Plaignant
M. Michel
Falardeau
Mis en cause
M. Rodolphe Morissette, journaliste, M. Serge
Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien
Le Journal de Montréal; Mme
Christiane Desjardins, journaliste, M. Éric Trottier,
directeur de l’information et
le quotidien
La Presse
Résumé de la plainte
La plainte s’inscrit dans le contexte du procès de M. René
Richard, dont M. Michel Falardeau est l’agent de
détention. L’agent de services correctionnels regrette que M. Rodolphe
Morissette et Mme Christiane Desjardins l’aient désigné comme responsable de
l’avortement du procès dans leurs articles du 21 septembre 2004 (
Le Journal de Montréal et
La Presse) et du 25 novembre 2004 (
Le Journal de Montréal). Les
journalistes ont, selon lui, manqué de rigueur et d’exactitude et le
sensationnalisme des articles aurait nui à la réputation du plaignant.
Griefs du plaignant
Le
plaignant soutient que, au lieu de relater exactement les faits, les
journalistes ont traité l’information de manière sensationnaliste. Selon
l’agent des services correctionnels, M. Morissette et Mme Desjardins auraient
dû employer le conditionnel pour respecter sa présomption d’innocence. Dans
leurs articles, les journalistes tiennent M. Falardeau
pour responsable de l’avortement du procès
«
Après qu’un agent de la détention eut tenté d’influencer le verdict d’une
jurée à la veille de la délibération du jury […]»; «Un agent de
détention trop bavard fait avorter un procès». Pourtant, le
plaignant avance qu’une enquête est en cours et qu’il n’a toujours pas été
accusé.
Ce manque de rigueur aurait, selon l’agent de détention, nui
à sa réputation. Depuis l’assassinat de deux de ses collègues par les motards
il y a quelques années, le plaignant ne dit pas à n’importe qui le métier qu’il
exerce. Il regrette que les journalistes aient donné son nom au public, car
certaines personnes de son entourage ont appris par voie de presse qu’il
exerçait cette profession.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Rodolphe Morissette, journaliste au Journal de
Montréal:
M. Morissette rappelle qu’il a
rapporté, dans son article du 21 septembre 2004, l’audition tenue la veille en
Cour supérieure de Montréal, devant le juge Réjean Paul. Après l’audition de
deux témoins, le juge a décidé de faire avorter le procès criminel de René
Richard.
Le journaliste note qu’il reproduisait
les phrases du jugement de la Cour en écrivant dans l’article du 25 novembre
2004: «Après qu’un agent de la détention eut tenté d’influencer une
jurée à la veille de la délibération du jury, le juge Réjean Paul avait fait
avorté le procès.».
M. Morissette réplique ensuite
qu’il n’a contrevenu à aucune loi, ni règlement ni ordonnance de la Cour en
identifiant par son nom et sa fonction l’agent de détention Michel
Falardeau. Selon le mis-en-cause,
les articles incriminés reflètent avec exactitude ce qui s’est passé en Cour
supérieure de Montréal le 20 septembre 2004 au matin.
Le mis-en-cause
ne juge pas pertinente l’utilisation du conditionnel pour rendre compte de
l’incident puisque l’agent des services correctionnels n’est accusé de rien au
moment de la publication. En revanche, le juge fait allusion à une accusation
possible pour tentative d’entrave à la justice en vertu de l’article 139 du
Code criminel. D’ailleurs, l’article du 21 septembre 2004 évoque aussi bien
l’enquête criminelle réclamée par le juge que l’enquête interne lancée par les
supérieurs de M. Falardeau.
Le journaliste considère enfin
que l’accusation de sensationnalisme est sans fondement.
M. Morissette a joint à ses commentaires
une cassette audio de l’enregistrement officiel de l’audition du 20 septembre
2004, une transcription écrite de l’essentiel de cette audition ainsi qu’une
copie de la décision du juge Réjean Paul qui a suivi.
Commentaires de M. Éric Trottier, directeur
de l’information et de Mme Christiane Desjardins, journaliste à La Presse:
M. Trottier
et Mme Desjardins se réfèrent également à la copie du texte d’audience. Selon
lui, le document parle de lui-même puisque Michel Falardeau
y est bel et bien nommé.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a pas opposé de réplique aux commentaires
des mis-en-cause.
Analyse
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes est
synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements.
Le plaignant reproche à M. Morissette et Mme Desjardins d’avoir affirmé qu’il avait tenté d’influencer une jurée, ce qui, selon lui, n’est pas prouvé. Toutefois, les journalistes se réfèrent à la décision du juge, qui fait état de la culpabilité de l’agent de détention. M. Morissette et Mme Desjardins ont donc relaté ce qui a été dit à l’issue de l’audience du 20 septembre 2004 et n’étaient pas tenus d’employer le conditionnel.
M. Falardeau regrette également que les journalistes aient révélé son nom. Il considère que ce n’était pas d’intérêt public et que cette divulgation de son identité a porté atteinte à sa réputation. Contrairement aux noms des jurées, le juge n’a pas interdit de révéler le nom de l’agent de détention. Les journalistes avaient donc le droit de l’écrire et n’ont pas enfreint la déontologie journalistique.
Enfin, le plaignant reproche à M. Morissette et Mme Desjardins d’avoir fait preuve de sensationnalisme. Or, les journalistes n’ont fait que relater l’audience et la décision du juge sans transformer les faits. Leurs articles ne peuvent pas donner lieu à une interprétation abusive et ne peuvent pas induire en erreur le public quant à la valeur et la portée réelles des informations.
Décision
Par conséquent, le Conseil rejette la plainte de M. Michel Falardeau à l’encontre du journaliste, Rodolphe Morissette, du Journal de Montréal, ainsi qu’à l’encontre de la journaliste Christiane Desjardins et de La Presse.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17G Atteinte à l’image