Plaignant
Association des infirmières et infirmiers d’urgence du
Québec (AIIUQ) et M. Réal Gagné, directeur général
Mis en cause
Mme Daphné Angiolini,
journaliste, Mme Martine Boyer, journaliste, M. Serge Labrosse,
directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
L’Association des infirmières et infirmiers d’urgence du
Québec (AIIUQ) porte plainte contre les journalistes Martine Boyer, Daphné
Angiolini et Le Journal de Montréal à la suite de la publication
de deux articles traitant de l’affaire des infirmières auxiliaires oeuvrant
dans les salles d’urgence du Québec. Les deux articles ont paru respectivement
le mercredi 30 juin 2004 et le samedi 3 juillet 2004. Le plaignant dénonce le
traitement journalistique qui serait, à son avis, bâclé, et qui démontrerait un
manque de rigueur, une recherche de sensationnalisme, une mauvaise
compréhension du dossier et une déformation de propos.
Griefs du plaignant
La plainte de l’Association des
infirmières et infirmiers d’urgence du Québec (AIIUQ), déposée par le directeur
général de l’organisme M. Réal Gagné, vise les journalistes Martine Boyer et Daphné
Angiolini ainsi que Le
Journal de Montréal. Elle fait suite à la parution de deux articles:
le premier intitulé « Les urgences cet été/Et si la vie des patients était en
péril », publié en page21, le mercredi 30 juin 2004 et le second,
intitulé « Infirmières et infirmiers auxiliaires se dénoncent mutuellement »,
paru le samedi 3 juillet 2004, en page
25. Les deux articles traitaient de l’affaire des infirmières auxiliaires
oeuvrant dans les salles d’urgence du Québec.
Pour Réal Gagné, les objectifs de
la démarche de l’AIIUQ, auprès des médias, étaient de
« mettre en garde la population au sujet
des pratiques « non régulières » de certains gestionnaires de centres
hospitaliers au Québec, ce qui mettait en péril leur sécurité». M. Gagné
détaille ses reproches aux mis-en-cause
en regard des aspects suivants:
– traitement journalistique ayant
«porté préjudice sous bien des égards, à des personnes et mêmes des
entités n’ayant jamais été interpellées» dans l’affaire. Plusieurs fautes
journalistiques auraient été commises par les journalistes qui auraient adapté
l’information pour satisfaire un besoin de sensationnalisme;
– traitement bâclé: les
journalistes n’ont jamais demandé à lire ou utilisé l’information contenue dans
le « Libellé » ou dans les autres publications de l’AIIUQ,
ou encore demandé de l’information ou des références écrites d’appoint;
– détournement d’objet et de
sujet : les journalistes auraient emprunté «une tangente parallèle de
type principalement interprétatif […] présentant de pseudo-chicanes
intestines» alors que«toute la documentation fournie [par l’
AIIUQ] portait sur la gestion des décideurs des centres
hospitaliers et non pas sur le dénigrement des infirmières auxiliaires»;
– recherche de
sensationnalisme: conséquence du manque de rigueur journalistique et de
recherche, les articles visés seraient
«superficiels, perceptuels et non pas factuels».
La réaction défensive des parties nommées
dans ces articles en serait d’ailleurs la preuve;
– mauvaise compréhension du
dossierde la part des journalistes : à preuve, des gens tout à fait hors
contexte ont été consultés par les journalistes, des gens qui n’avaient pas eu
connaissance des positions de l’AIIUQ ou n’avaient
pas pris connaissance des documents que l’Association avait diffusés;
– informations inexactes : les
journalistes auraient «rapporté de fausses informations, notamment au
niveau de citations présumées, causant une escalade belliqueuse», entre
les plaignants et les autres groupes interrogés sur le sujet;
– déformation grave des propos :
dans l’article du 3 juillet 2004, les propos de M. Gagné auraient été qualifiés
de «diffamateurs », alors que les propos rapportés n’auraient jamais été
tenus par les représentants de l’AIIUQ, ce qui ne
pouvait que créer de la confusion auprès du public et des parties concernées;
– manque de rigueur
journalistique : en plus d’être fausses, des citations seraient attribuées à
des personnes qui n’existent pas. Par exemple, le nom « Yvan Gagné », serait un
amalgame des noms de MM. Yvan Gagnon et Réal Gagné. De plus, les journalistes
auraient déformé les propos des plaignants lorsqu’elles écrivaient : « les
infirmières auxiliaires n’ont pas la formation académique nécessaire et
conséquemment les compétences suffisantes pour travailler en soins d’urgence ».
