Plaignant
Internationaux du sport de Montréal, M. Serge Savard, président du Conseil d’administration et M. Marc Campagna, président
Mis en cause
MM. Martin Leclerc et Martin Smith, journalistes, M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Les responsables des Internationaux de sport de Montréal (ISM) reprochent aux deux journalistes ayant réalisé l’enquête du Journal de Montréal sur les ISM d’avoir porté atteinte à la réputation de l’organisme et de ses dirigeants. Selon MM. Savard et Campagna, les 16 articles parus du 16 au 20 juin 2004 ne reflètent pas leur propos, tels qu’ils ont été exprimés en entrevue. Le président des ISM et le président du conseil d’administration expliquent que les journalistes ont émis leurs propres jugements, aménagé la vérité et cherché à orienter les lecteurs en faveur de leur thèse.
Griefs du plaignant
M. Savard, président du conseil d’administration et M. Campagna, président des Internationaux de sport de Montréal, expliquent que les articles des deux journalistes ont gravement porté atteinte à la réputation des ISM et soulevé des doutes quant à l’intégrité et l’honnêteté des dirigeants et/ou du personnel de leur organisme. En effet, MM. Smith et Leclerc ont associé les dirigeants des ISM au scandale des commandites, à l’ex-président du groupe Everest ainsi qu’à une prétendue « filière » libérale. En outre, ils n’auraient pas respecté la vie privée et la réputation de M. Savard en affirmant notamment qu’il dictait lui-même les budgets de la fête du Canada au ministère du Patrimoine.
Lors de l’entrevue de deux heures qui a été accordée à MM. Leclerc et Smith, les deux dirigeants ont clairement expliqué la mission et les objectifs des ISM. Or, les articles de
l’enquête ne reflètent pas leur opinion de façon honnête et équitable. Selon MM. Savard et Campagna, les journalistes n’ont retenu pour leurs articles que les éléments qui leur permettaient d’étayer la thèse du « piètre bilan des ISM ». Par ailleurs, le style du texte, le choix des mots, les titres, le montage graphique contribuent à orienter le lecteur vers des conclusions qui ne sont pas démontrées dans la série d’articles.
L’enquête se résume, d’après les plaignants, à une addition de dossiers hétéroclites (dont certains n’ont aucun rapport avec l’organisme), d’opinions, d’interprétations personnelles, de culpabilisation par association politique, de citations discutables, de jugements de valeur de la part de quelques fonctionnaires dont le degré de crédibilité et de compétence au dossier n’est pas précisé. Les plaignants expliquent d’ailleurs que les personnes citées ne sont pas leurs interlocuteurs gouvernementaux.
Les dirigeants des ISM précisent que M. Smith dénigre les ISM pour la deuxième fois et ils soupçonnent des inimitiés de la part du journaliste envers leur organisme. M. Smith se réfère d’ailleurs dans son enquête de 2004 à son article de 2002 mais il se garde bien d’indiquer qu’il avait dû se rétracter en première page en raison d’un titre inexact. Les plaignants voient dans cette récidive de 2004 la même propension des journalistes à aménager les vérités, les faits et les chiffres à leur guise et à utiliser des mots, des phrases et des titres chocs dans le but d’obtenir l’effet sensationnaliste recherché. Les articles tendancieux ne prouvent, à terme, ni malversation, ni scandale, ni laxisme de la part des ISM mais en laissent la trace dans l’esprit du lecteur. Selon MM. Savard et Campagna, les deux journalistes ont abusé de leur discrétion rédactionnelle en s’acharnant sur les ISM pendant cinq jours consécutifs.
Les plaignants mentionnent que les ISM ne croient pas pour autant être au-dessus de la critique publique. Ils ne se soustraient pas non plus à leurs responsabilités de rendre compte de leurs actions et de leurs résultats à leur partenaires financiers et autres collaborateurs. Ils peuvent concevoir que certains puissent être en désaccord avec l’existence de leur organisation, leurs méthodes de travail ou leurs résultats.
En ce sens, MM. Savard et Campagna estiment que les articles mis en cause ne sont pas du domaine du journalisme d’enquête mais plutôt du journalisme d’opinion. Les jugements et soupçons qui pèsent sur les ISM n’ont jamais été partagés par des administrateurs ou des partenaires gouvernementaux et privés de cet organisme. Les seules critiques qui lui ont été adressées proviennent des deux journalistes du
Journal de Montréal et d’ailleurs, la presse québécoise n’a pas fait écho de cette enquête, mis à part quelques rappels des grands titres sur les ondes d’une radio de Montréal.
Les plaignants précisent ensuite la mission des Internationaux de sport de Montréal. Cet organisme de prospection d’événements sportifs de classe mondiale a toujours été respectueux de sa mission, de ses partenaires et de l’image de marque de Montréal. À titre de prospecteur, les ISM ne peuvent se permettre de fixer des objectifs de réalisation précis et encore moins de s’engager formellement à décrocher des événements ciblés. MM. Savard et Campagna rappellent qu’ils ont des obligations de moyens mais pas de résultats, contrairement à ce que laisse entendre la série d’articles. D’autre part, étant donné l’intense compétitivité du marché dans lequel évoluent les ISM, leur rôle implique le développement d’un vaste réseau de contacts et de sympathie. Les plaignants expliquent qu’ils doivent user constamment de discrétion et de stratégie et ne pas épuiser leurs forces dans des combats qu’ils savent perdus d’avance.
MM. Savard et Campagna mentionnent que, depuis leur création en 1998, les ISM ont entrepris plus d’une vingtaine de démarches dans le but d’obtenir la tenue d’événements sportifs à Montréal. Douze candidatures ont été déposées formellement et huit ont été remportées. L’organisme a appuyé le milieu du sport amateur québécois et soutenu plus d’une trentaine d’organisations.
Selon les dirigeants des ISM, leur gestion est transparente et ils ont toujours rendu compte de leur administration à leurs partenaires financiers gouvernementaux et privés. Les ententes avec la Ville de Montréal, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada se renouvellent dans le respect et à la satisfaction de tous et demeurent garantes du travail et de l’intégrité des ISM.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction:
Tout d’abord, M. Labrosse mentionne que les Internationaux du sport de Montréal se plaignent de façon générale de la série d’articles parus en juin sans spécifiquement reprocher des inexactitudes ou erreurs quant aux informations apportées. Leurs blâmes généraux sans précision peuvent difficilement amener des explications détaillées. En outre, suite à la publication des articles, les ISM n’ont fait parvenir aucune demande de rétractation ou de précision au Journal de Montréal.
M. Labrosse explique que la rédaction du Journal de Montréal a utilisé la liberté de presse dans le but d’informer le public. Les articles ont été rédigés de façon professionnelle et les informations proviennent à la fois de documents et d’entrevues. Concernant la facture générale de la publication, M. Labrosse rappelle qu’il s’agit de la prérogative de l’éditeur du Journal de Montréal.
Quant au grief concernant l’atteinte à la réputation, le directeur général de la rédaction répète que le sujet était d’intérêt public, dans la mesure où des fonds publics sont impliqués. Le but du Journal de Montréal n’était pas de ternir une réputation mais d’informer le public. M. Labrosse explique enfin que la référence à la rétractation du Journal de Montréal en 2002 n’est pas pertinente puisqu’elle n’a pas de rapport avec les articles publiés en 2004.
Commentaires de M. Martin Leclerc, journaliste :
M. Leclerc réplique ensuite à la plainte de MM. Savard et Campagna en commençant par expliquer sa démarche. En mars 2004, son collègue Martin Smith lui a remis une lourde caisse de documents qu’il avait patiemment obtenus en vertu de la Loi d’accès à l’information au cours des années et des mois précédents et dont une partie importante avait servi en 2002 à réaliser des reportages sur les activités des ISM, dont les résultats paraissaient anémiques par rapport aux considérables fonds publics engloutis dans cet organisme depuis la fin des années 1990.
M. Leclerc explique que son collègue voulait savoir si, selon lui, il y avait matière à relancer cette enquête, à la lumière des révélations et des allégations qui transpiraient à l’époque des audiences du comité fédéral des comptes publics, où le scandale des commandites était à l’ordre du jour. Après avoir épluché les documents de son collègue, M. Leclerc a jugé problématique la manière dont les ISM avaient obtenu et utilisé les fonds du programme de commandites. Le journaliste explique qu’en tant qu’ancien courriériste parlementaire à Ottawa, il est familier avec le fonctionnement de l’appareil fédéral.
M. Leclerc a constaté que, lorsque la Vérificatrice générale du Canada a dénoncé le scandale des commandites, elle a insisté sur le fait que les agences de communication avaient touché en commissions une partie importante des fonds destinés à des événements ou organismes qui avaient sollicité des commandites de visibilité du fédéral. Or les documents de M. Smith démontraient que les ISM étaient parvenus à s’insérer dans la « chaîne alimentaire » du programme de commandite du gouvernement canadien. M. Leclerc explique que, même s’ils ne bénéficiaient d’aucune visibilité publique et qu’ils étaient à peu près inconnus des citoyens, les ISM touchaient des commandites de visibilité fédérale. Ils renvoyaient ensuite au gouvernement, par l’entremise du groupe Everest, des rapports d’activités indiquant que les couleurs canadiennes avaient été affichées dans différentes compétitions sportives provinciales, nationales ou internationales. L’argent transitait du gouvernement vers l’agence Everest, qui prenait sa commission avant de remettre une somme aux ISM, qui remettaient ensuite de l’argent aux organisateurs d’événements sportifs en se targuant de les avoir aidé financièrement.
M. Leclerc explique que pendant les six ou sept semaines suivantes, à temps complet, les deux journalistes ont multiplié les démarches afin de savoir exactement de quoi il en retournait. Ils ont obtenu des entrevues avec la très grande majorité des organisateurs
d’événements sportifs que les ISM avaient aidé financièrement ou autrement. M. Leclerc précise que tout est documenté et que ce sont les réponses obtenues sur le terrain qui ont donné lieu à la série d’articles.
À la lumière de ces réponses, les journalistes ont formulé d’autres demandes en vertu de la Loi d’accès à l’information, contacté des fonctionnaires affectés au dossier des ISM et consulté de nouveaux rapports ou notes de service remettant en question le bon fonctionnement de cet organisme. Le journaliste mentionne qu’ils ont même vérifié les bases sur lesquelles s’appuyaient les ISM pour faire miroiter aux gouvernements et aux Montréalais des affluences de spectateurs et des retombées économiques aussi irréalistes que gigantesques.
M. Leclerc précise que leur travail a été fait avec une grande minutie et que tous les faits énoncés dans leurs articles ont été vérifiés et validés. Il s’étonne que, devant leurs informations précises et détaillées, les plaignants ne s’expriment qu’en termes très vagues. Or, s’ils s’estimaient gravement lésés, ils ne sont jamais intervenus auprès de la direction du Journal de Montréal pour faire valoir un point de vue contraire aux faits énoncés dans la série d’articles.
En dernier lieu, M. Leclerc mentionne que le simple écoulement du temps a permis de confirmer la véracité de plusieurs énoncés de leur enquête. Par exemple, les deux journalistes soutenaient que les ISM avaient l’habitude de se désengager à la dernière minute d’événements qu’ils présentaient au public comme acquis. Or peu de temps après la publication de la série d’articles, les Internationaux de sport de Montréal se sont désistés de la présentation des Jeux du Monde qui devaient, selon les dirigeants des ISM, attirer plusieurs centaines de milliers de touristes à Montréal. La ministre du Patrimoine de l’époque, Hélène Scherrer, avait témoigné que l’organisme s’était pourtant engagé à présenter l’événement avec les sommes qui lui avaient été allouées. Autre exemple: l’enquête soutenait que les liens de plusieurs libéraux notoires avec les Internationaux du sport de Montréal suscitaient des questions légitimes auprès de fonctionnaires ayant accès au dossier des ISM. Dès le début des travaux de la Commission Gommery, il a été établi que les subventions demandées par les ISM avaient été refusées. Or, à la suite d’un coup de téléphone de Paul Martin auprès des gestionnaires du programme de commandite, d’importantes sommes avaient été débloquées pour l’organisme.
Commentaires de M. Martin Smith, journaliste :
Le deuxième journaliste, M. Martin Smith, oppose un commentaire à la plainte de MM. Savard et Campagna. M. Smith explique comment, depuis la création en 1998 des ISM, il a conservé tous les documents ou articles concernant l’organisme. Il avait vu MM. Savard et Campagna prendre la tête et diriger les opérations de la finale provinciale des Jeux du Québec à Montréal en 1997 avant d’en être décrit comme les « sauveteurs et héros ». Le journaliste était intéressé de voir comment les dirigeants rempliraient le mandat qu’ils s’étaient fixé avec les ISM.
