Plaignant
M. Alain Richard
Mis en cause
Mme Christiane Desjardins, journaliste, M. Éric
Trottier, directeur de l’information et le quotidien
La Presse
Résumé de la plainte
M. Alain Richard porte à l’attention du Conseil de presse ce
qu’il considère comme un manquement à la déontologie journalistique. Dans un
article paru le 10 avril 2005 dans le quotidien
La Presse, la journaliste Christiane Desjardins aurait fait des
affirmations sans avoir validé sa source, et le texte contiendrait deux erreurs
importantes.
Griefs du plaignant
M. Alain Richard porte plainte pour ce qu’il considère comme
des manquements à la déontologie professionnelle. Il reproche à la journaliste
Christiane Desjardins d’avoir fait des affirmations sans vérifications dans un
article paru dans le journal La Presse
le vendredi 20mai 2005, en page A 11.
L’article publié sous le titre : « Parisella
n’ira pas en cour », comporterait deux erreurs importantes aux yeux du
plaignant, erreurs qui auraient pu être évitées si la journaliste avait validé
sa source d’information. Le plaignant explique qu’il ne peut laisser passer ce
fait, compte tenu de sa situation dans le contexte de la commission
Gomery, et il demande rétractation à la journaliste.
En ce qui concerne la première erreur, le plaignant explique
que ses procureurs Me Claude F. Archambault et associés avaient décidé, la
veille de la publication de l’article, de ne pas se présenter en cour
puisqu’ils avaient reçu l’assurance de la Couronne que Me Nathalie
Thibert ne procéderait pas sur les chefs d’accusation
impliquant M. John Parisella. Par conséquent, d’après
lui, la véritable nouvelle rapportée par la journaliste aurait dû être : « De
fait, la Couronne rejette du revers de la main les allégations faites par M.
Parisella dans ses dépositions à la police. »
Deuxième élément relevé par le plaignant : il serait faux de
prétendre que ce dernier ne semble pas avoir d’avocat puisqu’il est représenté
par le bureau de Me Claude F. Archambault et associés.
Selon M. Richard, la journaliste aurait pu
trouver facilement cette information puisque ses collègues étaient au courant
de leur récente victoire devant la Commission d’accès à l’information.
Le plaignant ajoute : « Quant à la citation de Me
Vauclair dans l’article, à savoir que Monsieur
Parisella » n’en connaît pas plus sur M. Richard que
ce qu’il a entendu par personnes interposées « . L’avenir vous permettra,
de comprendre clairement que John Parisella est
impliqué jusqu’au cou dans la campagne de salissage
contre Alain Richard. »
Le plaignant termine en ajoutant que, pour lui, « Mme
Desjardins semble avoir subi les manœuvres d’une importante campagne de
relations publiques orchestrée par la partie adverse et il est nécessaire que
les faits soient rétablis […] ».
Sont annexées à la plainte copie de l’article et 10 pages de
documentation relative à « l’affaire des commandites » et à la commission
Gomery.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de la journaliste, Christiane
Desjardins:
Mme Desjardins amorce sa réponse en indiquant qu’elle joint à son envoi
le document émanant du greffe de la cour sur lequel les journalistes se basent
pour suivre quotidiennement les dossiers mis aux rôles des différentes salles
du palais de justice de Montréal.
La journaliste explique
que sur le document de la salle
4.11 pour la journée du 19 mai,
apparaissait
le nom de M. Alain
Richard. Mais la case allouée au nom de l’avocat est vide, contrairement à tous
les autres dossiers indiqués au document pour cette salle.
Sur la foi de ce document, Mme
Desjardins s’est présentée à
l’heure dite, soit 14 heures. Elle raconte : « Le dossier
de M. Richard
a été entendu par le juge Fraser Martin qui a lui aussi constaté que
personne n’était là pour représenter M. Richard, pas même lui. Me Martin
Vauclair, qui représentait John Parisella,
était le seul avocat présent dans la salle. » Donc, selon elle, il n’y avait
personne pour expliquer ce que M. Richard raconte dans sa plainte concernant le
fait que la Couronne ne procéderait pas sur les chefs d’accusation impliquant
M. Parisella. Elle ajoute que lorsque le procès s’est
ouvert le 26mai 2005, Me
Archambault s’est même scandalisé que la Couronne ne l’avait averti que le
matin même qu’elle ne procéderait
pas sur les autres chefs d’accusation, alors qu’il s’était préparé sur
l’ensemble de la cause.
Mme Desjardins termine en expliquant que « les journalistes sont
rarement au courant des tractations et discussions qui se passent entre avocats
avant un procès, et que même s’ils réussissent à le savoir, c’est toujours
aléatoire de l’annoncer tant que ce n’est pas fait officiellement devant le
juge du procès ».
Sont annexées aux commentaires copie de la plainte de M. Richard et de
l’article en cause ainsi que copie de l’ordre des comparutions à la chambre
4.11 de la Cour supérieure le 19mai 2005.
