Plaignant
M. André Morais
Mis en cause
M. Jean-Simon Gagné, chroniqueur, M. Yves
Bellefleur, vice-président, information et rédacteur en
chef et le quotidien Le Soleil
Résumé de la plainte
M. Morais reproche au chroniqueur Jean-Simon Gagné dans son
éditorial du 13 décembre 2004, d’avoir proféré des insultes à l’endroit du
cardinal Marc Ouellet et de ceux et celles qui
partagent son point de vue à l’égard du mariage entre conjoints de même sexe.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M. Morais, se dit choqué
par les insultes proférées par Jean-Simon Gagné à l’endroit du cardinal
Ouellet, dans sa chronique du 13 décembre 2004 parue dans
le quotidien Le Soleil et intitulée
«Lettre ouverte au cardinal Ouellet».
Le plaignant reconnaît que M. Gagné a le droit d’exprimer
son opinion dans le journal, mais il lui refuse le droit d’insulter ceux et
celles qui ne partagent pas son point de vue.
Commentaires du mis en cause
M. Jean-Simon Gagné se dit surpris de recevoir une plainte
de M. Morais. Il a beau relire les missives en provenance de M. Morais, il
arrive difficilement à distinguer la faute professionnelle ou le manquement à
l’éthique journalistique dont l’accuse le plaignant.
Selon le chroniqueur, sans verser dans le procès
d’intention, ni insulter M. Morais, sa démarche semble plutôt inspirée par la
volonté de punir et d’intimider, comme en témoigne l’invitation du plaignant à
lui imposer «des mesures disciplinaires». Quant aux menaces du
plaignant, d’entamer des procédures judiciaires, M. Gagné se demande comment on
peut songer à obtenir réparation pour le contenu d’une lettre ouverte qui ne
nous met pas directement en cause.
Le journaliste considère que l’accusation du plaignant selon
laquelle il aurait déformé la réalité, en affirmant que le mariage gai ouvre la
porte «à n’importe quoi», est mal fondée. En effet, M. Gagné a pris
comme références plusieurs déclarations publiques de Mgr Ouellet,
notamment une entrevue accordée au Soleil
le 9 décembre 2004.
M. Gagné estime que le plaignant a assimilé son texte à une
série d’insultes à l’égard du cardinal Ouellet,
éclaboussant indirectement tous les chrétiens catholiques du Québec; cette
interprétation lui apparaît nettement exagérée. M. Gagné rappelle que Mgr
Ouellet, le principal intéressé, n’a pas jugé bon de porter
plainte devant le Conseil de presse.
Il ajoute que ses reproches formulés à l’endroit du cardinal
Ouellet de ne pas rappeler à l’ordre ses collègues
évêques qui multiplient les déclarations incendiaires, comme celle assimilant
l’homosexualité à la bestialité ou à l’inceste, font référence à des
affirmations qui n’ont rien d’imaginaire. Compte tenu de l’énormité de ces
déclarations, son commentaire ne lui semble pas inapproprié ou exagéré, souligne-t-il.
M. Gagné mentionne que Le
Soleil a pleinement reconnu à Mgr Ouellet et au
public leur droit de réplique. Le cardinal a pu expliquer ses positions sur le
mariage gai à deux reprises, au cours des mois de décembre et de janvier, en
plus de l’entrevue publiée dans le quotidien. Quant aux lecteurs qui ne
partagent pas les vues du chroniqueur, Le
Soleil leur a aussi ouvert ses pages, notamment en publiant des lettres
parfois injurieuses à son endroit.
Le mis-en-cause termine en
ajoutant que douze années à rédiger des textes d’opinions lui ont appris que
n’importe qui défend avec empressement la liberté de la presse lorsqu’elle sert
ses propres intérêts, mais que bien peu de gens défendront le droit d’exprimer
des opinions qu’ils désapprouvent. M. Gagné se demande à quoi ressemblerait le
Québec s’il n’était plus permis à un chroniqueur d’interpeller à l’occasion des
notables et les gens de pouvoir. On
confond facilement la critique et l’insulte, l’humour et la grossièreté, et
particulièrement lorsqu’il s’agit de religion ou de politique, conclut-il.
Réplique du plaignant
M. Morais reprenant l’article de M. Gagné, souligne que ce
dernier a bien insulté le cardinal Ouellet en le
traitant de «malhonnête», de «menteur» et de
«lâche».
Il souligne qu’il a déjà mentionné que le chroniqueur avait
le droit d’exprimer ses opinions, et ce, sans toutefois insulter ceux et celles
qui ne partagent pas son opinion.
Il redemande à M. Gagné de s’excuser publiquement pour ses
propos désobligeants envers le cardinal Ouellet et
envers ceux et celles qui partagent son opinion sur le mariage entre conjoints
de même sexe.
Analyse
Le genre de la chronique accorde, en général, une grande latitude à ses auteurs. La chronique permet et met en perspective une lecture personnelle de l’actualité, des réalités et des questions que ses auteurs choisissent de traiter. Toutefois, il est de leur responsabilité de rappeler les faits relatifs aux événements avant de présenter leurs points de vue.
Dans le cas présent, M. Morais reproche au chroniqueur d’avoir insulté le cardinal Marc Ouellet et, par le fait même, tous ceux et celles qui ont les mêmes opinions que ce dernier. M. Gagné réfute ces accusations en mentionnant que ses propos n’étaient pas inappropriés ou exagérés, compte tenu de ceux exprimés par le cardinal Ouellet au sujet du mariage entre conjoints de même sexe et ceux véhiculés par certains autres évêques de l’Église catholique.
Aux yeux du Conseil, le rôle de chroniqueur de M. Gagné lui permettait d’exprimer, à travers son style, sa propre lecture de l’actualité. Il est à noter que le journal Le Soleil a publié à deux reprises les positions du cardinal Ouellet. De plus, les lecteurs ayant les mêmes opinions que le cardinal ont aussi vu leurs textes publiés.
D’ailleurs, le Conseil constate que le nom du plaignant n’apparaît pas dans la chronique et que ce dernier ne démontre en aucune façon en quoi les propos du chroniqueur auraient porté atteinte à sa réputation et à sa dignité.
Décision
Ainsi sur cette base, le Conseil de presse rejette la plainte à l’encontre du chroniqueur, M. Jean-Simon Gagné, et du quotidien Le Soleil.
Analyse de la décision
- C17C Injure