Les journalistes auraient erronément traduit la déclaration par : « les
infirmières auxiliaires sont incompétentes ». Le plaignant explique la
signification étymologique du mot pour conclure que, présenté ainsi dans le
contexte, il devient vexatoire.
Les plaignants formulent ensuite
des reproches spécifiques pour les deux journalistes du
Journal de Montréal :
À Martine Boyer : déformation
grave de propos; provocation d’une escalade belliqueuse entre professionnels
[de la santé]; recherche de sensationnalisme « en traitant d’un sujet parallèle
et non de la nouvelle réelle »; manque de rigueur journalistique et de volonté
d’approfondissement d’un sujet avant publication.
À Daphné
Angiolini : un droit de réplique bâclé, car même si elle
dément sommairement les propos de sa collègue, elle aurait incité certaines
personnes à qualifier les représentants de l’AIIUQ de
diffamateurs; elle aurait manqué de rigueur en citant un certain « Yvan
Gagné» qui n’existe pas; elle aurait recherché, par la formulation du
titre coiffant son texte, à détourner le sens de l’article.
Les plaignants joignent à leur plainte une copie des
déclarations solennelles de MM. Gagné et Gagnon qui attestent sous serment
n’avoir jamais utilisé de langage méprisant à l’égard des infirmiers et
infirmières auxiliaires lors des entrevues accordées aux divers médias et ne pas
avoir utilisé les formulations présentées dans les journaux au sujet de
«la soi-disant « incompétence » des infirmières
auxiliaires» ou de les avoir comparé à des «préposées aux
bénéficiaires». À la plainte est également annexée une copie de diverses
lettres au sujet de l’affaire des infirmières auxiliaires, dont un certain
nombre de mises en demeure et le communiqué de presse initial, fourni aux
médias par l’AIIUQ.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la journaliste, Daphné Angiolini:
La journaliste soutient
que l’article «Infirmières et infirmiers auxiliaires se dénoncent
mutuellement» fut réalisé de «bonne foi» avec un souci
d’objectivité. Mme Angiolini explique qu’elle a rédigé cet article à la suite
d’un appel à son journal de M. Laurier Goulet, vice-président de la Fédération
de la santé et des services sociaux, pour «protester contre les propos
tenus par l’AIIUQ», dans l’article de Martine
Boyer.
Cet article, précise
Mme Angiolini, « laissait entendre que Yvan Gagnon, président de l’
AIIUQ, avait qualifié les infirmières et infirmiers
auxiliaires de « gens incompétents » et soutenu que « la vie des
patients était en péril », par la présence d’infirmières et infirmiers
auxiliaires dans les salles d’urgence ».
La journaliste
soutient avoir tenté de faire la lumière sur le litige, en contactant les deux
parties et en leur donnant la parole, afin d’expliquer objectivement le
problème aux lecteurs. Mme Angiolini explique avoir rapporté les propos de M.
Laurier Goulet, «qui qualifiait
les paroles d’Yvan Gagnon – publiées dans l’article écrit par Martine
Boyer – de « diffamatoires » à l’égard des infirmières
auxiliaires», et l’avoir fait dans l’intention de clarifier le conflit
pour les lecteurs, en rendant compte de tous les points de vue. Mme Angiolini
précise que M. Goulet avait lui-même appelé au Journal de Montréal
pour exprimer sa frustration, ce qui faisait de lui un acteur de la nouvelle.
Mme Angiolini ajoute
qu’ensuite, elle est entrée en contact avec M. Yvan Gagnon le président de l’
AIIUQ, afin d’obtenir sa version des faits. Ce dernier lui
a alors affirmé «n’avoir jamais traité « d’incompétents » les
infirmiers et infirmières auxiliaires», ce que son article mentionne au
deuxième paragraphe. Elle affirme avoir cité les mots exacts recueillis lors de
l’entrevue téléphonique « pour que sa parole soit entièrement comprise et
entendue » écrit-elle. Elle ajoute avoir également rejoint le directeur général
de l’AIIUQ, M.Réal Gagné, afin de recueillir
ses commentaires. Selon Mme Angiolini, les citations liées à l’
AIIUQ et rapportées dans l’article n’ont aucunement été
altérées.
La journaliste aurait
également contacté Mme Monique Leroux, présidente de l’Alliance professionnelle
des infirmiers et infirmières auxiliaires du Québec, «afin de laisser le
droit de parole à un second intervenant représentant les infirmiers et
infirmières auxiliaires».
