Plaignant
M. François
Raymond
Mis en cause
Mme Julie Vaillancourt, animatrice
et journaliste, M. Guy Filion, adjoint au directeur
général des programmes SRC-RDI,
Information-télévision, M. Renaud Gilbert, Ombudsman et la
Société Radio-Canada
-RDI, «La part des
choses»
Résumé de la plainte
À la suite de la conférence
de presse donnée par la jeune fugueuse Julie Bureau, la
Société Radio-Canada a décidé de
consacrer son émission « La part des choses» à l’adolescente. La journaliste
Julie Vaillancourt proposait de
comprendre les raisons de la fuite de Julie Bureau et plus généralement ce qui
pousse un jeune à fuguer. Pour le plaignant, François Raymond, cette émission a
été diffusée en violation du respect de la vie privée de Julie Bureau et au
profit du sensationnalisme.
Griefs du plaignant
Tout d’abord, M.
Raymond accuse la Société
Radio-Canada de ne pas respecter la volonté clairement
affirmée de Julie Bureau de retrouver une vie privée paisible. En effet, pour
le plaignant, en diffusant une émission consacrée à l’histoire de
l’adolescente, la chaîne RDI ne fait
que sombrer dans le commérage. M. Raymond explique également que cette attitude
s’est étendue dans les jours suivants à l’ensemble de
Radio-Canada, surtout à travers les
bulletins de nouvelles et des vox populi remettant en cause l’attitude de la
fugueuse.
De plus, la journaliste Julie Vaillancourt cherche une erreur, quelqu’un
qui aurait mal agi; elle cherche un coupable à la fugue de l’adolescente. Le
plaignant dénonce le mauvais travail de la journaliste qui ne prend pas en
considération l’avis des spécialistes qu’elle a invités dans son émission, au
profit du sensationnalisme. M. Raymond indique qu’à plusieurs reprises les
invités, visiblement exaspérés, ont expliqué à la journaliste quelle faisait
fausse route dans le traitement de son sujet. Mme Vaillancourt a toutefois
persévéré dans son analyse stéréotypée de la situation.
Commentaires du mis en cause
Tout d’abord, M. Guy
Filion met l’accent sur le fait que la disparition de Julie
n’est pas une simple fugue. En effet, compte tenu de l’histoire de
l’adolescente, les médias québécois avaient consacré plusieurs émissions à sa
disparition, au calvaire de ses parents restés sans nouvelle de leur fille et
avaient même donné la possibilité à la mère de lancer un appel public pour
retrouver Julie. Tout le monde s’accordait à croire que l’adolescente était
morte. Pourtant, après trois ans d’absence, Julie réapparaît et donne une
conférence de presse. La Société Radio-Canada
a donc souhaité comprendre le comportement de la jeune fille. M.
Filion conteste l’utilisation, selon lui facile et
passe-partout, de l’expression «création du sensationnel» et y
préfère celle de «soif de connaître les raisons profondes».
De plus, M. Filion explique
que la diffusion en direct de l’émission a entraîné quelques problèmes et par
conséquent un certain malaise chez le téléspectateur. En effet, l’avocat invité
a refusé de répondre aux questions directement reliées à l’affaire. Toutefois,
Radio-Canada juge intéressant et instructif le
contenu de l’émission qui informait sur les nouvelles difficultés des
adolescents.
Réplique du plaignant
Le plaignant indique tout d’abord qu’il n’est
pas satisfait du commentaire de
Radio-Canada, qu’il juge être une série d’excuses et de
justifications farfelues visant à minimiser les reproches adressés, dans sa
plainte, à l’émission «La part des choses».
M. Raymond
explique qu’il a élevé trois enfants et que c’est pour cela qu’il s’inquiète du
respect de la vie privée de Julie. De plus si le but de l’émission «La
part des choses» était de comprendre ce qui pousse un adolescent à
fuguer, la journaliste Julie Vaillancourt n’avait pas à centrer son sujet sur
le cas de Julie Bureau. Le plaignant ajoute que l’avis des invités n’a pas été
pris en compte au profit d’un plan de match prédéterminé par la journaliste.
COMMENTAIRES
À LA RÉPLIQUE
Le Conseil
de presse a également reçu une copie d’une réponse de M. Renaud Gilbert,
ombudsman des services français de
Radio-Canada, adressée au plaignant.
Analyse
Le plaignant reproche tout d’abord à la Société Radio-Canada de ne pas avoir respecté, dans son émission, le souhait de Julie Bureau de retrouver une vie privée paisible. À ce sujet le Conseil rappelle que toute personne a le droit fondamental au respect de la vie privée et que les médias doivent être très prudents dans le traitement de ce genre de sujet. Cependant la fugue de l’adolescente était devenue d’intérêt public lorsque tout le Québec, ému face à cette disparition et à la peine des parents restés sans nouvelle de leur fille pendant trois ans, avait été invité à la rechercher.
La liberté de la presse serait entravée si les médias ne pouvaient pas informer la population d’affaires traduisant des réalités, des problématiques et des enjeux sociaux importants comme la fugue chez les adolescents. De plus, Julie Bureau a accordé une conférence de presse publique ce qui allait entraîner inévitablement une réaction de la part des médias. Ce grief n’a donc pas été retenu.
M. Raymond se plaint aussi du traitement sensationnaliste de la fugue de Julie Bureau par l’émission «La part des choses». Il accuse la journaliste Julie Vaillancourt de ne pas respecter l’avis de ses invités et de poursuivre un plan d’émission au profit du sensationnalisme. Il est vrai que les médias doivent éviter toute insistance indue et doivent faire preuve de pondération dans leur travail. Cependant, le Conseil estime que lors de l’émission visée par la plainte, les mis-en-cause n’ont fait preuve d’aucun sensationnalisme mais plutôt d’une volonté de comprendre le comportement des adolescents fugueurs. La journaliste Julie Vaillancourt a dû continuer son émission en direct malgré les difficultés techniques et les réponses parfois inattendues de ses invités, ce qui peut expliquer le malaise ressenti par M. Raymond. Le grief de sensationnalisme est donc rejeté.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte à l’encontre de la journaliste et animatrice Julie Vaillancourt et la Société Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue