Plaignant
M. Michel Gaudette
Mis en cause
Mme Ginette Gagnon, éditorialiste, M. Michel
Saint-Amand, directeur de l’information et le quotidien
Le Nouvelliste
Résumé de la plainte
Le plaignant reproche au mis-en-cause
d’avoir bafoué sa liberté d’expression en rendant impossible la publication de
ses lettres d’opinion destinées au courrier des lecteurs du journal
Le Nouvelliste
Griefs du plaignant
M.Michel Gaudette précise
d’abord qu’il fait souvent parvenir des lettres d’opinion aux quotidiens
La Presse, Le Soleil, Le Devoir, et que
celles-ci sont publiées. Toutefois le plaignant atteste que, depuis un an, le
quotidien Le Nouvelliste, par
l’entremise de MmeGinette Gagnon, éditorialiste et responsable du
courrier des lecteurs, ne publie pas ces mêmes lettres d’opinion qu’il lui fait
parvenir. Il précise que si certaines lettres ont toutefois pu être publiées,
ce fût en l’absence de MmeGagnon. Le plaignant s’est entretenu à ce propos
avec M.Raymond Tardif, éditeur du journal
Le Nouvelliste, et affirme que celui-ci aurait traité ses doléances
de «façon très cavalière». Il ajoute toutefois que ses lettres
n’ont rien d’incorrect puisqu’elles sont publiées dans les autres quotidiens.
À la suite de ce constat, M.Michel Gaudette
a substitué à son vrai nom un pseudonyme pour faire parvenir ses lettres
d’opinion au journal Le Nouvelliste.
Il constate que, sous cette fausse identité, trois de ses lettres ont été
publiées dans le quotidien sur une période de six mois, ce qui constituerait,
selon lui, une preuve de la mauvaise foi de la direction du journal.
Le plaignant ajoute qu’il porte ainsi plainte pour atteinte
à la liberté d’expression et manque d’objectivité face à l’évaluation de ses lettres
d’opinion. Pour M.Gaudette, la direction du
journal fait preuve d’une «malice évidente et de mauvaise foi». Il
précise que le journal manque d’éthique puisqu’il ne vérifie pas la provenance
des courriers qu’il reçoit, ce qui aurait pourtant permis de l’identifier.
Commentaires du mis en cause
Mme Ginette Gagnon précise d’abord que le plaignant
revendique un droit dont il ne dispose pas: celui d’être publié dans le
journal Le Nouvelliste sur demande et
à volonté. Elle ajoute que la politique du quotidien concernant la tribune des
lecteurs est exprimée chaque jour, au bas de la page «Opinions» où
celle-ci invite ses lecteurs à commenter des sujets d’actualité tout en se
réservant le droit d’abréger ou de refuser des lettres.
MmeGinette Gagnon explique que M.
Gaudette se plaint que ses lettres ne soient pas publiées
dans le courrier des lecteurs et précise que vingt-quatre lettres d’opinion du
plaignant ont cependant été publiées ces dernières années, la dernière en date
du 28 février 2004.
La mise-en-cause rapporte que le
journal Le Nouvelliste s’efforce de
publier le plus grand nombre de lettres de lecteurs mais qu’il lui faut
cependant faire des choix, en raison de contraintes d’espace et de pertinence
des sujets. En effet, Mme Ginette
Gagnon explique que le plaignant écrit très
fréquemment des lettres d’opinion et que celles-ci ne peuvent être toutes
retenues car il est nécessaire de faire place à des lecteurs qui interviennent
sur différents aspects de l’actualité.
De plus, la mise-en-cause relate
que depuis deux ans, le courrier des lecteurs du quotidien
LeNouvelliste a connu un regain de popularité, ce qui
explique pourquoi le plaignant ne peut être privilégié à répétition au
détriment des autres lecteurs qui sollicitent, pour certains, le privilège de
s’exprimer pour la première fois.
Mme Ginette Gagnon atteste s’être plusieurs fois entretenue
avec le plaignant sur cet aspect. Toutefois, celui-ci n’a jamais voulu, selon
elle, reconnaître la politique du quotidien, dont il s’est plaint à de très
nombreuses reprises. L’insistance du plaignant serait même devenue proche du
harcèlement. Devant cet état de fait, la mise-en-cause
explique que les courriers de M.Michel Gaudette
ont été détournés vers un répertoire d’évitement. Ceux-ci ne parviennent donc plus
à la tribune des lecteurs.
La mise-en-cause a appris que le
plaignant écrivait sous une fausse identité, ce qui lui semble témoigner d’une
obsession. Selon elle, le plaignant utiliserait les pages du journal pour mener
une croisade religieuse. Elle regrette que les lettres d’opinion du plaignant
qui parviennent au journal Le Nouvelliste
ne porte que sur un unique thème et rappelle que le quotidien s’efforce de
publier des courriers sur des sujets variés et ce, dans l’intérêt du lectorat.