M. Smith explique lui aussi que son collègue et lui ont étayé leurs hypothèses avec de très nombreuses entrevues, y compris avec les dirigeants des ISM (en l’absence de M. Savard) en avril 2004. La démarche des deux journalistes a été complétée par les commentaires et suggestions d’un cadre de l’information et d’un avocat qui les ont aidés à respecter les
critères d’un journalisme à la fois critique et factuel.
M. Smith mentionne qu’on lui reproche d’aménager les vérités alors que les plaignants eux-mêmes n’hésitent pas à « tourner les coins ronds » dans leur plainte. Par exemple, MM. Savard et Campagna ne précisent pas que la rétractation du Journal de Montréal en 2002 visait uniquement le titre et aucunement le contenu de l’article. D’autre part, les articles «positifs» concernant les ISM n’ont jamais fait l’objet de demande de rétractation alors que les articles critiques sont considérés comme une atteinte à la réputation.
Les dirigeants des ISM affirment aussi que « les seules critiques qui leur ont été adressées depuis leur création sont venues des journalistes Smith et Leclerc ». Pourtant, les journalistes ont fait écho dans leurs articles à des critiques provenant de sources différentes. Et le silence des médias québécois sur cette enquête ne prouve rien. Il s’agissait d’un dossier complexe et très étoffé où Le Journal de Montréal possédait une très nette longueur d’avance. Chaque média choisit de suivre ou non une nouvelle exclusive ayant nécessité un long travail d’enquête.
D’autre part, les plaignants affirment qu’ils ont des obligations de moyens et non de résultats. Selon le journaliste, cette prétention n’est pas soutenue dans les protocoles d’échange des ISM avec les gouvernements qui incluent souvent des clauses de rendement. Par exemple, l’annexe E du protocole liant les ISM à Développement économique Canada contient une série d’« attentes en matière de rendement », y
compris des « résultats mesurables à court et moyen terme » qui comprennent 9 candidatures déposées, 9 représentations internationales, 9 missions d’observation, la tenue de 5 nouveaux événements sportifs internationaux d’ici 2005 et la venue de 50000 touristes (hors Canada).
Les plaignants soutiennent que leur gestion est transparente. Pourtant, au cours de la longue entrevue qu’ils ont accordée aux deux journalistes en avril 2004, il leur a été expliqué que le conseil d’administration des ISM avait décidé que les états financiers de l’organisme et autres documents étaient de régie interne et ne pouvaient donc pas être consultés.
M. Leclerc revient à son tour sur l’accusation d’atteinte à la réputation des dirigeants des ISM en rappelant lui aussi que la commission d’enquête Gomery a entendu des témoignages mentionnant qu’une personne du bureau de Paul Martin serait intervenue directement auprès du responsable du programme des commandites pour faire débloquer le dossier d’une demande des ISM. Par ailleurs, le journaliste explique avoir utilisé pour l’enquête des rapports de visibilité produits par les gens des ISM eux-mêmes pour justifier des centaines de milliers de dollars (1,25 M$) dont ils ont bénéficié de la part du programme de commandites.
M. Smith explique lui aussi avoir voulu comprendre pourquoi des millions de dollars en subventions gouvernementales avaient été versés à un organisme dont le bilan était si maigre. Il affirme avoir joué son rôle de « chien de garde » d’une société démocratique en étalant sur cinq jours une série d’articles traçant le portrait de six années d’existence des
Internationaux du sport de Montréal.
Réplique du plaignant
MM. Savard et Campagna réitèrent que les deux journalistes ont porté atteinte à leur réputation. Ils expliquent que ces reportages ont jeté le discrédit sur l’ensemble de leurs actions et modifié très significativement les relations avec leurs partenaires et interlocuteurs. Les plaignants expliquent que ce bilan négatif des ISM a frappé durement la crédibilité de l’organisme et de ses dirigeants et qu’un grand nombre de leurs partenaires ont été ébranlés. Les dérapages de ces événements au cours des derniers mois ont été injustement imputés aux Internationaux du sport de Montréal dans la presse en général. Les gouvernements ont remis en cause leur soutien financier à l’organisme. Cette situation ne peut être dissociée de la série d’articles puisque, depuis sa parution, aucun fait nouveau, aucune enquête ou autre évaluation n’est venue démontrer l’impertinence de l’action des ISM.
