Plaignant
Centre hospitalier régional de Trois-Rivières et M. Jean Bragagnolo, directeur général
Mis en cause
Mme Pascale Gilbert, journaliste, M. Jean-Marc Beausoleil, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Trois-Rivières
Résumé de la plainte
Dans l’édition du 5 juin 2004 du Journal de Trois-Rivières, la journaliste Pascale Gilbert signe un article intitulé «Des experts auraient prévenu l’hôpital il y a deux mois». Elle mentionne qu’une firme, mandatée par le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (CHRTR), aurait effectué une étude et que la direction de l’hôpital n’aurait pas suivi ses recommandations, mettant ainsi en danger la vie des patients. Or, le CHRTR dit n’avoir jamais commandé une telle étude et porte donc plainte auprès du Conseil de presse pour manque de rigueur dans la collecte d’informations et pour atteinte à la réputation de l’hôpital.
Griefs du plaignant
Le directeur général de l’hôpital, M. Jean Bragagnolo, porte plainte en son nom et au nom du CHRTR contre la journaliste Pascale Gilbert. Il explique que, contrairement à ce qui est avancé dans l’article en cause, l’hôpital n’a jamais retenu les services d’une firme spécialisée en microbiologie et que la haute direction du CHRTR n’a jamais reçu de recommandations de qui que ce soit concernant des cas de moisissures dans son établissement. D’après le plaignant, la journaliste n’a pas pris la peine de vérifier l’authenticité de ses sources qu’elle n’a, d’ailleurs, jamais identifiées. Madame Gilbert ainsi que Le Journal de Trois-Rivières ont manqué de rigueur dans la cueillette d’informations, inquiété la population sans fondement et porté atteinte à la réputation de l’hôpital. Sur demande du plaignant, la direction du journal a publié un rectificatif de l’article mais n’a cependant pas identifié la source d’information et le nom de la firme qui aurait réalisé l’étude.
Commentaires du mis en cause
M. Jean-Marc Beausoleil explique tout d’abord qu’un article consacré à la position du CHRTR a été publié à côté de celui de Pascale Gilbert. Un droit de parole a donc été donné à la direction de l’hôpital dans les colonnes du journal. De plus, M. Beausoleil affirme que l’identité de la firme n’a pas pu être dévoilée sous peine de lui faire perdre des contrats, au point où son existence aurait pu être remise en question. Enfin, le mis-en-cause atteste de la bonne foi du Journal de Trois-Rivières qui vient de fêter sa première année d’existence et souhaite conserver les même méthodes de travail que celles qui ont fait la réputation des autres publications Quebecor.
Réplique du plaignant
M. Bragagnolo exprime son désaccord quant à l’article décrivant la position de la direction du CHRTR et publié à côté de celui de Mme Gilbert. Selon le plaignant, cet article dénote un parti pris défavorable à l’hôpital par son contenu et par sa mise en forme. De plus, il n’enlève rien au fait que l’information figurant dans l’article en cause soit inexacte. Le plaignant remet en cause la fiabilité de la source d’information, à savoir la firme, d’autant plus que rien n’impose que son identité soit gardée secrète. Au contraire, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels fait de l’éventuel contrat passé entre la firme et l’hôpital, un contrat public. Le Journal de Trois-Rivières n’a jamais été en mesure de fournir comme preuve une copie du contrat. M. Bragagnolo affirme une nouvelle fois que l’hôpital n’a mandaté ou payé aucune firme pour procéder à une analyse portant sur la qualité de l’air. COMMENTAIRES à LA RéPLIQUE Le Journal de Trois-Rivières atteste une nouvelle fois de la crédibilité de sa source mais refuse toujours d’en dévoiler l’identité compte tenu de l’engagement qu’il a pris auprès d’elle. Le mis-en-cause joint à son commentaire à la réplique, des articles du journal Le Nouvelliste concernant la question de la qualité de l’air ambiant au Centre hospitalier de Trois-Rivières.
Analyse
L’énoncé de principes « Droits et responsabilités de la presse » utilisé depuis plus de 30 ans au Québec comme référence en matière d’éthique journalistique indique, au sujet des sources, de leur protection et de leur révélation : « Les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmettent. Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. […] L’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle. Dans les cas où le recours à des sources anonymes ou confidentielles se révèle nécessaire les médias et les journalistes sont tenus de le mentionner au public. Les médias et les journalistes doivent éviter d’invoquer des sources fictives ou de se retrancher derrière des sources anonymes. » Ainsi, la journaliste et la direction du Journal de Trois-Rivières pouvaient légitimement invoquer le recours à la confidentialité de leurs sources pour ne pas communiquer publiquement l’origine de l’information publiée puisqu’elle était justifiée, selon eux, dans les circonstances. Cependant, ni dans les articles impliqués, ni dans la rétractation publiée par les mis-en-cause sous le titre « Précision » ne trouve-t-on les motifs expliquant au public la raison de cette omission. Par conséquent, pour reprendre les termes mêmes de la citation précédente, rien ne permettait « au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmett[ai] ent. » Ce qui avait pour conséquence de donner au contenu de l’article une apparence d’information non fondée, une pratique contraire aux principes déontologiques. De plus, au sujet de l’étude effectuée par une firme montréalaise, la «Précision» en question reconnaissait une erreur à l’effet «que l’hôpital n’a pas été prévenu des résultats de cette étude », ce qui venait confirmer la prétention du plaignant à l’effet d’inexactitudes dans le traitement de l’information. Toujours au sujet de la « Précision » publiée en guise de rectificatif dans Le Journal de Trois-Rivières , le plaignant formulait le reproche qu’elle était incomplète. Après examen, le Conseil a considéré que le rectificatif était moins incomplet qu’ambigu pour la compréhension de ce qui s’était réellement passé dans le dossier. à la lecture de cette « Précision », il devenait impossible de savoir clairement si la notion de « firme » apparaissant dans le texte faisait référence à celle qui avait effectué la recherche ou à celle qui l’avait commandée. Le grief a donc été retenu sous cet aspect. Finalement, l’examen de la plainte a révélé que les mis-en-cause avaient refusé de fournir au Conseil toute information concernant leur source sur la question de l’étude faite au Centre hospitalier de Trois-Rivières, un élément fondamental, au cŒur même de la plainte. Il est apparu au Conseil qu’il était loisible aux mis-en-cause comme c’est l’usage devant les tribunaux, de déposer un document prouvant l’existence d’une recherche tout en protégeant l’identité d’une source, par exemple en masquant certaines parties ou mentions dans un document.
Décision
Par conséquent, devant l’incapacité et le refus de démontrer que l’étude en question existait réellement, le Conseil de presse retient la plainte contre la journaliste Pascale Gilbert, le rédacteur en chef Jean-Marc Beausoleil et Le Journal de Trois-Rivières.
Analyse de la décision
- C15C Information non établie
- C17G Atteinte à l’image
- C19B Rectification insatisfaisante
Date de l’appel
4 October 2005
Décision en appel
Après examen, les membres de la Commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
Le Journal de Trois-Rivières