Plaignant
Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal et M. Martin Leclerc, président
Mis en cause
M. Dany Doucet, rédacteur en chef, M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction, M. Caroll Carle, vice-président, Ressources humaines et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Le Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal (STIJM) porte plainte contre le traitement journalistique dont les émissions «Star Académie I» et «Star Académie II» ont fait l’objet dans les pages du Journal de Montréal, au cours des années 2003 et 2004. Selon le plaignant, cette pratique constitue un conflit d’intérêts flagrant ainsi qu’une forme d’entrave à la responsabilité d’informer qui minent la réputation d’objectivité des journalistes et photographes du Journal de Montréal, et entachent également la réputation du quotidien. Le Syndicat impute à la politique de convergence de Quebecor Media la situation dénoncée.
Griefs du plaignant
Le Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal (STIJM) porte plainte contre le traitement journalistique dont l’émission «Star AcadémieII» a fait l’objet dans les pages du Journal de Montréal, au cours de l’année 2004.
Selon le plaignant, cette situation constitue un conflit d’intérêts flagrant ainsi qu’une forme d’entrave à la responsabilité d’informer qui minent la réputation d’objectivité des journalistes et photographes du Journal et entachent également la réputation du quotidien.
Dans sa présentation, le plaignant explique que la manière de traiter les émissions «Star
Académie » « démontrent hors de tout doute que cette importante couverture relevait d’une orientation endossée par les dirigeants du Journal de Montréal et dont le seul but consistait à faire la promotion d’émissions diffusées par TVA ». Pour le STIJM, à des fins de « convergence », de janvier 2004 à avril 2004, la direction du Journal de Montréal aurait « quotidiennement assigné des journalistes et des photographes à la couverture de « Star Académie II » ».
Le Syndicat estime que cette pratique systématique déroge aux normes élémentaires de la profession en matière de conflit d’intérêts en plus d’être une menace à la responsabilité de l’entreprise de presse « en ce qui a trait au respect du droit du public à une information exempte de toute forme de pression économique, promotionnelle ou publicitaire, interne ou externe ».
Ainsi, « en ne soustrayant pas la salle de rédaction du Journal de Montréal à la politique déclarée de » convergence » de Quebecor Media, la direction du quotidien a failli à sa responsabilité de protéger ses journalistes et photographes de telles pressions ».
De plus, « en imposant quotidiennement une couverture systématique – et totalement disproportionnée – d’au moins deux pages de ces émissions de télévision, la direction du Journal de Montréal a, par ailleurs, privé les journalistes et photographes […] de leur liberté de traiter l’information en fonction de sa pertinence». En plus de cette « couverture disproportionnée », les émissions de «Star Académie» auraient fait l’objet d’une centaine de mentions en première page.
Le plaignant reproche donc à la direction du quotidien que, même en sachant que la politique de convergence de Quebecor Media était une stratégie de promotion croisée des entreprises et des produits du groupe de presse, elle a ouvert la porte de la salle de rédaction à cette politique, assujettissant ses journalistes à des impératifs commerciaux de Quebecor, une forme de pouvoir dont ils doivent absolument être protégés.
Pour démontrer la pression exercée par « la stratégie de promotion croisée des entreprises de Quebecor », le plaignant cite un extrait du nouveau magazine interne du groupe intitulé Convergence, qui serait un outil de mise en valeur des retombées qu’apporte ce type de stratégie promotionnelle. Sous la plume de l’éditrice de la publication, on pouvait lire : « Ainsi donc, dans ce premier numéro de Convergence, vous
verrez comment les entreprises de Quebecor Media ont passé avec grande distinction le test de la convergence en faisant de «Star Académie» un véritable triomphe à la télévision québécoise. »
Dans le même magazine, la directrice des communications et des promotions du Journal de Montréal, Marie-Claude Fichault, faisait état de la « contribution » de la salle de rédaction : «Notre support a été surtout rédactionnel. Chaque jour on trouvait des informations sur «Star Académie», que ce soit dans les pages consacrées aux arts et spectacles ou dans la chronique Internet. » Le plaignant cite, en outre, le porte-parole de Quebecor, M. Luc Lavoie, qui déclarait : «Le Journal de Montréal est le véhicule promotionnel en tout temps de TVA et vice-versa… ».
Pour le STIJM, il est évident que la vaste couverture accordée à «Star Académie II» découlait d’une stratégie promotionnelle et que la direction du Journal de Montréal, en toute connaissance de cause, s’est placée en conflit d’intérêts en y adhérant, se soustrayant à ses responsabilités en matière du respect du droit à l’information.
Le plaignant annexe à sa plainte une copie de la première édition du magazine Convergence et des copies d’articles du quotidien portant sur «Star Académie I» et «Star Académie II».
Commentaires du mis en cause
Commentaires du directeur général de la rédaction, M. Serge Labrosse:
M. Labrosse indique que « comme la plainte allègue que, de janvier 2004 à avril 2004, la direction du Journal de Montréal a quotidiennement assigné des journalistes et des
photographes à la couverture de » Star Académie II », le Journal comprend que les seuls articles pertinents à la présente plainte sont ceux parus entre le 3 janvier 2004 et le 24 avril 2004 ». Ainsi, pour répondre à la plainte, le Journal n’a tenu compte que des articles parus durant la période indiquée.
Avant de traiter les griefs, M. Labrosse tient à préciser certains éléments de base :
a) La plainte ne vise pas le contenu des articles publiés mais plutôt le fait qu’ils aient porté sur «Star Académie II». Personne chez les plaignants ne se serait plaint d’interventions de la direction pour orienter le contenu des articles publiés.
b) Au sujet du droit à l’assignation : le Syndicat reproche en fait les assignations ayant
mené à la publication des articles de «Star Académie II» entre janvier et avril 2004. Or, selon la convention collective qui lie les parties, le droit de déterminer les assignations appartient à l’employeur. La plainte n’allègue pas non plus que les journalistes ou photographes impliqués aient manifesté un refus ou des réserves dans la préparation des articles ou photos traitant de «Star Académie II» alors qu’ils se plaignent maintenant de cette assignation acceptée antérieurement.
c) Au sujet de la position du Conseil de presse du Québec à l’égard des choix rédactionnels : M. Labrosse cite des extraits du guide des principes professionnels du Conseil, ainsi que cinq décisions rendues par le Conseil. Sur la base des principes qu’il en dégage, il conclut «que le Journal de Montréal, tant en vertu de la convention collective la liant au Syndicat qu’en vertu des principes affirmés par le Conseil, avait le droit et la liberté de choisir de couvrir l’événement « Star Académie II » comme le Journal l’a fait. » Il ajoute qu’au-delà de ces principes, la liberté de presse exercée par le Journal, est protégée par les chartes des droits québécoise et canadienne.
Ensuite, le représentant des mis-en-cause présente une argumentation pour démontrer que l’émission a constitué un événement culturel et social majeur dans l’actualité de 2004. Il indique notamment que pour chacun des dix galas du dimanche soir, l’auditoire a varié entre 2,2 millions et 2,9 millions de spectateurs. À l’appui de sa thèse, il cite notamment l’anthropologue et professeur JeanPierre Desaulniers et il s’emploie à démontrer que l’émission «Star Académie» a débordé le caractère de l’émission de télévision pour devenir un événement socioculturel incontournable. «Un tel phénomène socioculturel, écrit-il, ne pouvait pas passer inaperçu dans l’actualité et le Journal se devait de le couvrir. »
M. Labrosse relève ensuite un à un les reproches formulés par le Syndicat pour y répondre.
« La situation causée par le traitement du Journal de Montréal de « Star Académie II » constitue un conflit d’intérêts flagrant et une forme d’entrave à la responsabilité d’informer qui minent la réputation d’objectivité des journalistes et photographes que le Syndicat représente et la réputation du quotidien au sein duquel ils sont appelés à exercer leur profession. »
Pour M. Labrosse, le Journal est reconnu pour sa large couverture des événements sociaux et culturels. L’intérêt premier du Journal est d’informer. Selon M. Labrosse, alors que le Syndicat voit un conflit entre cet objectif « d’informer le public » et celui « d’informer le public sur l’événement « Star Académie » », pour lui, il s’agissait tout simplement de la couverture d’un élément de l’actualité socioculturelle et le Journal n’avait qu’un seul intérêt, celui d’informer ses lecteurs.
« Comment les journalistes peuvent-ils blâmer le Journal de les avoir assignés à cet événement culturel d’importance? » se demande M. Labrosse. La plainte ne fait référence à aucun auteur, journaliste ou photographe en particulier.
Le représentant des mis-en-cause s’étonne également « de la prétention du Syndicat que le traitement par le Journal de Montréal de l’événement «Star Académie II» ait miné la réputation du quotidien » alors qu’une enquête d’opinion de la firme MultiRéso, commandée par le Syndicat, concluait à l’inverse. M. Labrosse cite alors plusieurs
passages de l’étude, dont l’un indiquant que «pour la majorité des lecteurs réguliers du Journal, le traitement fait de « Star Académie » n’a eu aucun impact négatif sur la crédibilité qu’ils accordent au Journal, bien au contraire».
Un autre extrait indique notamment : « Ils [les lecteurs] sont aussi conscients des liens entre la productrice de » Star Académie » et le propriétaire principal de Quebecor. Ils connaissent tous ces liens. Ils sont conscients que l’appartenance du Journal au Groupe Quebecor a influencé le traitement qu’on y fait de « Star Académie ». Ils sont conscients aussi que le Journal a fait la promotion de cet événement. Mais ils ne voient là aucun problème et n’en ont jamais vu, bien au contraire. »
Le directeur général de la rédaction explique que les journalistes et photographes étaient libres de leur couverture qui pouvait être tout aussi bien positive que négative. Il rappelle que la plainte ne contient aucune allégation à l’effet que le contenu de leur travail leur ait été dicté.
Selon M. Labrosse, il est également faux de prétendre que la couverture de « Star Académie II»a entravé la couverture de l’information, car le Journal a continué à couvrir l’actualité comme il le faisait auparavant avec l’importance appropriée. De plus, le Syndicat n’a identifié aucun événement non couvert par le Journal et qui aurait dû l’être.
D’ailleurs, entre février et avril 2004, la direction de l’information a pris soin d’ajouter des chroniqueurs et des journalistes de façon à ce que le personnel appelé à couvrir l’actualité continue à le faire normalement. Un poste a même été affiché à cet effet et le Syndicat ne l’a pas contesté. En outre, le Journal a augmenté son espace rédactionnel d’une page et demie à deux pages par jour de façon à ne pas affecter l’espace habituellement réservé à la couverture des événements culturels.
La couverture de «Star Académie II» relevait d’une orientation embrassée par le Journal de Montréal dont le seul but consistait à faire la promotion d’émissions diffusées par TVA.
Pour M. Labrosse, que cette émission ait été diffusée par un autre diffuseur n’aurait rien changé à son caractère d’événement socioculturel et le Journal de Montréal l’aurait couverte, tout comme les séries éliminatoires du hockey diffusées sur d’autres chaînes. Le Journal a couvert l’événement parce qu’il impliquait des millions de personnes à travers le Canada francophone.
En regard des références des plaignants au magazine Convergence, M. Labrosse
indique que «leJournal ne commentera pas les allégations provenant de ce magazine parce qu’il a été publié avant janvier 2004 et «Star Académie II». Il en est de même des allégations reliées aux propos du porte-parole de Quebecor, Luc Lavoie, prétendument faits le 31 août 2004 et qui ne proviennent pas du Journal ».
De janvier 2004 à avril 2004, la direction du Journal a quotidiennement assigné des journalistes et des photographes à la couverture de «Star Académie II».
Le représentant des mis-en-cause indique que la question du droit de la direction du Journal d’assigner ses employés aux événements de son choix a déjà été traité, de même que celle sur les mesures pour assurer la couverture de l’actualité pendant la couverture de «Star Académie II».
Il répète que l’assignation n’a fait l’objet d’aucune opposition de la part des plaignants. Il ajoute que ces derniers ont déposé des griefs sur l’embauche d’un employé surnuméraire sans l’accord du Syndicat alors que l’employé en question avait justement été embauché pour la couverture de «Star Académie II». De plus, le Syndicat réclame pour son propre compte le versement de sommes équivalentes à des heures de temps supplémentaire. M.
Labrosse rappelle que la couverture de «StarAcadémie II» n’a pas empêché le Journal de suivre l’actualité durant toute la période.
La direction du Journal n’a pas soustrait la salle de rédaction du Journal à la politique déclarée de convergence de Quebecor Media et a ainsi failli à sa responsabilité de protéger ses journalistes et photographes de telles pressions.
Pour le représentant des mis-en-cause, la thèse du Syndicat semble être que le Journal devait protéger ses journalistes et photographes d’un événement d’actualité impliquant plusieurs millions de personnes de façon quotidienne, entre le 15 février et le 18 avril 2004. « Une telle thèse est fondée sur la prémisse que » Star Académie »
était un » produit de Quebecor » et que le Journal devait protéger son personnel de tels produits », écrit M. Labrosse.
Ce dernier s’étonne d’une telle prémisse de la part de professionnels de l’information vu la liberté d’écrire qu’ils ont conservée durant tout ce temps. M. Labrosse cite d’ailleurs quelques exemples d’articles critiquant l’événement ou son contenu. Enfin, en ce qui a trait à la référence à des pressions, il dit pouvoir difficilement commenter, le Syndicat ne
précisant pas de détails sur le sujet.
Le Journal a imposé quotidiennement une couverture systématique d’au moins deux pages de l’émission de télévision et a ainsi privé les journalistes et photographes membres du Syndicat de leur liberté de traiter l’information en fonction de sa pertinence.
Selon M. Labrosse, le Journal a couvert l’événement «Star Académie II»selon le rythme de son déroulement, selon l’intérêt démontré par ses lecteurs et selon l’importance que prenait ce phénomène socioculturel au Québec. Le gala du dimanche soir prenant des proportions nationales, il était couvert de façon hebdomadaire alors que l’événement quotidien recevait une couverture quotidienne.
En prétendant que certains de ses membres ont été privés de leur liberté de traiter l’information en fonction de sa pertinence, le Syndicat tente de contourner la règle que le Journal a le droit d’assigner son personnel. Comme aucun exemple n’est apporté par les plaignants, le Journal considère qu’il est difficile d’argumenter plus avant sur ce point, ce dernier ayant continué de couvrir l’actualité tout au long de l’événement.
Les émissions de «Star Académie» ont fait l’objet d’une centaine de mentions en première page durant les années 2003 et 2004.