Mme Angiolini
explique qu’elle aurait cité l’article du 30 juin pour mettre en contexte
l’histoire afin de favoriser une meilleure compréhension du sujet. Ainsi, en
réponse à un grief du plaignant, il est tout à fait erroné, selon elle,
d’affirmer qu’elle a personnellement qualifié de «diffamateurs » les
membres de l’AIIUQ.
De plus, ces derniers
seraient dans l’erreur lorsqu’ils affirment que leur droit de réplique a été
bâclé, puisqu’elle a pris connaissance, via Internet, de plusieurs documents
concernant l’AIIUQavant la rédaction de son
article, « afin d’approfondir ses connaissances sur le point de vue de cette
Association».
La journaliste admet toutefois
une erreur relevée par le plaignant et qui constituerait, sa seule faute, celle
d’avoir évoqué un certain « Yvan Gagné », qui n’existe pas au sein de l’
AIIUQ. Mme Angiolini explique cette faute par une
inattention; elle aurait «malencontreusement amalgamé le nom de M. Yvan
Gagnon, président de l’AIIUQ avec celui de M. Réal
Gagné, directeur général». Elle ajoute finalement que cette erreur
«aurait pu être évitée» et qu’elle s’en serait
«personnellement excusée auprès de M. Réal Gagné». La journaliste
répond enfin au reproche que les titres des deux articles mis en cause seraient
sensationnalistes; elle explique que dans son journal «les journalistes
n’ont aucun droit de regard sur le choix des titres».
Commentaires du directeur général de la rédaction, Serge
Labrosse du Journal de Montréal:
Le directeur général
de la rédaction fait valoir que «les propos qui sont attribués à M. Yvan
Gagnon dans les deux articles mis en cause correspondent fidèlement aux
entrevues qu’il a accordées [aux] deux journalistes, quoiqu’il prétende».
Monsieur Labrosse ajoute, que «le plaignant n’a
d’ailleurs fait la preuve d’aucune inexactitude» dans la façon dont les
propos du président ont été rapportés. Tout au plus, aurait-il mis en évidence
une erreur, facilement explicable et attribuable à la similarité des noms des
deux intervenants. Sur ce dernier point, le Journal
de Montréal donne raison au plaignant.
Pour M.
Labrosse, l’affaire est claire : « L’AIIUQ est menacée de
poursuites et attaquée de toutes parts pour sa prise de position publique,
inquiétante pour la population, choquante et provocante à l’égard des
infirmières auxiliaires.» Sommée de se rétracter, l’Association aurait
choisi «la voie facile pour essayer tant bien que mal de sauver la face
de son président: elle tire sur le messager». Le directeur général
explique que ce n’est pas en raison d’une ou deux mauvaises citations que
l’Association se retrouve dans l’embarras, mais plutôt en raison de l’attaque
publique de M. Gagné et de «sa prise de position controversée à l’égard
des infirmières auxiliaires».
Selon le
mis-en-cause, il s’agit de lire les motifs invoqués par
chacun des opposants au point de vue de l’AIIUQ, pour
s’en convaincre. Ainsi, Mme Monique Leroux, présidente de l’Alliance
professionnelle des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, blâme la
déclaration de M.Gagnon, voulant que la venue des infirmières auxiliaires
dans les salles d’urgences du Québec «met en danger – en péril – la
sécurité du public». Cette phrase revient d’ailleurs selon M.
Labrosse, dans son « Libellé de position » comme dans son
communiqué de presse officiel. En outre, les autres récriminations de Mme
Leroux seraient pour la plupart, sans lien avec les reproches de MM. Gagné et
Gagnon à l’égard de son journal ou du Soleil
de Québec.
De même en est-il des
plaintes de M. Régis Paradis, pdg de l’Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec et de Mme Lynda
Chartrand, présidente du syndicat des infirmières
auxiliaires de l’Outaouais; ces lettres adresseraient plusieurs reproches à l’
AIIUQ n’ayant, selon M. Labrosse,
«rien à voir avec les prétendues citations reprochées aux
journaux». En somme, selon M.Labrosse la
plainte de Réal Gagné et de l’AIIUQ est, à son avis,
un moyen adopté par l’AIIUQ pour éviter ainsi de
s’excuser auprès de leurs pairs, en tentant de reporter l’odieux de la
situation sur les médias dont il avait voulu se servir au début pour « passer
son message».
