Plaignant
M. Lionel
Meney
Mis en cause
M. Samuel Pradier, journaliste, M. Serge Labrosse,
directeur général de la rédaction et le quotidien
Le Journal de Montréal; M. Serge Côté, rédacteur en chef et le
quotidien Le Journal de Québec; M.
Serge Fortin, vice-président information TVA,
LCN,
Argent, affaires publiques, site Internet
Canoë et LCN
Résumé de la plainte
M. Lionel Meney se plaint des
articles rédigés par le journaliste M. Samuel Pradier, le 24 mars 2005 (
Le Journal de Québec), le 28 mars 2005 (
Le Journal de Montréal) et de la une du
28 mars 2005 (site Internet Canoë LCN),
qui seraient inexacts et lui auraient causé préjudice.
Griefs du plaignant
La plainte de M. Meney concerne
des articles le visant nommément. Ces articles font référence à un texte qu’il
a rédigé et qui fut publié par le quotidien français
Le Monde, sous le titre «L’inquiétante hostilité québécoise
au français». Selon le plaignant, ces articles font fi de plusieurs
aspects de la déontologie journalistique.
À l’égard de la recherche de l’information, M.
Meney déplore que le journaliste, M. Pradier, ne l’ait pas
interrogé. De ce fait, le journaliste s’appuie uniquement sur les dires des
personnes interrogées, «sans procéder aux vérifications d’usage pour
s’assurer de l’exactitude de ce qu’elles lui disaient».
M. Meney regrette les nombreuses
inexactitudes dans le traitement de l’information. À son avis, les articles
comportent des «distorsions, [des] généralisations abusives, [des]
glissements de sens [et des] troncations de citations graves».
Ainsi, sur le site Internet de
LCN, l’article est titré «Les Québécois racistes à l’endroit
des Français?», ce que l’auteur se défend bien d’avoir écrit dans
Le Monde. À cet effet, il précise que le
«racisme» signifie la supériorité d’une «race» humaine
sur les autres.
De plus, les articles du Journal
de Montréal et du Journal de Québec mentionnent«d’après
un auteur français», alors que le plaignant est citoyen canadien et de
nationalité française. Le plaignant précise intervenir dans le débat
linguistique québécois à ce titre et que le fait de préciser sa nationalité
dans le surtitre et le sous-titre des articles en cause a pour but de jouer sur
un stéréotype.
Ces deux articles citent également l’auteur de la façon
suivante:«Parler québécois c’est être antifrançais»,
alors que cette affirmation n’apparaît pas dans l’article du
Monde dont les journaux rapportent le
contenu.
Toujours dans ces deux journaux, M. Pradier qualifie le
texte de M. Meney « d’article vindicatif»
ou «d’éditorial vindicatif».
Le plaignant précise que le terme «vindicatif» signifie
«porté à la vengeance», alors que rien dans son article n’est porté
à la vengeance contre quiconque, puisqu’il ne fait que «présenter des
faits, citations à l’appui».
L’auteur mentionne également que le titre
«L’inquiétante hostilité québécoise au français» ne vient pas de
lui, mais de la rédaction du Monde.
Il souligne également que l’expression «hostilité québécoise» n’est
pas synonyme d’«hostilité des Québécois», la première
expression employée dans le texte du Monde
signifiait «qu’il existe, dans la société québécoise, un courant hostile
au français de France», ce qui est
un fait, selon M. Meney, alors que l’expression
utilisée dans le titre du Journal de
Montréal signifie que l’ensemble des Québécois sont hostiles aux Français,
ce qui est erroné.
Dans les articles des deux quotidiens mis en cause, un
extrait cite le plaignant comme suit: «il dénonce notamment un
« sentiment anti-français et anti-langue française de France ancré dans la
population québécoise »». Cet extrait abrégé a pour effet de changer
le sens de la citation de l’auteur car, en réalité dans le contexte original,
ce dernier parlait de cette situation «dans une partie de la population
québécoise», alors que le journaliste considère ici qu’il s’agit de toute
la population québécoise qui est concernée par les propos de l’auteur.
Un second extrait des textes parus dans
Le Journal de Montréal et Le
Journal de Québec affirme que M. Meney «va
même jusqu’à affirmer qu’il y aurait, au Québec, une haine de la France et des
« maudits Français »», alors que ces propos ne sont pas de lui,
mais plutôt de Mme Denise Bombardier.
Dans le même esprit, le texte de
LCN mentionne que «[s]elon l’auteur
Lionel Meney, qui écrit dans le quotidien
Le Monde, les Québécois ressentent de la
haine à l’égard des Français et de leur langue», alors que ce dernier
précise qu’il parlait d’un sentiment antifrançais chez une certaine partie de
la population québécoise, et non pas d’un sentiment de haine généralisé.
Le journaliste Samuel Pradier affirme que «[d]
epuis plusieurs années, Lionel Meney
mène une bataille contre les particularités linguistiques québécoises»,
ce que le plaignant conteste. Ce dernier précise qu’il s’intéresse aux
particularités du français québécois et qu’il a rédigé le
Dictionnaire québécois-français: pour
mieux se comprendre entre francophones (1999) dans cet esprit, afin de
permettre aux membres de la francophonie de mieux comprendre la culture
québécoise.
Les trois écrits mis en cause présentent M.
Meney comme «l’auteur d’un dictionnaire
québécois-français qui a été plutôt mal accueilli lors de
sa publication» ou «qui n’a pas été très bien accueilli à sa
publication», ce qui est également erroné, puisque le
Dictionnaire québécois-français
a notamment obtenu la médaille d’argent de la renaissance française, a été
finaliste du prix Marcel-Couture du salon du livre de
Montréal et a été salué avec enthousiasme par bon nombre de personnalités
telles Victor-Lévy Beaulieu et Bernard Pivot. Cet
ouvrage a, de plus, «fait l’objet d’une quinzaine de comptes rendus dans les
revues scientifiques», dont seulement trois, provenant de M. Poirier et
de ses collaborateurs, étaient négatifs.
La publication de LCN mentionne
également que, selon M. Meney, «l’instauration
d’une « norme québécoise » […] favorise un certain « séparatisme
linguistique » qui va à l’encontre de la tendance à l’homogénïsation
(sic) mondiale», ce que l’auteur déplore être une citation tronquée, le
présentant comme un partisan d’une «homogénéisation mondiale»
anglophone.
M. Claude Poirier, interrogé par le journaliste Samuel
Pradier, affirme dans les deux quotidiens au sujet de M. Meney:
«Il nous traite comme des gens qui ne savent pas parler». Déplorant
cette affirmation qu’il juge diffamatoire, l’auteur s’interroge sur la véracité
de celle-ci et sur son fondement. Il précise qu’il était du devoir du
journaliste de vérifier ses dires avant de les publier.
Mme Marie-Éva De Villers,
également consultée par le journaliste, déclare que l’article paru dans
Le Monde «comporte de nombreuses
informations erronées», mais les trois articles mis en cause ne précisent
pas à quelles informations elle fait allusion. Le plaignant déplore donc que,
malgré le manque d’information et de précision, l’impact négatif demeure.
Le plaignant déplore également le manque d’équilibre de
l’information qui fut livrée dans les trois médias. À cet effet, il précise que
non seulement le journaliste ne l’a pas interrogé, mais qu’il a choisi
d’interviewer trois personnes, dont deux défavorables aux idées de l’auteur.
M. Meney soutient que le contenu
des articles en cause, de par leur large diffusion et de par leurs propos
«inexact[s] et tendancieux» ont causé un tort considérable à son
image et à ses intérêts moraux et matériels. Il explique que cette situation
est liée à la manière d’agir du journaliste, qui lui a prêté de fausses
intentions, qui a tenté d’influencer l’opinion publique en jouant sur le
contexte et en insistant sur la nationalité française de l’auteur, en le
présentant comme méprisant envers les Québécois et en minant sa crédibilité et
les qualités de ses interventions.