Le directeur général de la rédaction reconnaît que « le Journal a pu publier à l’occasion des mentions en première page traitant de «Star Académie II»en 2004. Toutefois, le Journal a publié cinq premières pages dont l’élément majeur était «Star Académie II».
Cependant, il est reconnu que les choix de la première page sont des choix rédactionnels réservés au Journal. Ces choix ont été faits en fonction de l’actualité et de l’intérêt public en tenant compte du caractère majeur de l’événement socioculturel qu’était «Star Académie II».
M. Labrosse conclut en réitérant que cette plainte constitue une question assujettie à la convention collective, que ses enjeux tirent leur origine des relations de travail et que les droits revendiqués par le Syndicat dans ce dossier ne tiennent pas de la protection du public et de son droit à l’information mais plutôt de ses intérêts propres. Les mis-en-cause contestent les allégations contenues dans la plainte déposée par le Syndicat.
Le représentant du Journal invoque alors des considérations légales pour justifier la couverture de «Star Académie II». Il souligne notamment que le droit du public à l’information est enchâssé spécifiquement dans la Charte des droits et libertés de
la personne du Québec et soumet qu’hormis les tribunaux, personne ne peut prétendre pouvoir déterminer seul ce qui est d’intérêt public et visé par le droit du public à l’information.
M. Labrosse fait également valoir que la «liberté de presse se heurte quelquefois à d’autres droits tels que le droit à la réputation, le droit à la vie privée, le droit à la
présomption d’innocence, etc. » Plus loin il ajoute : « Il nous apparaît dangereux pour la liberté de presse et la démocratie que quiconque, incluant le Conseil de presse, détermine exclusivement, à partir de son propre jugement, ce qui constitue l’information pouvant être publiée ou diffusée au public par les médias.»
M. Labrosse termine en ces termes : « Le Journal soumet au Conseil de presse que le seul intérêt servi par la publication des informations sur « Star Académie II » était l’intérêt du public et que cette publication a été faite de façon à satisfaire le droit du public à l’information. Le Journal demande donc le rejet de la plainte du Syndicat.»
Réplique du plaignant
Le représentant du STIJM amorce sa réplique en déclarant que les questions soulevées dans la plainte du Syndicat sont fondamentales et essentielles à la pratique d’un journalisme sérieux et libre de toute attache physique et morale pouvant porter atteinte à la réputation et à l’intégrité de ses artisans. M.Leclerc dit s’en remettre au Conseil de presse pour un éclairage sur l’attitude et les comportements que doivent adopter les artisans du Journal de Montréal, du journaliste jusqu’au propriétaire, en ces temps de propriété « croisée », de « convergence » et de «synergie ». Il demande au Conseil de statuer sur ce qui apparaît au Syndicat comme « une inquiétante dérive de l’entreprise de presse au sein de laquelle nous oeuvrons ».
Dans sa réplique, M. Leclerc indique que ses réponses ne porteront pas sur la recevabilité de la plainte mais sur le fond du débat, et qu’il se limitera à répondre aux commentaires de la direction du Journal.
M. Leclerc précise que la plainte concerne tous les articles publiés entre le 1er janvier 2004 et le 18octobre 2004, date du dépôt de la plainte.
La plainte ne vise pas la qualité du travail des journalistes affectés à la couverture de « Star Académie ». Elle sert à « dénoncer les interventions de la direction du Journal de Montréal qui fait en sorte que tout ce qui se rattache à « Star Académie » doit être systématiquement couvert comme s’il s’agissait de nouvelles d’intérêt public, ce qui a pour effet de transformer le travail des journalistes en propagande d’intérêt commercial qui profite à TVA, à Quebecor ainsi qu’à une maison de production appartenant de surcroît à la conjointe d’un haut dirigeant de Quebecor ».
Les commentaires des mis-en-cause réfèrent au texte de la convention collective pour faire valoir, entre autres, le droit d’assignation de l’entreprise, alors que le Conseil de presse a déjà statué sur la recevabilité de la plainte.
Le Syndicat retient et cite ensuite quelques passages importants de ce que la direction du Journal a considéré comme la position du Conseil de presse du Québec à l’égard des choix rédactionnels, avant d’inscrire sa propre interprétation.
Le Syndicat estime que l’obligation de couvrir systématiquement une émission de télévision, de manière telle qu’on en vienne à en faire la promotion, constitue une entrave à la liberté des journalistes d’exercer leur métier. Si la couverture des émissions des autres réseaux de télévision est faite en fonction de l’intérêt public, mais que la couverture de certaines émissions du réseau TVA est systématique, on oblige, dans les faits, les professionnels de l’information du Journal de Montréal à se conformer au modèle idéologique et économique de Quebecor.
Il estime également que Quebecor, grâce à la propriété croisée des médias écrits et
électroniques dont elle jouit dans le marché québécois, ne fait pas ses choix de couverture du monde de la télévision dans un esprit d’équité et de justice, mais plutôt en fonction de ses propres intérêts économiques.