Selon MM. Savard et Campagna, le contenu de la série d’articles est partial. Les faits qui y sont présentés sont gonflés et exagérés systématiquement.Les journalistes imputent aux ISM des démarches ou des échecs qui ne leur appartiennent pas, par exemple lorsqu’ils évoquent les difficultés que rencontre l’organisation du Festival des jeux et sports traditionnels de 2004 et celle des Championnats du monde de natation de la FINA 2005. Les plaignants expliquent que ces événements sont organisés indépendamment des ISM et ont une structure autonome impliquant une présidence, un conseil d’administration, un directeur général et une organisation de terrain. Les dirigeants des ISM précisent que le succès ou l’échec de l’organisation de ces événements n’est pas de la responsabilité de
leur organisme, dont le mandat est d’assurer les démarches formelles de candidatures et de remporter ces candidatures.
Les plaignants précisent ensuite les points sur lesquels portent leurs griefs. Premièrement, les journalistes soutiennent que les ISM ont reçu 7 M$ en subvention et aide gouvernementale mais n’ont pas livré la marchandise. Selon les dirigeants des ISM, cette affirmation relève du seul jugement éditorial sur le travail qui a été réalisé. Que ce bilan soit insatisfaisant pour Le Journal de Montréal ou ses journalistes est une opinion, mais depuis leur création, les ISM n’ont fait l’objet d’aucune critique ni réprimande de la part de leurs partenaires gouvernementaux bailleurs de fonds.
D’autre part, les journalistes affirment que les ISM ont touché 1,5 M$ dans le cadre de controversé programme des commandites en fournissant des justifications très vagues. Les deux dirigeants expliquent que les ISM ont bénéficié, comme d’autres organismes intègres, du programme des commandites sur la base d’un plan de visibilité dont un rapport exhaustif a été remis à l’agence désignée par le gouvernement du Canada pour en assurer le suivi. MM. Savard et Campagna expliquent qu’ils n’ont rien à voir avec l’organisation et la gestion de ce programme. D’ailleurs, aucune faute n’a été signifiée aux ISM ou à leurs dirigeants par les autorités compétentes dans ce dossier, ni par la Commission parlementaire sur les comptes publics, ni par la Commission Gomery. Par un jeu d’amalgame, Le Journal de Montréal cherche tout au long de son enquête à culpabiliser les ISM.
MM. Smith et Leclerc prétendent que les subventions étaient obtenues sur les bases de promesses de retombées économiques qui n’ont jamais été tenues ni remises en question. Les plaignants expliquent que le mandat des ISM a toujours été clair entre l’organisation et les différents paliers de gouvernement qui participent à son financement. Le travail de prospection a été fait rigoureusement. Quant aux retombées, elles ont été calculées sur la base de projections obtenues grâce à un modèle officiel d’évaluation économique du tourisme sportif.
Les journalistes soutiennent également que les ISM ont discrètement mis fin à des démarches visant à obtenir des événements sportifs qu’ils s’étaient engagés à obtenir. Les plaignants répliquent qu’ils ne peuvent pas s’engager à obtenir des événements sportifs précisément ciblés dans la mesure où le choix d’entamer une démarche de candidature est pris de concert avec différents partenaires gouvernementaux, institutionnels, du milieu du sport et du monde des affaires. Quant à la décision des candidatures gagnantes, elle relève des comités de sélection des organisations internationales. Par ailleurs, les ISM, en concertation avec leurs partenaires, ont parfois mis fin à des démarches sur la base de renseignements stratégiques ou d’évidence d’échec à terme. Dans ces circonstances, la poursuite de ces démarches représentait une dépense financière inutile. De plus, les plaignants font valoir que la discrétion dans le monde de la prospection internationale est une qualité essentielle à la réussite et non pas une attitude répréhensible, comme le sous-entend Le Journal de Montréal.
Enfin, quand MM. Leclerc et Smith prétendent que la tenue du championnat du monde FINA coûtera le double de la prévision initiale, ils font erreur puisque le budget d’opération de ces championnats n’a pas augmenté depuis la victoire de la candidature montréalaise et rien ne laisse croire qu’il augmentera d’ici la tenue de l’événement.
