Plaignant
M. James de la Paz et la Fédération des associations canado-philippines du Québec inc.
Mis en cause
M. Fred C. Magallanes, éditeur et rédacteur en chef et le périodique The Filipino Forum
Résumé de la plainte
Monsieur James de la Paz se plaint d’être la cible de l’éditeur et rédacteur en chef du périodique The Filipino Forum, Fred C. Magallanes, depuis neuf ans. Ce dernier attaquerait personnellement le plaignant dans son journal de façon malicieuse et intentionnelle sans aucun souci d’exactitude dans son traitement de l’information.
Griefs du plaignant
Le plaignant formule des griefs généraux relativement au traitement qui lui est réservé dans le périodique The Filipino Forum. Selon lui, le mis-en-cause abuse de son droit à la liberté d’expression en l’attaquant personnellement dans le périodique.
Pour appuyer sa plainte, M. de la Paz fournit des exemples d’entorses à l’éthique journalistique commises à son égard dans les éditions de juin, de septembre et de novembre 2004, de même que dans celle d’avril 2005, du périodique.
Édition de juin 2004
1. Le plaignant reproche au mis-en-cause d’avoir publié aux pages 24, 31, 38, 40, 41, 43 et 50 des encadrés qui rappellent que le jour de l’indépendance des Philippines est le 12 juin et non le 4 juillet.
Par exemple, à la page 24, l’encadré stipule : « For those who skipped their history classes. Philippine Independance Day is on June 12 » (Pour ceux qui ont manqué leurs cours d’histoire, le jour de l’indépendance des Philippines est le 12 juin). À la page 31 : « A Filipino leader defends our history. June 12 is Philippine Independence Day, and it is not to be celebrated in July. Let us not confuse our children » (Un chef philippin défend notre histoire. Le jour de l’indépendance des Philippines est le 12 juin et il ne doit pas être célébré en juillet. Ne créons pas de la confusion chez nos enfants).
Selon le plaignant, ces encadrés constituent une forme de harcèlement en raison du fait que l’association dont il est président, la Fédération des associations canado-philippines du Québec, a célébré l’anniversaire de l’indépendance des Philippines le 4 juillet, pour éviter le mauvais temps.
2. Le titre qui parait à la une de cette édition « Independance celebration cancelled » serait trompeur et mensonger puisque la fête n’a jamais été annulée. Le permis de célébrer la fête a été délivré à la Fédération des associations canado-philippines du Québec plutôt qu’à l’association dans laquelle le mis-en-cause est impliqué, le Congress of Filipino Canadian Associations (CFCA). Le titre viserait à créer de la confusion et à limiter le succès de la fête du 4 juillet. De plus, contrairement à ce qui est écrit dans l’article, ni la CFCA, ni le Center for Research Action on Race Relations (CRARR) n’aurait intenté de poursuites civiles contre la Ville de Montréal.
3. À la page 4, un article rédigé par le mis-en-cause ferait état de la nomination de Salvador Cabugao au poste de consul honoraire des Philippines pour le Québec et les Maritimes alors que cette nomination n’aurait eu lieu qu’en août.
Édition de septembre 2004
1. À la page 14, le mis-en-cause a qualifié le plaignant d’usurpateur (usurper) parce qu’il aurait indûment retardé la tenue d’élections à la Fédération des associations canado-philippines du Québec. Le plaignant soutient plutôt que c’est le mis-en-cause lui-même qui aurait retardé les élections afin de pouvoir se procurer le permis pour organiser la fête des Philippines et pour l’expulser de la Fédération.
2. Dans la section « Forum » du périodique, à la page 24, le maire de l’arrondissement Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce, Michael Applebaum, est invité à faire attention aux péchés de M. de la Paz («Applebaum should be careful. He might be polluted by the sins of de la Paz»). En affirmant cela, le mis-en-cause nuirait à la réputation du
plaignant.
Édition de novembre 2004
1.Le plaignant soutient que l’article en page 4, intitulé « The de la Paz years are finally over » n’aurait pas été écrit, comme indiqué, par le service des nouvelles du périodique. Le plaignant soutient plutôt que c’est le mis-en-cause qui a rédigé cet article, un article d’opinion plutôt que d’information. De plus, l’article serait sensationnaliste et chercherait à induire le public en erreur.
Dans un article publié dans la section « Editorial » du périodique, le mis-en-cause chercherait à nuire à la réputation du plaignant, entre autres en dénigrant ses accomplissements.
Par exemple, il est écrit : « The renaming of a park along Queen Mary road for Risal should not count as an achievement. It’s a small park for dogs… » (Le changement de nom d’un parc qui longe le chemin Reine-Marie rebaptisé Risal ne devrait pas être considéré comme un accomplissement. Il s’agit d’un petit parc pour chiens…).
3. Le plaignant reproche au mis-en-cause de se mettre en position de conflit d’intérêts en appuyant, dans son journal, la candidature de son amie de longue date, Marlene Birao, qui sollicite le poste de présidente de la Fédération des associations canado-philippines du Québec.
Édition d’avril 2005
Le plaignant reproche au mis-en-cause de manquer d’exactitude. Il aurait rapporté, dans les pages de son journal, des paroles prononcées par le plaignant lors d’une assemblée à laquelle il n’était pas présent. Le fait d’avoir écrit : « So inflated is de la Paz’s ego that he also boasted at a meeting of the borough of [Cote-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grace] that he is the biggest kahuna (Hawaiian chief of chiefs) of the Filipino community in Montreal» (L’égo de M. de la Paz est si démesuré qu’il s’est vanté, lors d’une réunion de l’arrondissement Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce, qu’il était le plus grand Kahuna (chef des chefs hawaïens) de la communauté philippine de Montréal) serait irrespectueux et diffamatoire puisque le plaignant aurait plutôt affirmé : « We, the FEDERATION is the BIG KAHUNA in our community » (Nous, la Fédération, sommes le Kahuna de notre communauté).
Plusieurs autres exemples de manquements à l’éthique journalistique sont fournis dans un autre document que le plaignant à joint à sa plainte. Il s’agit de plusieurs affirmations qui auraient été faites dans le périodique et qui s’avèreraient fausses ou mal rapportées.
Commentaires du mis en cause
Édition de juin 2004
1. Au reproche d’avoir publié plusieurs encadrés rappelant que le jour de l’indépendance des Philippines est le 12 juin et non le 4 juillet, le mis-en-cause réplique que les livres
d’histoire affirment que l’indépendance des Philippines a été obtenue le 12 juin 1898 et que de célébrer cet anniversaire une autre journée peut confondre les enfants. La publication répétée de ces encadrés ne constitue pas du harcèlement parce que le rôle d’un journal est de détecter les inexactitudes, dont fait partie celle de célébrer l’anniversaire de l’indépendance des Philippines la mauvaise journée.
2. Relativement à l’utilisation d’un titre trompeur sur l’annulation de la fête de
l’indépendance, le mis-en-cause répond que l’article ne peut être ni mensonger ni trompeur puisque l’événement a été couvert par d’autres médias comme The Gazette, The Suburban, la CBC, CFCF, Global Television et plusieurs stations de radio. Il soutient que l’article traitait de l’annulation de la fête qui avait été organisée par la CFCA et non de celle organisée par la Fédération.
Édition de septembre 2004
1. Contrairement à ce que prétend le plaignant, une personne qui détient un poste sans droit est un « usurpateur ». Le plaignant aurait gardé son poste plus longtemps que ne le permettent les règlements de la Fédération, ce qui serait illégal.
2. Le mis-en-cause soutient que s’il a invité le maire de l’arrondissement Côte-des-Neiges/
Notre-Dame-de-Grâce, Michael Applebaum, à faire attention aux péchés de M. de la Paz, c’est parce que le plaignant aurait commis plusieurs péchés. En effet, il aurait été élu à la FAMAS en 1995 à l’aide du vote de patients de l’hôpital psychiatrique Douglas et il aurait
été réélu à l’élection suivante en permettant à des personnes mineures de voter. Il aurait aussi permis à quarante-deux membres d’un culte japonais de voter pour lui et aurait aussi créé treize associations bidon afin de se faire élire en 1998.
Édition de novembre 2004
1. Le mis-en-cause soutient savoir que la liberté d’expression a ses limites, c’est pourquoi il affirme réfléchir avant d’écrire quelque chose.
2. Au sujet de son appui à la candidate Marlene Birao, il affirme que les journaux appuient des candidats. Le Filipino Forum appuie la candidature de Mme Birao parce qu’elle est honnête, travaillante et prête à se sacrifier pour sa communauté.
Édition d’avril 2005
Le mis-en-cause soutient que c’est un conseiller de l’arrondissement Côte-des Neiges/Notre-Dame-de-Grâce qui lui aurait confié que le plaignant s’est qualifié de « big
kahuna » lors d’une réunion.
Réplique du plaignant
Le plaignant explique qu’il n’a pas changé la date de l’indépendance des Philippines, mais qu’il a plutôt choisi de célébrer cet anniversaire une autre journée pour éviter le mauvais temps qui a nui à la tenue de la parade au mois de juin des deux années précédentes.
Il précise aussi que l’article intitulé « Independance celebration cancelled » ne traitait pas de l’annulation de la fête de l’indépendance, mais plutôt du refus de la Ville d’émettre un permis à la CFCA pour la célébration de cette fête.
De plus, un article mentionnant qu’il y avait environ 800 personnes présentes aurait été rédigé par le fils du mis-en-cause. Cela le placerait en conflit d’intérêts. Selon le plaignant, il y aurait plutôt eu 3 000 personnes qui ont assisté à la fête qu’il a organisée.
M. de la Paz confirme que 20 danseurs japonais ont bel et bien voté aux élections, mais qu’ils avaient le droit de le faire parce qu’ils avaient payé leur carte de membre de
l’Association.
Il affirme aussi n’avoir jamais été interviewé par le mis-en-cause.
Au sujet de l’appui du Filipino Forum à la candidature de Mme Marlene Birao, le plaignant soutient qu’il s’agit plus de promotion pour sa candidature que d’un appui et que cela contrevient à l’éthique journalistique.
Le plaignant soutient que M. Magallanes utilise souvent les expressions « selon des sources officielles » et autres sources non nommées. Selon lui, cela contrevient aussi à l’éthique journalistique.
COMMENTAIRES À LA RÉPLIQUE :
Le mis-en-cause fournit trois articles, publiés dans son périodique, qui prouveraient que ce qu’il avance est fondé et véridique. Pour le reste, il affirme essentiellement s’en tenir à ses commentaires antérieurs.
Analyse
Monsieur James de la Paz se plaint d’être la cible de l’éditeur et rédacteur en chef du périodique The Filipino Forum, Fred C. Magallanes. Ce dernier attaquerait personnellement le plaignant dans son journal de façon répétitive, malicieuse et intentionnelle, sans aucun souci d’exactitude dans son traitement de l’information.
Par exemple, en juillet 2004, s’est tenue une célébration de la fête de l’indépendance des Philippines, organisée par la Fédération des associations canado-philippines du Québec, dont le plaignant est président. Le mis-en-cause a alors fait paraître des encadrés, dans au moins sept pages de son édition de juin 2004, rappelant que la date de l’indépendance des Philippines n’est pas en juillet, mais bien le 12 juin.