En évaluant la couverture sous le seul angle de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public, et compte tenu des intérêts commerciaux évidents de Quebecor dans «Star Académie II», il apparaît clairement, selon le Syndicat, que la direction du Journal de Montréal se trouve en pleine situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts.
Comme la direction du Journal de Montréal s’est appuyée sur certains passages d’un livre de l’anthropologue et professeur JeanPierre Desaulniers, pour justifier l’importance de la couverture accordée à l’émission « Star Académie » le Syndicat réplique en citant d’autres
passages du même livre. À la suite des citations retenues, le plaignant tire certaines conclusions :
En fait, l’émission n’est qu’un produit de divertissement qui a connu du succès en Europe depuis 2001 et qui a été acquis par une maison de production québécoise. On est donc loin de « l’événement socioculturel » que la direction du Journal de Montréal ne cesse d’alléguer pour justifier la couverture journalistique contestée.
Le plaignant relève même que dans un extrait du livre de M. Desaulniers, on peut retrouver l’essence même de la plainte déposée : « Les événements vont effectivement donner raison aux détracteurs de « Star Académie ». Tout l’empire Quebecor a soutenu l’émission. Le Journal de Montréal avait ses deux pages quotidiennes et sa rubrique Internet. La chaîne Radio-Énergie, qui avait une entente commerciale avec Quebecor livrait systématiquement des nouvelles sur la vie trépidante du château de Sainte-Adèle.
Les télé-horaires faisaient leur une avec l’émission. Les journaux à potins dévoilaient les dessous croustillants et sentimentaux de la vie des concurrents. Le câblodistributeur Vidéotron en a profité pour proposer des spéciaux d’abonnement rattachés au webcam de la maison. TVA n’a pas lésiné sur les « plogues » des académiciens dans les autres émissions, les magasins Archambault ont pris en charge la promotion du disque. Tous les départements de Quebecor se sont mis au service de l’émission et pas d’une manière sporadique. »
Le Syndicat en déduit que « les journalistes et photographes affectés à la couverture de cette émission ne l’ont pas été en fonction de l’importance que revêtaient leurs reportages, ni du degré d’intérêt public de leur couverture » mais ils ont plutôt été utilisés dans le cadre d’une vaste campagne de mise en marché de la part des mis-en-cause.
Les professionnels de l’information du Journal ont eu la conviction que leur salle de rédaction et leur groupe «étaient sciemment déviés de leur mission d’informer le public afin de servir les intérêts économiques de Quebecor ».
Selon le Syndicat, au Journal de Montréal, nombreux sont ceux qui ont aussi constaté que la salle de rédaction était « piégée, dirigée et canalisée vers TVA ». En outre,
une autre émission de TVA, «Occupation double », jouissait d’un traitement semblable. Les plaignants demandent, dans ce cas, si nous sommes ici en présence d’un autre phénomène social sans précédent.
Les plaignants affirment que l’utilisation des professionnels de l’information du Journal de Montréal à des fins de « convergence » a pour effet d’entacher leur réputation, dans le milieu des communications, auprès de leurs collègues des autres médias et des intervenants qu’ils rencontrent dans leur métier, ainsi qu’auprès de leurs lecteurs.
M. Leclerc aborde ensuite le sujet de l’enquête d’opinion commandée par le Syndicat et utilisée par M. Labrosse contre les plaignants pour argumenter que la couverture de «
Star Académie» était adéquate parce que le public ne s’en est pas plaint. Pour le porte-parole syndical, ce ne sont pas les perceptions du public qui garantissent la qualité et la pertinence de l’information livrée au public, mais plutôt les comportements des dirigeants des salles de rédaction et des professionnels de l’information.
Le plaignant conclut ainsi sa réplique : « D’un côté, on retrouve la direction du Journal de Montréal qui martèle sur tous les tons qu’elle a des droits. À grands coups de jurisprudence, de textes émanant de la Charte des droits et libertés du Québec et même des textes de convention collective, la direction du Journal de Montréal plaide que son droit de gérance doit avoir préséance sur des normes journalistiques reconnues à travers le monde. La direction soutient donc, d’un même souffle, qu’elle peut sciemment bafouer ces normes, se placer en situation de conflit d’intérêts et ignorer le droit du public à une information juste et équitable si cela lui permet d’y trouver un profit. »
Il poursuit : « De l’autre côté, on retrouve le syndicat, qui prétend que la plus grande richesse d’une entreprise de presse est sa liberté et son intégrité, et qui constate que
ces deux valeurs ont été rudement mises à mal au cours des deux dernières années, notamment en raison de la couverture « obligée » et démesurée de l’émission « Star
Académie ». »
Selon M. Leclerc, personne ne peut nier que la couverture consacrée à l’émission «Star Académie» par le Journal de Montréal découlait d’une stratégie de promotion minutieusement orchestrée et dont le seul objectif était de mousser les cotes d’écoute de
TVA, les ventes de disques, les ventes de billets de spectacles, etc.