Le plaignant soutient finalement, que l’adjoint au directeur
de l’information du Journal de Montréal, M.
Mathieu Turbide, a admis l’erreur du journal et a offert de publier un
rectificatif, avant de rompre le contact avec lui.
Du côté de LCN, le
plaignant déplore n’avoir reçu aucune réponse, suite à ses diverses tentatives
d’obtenir des explications plus précises ou des réactions de la part du
média.
L’auteur annexe à sa plainte une copie du texte paru dans Le
Monde, de même que ses demandes de réplique et la lettre présentée à cette fin
aux médias.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, avocat représentant le Journal de
Montréal et le Journal de Québec:
Me Pageau précise que la plainte porte sur un texte publié dans le Journal
de Québec du 24 mars 2005, qui fut repris par le Journal de Montréal le
28 mars 2005.
Il ajoute que le plaignant a communiqué avec le personnel
des quotidiens pour se plaindre des articles et qu’il leur a fait parvenir des
lettres à cet effet. Cependant, Me Pageau affirme que M. Turbide du
Journal de Montréal n’a jamais reconnu
d’erreur.
L’avocat précise que les deux quotidiens mis en cause ont
publié, le samedi 9 avril 2005, la lettre écrite par M. Meney
en réaction à l’article, afin de lui accorder son droit de réplique. Ce texte
est paru dans le Journal de Québec
sous le titre «Parler québécois n’est pas anti-français…» et dans
le Journal de Montréal sous le titre
«Parler français n’est pas anti-québécois». Ces textes ont été
publiés intégralement à la version de M. Meney, mis à
part l’extrait «pour affirmer une telle infamie», en référence aux
déclarations de M. Poirier, qui fut retranché.
Me Pageau souligne également que le grief d’atteinte à la
réputation, soulevé par le plaignant, ne devrait pas être traité par le Conseil
de presse, puisqu’il s’agit d’un tribunal d’honneur et non d’un tribunal civil.
Il conclut également que les deux journaux ont fait connaître l’avis de M.
Meney, à la suite de la parution des articles du
journaliste Samuel Pradier, de façon satisfaisante et conformément aux demandes
du plaignant.
Me Pageau joint à son commentaire copie d’une mise en
demeure, de même qu’une copie du texte d’opinion envoyé par le plaignant aux
deux quotidiens. Il annexe également une lettre
envoyée par M. Meney au journaliste
Samuel Pradier et une copie des lettres de réplique parues dans les deux
journaux.
Commentaires de M. Serge Fortin, vice-président information TVA,
LCN, Argent et affaires publiques:
M. Serge Fortin rappelle en premier lieu que le texte
diffusé sur le site web de LCN
,
le 28 mars 2005, faisait référence à un article diffusé dans
Le Monde et rédigé par M.
Meney.
Le mis-en-cause rappelle les
griefs évoqués par le plaignant en précisant que, de l’avis des représentants
du média, le texte mis en cause«reflétait l’impression se dégageant
des écrits de monsieur Meney dans
Le Monde».
M. Fortin ajoute également que les propos de Mme Denise
Bombardier, cités dans l’article, allaient dans le même sens que ceux du
plaignant.
Au sujet du Dictionnaire
québécois-français: pour mieux se comprendre
entre francophones, il explique que sa mauvaise réception par certains
pairs est bien documentée et expliquée dans l’article de
LCN, citations à l’appui.
M. Fortin conclut que l’article diffusé sur le portail
Internet de LCN respectait les règles
de l’éthique journalistique.
Réplique du plaignant
En lien avec l’article paru dans
Le Journal de Québec, M. Meney déplore
qu’il n’y ait eu aucune réponse à sa question, qu’il a invoquée à plusieurs
reprises dans sa correspondance avec les représentants de l’entreprise de
presse, à savoir par quel moyen et auprès de qui le journal s’est procuré sa
photo publiée dans l’article, sans obtenir son consentement.
