Plaignant
M. FrédÉrick Churchill
Mis en cause
Mme Marilaine Bolduc-Jacob,
rédactrice en chef et l’hebdomadaire L’Express
d’Outremont
Résumé de la plainte
M. FrédÉrick Churchill reproche au
journal L’Express d’Outremont d’avoir
censuré une lettre d’opinion, parue le 26 mai 2005, en provenance d’un
regroupement de citoyens dont il fait partie. Il reproche également au journal
de refuser, à titre régulier, la publication de lettres d’opinion qui ne
supportent pas la position officielle des élus.
Griefs du plaignant
M. FrédÉrick Churchill et un
regroupement de citoyens ont fait parvenir une lettre d’opinion aux journaux
Le Point d’Outremont et
L’Express d’Outremont. Celle-ci
a été intégralement publiée par le
premier mais censurée par le second, lors de sa parution le 26 mai 2005.
Le plaignant explique que, dans
L’Express d’Outremont, le titre original de la lettre «Non au
favoritisme» a disparu pour être remplacé par «Une présence
inacceptable au CCU». La phrase
suivante: «Le cas Ramirez est l’exemple même d’un système politique
qui mêle insidieusement bénévolat, intérêt personnel, contournement des règles,
retour d’ascenseur entre amis et favoritisme» a quant à elle été
complètement censurée. De plus, à la signature de l’article, le journal
L’Express d’Outremont a censuré le nom
«Outremont-autrement».
Le plaignant explique que le mot «favoritisme»
n’est pourtant pas vulgaire ou sexiste et n’incite pas à la violence. Au
contraire, dans le contexte de l’actualité, il semblerait, selon M.
FrédÉrick Churchill, que depuis les débuts de la commission
Gomery, la population du Québec soit de plus en plus
intéressée par les situations de favoritisme. Il précise que ce mot décrit
simplement une tendance à accorder des faveurs injustes ou illégales. Il
affirme qu’en lisant les faits cités dans le texte en question, on ne peut que
constater que le terme «favoritisme» est utilisé à bon escient. En
effet, il décrit une situation dans laquelle une personne, à titre de membre
professionnel, aurait reçu des faveurs de la part d’élus, tout en occupant une
position de bénévole au comité consultatif d’urbanisme (CCU) d’Outremont.
Selon M. Churchill, la politique du journal serait donc à
l’effet qu’il ne faut pas que des citoyens parlent de favoritisme et
sous-entendent qu’Outremont pourrait être dirigée autrement.
Il ajoute que le journal L’Express
d’Outremont refuse régulièrement d’imprimer des lettres d’opinion qui ne
supportent pas la position officielle des élus. La censure est souvent
appliquée et ce, pour des raisons qui ne concernent ni la longueur des textes,
ni la nature des idées qui y sont énoncées.
M. FrédÉrick Churchill termine sa
plainte en se demandant pourquoi le journal L’Express
d’Outremont cherche à cacher aux citoyens le fait que des élus de l’
Union
des citoyens et citoyennes de l’Île de Montréal (UCIM) pratiquent un
favoritisme envers des membres bénévoles des comités de l’arrondissement, et
plus particulièrement envers des fournisseurs de services professionnels.
Commentaires du mis en cause
Mme Marilaine
Bolduc-Jacob, rédactrice en chef, commence par
rappeler que l’éditeur d’un journal conserve toute sa liberté éditoriale quant
au contenu des lettres de lecteurs qui sont publiées. Elle ajoute qu’il est
également de son devoir de s’assurer que le contenu du journal, incluant les
lettres d’opinion qui y sont publiées, respecte certains standards.
À cet égard, Mme
Marilaine Bolduc-Jacob précise
qu’il est donc fondamental de s’assurer de publier le contenu des lettres qui
lui parviennent suivant ces critères. En effet, dans certaines circonstances
qui ne sont pas en cause ici, la longueur des lettres peut faire l’objet d’un
élagage, tout en prenant toutefois soin de ne pas trahir le sens et la portée
de la lettre originale.
La lettre transmise par M.
