Plaignant
M. Yves Pageau
Mis en cause
Mme Josée Blanchette, chroniqueuse, M. Jules Richer,
directeur de l’information et le quotidien Le Devoir
Résumé de la plainte
M. Yves Pageau se plaint de la chronique «
La Life: Masculiniste contre féministe»
rédigée par la journaliste Josée Blanchette, le 27 mai 2005, qui serait
inexacte, basée sur une conversation privée et qui lui aurait causé préjudice.
Griefs du plaignant
M. Yves Pageau porte plainte contre la journaliste Josée
Blanchette, en regard d’une chronique rédigée dans le quotidien Le Devoir,
le 27 mai 2005. De l’avis du plaignant, cette chronique rapporte de façon
méprisante une conversation qui a eu lieu «quelques minutes avant
d’entrer en ondes dans les studios de la station de télévision
TQS» et à laquelle le plaignant
aurait décidé de mettre un terme.
M. Pageau invoque un manque d’éthique professionnelle de la
part de la journaliste qui a rapporté sa propre interprétation de la situation
dans les pages du quotidien, en plus de l’associer à un chien. Selon lui, comme
il défend un point de vue avec lequel elle est en désaccord, la mise-en-cause a
abusé de sa tribune pour attaquer sa crédibilité. Il rappelle ainsi que
«[l]e fait du journalisme n’est pas d’imposer un point de vue en traitant
autrui de façon méprisante».
La conversation rapportée dans l’article en cause et à
laquelle le plaignant a choisi de ne pas participer était de nature privée. De
ce fait, le plaignant soutient que Mme Blanchette n’était nullement légitimée
d’utiliser sa position de journaliste pour en rapporter le contenu.
Selon le plaignant, Mme Blanchette reconnaît que «le
débat télévisé qui a suivi la conversation privée qu’elle commente dans son
texte aurait tourné en sa défaveur». Ainsi, alors qu’elle avait
l’occasion de faire valoir son point de vue à ce moment, elle a choisi de
réviser la situation par la suite dans sa chronique.
Le plaignant termine en indiquant que le débat a eu
lieu devant les caméras de télévision et que l’interprétation faite par la
journaliste d’une conversation à laquelle il a choisi de ne pas participer n’a
rien à voir avec cette émission.
Commentaires du mis en cause
M. Jules Richer précise d’abord que Mme Josée Blanchette
exerce la fonction de chroniqueuse au sein du Devoir, donc
«qu’elle pratique un genre journalistique qui permet une liberté dans le
ton et le contenu qui dépasse celle des autres types d’expression
journalistique».
Le directeur de l’information du Devoir rappelle le
premier grief soulevé par M. Pageau, à savoir que la journaliste l’avait
comparé à un chien. Ce grief provient de l’expression «coucouche
panier» que la journaliste a utilisée dans son article, afin de décrire
la réaction de M. Yves Pageau à la conversation. M. Jules Richer précise
«[qu’] il s’agit d’une expression imagée qui ne doit pas être interprétée
au sens littéral».
Il ajoute que dans sa chronique, Mme Blanchette est critique
à l’endroit de M. Pageau et de son mouvement, ce que le plaignant n’a pas
apprécié. Mais rien n’interdit à Mme Blanchette de l’être souligne-t-il.
Le dernier grief rappelé est à l’effet que la journaliste
ait rapporté une conversation privée. À cet effet, M. Richer réitère que la
chronique est un genre journalistique qui permet davantage de liberté et que,
compte tenu que les opinions exprimées par le plaignant lors de cette
conversation sont les mêmes «qu’il fait habituellement valoir en
public», rien n’était privé à ce titre. M.Richer ajoute finalement
que la chroniqueuse «ne fait que décrire ce qu’elle a vu dans les limites
que lui permettent la chronique».
Réplique du plaignant
Le plaignant réitère d’abord son opinion face aux
agissements de Mme Josée Blanchette qui a, selon lui, abusé de sa tribune
publique dans Le Devoir pour
l’attaquer personnellement alors qu’il ne dispose pas des mêmes ressources pour
se défendre.
M. Yves Pageau rappelle également que la chroniqueuse a
laissé comprendre, dans le courriel qu’il présente en annexe à sa plainte,
«qu’elle était déçue de sa performance lors du débat télévisé», ce
qui ne justifie pas la teneur de sa chronique.
Analyse
La chronique, le billet et la critique sont des genres journalistiques qui laissent à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Ils permettent aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire.
Ces genres accordent en général une grande place à la personnalité de leurs auteurs. C’est leur lecture personnelle de l’actualité, des réalités et des questions qu’ils choisissent de traiter qui est surtout mise en perspective.
Le plaignant, M. Yves Pageau, déplore l’attitude méprisante de Mme Josée Blanchette. Il explique que dans sa chronique cette dernière l’associe à un chien, ce qui porte atteinte à son image.
De l’avis du Conseil de presse, le traitement journalistique employé dans la chronique permettait à l’auteure d’exprimer son opinion et d’utiliser des expressions imagées.
M. Yves Pageau dénonce également le contenu de la chronique qui porte sur une conversation qui était, à son avis, de nature privée.
À cet effet, le Conseil fait observer que cette conversation a eu lieu en présence de la journaliste, Mme Josée Blanchette. La jurisprudence du Conseil de presse indiqueque «nul ne peut s’étonner que des informations confiées à un ou à une journaliste dont la fonction première est d’informer, aient été rendues publiques. Publier et diffuser de l’information est la première fonction des journalistes et des médias». (D1999-04-097) Ainsi, le plaignant ne doit pas s’étonner que la chroniqueuse rapporte le contenu de cette conversation qui s’est déroulée devant elle.
M. Pageau conteste aussi le manque d’exactitude de l’information présentée dans la chronique, qui serait lié au fait que la chroniqueuse y rapportait son interprétation personnelle de la conversation.
À ce sujet, le Conseil rappelle que le genre de la chronique offre une grande latitude à l’auteure, ce qui lui permet d’exprimer son opinion et sa vision des choses. De plus, le plaignant n’a démontré aucune inexactitude dans le texte de la chronique. Pour ces raisons, le grief ne peut être retenu sur cet aspect.
Le dernier grief évoqué concernait le conflit d’intérêts. Comme le débat télévisé a tourné en la défaveur de Mme Josée Blanchette, le plaignant soutient qu’elle s’est servie de sa position de journaliste pour réviser la situation à posteriori.
Aux yeux du Conseil, le rôle de chroniqueuse de Mme Blanchette lui confère une grande liberté dans le choix des sujets et de l’angle de traitement. De plus, rien ne prouve que la journaliste était ici en conflit d’intérêts.
Le Conseil invite cependant les mis-en-cause à plus de prudence dans de telles circonstances. La situation entourant la rédaction de cet article pouvait provoquer une apparence de conflit d’intérêts, en ce sens qu’elle pouvait donner l’impression régler des comptes par le biais de sa chronique. Afin de prévenir cette situation, la chroniqueuse aurait eu avantage à préciser dans son article que le débat télévisé avait été remporté par la partie adverse, soit celle de M. Yves Pageau et de Mme Johanne Fontaine.
Décision
Au-delà de ces réserves, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Yves Pageau contre la chroniqueuse Mme Josée Blanchette et le quotidien LeDevoir.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11C Déformation des faits
- C16D Publication d’informations privées
- C17G Atteinte à l’image
- C22H Détourner la presse de ses fins