En rapport avec les propos tenus par l’adjoint au directeur
de l’information du Journal de Montréal, M.
Mathieu Turbide, le plaignant soutient toujours que ce dernier a admis, dans un
message laissé sur sa boîte vocale, que le journal a commis des erreurs et
aurait offert au plaignant la possibilité d’apporter les rectifications
nécessaires, avant de couper tout contact avec lui.
Au sujet des textes de réplique publiés dans
Le Journal de Montréal et
Le Journal de Québec, le plaignant
déplore leur manque de visibilité. Parus sous la rubrique
«Courrier» des deux quotidiens, ils présentent la réplique de
manière quasi-confidentielle, tout en supprimant un passage faisant allusion à
l’un des témoins de l’article et, dans le cas du
Journal de Québec, en modifiant le titre initial rédigé par M.
Meney. De plus, les articles originaux, de par la place
qu’ils occupaient et par la taille de leurs titres et surtitres attiraient
beaucoup plus l’attention que la réponse.
Le plaignant ajoute également que la publication de son
droit de réplique ne change en rien sa demande au Conseil de presse de bannir
les mis-en-cause pour les manquements évoqués dans la
plainte et qui ne sont pas contestés par Me Pageau.
En lien avec le commentaire de M. Serge Fortin, à savoir que
le site web de LCN a diffusé un texte
qui «reflétait l’impression se dégageant des écrits de monsieur
Meney dans Le Monde»,
il atteste que ce point reflète exactement ce
qu’il reproche à LCN, d’avoir diffusé
les impressions d’un journaliste, au lieu de rapporter les faits d’une manière
consciencieuse.
M. Meney note que M. Fortin ne
précise pas de qu’elle façon LCN peut
prétendre que l’affirmation «les Québécois ressentent de la haine à
l’égard des Français et de leur langue» correspond bien à ce qu’il a
écrit dans Le Monde, puisqu’il ne
cite aucun endroit où l’auteur aurait écrit cela.
Quant à l’affirmation du vice-président de l’information de
LCN
selon laquelle «le mauvais accueil [du
dictionnaire québécois-français]
par certains y est [dans l’article
du site Internet] expliqué, documenté, citations à l’appui», le plaignant
déplore qu’il s’agisse de nouveau d’un glissement de sens, puisque le texte ne
fait pas allusion à «certains» mais au «dictionnaire
français-québécois qui n’a pas été très bien accueilli à sa
publication», ne retenant ainsi que les critiques négatives, alors que
les critiques positives furent bien plus nombreuses. En effet, les critiques négatives
seraient toutes venues du même groupe «dont fait partie M.
Poirier», une des personnes interrogées dans l’article mis en cause,
alors que plusieurs comptes rendus positifs furent publiés dans des revues
scientifiques internationales et que le dictionnaire a reçu un accueil
enthousiaste de la part de plusieurs personnalités. Le plaignant ajoute
également que, contrairement à ce qu’affirme M. Fortin, il n’y a aucune
explication, documentation ou citation dans le texte de
LCN qui pourraient «étayer cette affirmation inexacte».
De plus, le texte de LCN
rapporte les propos de Mme de Villers, selon lesquels«le texte de
Lionel Meney comporte de nombreuses informations
erronées», mais aucun exemple ou explication n’est donnée afin
d’illustrer ou d’éclaircir cette citation.
M. Meney annexe à sa réplique la
référence des comptes rendus publiés au sujet du
Dictionnaire québécois-français, de même
que divers extraits de journaux, de périodiques et de reportages positifs au
sujet de son ouvrage.