Pour le plaignant, les droits des propriétaires d’entreprises de presse sont assortis d’importantes responsabilités envers le public, et leurs employés. « Avant toute chose, d’ajouter M. Leclerc, chaque lecteur est un citoyen qui a le droit de recevoir une information exempte, entre autres, de toute forme de pression économique, promotionnelle ou publicitaire, interne ou externe. Et pour informer adéquatement les citoyens, les professionnels que sont les journalistes, photographes et chefs de pupitre doivent obligatoirement être libres de toute forme d’attache physique ou morale qui puisse porter atteinte à la profession. »
En résumé, le Syndicat reproche à la direction du Journal de Montréal d’avoir fait primer ses intérêts sur ceux du public et des professionnels de l’information de l’entreprise.
Le plaignant a également déposé un complément à la réplique, de 102 pages, regroupant des exemples de couverture de « Star Académie» et de «Occupation double», de mémoires au CRTC, de décisions du Conseil de presse du Québec, d’une plainte au « Comité de surveillance de TQS » et d’une allocution à la Commission de la culture du Québec.
Analyse
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil, les représentants du Journal de Montréal soutenaient à l’origine, qu’il n’appartenait pas au Conseil de presse de se prononcer sur les matières faisant l’objet de la plainte.
Considérant que les questions abordées concernaient au premier chef l’éthique journalistique et le droit du public à l’information, le Conseil a pour sa part estimé de son devoir et de son domaine d’intervention habituel de se pencher sur les questions que soulevait le Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal sur le traitement journalistique de l’émission « Star Académie II», dans les premiers mois de l’année 2004.
Le premier grief exprimé par le plaignant indiquait que : « La situation causée par le traitement du Journal de Montréal de » Star Académie II » constitue un conflit d’intérêts flagrant et une forme d’entrave à la responsabilité d’informer qui minent la réputation d’objectivité des journalistes et photographes que le Syndicat représente et la réputation du quotidien au sein duquel ils sont appelés à exercer leur profession. » Avant d’aborder les griefs pour conflit d’intérêts et atteinte à la réputation, le Conseil a choisi d’examiner d’abord tous les aspects relatifs à l’entrave à la responsabilité d’informer et les griefs s’y rapportant.
Un de ces griefs imputait à l’orientation embrassée par les dirigeants du Journal de Montréal – l’orientation de « convergence » de Quebecor Media– l’importante couverture dont avait bénéficié «Star Académie II»dont le seul but consistait, selon le plaignant, à faire la promotion d’émissions diffusées par TVA. Le Conseil a constaté qu’au-delà de la documentation illustrant les dirigeants de l’entreprise en faisant la promotion de leur politique entrepreneuriale de convergence, le plaignant n’a fourni aucune preuve concrète démontrant l’intervention de Quebecor Media auprès de la haute direction de la rédaction du Journal. Non plus que de preuve de l’intervention de l’éditeur du Journal de Montréal dans les services de rédaction. Dans ce cas, retenir ce grief sans preuve équivaudrait à faire à la direction du Journal un procès d’intention, ce que le Conseil s’est toujours refusé à faire. Le grief n’a donc pas été retenu.
Pour illustrer l’omniprésence de «Star Académie II» dans les pages du quotidien, le plaignant alléguait également que ces émissions avaient fait l’objet d’une centaine de mentions en première page du Journal. Après examen de la documentation fournie en preuve pour l’année 2004 (seule année sur laquelle pouvait porter la plainte), sur les 204 pages parcourues, il n’a été possible de dénombrer que trois mentions de «Star Académie II» à la une du quotidien. Considérant cette donnée et la liberté rédactionnelle dont bénéficie dans la détermination du contenu de la une d’un journal, le Conseil rejette ce grief.
Le plaignant dénonçait ensuite que « de janvier2004 à avril 2004, la direction du Journal avait quotidiennement assigné des journalistes et des photographes à la couverture de « Star Académie II » ». Comme la plainte ne comportait aucun relevé de l’affectation quotidienne, le Conseil a porté son regard sur la documentation fournie pour la période de référence, soit du 3janvier au 24 avril 2004.
L’examen des pages du quotidien a permis de relever 36 jours sans texte au sujet de «Star Académie II» sur les 113 jours de la période de référence. Bien que durant le reste de la période la couverture puisse être considérée comme abondante, le grief, tel que formulé, n’était pas exact et n’a pas été retenu.
En ce qui concerne l’assignation proprement dite, dans ses commentaires, le porte-parole des mis-en-cause reconnaissait que le Journal avait embauché un journaliste surnuméraire et augmenté le nombre de pages du quotidien. À ce sujet, le Conseil fait observer que pour un média, embaucher du personnel supplémentaire ou augmenter sa couverture journalistique ne constitue pas en soi une faute déontologique. L’assignation est, en effet, une prérogative de la direction de la rédaction. Or, les documents du plaignant ne renfermaient aucune preuve démontrant que cette décision aurait été imposée de l’extérieur à l’ affectateur de la rédaction. Non plus qu’il n’est démontré que la couverture effectuée ensuite par le quotidien a dépassé ce qui aurait normalement été publié si cet événement rejoignant plus de deux millions de personnes au Québec, avait été organisé par un autre groupe, non rattaché à Quebecor Media. En l’absence de preuve que la couverture effectuée était exagérée et qu’elle a avantagé «Star Académie II»; et sans preuve qu’elle était le fruit d’une concertation entre le Journal de Montréal et une autre instance extérieure, la plainte n’a pas été retenue sur cet aspect.