Réplique du plaignant
Le plaignant
réplique en premier lieu aux commentaires de la journaliste. M.Gagné
tient à porter à l’attention du Conseil le fait que Mme Angiolini a insisté
pour lui parler au téléphone, le 18août 2004, après avoir pris
connaissance de la plainte déposée contre elle au Conseil de presse. Le plaignant
dit lui avoir parlé «en toute bonne foi, croyant qu’elle voulait
expliquer le contexte dans lequel elle avait rédigé l’article», bien
qu’il juge cette pratique inappropriée dans le contexte de sa plainte. Pour M.
Gagné, la journaliste se serait plutôt servie de cette conversation pour
reprendre les arguments du plaignant à son avantage.
Selon le directeur
général de l’AIIUQ, les
mis-en-cause persistent «à parler de « la vie des
patients en danger »» alors que le communiqué de presse émis par l’
AIIUQ traitait de «la sécurité des patients, et non
pas de la vie des patients». Il ajoute que la journaliste commet le même
genre de faute lorsqu’elle continue à affirmer qu’elle rapporte les propos des
représentants de l’AIIUQ de manière exacte : elle
écrit que ces représentants auraient déclaré que les infirmières auxiliaires
étaient des «gens incompétents», alors que le plaignant soutient
avoir parlé de «compétences insuffisantes», ce qui serait, à son
avis, nettement différent. Pour M. Gagné, les déclarations assermentées
fournies par lui et par M. Gagnon, démontrent ces propos; et qu’en affirmant
que leur compte rendu est conforme aux entrevuesaccordées, les
mis-en-cause laissent supposer que les plaignants sont
«parjures».
Le plaignant
explique aussi que le site Internet de l’AIIUQ étant
inactif et retiré du réseau à ce moment, il était donc impossible que Mme
Angiolini ait ainsi pris connaissance de plusieurs documents concernant
l’historique et la mission de l’AIIUQ, d’autant plus
que ce site ne contenait aucune information au sujet de l’historique de l’
AIIUQ. Il soutient aussi que la journaliste «n’a pas
consulté les documents relativement aux infirmières auxiliaires […] ni ne les a
simplement demandés»; elle aurait seulement fouillé, à ses dires, une documentation
que l’Association juge non pertinente en regard du sujet de l’article. De plus,
selon le plaignant, le Journal de Montréal «teinte de
sensationnalisme sa publication», par un titre qui serait inapproprié,
«substituant le mot « sécurité » par « vie »». Il
fait observer que la journaliste elle-même ne semble pas en accord avec le
titre en question et ne le défend pas.
Le plaignant répond
ensuite aux commentaires de M. Labrosse. D’abord,
l’affirmation du directeur à l’effet que les propos relatés par les deux
journalistes correspondent fidèlement aux entrevues, alors qu’il n’y était même
pas présent, est fausse. Le plaignant rappelle qu’il a même produit une
déclaration assermentée à cet effet. Pour M. Gagné, la déclaration de M.
Labrosse équivaut, donc, à traiter à son tour les
plaignants de « parjures ». Il reproche également au directeur général de la
rédaction de ne pas faire la différence entre les mots « compétences
insuffisantes » et «incompétences
» et de ne voir rien de mal à substituer
le mot « sécurité » par le mot « vie ».
M. Gagné conteste
ensuite l’affirmation de M. Labrosse, qui écrivait
que «l’AIIUQ est menacée de poursuites et
attaquée de toutes parts…». Cette affirmation est une preuve de la
tendance sensationnaliste du Journal,
puisque l’Association n’aurait en réalité «reçu que deux mises en
demeure». Le mis-en-cause banalise également la
situation en affirmant que ce n’est pas
pour les quelques citations reprochées à son journal que les membres de l’Association
sont ainsi attaqués, car, selon les plaignants, leur association se retrouve
«attaquée par des syndicats en période de maraudage à cause de la
déformation» des propos tenus par ceux-ci, dans le Journal de Montréal,
ce qui aurait conduit à une attaque publique.
Selon le plaignant, il aurait été préférable de donner la parole à des
organismes directement concernés, tel que l’Ordre des infirmières auxiliaires –
dont M. Paradis est, rappelle-t-il, le président et non pas le
pdg – plutôt que de donner la parole à des syndicats qui
selon eux profitaient de l’occasion pour assurer une certaine visibilité en
période de recrutement.
Par ailleurs, le
plaignant répond qu’il est faux de prétendre que l’Association cherche à
s’éviter de payer pour ses erreurs et, selon lui, le ton de la réplique de
M.Labrosse était tout à fait inapproprié.