Il joint également copie d’une lettre de M. Claude
Beauregard, vice-président aux services de langue française de
la Presse Canadienne, qui fut rédigée en
rapport à une plainte déposée par M. Meney au Conseil
de presse et qui fut retirée par la suite. Dans cette dernière correspondance,
la Presse Canadienne reconnaissait que
le résumé de la nouvelle du Journal de
Montréal qu’elle avait transmis comme dépêche, tout particulièrement le
titre, «présentait de façon erronée ce qu’avait affirmé M.
Meney». À la suite de cette constatation,
la Presse Canadienne a émis un
rectificatif qui fut envoyé aux médias ayant publié la dépêche. Suivant cette
transmission, le portail Canoë (LCN)
a retiré la nouvelle de son site web. Dans cette même lettre, M. Beauregard
précise également:«toutefois, le média qui est à la source de
la nouvelle, Le Journal de Montréal,
a diffusé la lettre de M. Meney, mais n’a jamais
publié de rectificatif concernant sa nouvelle du 28 mars». Cette lettre
présente également copie d’un second rectificatif transmis le 27 mai sur les
fils de presse de la Presse Canadienne,
suite à une discussion avec M. Guy Perras,
directeur de l’information du
Journal de Montréal. Au sujet de ce
dernier rectificatif, M. Beauregard précise:«Ce texte
rectifie les informations factuelles incorrectes contenues dans l’article de
Samuel Pradier, reprises par la Presse
Canadienne.» Voici le
rectificatif complet:
« MONTREAL (PC)Dans
une dépêche transmise le 28 mars, la
Presse Canadienne et NTR ont
diffusé un texte affirmant erronément que M. Lionel Meney
avait écrit dans le quotidien français Le
Monde que les Québécois haïssent les Français et leur langue.
La dépêche, provenant
du Journal de Montréal, comportait
des imprécisions: M. Meney n’est pas un auteur
français, mais un citoyen canadien; après lecture de l’article original publié
dans Le Monde, il ressort que jamais
M. Meney n’a affirmé que « parler
québécois, c’est être antifrançais »; de plus, il est inexact de mentionner
que le dictionnaire franco-québécois écrit par M. Meney,
avait été « mal accueilli lors de sa publication ».
La Presse Canadienne
regrette ses erreurs et s’en excuse auprès de M. Meney.»
En ce qui concerne la réplique adressée au
Journal de Montréal, le plaignant y
annexe en plus une copie de sa correspondance avec M. Mathieu Turbide, adjoint
au directeur de l’information du quotidien.
Analyse
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes est synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements.
Le plaignant, M. Lionel Meney, déplore que le journaliste Samuel Pradier ne l’ait pas interrogé préalablement à la rédaction de son article et qu’il s’appuie uniquement sur les dires de trois personnes dont deux sont en désaccord avec ses idées. Le Conseil de presse considère pour sa part que les personnes citées dans les articles en cause apportent une pluralité de points de vue et qu’il n’y a donc pas de manquements à l’équilibre de l’information.
M. Meney dénonce plusieurs inexactitudes dans le traitement de l’information. Ainsi, les titres, surtitres et sous-titres des trois articles mis en cause comporteraient plusieurs erreurs. À cet égard, la déontologie du Conseil de presse précise que les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris.
Le plaignant déplore premièrement que le sous-titre du Journal de Montréal et le surtitre du Journal de Québec le présente comme un auteur français, alors qu’il est de citoyenneté canadienne et de nationalité française. Aux yeux du Conseil, dans le débat en cause, le fait de le présenter comme un auteur français est inexact et peut conduire les lecteurs à une fausse interprétation de ses propos et renforcer un stéréotype lié au débat sur la langue française internationale et québécoise.
Le plaignant réprouve ensuite le titre de l’article du Journal de Québec de même que le sous-titre du Journal de Montréal, qui prétendent que selon lui «Parler québécois est anti-français» ou que «Parler québécois, c’est être antifrançais», alors que cette affirmation n’apparaît nullement dans l’article du Monde. À la lecture du texte paru dans Le Monde, le Conseil constate qu’il y a effectivement une déformation de propos et que la citation utilisée pour titrer le texte est inappropriée.