Toutefois, au sujet de ce troisième grief, le Conseil considère que, dans un contexte de convergence, les médias doivent être très prudent. En effet, selon le guide Droits et responsabilités de la presse à la rubrique 2.2.3:
«Cette concentration de la propriété de la presse québécoise est porteuse d’un certain nombre d’effets potentiellement pervers, tels que:
Risque d’uniformisation et de standardisation du contenu des médias d’information, au détriment de l’expression d’un large éventail d’idées et de leur libre circulation;
Monopolisation du marché publicitaire mettant en péril la survie d’entreprises de presse indépendantes ou de médias fragilisés;
Subordination de l’information aux impératifs économiques de l’entreprise, d’où risque de censure et d’autocensure;
Perte d’autonomie éditoriale des salles de rédaction et des rédacteurs en chefs.»
Afin d’éviter les pièges de la convergence, le Conseil estime que la mise sur pied d’un comité d’assignation ou d’un autre mécanisme favorisant la transparence et l’étanchéité des salles de rédaction pourrait être appropriée et souhaitable et ce, sans remettre en cause le droit d’assignation du Journal de Montréal ou de tout autre média se retrouvant dans une situation similaire.
Le Syndicat reprochait également aux mis-en-cause d’avoir imposé quotidiennement aux photographes et journalistes une couverture disproportionnée d’au moins deux pages de ces émissions de télévision, les privant ainsi de traiter l’information en fonction de sa pertinence. Le Conseil a constaté qu’il n’est jamais précisé dans la plainte ce qu’aurait dû être une couverture «proportionnée ». Et il n’est pas indiqué non plus quelle partie de l’information culturelle n’a pas été couverte alors qu’il aurait été pertinent de le faire ni quelle partie de «StarAcadémieII» a été couverte alors qu’elle n’aurait pas dû l’être. Pour ces raisons, ce grief n’a pas été retenu.
Devant l’abondance de la documentation fournie, le Conseil a cherché à savoir si en regard de la couverture effectuée par les médias concurrents, la couverture de «StarAcadémie II»pouvait apparaître disproportionnée. Après un relevé sommaire de tous les articles contenant les mots « Star Académie » dans dix quotidiens francophones desservant le Québec et l’Acadie, le Conseil a conclu que malgré l’importance de l’écart entre la production des médias concurrents et celle du mis-en-cause, il était impossible de conclure à une couverture «artificielle » de la part du Journal de Montréal.
La comparaison a été poussée plus loin, mais cette fois en ne s’en tenant qu’aux trois grands quotidiens québécois La Presse, Le Devoir et Le Soleil. Les jours sans publication ont été comparés entre les journaux, de même que les jours de plus grande production comme au milieu de la semaine, lors de la mise en danger des concurrents de « Star Académie II». De toutes les observations et conclusions tirées de ces comparaisons, il appert que la couverture a certainement été abondante en quantité à l’égard de « Star Académie II»dans plusieurs médias.
Cependant, la couverture intensive par les mis-en-cause ne s’est pas étendue sur quatre mois mais sur un peu plus de neuf semaines, ce qui correspondait à la période où les candidats étaient en résidence pour la compétition, et il n’y a pas eu de suivi interminable de la part du mis-en-cause au terme de l’événement. Par conséquent, à partir des observations et comparaisons obtenues, il était possible de conclure à une couverture systématique, mais non à une couverture « totalement disproportionnée ».
Dans un autre grief, le plaignant invoque que le traitement de «Star Académie» par le Journal de Montréal constitue un conflit d’intérêts. Après une étude approfondie du dossier, aucun élément de preuve n’a permis de démontrer un conflit d’intérêts réel de la part de la direction de l’information ou de celle du Journal. Ce grief est donc rejeté.
Dans un contexte de convergence, les mis-en-cause se devaient toutefois de faire preuve d’une grande prudence pour assurer non seulement que le Journal n’était pas en conflits d’intérêts mais aussi pour éviter qu’il se retrouve en apparence de conflit d’intérêts. Les observations relevées dans les griefs précédents démontrent clairement que la direction du Journal de Montréal savait que son média et ses employés pouvaient être en situation d’apparence de conflit d’intérêts.
