Plaignant
Mme Hélène Delsaer
Mis en cause
M.
Éric Yvan Lemay, journaliste, M. Serge
Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Le journaliste Éric
Yvan Lemay signe, dans
Le Journal de Montréal du 26 octobre 2003, un article intitulé
«Assistance dentaire, attention aux arnaques» dans lequel il met en
relief le manque de rigueur et d’efficacité des écoles privées d’assistance
dentaire.
Mme Hélène Delsaer, directrice d’une école
d’assistance dentaire, porte plainte auprès du Conseil de presse contre cet
article qui a causé beaucoup de torts à la réputation de son entreprise.
Griefs du plaignant
La plaignante
explique tout d’abord que l’article publié le 26 octobre 2003 dans
Le Journal de Montréal a causé beaucoup
de torts à son entreprise, d’autant qu’il est paru sur le site Emploi dentaire
Québec.
Le journaliste
Lemay n’a pas pris la peine de recueillir l’avis de
l’entreprise de madame Delsaer et le témoin cité dans
l’article n’a jamais fait savoir son mécontentement à son école.
Enfin il semblerait
que l’article soit paru du fait des contacts qu’entretient madame
Longpré, présidente de l’association des assistantes
dentaires du Québec, avec Le journal de
Montréal.
À la suite de la
parution de l’article, madame Delsaer a écrit une
lettre au journaliste qui n’a pas daigné répondre.
Commentaires du mis en cause
Tout d’abord, M. Serge Labrosse
souligne que ni le nom de la plaignante ni celui de son entreprise n’ont été
cités dans l’article en cause. Le journaliste Lemay a
donc pu difficilement porter atteinte à la réputation de madame
Delsaer et à celle de son école. La plaignante n’explique
d’ailleurs pas en quoi l’article lui a causé des torts.
Le mis-en-cause fait ensuite l’historique
de l’article et explique pourquoi Éric Yvan Lemay l’a
rédigé. Certes ce dernier n’a pas consulté madame Delsaer
mais il ne s’est pas non plus tenu au témoignage d’une élève mécontente. Le
journaliste, avant de rédiger son article, s’est renseigné auprès de l’Ordre
des dentistes et du ministère de l’Éducation qui tous deux déplorent le manque
d’encadrement de ces formations privées.
De plus, M. Labrosse rappelle que
l’école de madame Delsaer a déjà fait l’objet de
dénonciations la visant directement, notamment un reportage dans l’émission
«J.E.» qui mettait en avant l’inefficacité de la formation qu’elle
offrait. La plaignante n’a alors pas jugé bon de porter plainte contre
l’émission. Le mis-en-cause souligne que
le reportage était pourtant plus dangereux
pour l’école que l’article paru dans Le
Journal de Montréal qui ne visait
aucune entreprise en particulier mais plutôt une formation en général.
En ce qui concerne la lettre envoyée par la plaignante, le
journaliste, M. Lemay, dit ne jamais l’avoir reçue.
Quand à la parution de l’article sur le site «Emploi dentaire du
Québec», elle n’est pas le fait du Journal de Montréal qui en a
d’ailleurs demandé le retrait.
Réplique du plaignant
Madame
Delsaer reconnaît que son nom ou celui de son entreprise
n’a pas été mentionné dans l’article mais allègue que la description du lieu et
des tarifs permet d’identifier facilement son école pour ceux qui la
connaissent.
Elle détaille ensuite les désagréments qu’a occasionnés la
parution de l’article dans Le Journal de
Montréal. Des élèves ont demandé à être remboursé, le volume des
inscriptions a baissé et la directrice a même reçu des appels de menace.
La plaignante indique que son école forme des assistantes
dentaires depuis 1996 et que celles qui n’accèdent pas au marché du travail
sont celles qui ne réussissent pas leur formation.
En ce qui concerne madame Longpré,
elle est en conflit avec toutes les écoles privées de formation et l’élève
témoignant dans l’article est en situation d’échec académique.
Concernant l’émission «J.E.», madame
Delsaer n’a pas porté plainte car elle n’avait pas
connaissance de l’existence du Conseil de presse.
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE
M. Serge
Labrosse reconnaît qu’une identification de l’école de
madame Delsaer était possible mais que ce n’était pas
le but du journaliste qui n’a aucunement souhaité nuire à la réputation de la
plaignante. Si le journal avait voulu identifier cette école, il l’aurait fait
clairement.
De plus
l’émission «J.E.» prouve que
la réputation de l’école de madame Delsaer a déjà été
mise en cause. La plaignante n’avait certes pas connaissance du Conseil de
presse mais elle n’ignorait pas l’existence des tribunaux auxquels elle n’a pas
jugé bon de recourir.
La plaignante reste
peu précise quand aux préjudices subis suite à la parution de l’article en
cause.
Analyse
Le choix de l’information, de ses sources ainsi que de son traitement relèvent de la discrétion des directions de salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. Cette liberté rédactionnelle entraîne en contrepartie des obligations que les médias sont tenus de respecter. En effet le Conseil de presse réaffirme que les professionnels de l’information doivent faire preuve de rigueur intellectuelle et rédactionnelle afin d’assurer un respect total des personnes, des groupes, des faits et des événements.
Après avoir examiné les griefs soulevés par la plaignante, le Conseil de presse constate tout d’abord que le journaliste Éric Yvan Lemay a manqué aux obligations d’équilibre et d’exhaustivité que lui impose la déontologie journalistique. En effet, le mis-en-cause fonde l’essentiel de son argumentation sur l’établissement de la plaignante. Il se devait donc de la consulter et de lui donner un droit de réponse face aux accusations qu’il rapportait à propos de son école. Ce grief est donc retenu.
D’autre part, le Conseil de presse estime que si le mis-en-cause ne souhaitait pas porter atteinte directement à la réputation de la plaignante et à celle de son école, certains rapprochements permettent une identification de son établissement. La description de l’école prise en exemple dans l’article ainsi que son nom apparaissant sur la photographie, juxtaposés au terme «arnaque» utilisé dans le titre, conduisent à associer l’école de la plaignante à un établissement malhonnête dispensant une formation coûteuse et inefficace pour le marché du travail.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse retient la plainte contre le journaliste Éric Yvan Lemay et Le Journal de Montréal .
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image