Plaignant
M. François Leduc
Mis en cause
Mme Geneviève
Guay, directrice du développement professionnel et
des affaires générales, Information radio M. Alain Saulnier, directeur général
de l’information à la radio française et la Société
Radio-Canada
Résumé de la plainte
M. François Leduc porte plainte contre la direction de la
Société Radio-Canada
parce que la
SRC attribuerait aux représentants du groupe de presse
Gesca une place privilégiée sur ses ondes radiophoniques.
Pour le plaignant, la radio publique se trouve ainsi privée de points de vue divergents
et pluralistes, ainsi que d’un contrepoids indispensable au droit à une
information diversifiée et variée.
Griefs du plaignant
M. François Leduc dépose une plainte pour contester la place
que la direction de Radio-Canada
attribuerait à la société Gesca sur les ondes de sa
radio. Pour le plaignant, la Société
Radio-Canada accorderait une place privilégiée aux
représentants du groupe Gesca et notamment aux
journalistes Denis Lessard du quotidien
La Presse et Michèle Boisvert de
La Presse affaires, de même qu’au
journaliste et chroniqueur Alain Dubuc. En ce qui a
trait à M. Denis Lessard, le plaignant pointe
particulièrement une participation en ondes qui aurait eu lieu le 28 avril
2005.
M. Leduc affirme que de façon systématique, les émissions
d’affaires publiques de grande écoute font appel de manière quasi-exclusive
à des journalistes ou à des chroniqueurs du groupe Gesca,
quand ce ne sont pas des journalistes de La
Presse seulement, alors que les correspondants du
Soleil, du Devoir ou du
Journal de Montréal sont tenus à
l’écart. Selon lui, jamais n’entend-on les correspondants à Ottawa ou à Québec
des quotidiens Le Devoir,
Le Journal de Montréal et
LeJournal de Québec livrer leurs
impressions. Par contre, les chroniques de Joël-Denis
Bellavance, Martha Gagnon,
Yves Boisvert, André Pratte, Denis
Lessard, Michèle Boisvert et Michel Vastel
donnent beaucoup de visibilité à La
Presse.
Selon le plaignant, dans le cas de M. Denis
Lessard, la polémique qu’il a soulevée en ondes dans une
attaque en règle contre la maison de sondage Léger et Léger (sic) le
disqualifie d’occuper seul une plage radiophonique hebdomadaire lors de
l’émission « Québec express ». Il en est de même pour MM. Alain
Dubuc et Gilbert Lavoie qui n’ont
manifestement pas le recul et l’indépendance d’esprit pour remettre en cause le
jugement de leurs propres collègues du groupe Gesca,
estime M.Leduc. Pour lui, la radio se trouve ainsi privée de points de
vue divergents et pluralistes et d’un contrepoids indispensable au droit à une
information diversifiée et variée.
Le plaignant termine en déclarant qu’il est intolérable que
cette exclusivité de fait et cette visibilité commerciale aient pour effet de
permettre à La Presse et à
Gesca d’obtenir de la publicité gratuite sur les ondes de
la radio publique alors qu’une telle publicité est interdite.
Commentaires du mis en cause
Mme Geneviève
Guay précise d’abord que
Radio-Canada n’a aucune entente
avec les journaux du groupe Gesca pour donner de la
visibilité à ses journalistes. Elle explique que les invités et les
chroniqueurs sont choisis par les équipes des émissions et que la direction de
la SRC ne fait aucune pression en
faveur des employés de Gesca. Elle ajoute que selon
les données de la SRC, de nombreux
journalistes du Devoir ou du
Journal de Montréal et
Journal de Québec sont régulièrement
interviewés sur les ondes.
Mme
Guay donne cinq exemples de chroniqueurs et journalistes
d’autres médias qui sont régulièrement à l’antenne de la
SRC. Mme Guay explique que les
journalistes de Gesca ne sont pas tenus de penser
tous la même chose sur l’ensemble des sujets qu’ils couvrent
et que la politique éditoriale de La
Presse à ce propos a souvent été présentée dans les pages du quotidien.
En vertu de cette
politique, parmi les journalistes de Gesca qu’on entend
à l’antenne de la SRC, trois
seulement ont déjà pris une position publique sur la question nationale. Ce
sont André Pratte, Gilbert Lavoie
et Alain Dubuc.
Pour Mme
Guay, ces prises de position ne leur enlèvent pas tout leur
sens critique à l’égard des partis politiques qui défendent cette option comme
ils l’ont démontré à plusieurs occasions, notamment dans l’affaire des
commandites. Ces prises de position ne les empêchent pas non plus d’être des
observateurs très informés de la vie publique qui ne se résume pas qu’à la
question nationale.
