il au journaliste de corriger et d’ajouter un nom ou de
publier un erratum sur un enfant qu’elle aurait eu… sans demander
l’autorisation de cette dernière?
Le journal refuse de se mêler de la vie familiale et
personnelle des individus. Aussi malheureuse que cette situation semble être,
ça ne relève pas de l’intérêt public, ajoutent-ils.
Ils demandent donc au Conseil de rejeter la plainte.
Réplique du plaignant
Le plaignant ne considère pas la question comme
«accessoire». Selon lui, cela frise le mépris et le manque de
respect envers les personnes concernées. Les préjudices causés sont tout, sauf
«accessoires ». Si la direction du journal refuse de se mêler de la vie
familiale et personnelle des individus et qu’elle considère que cela ne relève
pas de l’intérêt public, alors pourquoi écrire cet article lu par près de
68000 lecteurs, souligne le plaignant. Même écrit de bonne foi, le
journaliste n’a pas corrigé la méprise, comme il l’avait promis. Ce faisant,
son attitude a manifestement fait place à de la mauvaise foi.
De l’avis du plaignant, les propos tenus par les
mis-en-cause sont à tout le moins non conformes aux règles
du Conseil de presse et des jugements similaires rendus, qui s’inscrivent,
selon lui, en accord avec les principes du code civil en matière de
responsabilité civile et de la jurisprudence conséquente.
M. Beaudin soulève le fait que les
mis-en-cause n’ont pas voulu commenter sa plainte; cela
signifie-t-il que ces derniers n’auraient pas osé critiquer les décisions du
Conseil de presse?
Analyse
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil de presse, deux griefs sont soulevés par le plaignant. Le premier à l’effet que le journaliste Pierre Bourdon aurait publié une information inexacte et incomplète. M. Beaudin reproche au journaliste d’avoir omis de mentionner, dans l’article en cause, que la personne faisant l’objet du reportage n’avait pas deux, mais trois enfants. Cette déclaration aurait entraîné de graves préjudices à l’enfant oublié. Les mis-en-cause rétorquent qu’il n’est pas du rôle des médias d’enquêter sur la vie familiale et personnelle des gens.
Le Conseil rappelle que l’attention que les médias décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel. Nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information. Bien que le Conseil comprenne l’effet dommageable qu’a pu susciter l’article chez le fils du plaignant, il n’en demeure pas moins que la personne interrogée pour l’article n’a pas jugé bon de rectifier l’information du texte à la suite de la parution de l’article. Le grief n’est donc pas retenu.
Au deuxième point reproché, le plaignant dénonce une absence de rectification qui avait été de prime abord accordé par le journal et par la suite refusée. Les mis-en-cause rétorquent qu’ils considéraient ce point comme «accessoire», relevant d’un conflit familial et n’étant pas d’intérêt public.
En ce qui concerne la responsabilité d’une rectification ou d’une mise au point, le Conseil recommande que les médias permettent aux personnes, groupes ou instances de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet ou qui les ont directement ou indirectement mis en cause. Le Conseil constate que pour une information jugée accessoire et non d’intérêt public, par la direction du journal, il est à tout le moins surprenant de voir cette information en encadré dans le texte.
De l’avis du Conseil, il aurait été souhaitable que la rédaction ouvre les pages de son journal au plaignant qui a été touché indirectement par l’article, lui permettant ainsi de publier une lettre dans le courrier des lecteurs.
Décision
Pour ces raisons, et en considérant l’ensemble des faits exposés, le Conseil de presse rejette la plainte contre le journaliste Pierre Bourdon et l’hebdomadaire Le Citadin.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C15A Manque de rigueur
- C19A Absence/refus de rectification
Date de l’appel
20 May 2005
Décision en appel
Après examen, les membres de la Commission d’appel ont
conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Denis Beaudin