Le plaignant reproche aussi au Journal de Montréal l’emploi d’un titre qui n’est pas représentatif des propos qu’il a tenus dans Le Monde et n’a pas la même signification que le titre choisi par la rédaction du quotidien français.
Après examen, le conseil a constaté effectivement que ce second titre ne va pas dans le sens des propos tenus par M. Meney.
Le plaignant désavoue également le titre de l’article publié sur le site Internet Canoë LCN:«Les Québécois racistes à l’endroit des français?», ce qu’il affirme n’avoir jamais avancé. À la lecture du texte publié dans Le Monde il est apparu au conseil que malgré la formulation interrogative du titre, l’utilisation du terme «racistes» en référence à tous les Québécois, était démesurée par rapport aux propos du plaignant.
Le journaliste aurait également qualifié le texte du plaignant comme «un article vindicatif», dans le surtitre du Journal de Montréal, et comme «un éditorial vindicatif paru dans le prestigieux quotidien français Le Monde», dans l’article du Journal de Québec. Pour le Conseil, après vérification, rien dans le contenu de l’article de M. Meney ne laisse croire qu’il cherche à se venger. En effet, ce texte emprunte la forme de la nouvelle et cite de nombreuses sources dont certaines sont en désaccord avec les idées de l’auteur.
Le plaignant désapprouve aussi que dans les articles des deux quotidiens mis en cause, un extrait le cite comme suit: «il dénonce notamment un « sentiment anti-français et anti-langue française de France ancré dans la population québécoise »». La déontologie du Conseil de presse précise qu’il est du devoir des journalistes de rapporter conformément les propos d’une personne, avec exactitude, précision et rigueur. Après comparaison avec l’article original, il est apparu au Conseil que journaliste généralise ici les propos tenus par le plaignant, en les appliquant à la totalité des Québécois, ce qui en modifie le sens.
Le plaignant conteste ensuite deux extraits des deux quotidiens au sujet d’une haine de la France et des « maudits Français »», alors que cette affirmation serait de Mme Denise Bombardier. Après comparaison avec les textes orignaux, le Conseil constate que les propos provenaient bien de Mme Bombardier.
L’auteur pointe ensuite trois citations. La première, rapportée dans l’article de LCN serait tronquée, ce qui en modifie le sens. Dans ce cas, le Conseil observe qu’il n’est aucunement fait mention, dans le texte de LCN, que l’auteur soit partisan d’une homogénéisation anglophone. De plus, les propos rapportés par la chaîne d’information, sur cet extrait, vont dans le même sens que le texte initial.
L’autre citation relevée dans les deux quotidiens: «il [M. Meney] nous traite comme des gens qui ne savent pas parler». Aux yeux du Conseil, comme M. Poirier intervient à titre de professionnel dans le débat, il est en droit de donner son avis sur la question.
La dernière citation qui serait inexacte est celle de Mme Marie-Éva de Villers. Dans les trois articles mis en cause, cette dernière affirme que le texte de M. Meney paru dans Le Monde comporte de nombreuses informations erronées et qu’il est totalement faux de parler d’hostilité ou de haine de la France . Comme dans le cas de M. Poirier, Mme de Villers intervient et donne son opinion à titre de professionnelle. Le journaliste était donc justifié de rapporter ses propos.
Le plaignant considère également que l’extrait «[d]epuis plusieurs années, Lionel Meney mène une bataille contre les particularités linguistiques québécoises» L’auteur du Dictionnaire québécois-français: pour mieux se comprendre entre francophones (1999) conteste également l’information avancée par les trois médias en cause, selon laquelle ledit ouvrage n’aurait pas été bien accueilli à sa publication.
Selon le guide des Droits et responsabilités de la presse, quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité.