Commentaires du directeur de l’information,
Éric Trottier:
M. Trottier
répète que le document fourni par Mme Desjardins provient des greffes, que
c’est celui sur lequel les journalistes se basent pour suivre les dossiers au
palais de justice de Montréal et que, pour la journée du 19 mai 2005, celui de
M.Richard apparaissait à la salle 4.11. Le directeur de l’information
indique que par conséquent, il n’a rien d’autre à ajouter.
Réplique du plaignant
M.
Alain Richard répond que bien que plausibles, les arguments de la journaliste
ne sont pas crédibles. Avant de dresser la liste des raisons qui motivent son
affirmation, il indique que MeMartin Vauclair
aurait deux enquêtes à son endroit par deux ordres professionnels et il met en
doute les tactiques de l’avocat dans la défense de l’intérêt de ses clients, en
fournissant deux exemples. Il ajoute que Mme Desjardins aurait dû être plus
prudente car elle ne peut qu’être au courant des rumeurs qui courent dans
l’enceinte du palais de justice.
À la lecture des documents soumis par la journaliste, le
plaignant constate l’indication d’un procureur pour M. Parisella
et aucun pour lui. M. Richard ajoute qu’il y a, à ce moment, enquête du Barreau
contre Me Martin Vauclair qui aurait omis de
signifier des procédures à ses procureurs. Il affirme que Mme Desjardins ne
pouvait ignorer que des avocats utilisent souvent des tactiques du genre pour
miner la crédibilité des gens ou semer la discorde. La journaliste se devait
donc de valider ses informations auprès d’une autre source.
Selon M. Richard, elle aurait pu soit contacter l’avocat de
la Couronne, soit utiliser ses coordonnées disponibles sur ses sites Internet,
soit faire une vérification d’usage dans sa propre salle de presse, ou encore
consulter son premier procureur que la journaliste connaît bien.
En raison de ces faits, et « compte tenu que madame
Desjardins devait prendre tous les moyens pour valider son information dans le
contexte explosif de la Commission Gomery », le
plaignant demande de maintenir sa plainte et d’ajouter au dossier les nouveaux
éléments énumérés.
Le plaignant annexe à sa réplique une lettre à la Chambre
des huissiers du Québec, une lettre d’un commissaire de la Commission d’accès à
l’information et un courriel du journaliste Tristan Péloquin
de La Presse.
Analyse
Dans le dossier soumis au Conseil de presse, le plaignant contestait le choix de la nouvelle rapportée par la journaliste et le fait que l’article comportait deux erreurs.
Le Conseil de presse a déjà précisé, en ce qui a trait au libre exercice du journalisme, que les médias et les professionnels de l’information doivent être libres de relater les événements et de les commenter sans entraves ni menaces ou représailles; que l’attention qu’ils décident de porter à un sujet particulier relève de leur jugement rédactionnel; que le choix de ce sujet et sa pertinence, de même que la façon de le traiter, leur appartiennent en propre; et enfin, que nul ne peut dicter à la presse le contenu de l’information sans s’exposer à faire de la censure ou à orienter l’information.
Après vérification, il est apparu au Conseil que la journaliste a couvert un procès où le mis-en-cause n’était pas présent alors que ce dernier lui reproche de ne pas avoir rédigé « la véritable nouvelle ».
En vertu de la liberté rédactionnelle qui lui est reconnue, la journaliste avait le droit de traiter de la cause de M. Richard comme bon lui semblait, à condition de respecter les faits. Or, au moment du procès, rien n’indiquait que ce à quoi elle assistait pouvait ne représenter qu’une partie seulement de la réalité. La journaliste a rapporté ce qu’elle a vu et entendu. Même si elle n’a pas rédigé la nouvelle comme le plaignant l’aurait souhaité, on ne peut conclure pour autant qu’il y ait faute journalistique de sa part.
Le plaignant reprochait également à la journaliste une fausse information puisqu’il était, selon lui, représenté par un bureau d’avocats. Après examen des explications des parties, il apparaît au Conseil qu’au moment où elle sortait du tribunal, la journaliste mise en cause pouvait légitimement ne pas connaître cette information et par conséquent, le Conseil ne condamne pas la formule prudente utilisée dans les circonstances à l’effet que le plaignant ne semblait pas avoir d’avocat.
Le plaignant reproche enfin à la journaliste de ne pas avoir fait de vérifications suffisantes à ce sujet. Toutefois, la journaliste disposait déjà de deux sources d’information, soit le rôle de la cour et sa propre présence sur les lieux. Aux yeux du Conseil, ces sources constituaient, dans les circonstances, une base valide pour son information et le grief n’a donc pas été retenu.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil de presse rejette la plainte contre la journaliste Christiane Desjardins et le quotidien La Presse.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C15D Manque de vérification