Plusieurs documents, dont le guide des « Droits et responsabilités de la presse » à la rubrique 2.1.3., insistent sur l’importance de l’indépendance des salles de rédaction des médias. Et, par-dessus tout, un des principes fondamentaux que le Conseil n’a cessé de rappeler depuis plus de trente ans demeure celui de l’absence d’apparence de conflit d’intérêts :
«Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent au surplus éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflits d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. Il importe de garder à l’esprit que les gouvernements, les entreprises, les groupes de pression, divers organismes et autres instances cherchent par différents moyens à orienter et à influencer l’information en fonction de leurs propres intérêts.
Tout laxisme à cet égard met en péril la crédibilité des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. Il est impérieux de préserver la confiance du public quant à l’indépendance et à l’intégrité de l’information qui lui est livrée et envers les médias et les professionnels de l’information qui la collectent, la traitent et la diffusent.
Il est essentiel que les principes éthiques en la matière, et que les règles de conduite professionnelle qui en découlent, soient respectés rigoureusement par les entreprises de presse et les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions. Même si l’information transmise respecte les critères d’intégrité et d’impartialité, il importe de souligner que l’apparence de conflit d’intérêts s’avère aussi préjudiciable que les conflits d’intérêts réels.
Les entreprises de presse doivent veiller elles-mêmes à ce que, par leurs affectations, leurs journalistes ne se retrouvent pas en situation de conflit d’intérêts ni d’apparence de conflit d’intérêts. Elles doivent se montrer toutes aussi rigoureuses à l’égard du travail des collaborateurs extérieurs auxquels elles ont recours.
Le Conseil de presse préconise que les médias se dotent d’une politique claire et de mécanismes de prévention et de contrôle adéquats en cette matière. Ces politiques et mécanismes devraient couvrir l’ensemble des secteurs d’information, que ceux-ci relèvent du journalisme d’information ou du journalisme d’opinion. Toute situation qui risque de ternir l’image d’indépendance et de neutralité des professionnels de l’information devrait y être traitée, notamment, les voyages gratuits, les privilèges, les cadeaux et les gratifications, ainsi que les prix de journalisme offerts par des groupes extérieurs à la profession. »
Plusieurs observations analysées, telle la référence au sondage de la firme Multi Reso, démontrent que la direction du Journal de Montréal savait que son média et ses employés pouvaient être en situation d’apparence de conflit d’intérêts. Et, le mis-en-cause n’a pas démontré avoir pris tous les moyens à sa disposition pour préserver la réputation d’intégrité du Journal et de ses employés et partant, de les protéger de l’apparence de conflit d’intérêts. Par conséquent, aux yeux du Conseil, il se plaçait ainsi en contravention des principes cités en regard de l’apparence de conflit d’intérêts.
Toujours à ce sujet, un autre grief est invoqué par le plaignant. Ce grief voulait que la direction du Journal n’ait pas soustrait la salle de rédaction du Journal à la politique déclarée de convergence de Quebecor Media et ait ainsi failli à sa responsabilité de protéger ses journalistes et photographes de telles pressions. À ce sujet, le Conseil a pris en considération la réponse du représentant des mis-en-cause à l’effet que les journalistes avaient conservé toute leur liberté d’écrire ce qu’ils voulaient sur «StarAcadémieII». Le Syndicat est quant à lui demeuré imprécis sur la question
Le Conseil estime que le Journal était confronté au risque de subordination de l’information aux impératifs économiques de Quebecor Média. Dans le Volume 1, numéro 1 du magazine Convergence, la directrice des communications et des promotions du Journal expliquait que: «Notre support a été surtout rédactionnel. Chaque jour, on trouvait des informations sur « Star Académie » que ce soit dans les pages consacrées aux arts et spectacles ou dans la chronique Internet.» Dans ce contexte, puisque la politique de convergence de Quebecor Media était connue et que l’on sait qu’elle était attendue de toutes ses entreprises, le Conseil considère que des moyens de préserver l’étanchéité de la salle de rédaction du Journal de Montréal auraient dû être déployés. Or, après l’examen des documents, il est apparu au Conseil que la direction du Journal n’a pas pris de position publique pour affirmer l’étanchéité de sa salle des nouvelles et pour prendre ses distances avec «Star Académie II». Le grief concernant cet aspect est donc retenu.
Toujours en lien avec l’apparence de conflit d’intérêts, en ne prenant pas tous les moyens pour préserver la réputation d’intégrité du Journal et de ses employés et partant, de les protéger de l’apparence de conflit d’intérêts, la direction du Journal de Montréal a, d’un point de vue éthique, nui à la réputation du quotidien et à celle des journalistes et photographes à son emploi.
Décision
Pour ces raisons le Conseil de presse retient partiellement la plainte du Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal, soit sur les griefs portant sur l’apparence de conflit d’intérêts, la soustraction de la salle de rédaction du Journal à la politique déclarée de convergence de Quebecor Média et, d’un point de vue éthique, l’atteinte à la réputation d’objectivité des journalistes du Journal, mais rejette les autres motifs de la plainte contre la direction du Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C06G Ingérence de la direction du média
- C17G Atteinte à l’image
- C22C Intérêts financiers
- C22H Détourner la presse de ses fins