Après examen, il est apparu au Conseil que les critiques négatives de certains pairs au sujet du dictionnaire de M. Meney demeurent des cas d’exception, plusieurs comptes rendus scientifiques, de même que de nombreux articles et reportages parus dans divers médias se sont avérés élogieux envers le dictionnaire de M. Meney. Les textes mis en cause présentent donc cette information de façon erronée.
Le plaignant reproche par ailleurs au Journal de Québec d’avoir publié sa photo, lui appartenant, sans indiquer son origine et sa source et sans avoir demandé son consentement. Le Conseil constate que la photo en question est rattachée au Dictionnaire québécois-français de M. Meney. Cette photo fut toutefois reprise par divers médias.
Puisque le contenu de cet article était d’intérêt public, l’utilisation de la photo de M. Meney pouvait se justifier dans ce contexte. Toutefois, le Conseil considère qu’il aurait été préférable de spécifier de façon plus précise la provenance de la photographie.
M. Meney déplore finalement n’avoir reçu aucune réponse de la part de LCN à la suite de ses diverses tentatives pour obtenir des explications. Il regrette également le manque de visibilité des textes de réplique publiés dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal.
De l’avis du Conseil, le droit de réplique du plaignant, malgré certaines modifications au niveau du titre et du contenu, fut convenablement présenté dans la section courrier du Journal de Montréal et du Journal de Québec. En publiant presque intégralement la lettre de réplique du plaignant, les quotidiens ont rencontré les exigences éthiques minimales quant au droit de réplique et à la rectification de l’information. Toutefois, outre cette preuve de bonne foi de la part des quotidiens, il aurait été souhaitable de voir un rectificatif publié formellement. En effet, il ne fut jamais admis ouvertement par la rédaction des journaux que les écrits en cause comportaient plusieurs erreurs. De plus, rien ne fut entrepris de la part de LCN afin de rectifier l’information ou de fournir au plaignant l’opportunité de faire valoir son droit de réplique. Le Conseil déplore cette attitude de la part de LCN qui fut informée de la publication d’un rectificatif par la Presse Canadienne qui l’exhortait à faire de même.
Décision
La première récrimination exprimée par le plaignant alléguait que cette affaire avait porté atteinte à son image et à sa réputation. À ce sujet, le Conseil constate que, par les nombreuses informations inexactes et par certains rapprochements tendancieux, les articles en question pouvaient porter atteinte, d’un point de vue éthique, à l’image et à la reconnaissance de l’expertise de M. Meney. Le grief à cet égard est donc retenu.
De plus, le Conseil reconnaît qu’il y a eu manquements sur les griefs concernant l’exactitude de l’information, le titre des trois articles, les citations erronées, les termes impropres et, d’un point de vue éthique, en regard de l’atteinte à l’image et à la réputation.
Relativement aux deux quotidiens mis en cause, le Conseil déplore qu’un rectificatif formel n’ait pas été publié, ce qui aurait pu permettre de redresser les erreurs commises, préalablement reconnues par la Presse Canadienne. Toutefois, le Conseil estime qu’en publiant presque intégralement la lettre d’opinion du plaignant, le Journal de Montréal et le Journal de Québec ont rencontré les exigences éthiques minimales quant au droit de réponse et à la rectification de l’information. Le grief n’est donc pas retenu.
Le Conseil rejette aussi les griefs concernant le manque d’équilibre et d’exhaustivité de l’information liés à l’absence d’une version des faits, de même que celui concernant la divulgation de la photo de l’auteur dans le Journal de Québec.
Quant au site Internet Canoë LCN, attendu qu’il n’y a eu aucune rectification, ni réponse aux récriminations du plaignant, le Conseil retient la plainte à l’encontre de LCN, pour les informations diffusées sur son portail.
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C09C Modification du texte
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C11F Titre/présentation de l’information
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C11H Terme/expression impropre
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C12D Manque de contexte
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17E Attaques personnelles
- C17F Rapprochement tendancieux
- C17G Atteinte à l’image
- C19A Absence/refus de rectification
- C19B Rectification insatisfaisante