Plaignant
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (M. Paul Gagnon, directeur des communications)
Mis en cause
M. Éric Yvan Lemay, journaliste, M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Paul Gagnon, directeur des communications du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, reproche au journaliste d’avoir publié dans un article paru le 7 avril 2005 dans le Journal de Montréal, le nom et le numéro de téléphone d’un agent du Ministère responsable d’un dossier particulier.
Griefs du plaignant
Au nom du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Paul Gagnon, directeur des communications porte plainte contre le journaliste Éric Yvan Lemay du Journal de Montréal, à la suite de la parution d’un article publié le 7 avril 2005, sous le titre «M. Pétrin, vous êtes mort, donc vous ne serez… plus remboursé!». Le motif de la plainte est en lien avec la lettre qui accompagne l’article. Dans cette lettre, on y voit le nom et le numéro de l’agent du Ministère en charge du dossier, M. Louis-Gilles Pellerin. Le jour de la parution de l’article, M. Pellerin a reçu des appels téléphoniques «disgracieux». Le lendemain, il s’absentait de son travail en raison des répercussions que la diffusion de son identité a entraînées. M. Gagnon exige qu’un blâme soit adressé au journaliste et au journal et que des excuses publiques soient faites à l’endroit de M. Pellerin et du Ministère.
Commentaires du mis en cause
M. Bernard Pageau, représentant le Journal de Montréal, rappelle que l’article était d’intérêt public et qu’il rapportait le fait que le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale écrivait à un homme décédé depuis deux mois pour l’informer qu’il n’était plus admissible aux remboursements de médicaments. L’article mentionne que l’épouse du défunt a été affectée par la réception de cette lettre. Or, souligne M. Pageau, ce n’est pas elle qui se plaint mais plutôt l’expéditeur de la lettre. M. Pageau mentionne que le Journal est d’avis qu’il est acceptable de publier le nom d’un fonctionnaire impliqué dans une affaire d’intérêt public. Selon lui, le fonctionnaire chargé d’un dossier de l’état n’agit aucunement à titre privé mais à titre de représentant de l’état. Dans le cadre de son travail, il est appelé à s’identifier auprès des citoyens. Le nom d’un fonctionnaire en relation avec le public durant ses heures de travail ne fait certainement pas partie des informations relatives à sa vie privée, ajoute-t-il. De plus, le mis-en-cause souligne qu’un porte-parole du Ministère a reconnu que la lettre n’aurait jamais dû être envoyée telle quelle et qu’une vérification humaine aurait pu permettre d’éviter la méprise. Il ajoute que le Code civil du Québec prévoit à l’article 36 que l’utilisation du nom d’une personne pour information légitime du public ne constitue pas une atteinte à la vie privée d’une personne. De plus, les citoyens peuvent rendre publiques leurs communications avec l’état, ce qui a été fait par la personne visée par l’article. Le Journal et son journaliste soumettent donc que la publication de la lettre du Ministère illustrant le texte publié était justifiée. Par ailleurs, le Journal et le journaliste ajoutent, qu’à leur avis, le Conseil de presse ne peut se prononcer, prendre en considération ou évaluer le préjudice qu’un plaignant allègue avoir subi, puisqu’il revient aux tribunaux de droit commun de se prononcer en matière de responsabilité civile qui consiste en une faute, un lien de causalité et des dommages.
Réplique du plaignant
Le directeur des communications indique qu’il n’a pas l’intention de répliquer aux commentaires. Cependant, il précise que le fait de ne pas répondre aux arguments ne signifie pas que le Ministère soit d’accord avec cette argumentation. D’ailleurs, il désire poursuivre la procédure en cours et comprend également que le Conseil de presse étudiera la plainte selon ses règles, puisque le Ministère n’a jamais eu l’intention de poursuivre le Journal de Montréal et son journaliste devant les tribunaux.
Analyse
Tout d’abord, le Conseil de presse tient à rappeler que ses décisions relèvent toujours et exclusivement de la sphère de l’éthique journalistique. Dans ce dossier, le grief dénoncé par le plaignant est à l’effet que le journaliste aurait joint à son article, une lettre du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale en omettant de raturer le nom et le numéro de téléphone de l’employé qui l’aurait transmise, ce qui aurait entraîné des répercussions négatives pour ce dernier.
Le plaignant considère que ces informations n’étaient pas d’intérêt public. Les mis-en-cause, par contre, affirment que l’article était effectivement d’intérêt public et qu’un fonctionnaire agit à titre de représentant de l’état et non à titre privé dans le cadre de ses fonctions. De plus, il faut souligner qu’un représentant du Ministère a reconnu qu’une vérification humaine aurait pu éviter l’envoi de cette lettre, ce qui, par ricochet, aurait pu empêcher cet impair.
Selon le Conseil, l’information publiée était d’intérêt public. Lorsqu’une information émanant d’un ministère est signée par le responsable d’un dossier dans le cadre de ses fonctions, le Conseil considère que ce dernier en est le représentant et ce, bien que le journal aurait pu masquer les coordonnées du responsable du dossier.
Décision
Pour les motifs exposés, le Conseil de presse rejette la plainte à l’encontre du journaliste Éric Yvan Lemay et du quotidien Le Journal de Montréal.
Analyse de la décision
- C16B Divulgation de l’identité/photo