Mme Ginette Gagnon ajoute que M.Michel
Gaudette a réclamé, il y a quelques années, le droit
d’avoir sa propre chronique régulière lors de la création, par le journal
Le Nouvelliste,
d’un billet hebdomadaire des évêques. À la suite du refus de la
direction, M.Gaudette s’est plaint de
nombreuses fois envers la direction du journal. Il s’est de même plaint de
l’engagement de M.Jean-Guy Dubuc, membre de
l’équipe éditorialiste, reprochant au quotidien sa condition de clerc «à
la solde du clergé».
La mise-en-cause termine en
ajoutant qu’en raison de l’attitude insistante et dérangeante du plaignant
envers la direction du journal – multipliant les appels à la rédaction du
quotidien ou expédiant le même courriel plusieurs fois dans une même journée –
la direction du journal LeNouvelliste
n’a pas jugé «approprié de
perdre davantage de temps avec lui».
Mme Ginette Gagnon joint copie des lettres du plaignant
publiées dans le courrier des lecteurs du quotidien
Le Nouvelliste entre le 19 décembre 1998 et le 28 février 2004.
Réplique du plaignant
M.Michel Gaudette formule
ses reproches à l’encontre spécifique de la mise-en-cause
et non du journal Le Nouvelliste.
Il regrette que celle-ci ait refusé de
dialoguer avec lui et de lui fournir des explications. Selon lui, ce refus n’a
fait qu’aggraver la situation.
Il ajoute que MmeGagnon le dépeint à tort comme
un fanatique religieux en parlant de «croisade religieuse». Il
précise qu’il a milité en faveur de la neutralité confessionnelle avec le
Mouvement Laïque Québécois et qu’il milite toujours actuellement pour la
neutralité confessionnelle des institutions publiques. Selon le plaignant, la
mise-en-cause ne fait pas la part des choses.
En effet, les textes qui sont annexés au dossier sont exclusivement
de nature confessionnelle mais il atteste qu’il a toutefois été l’auteur
d’autres textes qui concernaient des sujets politiques mais que ceux-ci n’ont
jamais été publiés et ne sont pas annexés au commentaire de Mme Gagnon, ce
qu’il qualifie de «malhonnête».
Concernant la lettre publiée en février 2004, le plaignant
précise que celle-ci a été publiée à l’insu de la mise-en-cause,
alors absente.
Le plaignant ajoute qu’il n’a jamais harcelé la direction
pour que celle-ci publie ses lettres. Il s’agit pour lui d’une
«fabulation». Toutefois il affirme que ses lettres ont été jugées
au nom et non au mérite puisque le journal Le
Nouvelliste n’a publié que les lettres d’opinion écrites sous un nom
d’emprunt. Il réitère que le quotidien a manqué d’objectivité journalistique et
a ainsi porté atteinte à sa liberté d’expression.
Analyse
Nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit au courrier des lecteurs. La décision de publier ou non une lettre relève de la seule prérogative de l’éditeur. Les jugements d’appréciation en la matière doivent se fonder sur la responsabilité des médias afin d’offrir au public une information honnête et équilibrée qui favorise l’expression de différents points de vue.
Le plaignant reproche aux mis-en-cause de ne pas avoir publié ses lettres d’opinion. Le plaignant a déjà porté à la connaissance du Conseil des plaintes similaires concernant d’autres quotidiens. À ces occasions, le Conseil de presse a rappelé au plaignant que ceux-ci pouvaient librement choisir de ne pas publier ses lettres d’opinion. En regard de ce grief, le quotidien le Nouvelliste n’a pas commis de manquement à l’éthique journalistique.
Si les journaux peuvent refuser de publier certaines lettres, ils doivent toutefois veiller à ce que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris, une inimitié ou par le désir de faire taire une information d’intérêt public.
Le Conseil se doit ici de constater que les inimitiés se dégageant des mauvaises relations du plaignant avec les mis-en-cause ont fait en sorte que le quotidien LeNouvelliste ait écarté de façon délibérée les lettres d’opinion du plaignant du courrier des lecteurs. Une telle pratique, même si elle a pour but de faire cesser une situation jugée abusive par les mis-en-cause, est regrettable.
Concernant ce deuxième grief, le Conseil constate que le plaignant a utilisé un pseudonyme pour tenter de prouver que les mis-en-cause refusaient de publier ses courriers sur le seul motif de son nom et reproche ainsi aux mis-en-cause de ne pas avoir vérifié la provenance des courriers qu’ils publient. Le Conseil considère qu’un journal n’a pas l’obligation formelle de vérifier l’authenticité de toutes les lettres qu’il reçoit et qu’il publie dans sa rubrique réservée au courrier des lecteurs. Toutefois, une vérification usuelle raisonnable serait souhaitable afin d’assurer l’identité réelle des auteurs des opinions véhiculées par les lettres des lecteurs.
Décision
En conséquent, le Conseil de presse rejette les griefs du plaignant concernant la non-publication de ses lettres d’opinion et la non- vérification des sources mais déplore l’attitude de la rédaction du journal LeNouvelliste qui écarte délibérément et systématiquement, sur la seule foi du nom de leur auteur, certaines lettres d’opinion.
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C08A Choix des textes
- C08D Identification des textes
Date de l’appel
9 May 2005
Décision en appel
Après examen, les membres de la
commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première
instance.
Griefs pour l’appel
M. Michel Gaudette