En conclusion, le
plaignant mentionne que l’AIIUQ a accordé des
entrevues à d’autres médias et que «les résultats ontété très
concluants et factuels», donc que l’organisme n’aurait pas «maille
à partir avec tous les médias mais bien deux, dont trois journalistes».
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE
Commentaires à la réplique de la journaliste,
Daphné Angiolini:
La journaliste confirme qu’elle a rejoint le demandeur
à la suite de la réception de la plainte et explique qu’elle a entrepris cette
démarche dans l’intention de permettre aux deux parties de s’expliquer en
personne, et pour assurer au plaignant que la démarche qu’elle avait adoptée
pour rédiger son article «était sincère et objective». Mme
Angiolini nie les allégations de M. Gagné, selon lesquelles le but de son
intervention était de soutirer de l’information aux plaignants afin d’assurer
sa défense. Elle soutient n’avoir «pris aucune note durant l’entretien
téléphonique», puisque sa lettre de commentaires avait été rédigée avant
la conversation entre les parties. Ce contact aurait été établi dans
l’intention de «démontrer [sa] bonne foi [et de] décortiquer ce
malentendu» alors que le demandeur persisterait à lui prêter de mauvaises
intentions.
Enfin, pour ce qui est du site Internet de l’
AIIUQ, la journaliste confirme qu’il n’est pas accessible,
mais elle ajoute n’avoir jamais prétendu que les informations recueillies pour
écrire l’article provenaient du site Internetde l’Association; elle
explique plutôt avoir trouvé ses informations en naviguant sur d’autres liens
pertinents.
Commentaires
à la réplique du directeur général de la rédaction, Serge Labrosse:
Au sujet des entrevues accordées par ses deux journalistes, M.
Labrosse soutient s’être informé auprès de celles-ci sur la
procédure qu’elles avaient adoptée, «avant de conclure que leurs écrits
étaient fidèles aux propos qu’elles avaient recueillis». De plus, les
articles auraient été rédigés «dans les heures, sinon les minutes qui ont
suivi les entrevues,à partir de notes prises au cours de ces
conversations» et les articles représenteraient les propos tenus par les
personnes interrogées qui ne s’en seraient pas tenues scrupuleusement au
contenu du communiqué de l’AIIUQ.
Le directeur général de la rédaction assure que les qualifications
professionnelles des deux journalistes mises en cause étaient tout à fait
appropriées au moment où les articles furent écrits.
M. Labrosse relève, par ailleurs, une
discordance, dans les propos tenus par le directeur général de l’
AIIUQ, lorsque ce dernier remet en cause la qualité des
recherches effectuées par la journaliste
Daphné Angiolini
.
En effet, dans sa
réplique à celle-ci, M. Gagné «affirme qu’il est « impossible »
de trouver quelque information que ce soit sur Internet au sujet de l’
AIIUQ», alors que lorsqu’il conteste les méthodes
journalistiques de la journaliste Marie Caouette du
quotidien Le Soleil (plainte D2004-07-008), il assure que ce
«n’est pas nécessaire de fouiller beaucoup pour trouver plusieurs
références sur [l’] organisme», notamment grâce aux «nombreux liens
et références […] sur Internet».
Analyse
Avant de rendre sa décision, le Conseil de presse juge bon de resituer dans leur contexte les contestations dirigées contre le quotidien LeJournal de Montréal et deux de ses journalistes.
Ce contexte, c’est celui de la démarche de promotion de l’Association des infirmières et infirmiers d’urgence du Québec (AIIUQ) pour la reconnaissance de la spécialisation du personnel d’urgence, démarche qui se fait dans un horizon d’intérêts divergents des multiples acteurs en présence. Et, quel que soit le traitement journalistique qui s’en est suivi, force est de constater qu’en cherchant à promouvoir ses intérêts, l’AIIUQ a pris position publiquement sur la compétence des infirmières auxiliaires à l’urgence, position qui n’a pas été sans réaction dans le milieu professionnel concerné. Voilà, pour le contexte.
Pour les fins d’examen, le Conseil a choisi de regrouper en quatre parties les griefs des plaignants : ceux concernant la collecte ou sélection des données et l’angle de traitement; ceux relatifs à la qualité du traitement journalistique; ceux qui concernent le droit de réplique et enfin les griefs pour atteinte à la réputation.