Mme
Guay ajoute ne pas connaître les idées politiques des
autres journalistes de Gesca, pas plus que celles
d’Yves Boisvert et de Michèle Boisvert, deux communicateurs
qui ont fait leur marque dans leur domaine grâce à leur grande connaissance de
leur sujet.
En ce qui concerne la
polémique sur les sondages CropetLégerMarketing
soulevée dans LaPresse par le
journaliste Denis Lessard, Mme Guay
fait observer qu’elle portait sur l’ordre des questions à privilégier dans un
sondage pour obtenir le résultat le plus près de la réalité. Elle ajoute que
quelques jours plus tard, soit le 6 mai, le même quotidien a publié sur la même
question un article d’une spécialiste des sondages de l’Université de Montréal
selon lequel les chercheurs sont divisés sur la meilleure formule à adopter.
Mme
Guay affirme que le 28 avril, jour de la publication de
l’article de Denis Lessard, ce denier n’était pas à
l’antenne de la SRC et que c’est un
spécialiste de l’Université Laval, Jean Crète qui était invité pour discuter de
l’écart entre les deux sondages.
Pour la porte-parole
des mis-en-cause, les émissions de
la SRC sont nombreuses et la
diversité d’opinion n’est pas assurée seulement par les invités journalistes,
mais par d’autres participants de toutes origines, comme des représentants
d’organismes ou des professeurs. De plus, les journalistes invités par
Radio-Canada ne
sont pas toujours disponibles au moment voulu et le nombre de journalistes se
prêtant à cette fonction n’est pas le même dans tous les médias. En outre, le
nombre d’émissions aux périodes de grande écoute à la radio de la
SRC multiplie d’autant les demandes
d’entrevues. Mme Guay réaffirme enfin que la
diversité des opinions présentées à l’antenne de la radio est au cœur des
préoccupations quotidiennes de la Société
Radio-Canada.
Réplique du plaignant
M.
Leduc répond qu’il ne relèvera pas chacun des arguments avancés par Mme
Guay. Mais il insiste sur ce qu’il considère comme une
dimension fondamentale de sa plainte : le fait « que
Radio-Canada
, en tant
que société de radiodiffusion publique, se doit d’offrir et de développer le
pluralisme des opinions qu’une société libre et démocratique garantit ».
Le
plaignant rappelle des exemples de participations diversifiées et critique le
contenu de la programmation actuelle. Il dit ne pas remettre en question le
fait que la SRC
puisse
, « en
raison de contingences parfaitement justifiées, faire appel de manière
aléatoire aux journalistes ou chroniqueurs qui sont sous sa main au moment où
l’événement a besoin d’être commenté ».
M. Leduc se dit cependant contre la place prééminente que la
Société Radio-Canada
accorde à des chroniqueurs provenant du groupe Gesca.
Le plaignant donne un exemple impliquant le commentaire du jour du journaliste
Alain Dubuc, avant de pointer la promotion
publicitaire de la
SRC dans les journaux du groupe
Gesca. Pour lui, « justement parce qu’ils sont moins
nombreux, tous les quotidiens du Québec devraient recevoir un traitement plus
équitable et mieux équilibré…».
Analyse
Les médias et les professionnels de l’information doivent encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue, ce qui permet le débat démocratique et diversifie l’information.
Dans le cas soumis à l’attention du Conseil, le plaignant se disait insatisfait du traitement journalistique de la radio de la Société Radio-Canada parce que selon lui elle favorisait la participation des journalistes du groupe Gesca au détriment des journalistes d’autres médias québécois.
Après examen des explications fournies par la représentante de la Société Radio-Canada et par un journaliste du quotidien La Presse, il est apparu au Conseil que même si la participation des journalistes issus du groupe Gesca avait été fréquente à des émissions radiophoniques de la SRC, elle n’était pas exclusive.
En outre, cette participation ne semble pas mettre en péril le principe de pluralisme des opinions défendu par le plaignant.
En effet, dans l’ensemble des principes qui régissent les droits et devoirs des médias, outre le devoir de diversification de l’information, entre en jeu celui de la liberté journalistique reconnaissant que la façon de traiter un sujet ou de diffuser des informations relève de la discrétion des médias et des journalistes. Les mis-en-cause disposaient donc de latitude dans le choix de leurs collaborateurs en ondes.
Décision
Par conséquent, le Conseil de presse rejette la plainte de M.François Leduc contre la radio française de la Société Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C12A Manque d’équilibre
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
Date de l’appel
9 May 2006
Décision en appel
Après examen, les membres de la
commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première
instance.
Griefs pour l’appel
Me François Leduc