MM. Savard et Campagna répètent que la série d’articles est essentiellement truffée de coups de gueules semblables, de titres accrocheurs, d’insinuations propres à induire le lecteur en erreur ou, du moins, à l’impressionner négativement à l’égard des ISM. Ainsi, il est question dans l’enquête de la fête du Canada alors qu’elle n’a aucun lien avec les ISM.
Les plaignants ont joint à leur réplique le bilan des actions des Internationaux du sport de Montréal entre 1998 et 2004.
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE
Le Journal de Montréal réitère que le travail d’enquête et de collecte d’informations a été fait par les journalistes selon les standards professionnels.
Son journaliste Martin Smith tient à relever particulièrement deux points de la réplique des dirigeants des ISM. Tout d’abord, les plaignants soutiennent qu’écrire: «Les ISM n’ont pas livré la marchandise» est un jugement d’opinion puisque les ISM n’ont jamais fait l’objet de critique depuis leur création. Or, selon M. Smith, l’actualité démontre régulièrement que, si les journalistes n’initiaient pas de leur propre chef des enquêtes, de nombreuses irrégularités et de nombreux programmes gouvernementaux controversés ne seraient jamais révélés au grand jour.
Les plaignants affirment que Le Journal de Montréal est le premier à remettre en cause le fonctionnement des ISM. Mais, depuis les premières questions au sujet de cet organisme, publiées en 2002 dans le Journal de Montréal, les ISM ont fait l’objet de remarques et de critiques dans plusieurs médias québécois. Ces derniers mois, les commentaires sont parus dans Le Journal de Montréal (chronique de Michel C. Auger du 25 janvier 2005), dans The Gazette (Andy Riga, le 12 février) et dans La Presse (Jean-François Bégin et Joël-Denis Bellavance, les 20 et 21 janvier).
D’autre part, le comité des comptes publics de la Chambre des communes a manifesté l’intention de convoquer les dirigeants des ISM afin qu’ils rendent des comptes sur la gestion des millions de dollars de subventions obtenus du gouvernement fédéral depuis le lancement de l’organisme en juin 1998.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques. Ceux-ci doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur sur la nature de l’information qu’il croit recevoir.
De l’avis du Conseil, MM. Smith et Leclerc ont effectué leur enquête dans le respect du journalisme d’information. Les faits transcrits dans les articles ne sont pas des opinions; ils sont étayés par de solides bases. Par exemple, quand les journalistes écrivent que les plaignants:«n’ont pas livré la marchandise», ils font référence aux attentes en matière de rendements figurant dans les protocoles entre les ISM et Développement économique Canada.
De même, le Conseil juge que MM. Smith et Leclerc n’ont pas fait preuve de sensationnalisme. Ils ont utilisé la mise en page et la maquette habituelle du Journal de Montréal. Quant aux titres, ils apparaissent justifiés par le contenu des articles.
En ce qui a trait aux erreurs des journalistes invoquées par MM. Savard et Campagna, le Conseil en a retenu deux.D’une part, contrairement à ce qu’affirment les deux journalistes, la tenue du championnat du monde FINA 2005 ne coûtera pas le double que prévu, bien que le budget ait augmenté. D’autre part, la discrétion dans le milieu de la prospection est bien une qualité, et non une attitude répréhensible, comme le sous-entend Le Journal de Montréal. Néanmoins, en regard de l’ensemble de l’enquête, ces erreurs n’ont pas la portée que les plaignants leur prêtent.
En outre, le rapprochement entre les ISM et la famille libérale n’est pas tendancieux puisque ces liens sont indéniables. Il est logique d’associer l’organisme au programme des commandites dans la mesure où il a profité de ce programme controversé.
Enfin, les journalistes n’ont pas porté atteinte à la réputation des ISM et de leurs dirigeants, de l’avis du Conseil. En effet, les mis-en-cause ont effectué des recherches rigoureuses et révélé des faits exacts appuyés sur de multiples sources. Ainsi, MM. Leclerc et Smith affirment, documents à l’appui, que M. Savard informait la ministre du Patrimoine canadien des décisions prises avec Jean Pelletier, chef de cabinet du premier ministre.
Décision
Par conséquent, sous réserve d’inexactitudes mineures concernant le budget de la FINA 2005 et la discrétion des ISM, le Conseil rejette sur le fond la plainte des Internationaux de sport de Montréal contre MM. Smith et Leclerc, journalistes et Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C20A Identification/confusion des genres