Plaignant
M. André Turcotte
Mis en cause
Mme Annie Fernandez, journaliste, M. Serge Côté, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
Le Journal de Québec a publié un article dans lequel il mentionne des informations susceptibles de permettre l’identification d’une victime, et ce alors que son identité est protégée par une ordonnance de non-publication.
Griefs du plaignant
Le plaignant précise d’abord qu’une ordonnance de non-publication avait été émise par un juge de la cour du Québec, en date du 14 mars 2005, à l’effet qu’il était interdit de publier le nom de la victime et tous les renseignements pouvant permettre de l’identifier.
Or, le plaignant précise qu’il est le père de la victime dont il est question et que le fait d’avoir publié sa photo, son nom, l’endroit où il demeurait à l’époque des faits avec la mère de l’enfant ainsi que l’âge de celle-ci, semblent aller à l’encontre de l’ordonnance énoncée par le tribunal.
Selon lui, le journaliste aurait dû s’enquérir et faire les recherches nécessaires avant de publier de telles informations.
Le plaignant joint copie de l’ordonnance de non-publication prononcée par le juge.
Commentaires du mis en cause
Mme Annie Fernandez et M. Serge Côté précisent d’abord que l’ordonnance n’a pas été violée par l’article publié le 15 mars 2005 dans Le Journal de Québec. En effet, l’identité du plaignant, qui était l’accusé dans cette affaire, ne serait pas concernée par cette ordonnance. De leur avis, si le plaignant souhaitait que son identité ne soit pas diffusée, il aurait été nécessaire qu’il demande une ordonnance spécifique à cette fin.
Selon les mis-en-cause, les procédures judiciaires sont publiques et les personnes accusées le sont aussi. De façon à assurer la transparence de la justice, les médias doivent donc rapporter l’identité des personnes accusées. Toutefois, la cour peut, dans des cas très exceptionnels, émettre des ordonnances qui visent à protéger l’identité de l’accusé spécifiquement.
Les mis-en-cause ajoutent que, dans le cas présent, aucune ordonnance de ce genre n’a été prononcée. La règle générale de l’identification de l’accusé s’appliquait donc.
Ils terminent en précisant que les éléments invoqués par le plaignant ne permettent pas d’identifier la victime.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
Le Conseil de presse se prononce ici dans le champ de l’éthique journalistique et ne statue en rien sur toute autre question qui pourrait relever des tribunaux.
Dans le cas présent, le plaignant reproche essentiellement à la journaliste d’avoir contrevenu à une ordonnance de non-publication en publiant son article.
Le Conseil de presse rappelle que lorsqu’une personne décède, l’opportunité de l’identifier devrait être laissée à la discrétion rédactionnelle des médias. Toutefois, dans les cas où l’intérêt public n’est pas mis en cause par la non-identification de la victime, la règle générale devrait être celle de la discrétion.
De prime abord, les informations, et la photo, publiées par LeJournal de Québec identifiant le père de la victime ne semblent pas contrevenir aux principes de la déontologie journalistique. Il s’avère toutefois que la publication de ces informations était astreinte à une ordonnance de non-publication qui interdisait la publication ou la diffusion, de quelque façon que ce soit, l’identité de la victime et interdisait également de publier des renseignements qui permettraient de découvrir son identité.
Dans les cas ou des principes déontologiques s’affrontent, le Conseil considère que la règle de l’intérêt public doit primer. À cet effet, les règles déontologiques du Conseil prévoient que les médias doivent traiter les informations découlant de drames humains en ne révélant que ce qui est d’intérêt public.
S’il est difficile de déterminer lequel des principes de déontologie que sont le respect de l’ordonnance et la divulgation d’informations prévaut ici, il advient donc de déterminer s’il était, d’un point de vue éthique, d’intérêt public de publier le nom et la photo du père de la victime, le lieu de résidence de la famille au moment auquel les actes pour lesquels celui-ci a été condamné se sont déroulés ainsi que l’âge de la mère de la victime à cette époque.
En considérant la prudence que doit inspirer les professionnels de l’information dans un contexte où il existe une ordonnance de non-publication, le Conseil considère que la journaliste aurait pu satisfaire au droit du public à l’information et rendre compte de la condamnation prononcée pour les actes reprochés à l’accusé sans publier l’ensemble des informations énumérées.
Décision
Pour cette raison, le Conseil de presse retient la plainte de M.André Turcotte et blâme la journaliste Annie Fernandez et le Journal de Québec.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C23M Violation d’un interdit de publication
Date de l’appel
9 May 2006
Décision en appel
Après examen, les membres de la
commission ont décidé d’accueillir l’appel déposé en tenant compte du fait que
l’accusé a déjà été clairement identifié dans des articles précédents. La
commission estime donc que, dans les circonstances particulières de ce dossier,
l’éthique journalistique a été respectée. La commission a tenue à rappeler,
comme le comité des plaintes et de l’éthique de l’information l’a fait, que le
Conseil ne se prononce en aucun cas sur le respect ou non d’une ordonnance de
non-publication, ce rôle étant dévolu aux tribunaux.
Griefs pour l’appel
Mme Annie Fernandez,
journaliste, M. Serge Côté, rédacteur en chef et le quotidien
Le Journal de Québec