Considérons d’abord cette première fonction journalistique qui consiste à recueillir les contenus et à décider de l’angle de traitement abordé. La plainte contenait plusieurs griefs à cet effet, notamment ceux de ne pas avoir procédé correctement dans la recherche d’information en consultant des gens tout à fait hors contexte, en n’utilisant pas l’information contenue dans le « Libellé » publié par l’AIIUQ ou en détournant l’objet et le sujet alors que la documentation fournie par l’Association portait sur la gestion des centres hospitaliers et non sur le dénigrement des infirmières auxiliaires.
Les dirigeants de l’AIIUQ avaient visiblement certaines attentes et certaines visées en rendant publiques leurs informations. Et il est évident que les journalistes n’ont pas agi dans le sens prévu par les plaignants.
À ce sujet, le guide de principes « Droits et responsabilités de la presse » du Conseil indique que le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. L’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier, le choix de ce sujet et sa pertinence relèvent de leur jugement rédactionnel. Il en va de même de l’angle de traitement retenu.
Par conséquent, les mis-en-cause avaient le droit de décider de publier ce qu’ils considéraient comme important dans les circonstances, et ce, sous l’angle de leur choix, même si ces décisions ne rencontraient pas les intentions de la direction de l’ AIIUQ. Après examen, les griefs en cette matière n’ont donc pas été retenus.
Le second regroupement de griefs examiné concernait la qualité du traitement journalistique : exactitude, rigueur, citations ou témoignages erronés, manipulation de l’information, s ensationnalisme.
Premier élément, l’inexactitude de la journaliste Angiolini sur le nom «Yvan Gagné », amalgame des noms de MM. Yvan Gagnon et RéalGagné. Les plaignants utilisent l’erreur afin de démontrer l’imperfection de son travail et son manque de rigueur.
La journaliste a reconnu son erreur et s’en est excusée auprès de M.Réal Gagné. Tout en observant qu’il s’agit d’un manquement de la journaliste en matière d’exactitude, il est apparu aux yeux du Conseil qu’il s’agissait d’avantage d’une malheureuse coquille, et donc d’une faute mineure, qui n’avait pas la portée que lui imputait le porte-parole des plaignants.
En regard de la notion d’incompétence au centre du litige, le Conseil a observé que les plaignants avaient reconnu avoir utilisé l’expression « les infirmières auxiliaires n’ont pas les compétences suffisantes » et admis qu’étymologiquement, « le mot incompétence signifie « absence de compétence » ». Après considération du contexte global de l’article précisé plus haut, le Conseil a estimé que l’expression n’avait pas la portée péjorative que lui reprochent les plaignants et pouvait être acceptable dans le contexte.
En ce qui a trait au sensationnalisme invoqué par le plaignant, le Conseil a estimé que ce n’était pas le traitement journalistique qui avait fait sensation mais bien l’information lancée par M. Gagné, au nom de l’AIIUQ, le fond de la question étant la reconnaissance de la compétence des infirmières auxiliaires pour travailler à l’urgence. Comme il a été établi précédemment que, outre l’erreur de nom, il n’y avait pas d’inexactitude dans l’information rapportée, il n’y a pas lieu pour le Conseil de retenir de grief pour sensationnalisme.
Troisième bloc de griefs en examen, l’exercice du droit de réplique. Àce sujet, le Conseil a estimé qu’en communiquant avec le représentant de l’Association, la journaliste visée par le grief avait permis à M. Gagné d’exprimer son point de vue, même si elle l’avait remis en contexte, et elle avait ainsi satisfait aux principes du droit de réplique. De plus, rien n’empêchait l’Association de commenter ultérieurement le traitement journalistique en sollicitant un droit de réplique dans la page des lecteurs du journal.
Enfin, concernant le dernier bloc de griefs pour préjudices à la réputation, puisque cette atteinte découlerait du fait de fautes professionnelles de la part des mis-en-cause, et puisqu’aucun des griefs précédents n’a été retenu contre les journalistes ou la direction du quotidien, il n’est donc pas possible de conclure à une atteinte à la réputation des plaignants ou de l’Association des infirmières et infirmiers d’urgence du Québec.
Décision
Après étude de la plainte, pour l’ensemble de ces raisons et au-delà, donc, d’une réserve pour inexactitude mineure, le Conseil de presse rejette la plainte contre les journalistes Daphné Angiolini et MartineBoyer ainsi que contre le quotidien Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C03C Sélection des faits rapportés
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C17B Diffamation (citation)
- C17G Atteinte à l’image