M. de la Paz s’est plaint de ces encadrés qui, selon lui, constituent une forme de harcèlement pour avoir célébré la fête de l’indépendance des Philippines à une autre date que la date officielle. Le mis-en-cause a soutenu que le rôle d’un journal est de détecter les inexactitudes et qu’il se devait de publier des encadrés pour éviter de confondre les enfants.
Le Conseil de presse constate pour sa part que ces encadrés ne constituent pas de l’information en tant que telle, mais font plutôt référence à un conflit privé existant entre les plaignants relativement à la célébration de la fête nationale. L’utilisation d’un périodique à une telle fin détourne la presse de son mandat, soit d’informer sur ce qui est d’intérêt public. Faut-il rappeler que cette responsabilité journalistique englobe tout ce qui est publié dans les pages du périodique, y compris les encadrés publiés par le mis-en-cause.
De plus, le mis-en-cause a titré à la une de l’édition de juin 2004 «Independance celebration cancelled» en faisant référence, cette fois, à la fête de l’indépendance des Philippines que voulait organiser l’association dans laquelle il est lui-même impliqué et qui a dû être annulée parce que le permis requis ne lui a pas été octroyé. Après examen, le Conseil de presse est d’avis que le titre utilisé ne faisait pas les distinctions nécessaires et a induit le public en erreur sur la nature de l’information présentée puisque la fête organisée par la Fédération des associations canado-philippines du Québec avait tout de même lieu.
Un des principes les plus souvent rappelés par le Conseil de presse du Québec est que les entreprises de presse et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques, lesquels doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur sur l’information qu’il reçoit.
Selon le Conseil, qualifier le plaignant d’«usurpateur» et formuler le commentaire « Applebaum should be careful. He might be polluted by the sins of de la Paz » dans le Filipino Forum équivaut à véhiculer à son sujet une opinion négative laquelle aurait dû, à tout le moins, se retrouver dans un article identifié comme étant un article d’opinion.
Le Conseil a remarqué qu’à plusieurs reprises, le mis-en-cause ne fait pas les distinctions qui s’imposent entre un article d’information et un article d’opinion et qu’il publie des opinions et des commentaires dans des articles d’information. Les deux genres journalistiques sont confondus ce qui constitue une importante entorse à la responsabilité qu’a la presse de livrer une information juste et conforme aux faits et aux événements.
Un autre principe souvent rappelé par le Conseil veut que les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter non seulement les conflits d’intérêts, mais aussi toute situation qui risque de les faire paraître en conflits d’intérêts ou sembler avoir partie liée avec quelque pouvoir politique, financier ou autre.
Or, l’examen de la plainte révèle que le mis-en-cause n’a jamais nié son amitié alléguée avec Mme Birao-Schachter. Selon le Conseil, le mis-en-cause aurait dû, dans ces circonstances, confier à un rédacteur neutre la couverture de cet événement afin de préserver l’apparence d’impartialité nécessaire au maintien de la crédibilité de la profession.
La correspondance que les parties ont fait parvenir au Conseil de presse met en lumière un conflit profond entre des personnes et associations rivales au sein de la communauté philippine dont une partie trouve écho dans le Filipino Forum.
Pour le Conseil, il est important de rappeler qu’il va à l’encontre de l’éthique journalistique d’utiliser les médias à des fins personnelles et que les médias contreviennent au rôle qu’ils jouent dans la société quand ils rapportent de l’information avec un parti pris et lorsqu’ils se placent en conflit d’intérêts.
Décision
En raison de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M. James De la Paz et blâme le mis-en-cause, l’éditeur et rédacteur en chef, Fred C. Magallanes ainsi que The Filipino Forum.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C17E Attaques personnelles
- C20A Identification/confusion des genres
- C22F Liens personnels
Date de l’appel
13 December 2005
Décision en appel
Après examen, les membres de la
commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première
instance.
Griefs pour l’appel
M. Fred C. Magallanes,
éditeur et rédacteur en chef et le périodique
The
Filipino Forum