FrédÉrick Churchill ne correspondait cependant pas à ces
standards. Selon la mise-en-cause, la mention
«Non au favoritisme» présentée dans le titre et jumelée avec le
contenu de la lettre, et notamment avec le passage élagué qu’est:
«le cas Ramirez est l’exemple même d’un système politique qui mêle
insidieusement bénévolat, intérêt personnel, contournement des règles, retour
d’ascenseur entre amis et favoritisme», posait un véritable problème.
Puisqu’un texte doit être lu et
compris dans son ensemble, Mme Marilaine
Bolduc-Jacob explique qu’il lui est apparu que certains
passages comportaient, au pire, des accusations, ou au mieux, des insinuations
quant au fait d’avoir commis des infractions criminelles ou des fautes civiles,
puisqu’il y aurait eu «contournement des règles».
Selon elle, le passage est
inacceptable puisqu’il n’est pas soutenu par des faits avérés et pourrait dès
lors entraîner la responsabilité civile et déontologique du journal
L’Express d’Outremont. De plus, le titre
qui a été retenu par la rédaction ne trahit pas l’esprit du texte.
Quant à la signature de la
lettre, les trois personnes physiques qui ont signé se retrouvent bien comme
signataires. Toutefois, le nom «Outremont-autrement»
a été supprimé. En effet, les vérifications effectuées par
Mme Marilaine
Bolduc-Jacob ne lui ont pas permis de s’assurer de
l’existence de ce groupement, jusqu’alors inconnu. Elle précise qu’il lui est
donc apparu nécessaire de ne pas faire état de l’organisme.
Il ne s’agit ainsi donc pas
d’actes de censure mais bien de décisions éditoriales basées sur des motifs
déontologiques et juridiques.
La mise-en-cause termine en
précisant que le journal L’Express
d’Outremont ne cherche nullement à favoriser un parti ou une opinion. En
effet, les signataires de la lettre ont déjà eu l’occasion, par le passé, de
voir publiées leurs lettres d’opinion dans les pages du journal.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
En publiant les lettres des lecteurs, les professionnels de l’information doivent encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue. Cependant les journaux sont libres d’apporter des modifications aux lettres qu’ils publient s’ils n’en changent pas le sens et ne trahissent pas la pensée des auteurs. À cet égard, il importe que les médias se donnent des normes de publication des lettres ouvertes qui leur parviennent du public.
Le plaignant reprochait à L’Expressd’Outremont d’avoir modifié le titre, supprimé une phrase de celui-ci ainsi que la signature «Outremont-autrement». La rédactrice en chef de l’hebdomadaire précisait que ces modifications ont été effectuées afin que la lettre d’opinion soir conforme aux standards exigés par la déontologie journalistique. Après analyse, le Conseil constate que le mis-en-cause avise clairement ses lecteurs que leurs lettres ouvertes peuvent être éditées. De plus, la modification du titre ainsi que la suppression d’une phrase ne change ni le sens, ni l’esprit de la lettre du plaignant. Toutefois, il aurait été souhaitable aux yeux du Conseil que les coupures effectuées par la rédaction soient identifiées par l’utilisation de crochets.
De plus, la lettre d’opinion étant antérieure à la date de réservation auprès du directeur général des élections du Québec de l’appellation «Outremont-autrement», la rédactrice en chef pouvait à juste titre décider de ne pas faire apparaître cette signature. Par conséquent le Conseil ne retient pas le grief.
Par ailleurs, les journaux peuvent refuser de publier certaines lettres, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris, une inimitié ou encore par le désir de taire une information d’ intérêt public qui serait contraire au point de vue éditorial ou nuirait à certains intérêts particuliers.
Selon M. FrédÉrick Churchill, L’Express d’Outremont refuserait régulièrement la publication des lettres d’opinion qui ne supportent pas la position officielle des élus en place. Or, l’analyse démontre que M.FrédÉrick Churchill a été plusieurs fois publié au sein de ce journal. De plus, le Conseil ne peut déterminer, sans faire de procès d’intention, que les lettres non publiées l’ont été sur la base d’une inimitié ou d’un désaccord politique. Le grief est donc rejeté.
Décision
En conséquence le Conseil de presse rejette la plainte de M. FrédÉrick Churchill à l’encontre du journal L’Express d’Outremont.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C08B Modification des textes