Plaignant
M. Clément Joly
Mis en cause
M. Stéphane St-Amour, journaliste et rédacteur en chef, M. Claude Labelle, éditeur, M. Eric Cliche, directeur de l’information et le journal régional Courrier Laval
Résumé de la plainte
M. Clément Joly porte plainte contre le journal régional Courrier Laval et le journaliste Stéphane St-Amour à la suite d’une série d’articles publiés les 15, 22 et 29 mai ainsi que le 5 juin 2005. Ces articles coiffés de titres sensationnalistes et dévastateurs auraient porté atteinte à la réputation du plaignant par leur traitement journalistique inadéquat.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M. Clément Joly, est un ex-président de la Commission des finances du Parti libéral du Canada (PLC) et un associé de l’étude Raymond Chabot Grant Thornton, firme d’experts-comptables et de conseillers en administration. M. Joly porte plainte contre M. Stéphane St-Amour, journaliste et rédacteur en chef au Courrier Laval. La plainte vise une série de six articles publiés dans le journal régional les 15, 22 et 29 mai de même que le 5 juin 2005. Ces articles ainsi que la page couverture auraient, selon le plaignant, porté atteinte à sa réputation. Pour M.Joly, il ne fait aucun doute que le journaliste avait l’intention d’entacher sa réputation puisque la couverture de presse a été faite, selon lui, avec « un goût systématique du sensationnel, de façon indue et avec acharnement ». Pendant un mois, M.Joly aurait fait l’objet d’articles coiffés de titres « sensationnalistes et dévastateurs ». Le plaignant relève d’abord les titres des articles inexacts : – Dans l’édition du 15 mai 2005, le plaignant faisait la manchette sous le titre, en gros caractère: «Clément Joly comparaîtra d’ici le 27 mai 2005» «Un Lavallois devant la commission Gomery». L’expression «comparaîtra» laisserait clairement sous-entendre, selon le plaignant, qu’il devait comparaître devant la commission et ce, sans même se soucier des conséquences extrêmement négatives pour sa réputation. Or, la suite des événements a démontré que le traitement journalistique aurait justifié plus de prudence puisque dans les faits M. Joly n’a pas comparu. – En plus de la page couverture annonçant une comparution qui n’a pas lieu, on retrouvait à l’intérieur de la même édition, à la page A6, un article portant le titre: «L e ministre Cauchon aurait exigé la démission de Clément Joly en janvier 2005» «Il voulait faire table rase de tous ceux qui avaient trempé dans le financement du temps de Gagliano». Toujours dans la même édition, on trouvait sous la photo de Clément Joly, en caractère gras, «L e lavallois Clément Joly doit comparaître d’ici la fin des audiences publiques de la commission Gomery dont la clôture est prévue pour le 27 mai prochain». Dans l’édition du 22 mai 2005, un article était coiffé de l’expression «L’affaire Joly», alors que le plaignant n’avait pas comparu devant la commission Gomery ni participé au scandale des commandites. Le plaignant se demande pourquoi le sujet est subitement devenu une « affaire ». Dans l’édition du 29 mai 2005, le journal intitule un article: «Clément Joly n’a pas comparu. Il était toujours le grand patron des finances a déclaré Giuseppe Morselli devant la commission Gomery». Ensuite, plutôt que de saisir l’opportunité de se rétracter et d’atténuer l’impact négatif de ses articles précédents, notamment l’annonce de la comparution de M. Joly, le journal a inscrit en amorce : «Contre toute attente, l’ex-président des finances du Parti libéral du Canada pour le Québec (1996-2001) n’a pas comparu devant le juge Gomery ayant été retiré du rôle des témoins en début de semaine dernière». Dans l’édition du 5 juin 2005, l’hebdomadaire s’attaque indirectement à M. Joly en ciblant cette fois sa conjointe, par le titre: «L’ex-députée libérale Carole-MarieAllard jouissait d’un statut spécial» et en indiquant en sous-titre «Compagne de Clément Joly». Enfin, le plaignant relève le titre: «L es membres de la commission des finances du PLC-Q réclamaient la présence de Clément Joly», qui coiffait un texte dont l’amorce était: «L’ex-présidente de l’aile québécoise du Parti libéral du Canada est venue corroborer les dires de son ancien directeur général, Daniel Dezainde, à l’effet que ClémentJoly qui présidait aux destinées des finances du Parti laissait toute la place à Giuseppe Morselli en matière de financement.» Quant à la série d’articles, elle n’aurait eu pour but que de laisser croire au lecteur que M. Joly était lié d’une façon ou d’une autre au scandale des commandites. Toute la démarche de publication n’aurait été orientée que dans le but de discréditer le plaignant. Ce dernier identifie les manquements suivants: Le journaliste aurait rapporté « de façon sélective et tronquée » les témoignages rendus devant la commission Gomery. Selon M. Joly, il a sélectionné certaines parties des témoignages de Daniel Dezainde, Benoît Corbeil et Michel Béliveau dans les articles tirés de l’édition du 15mai pour étayer sa thèse et prouver que M. Joly était mêlé au scandale. Dans ses articles des 15 et 29 mai 2005, M. St-Amour aurait fait montre de partialité, a omis de présenter le témoignage de M. Dezainde de manière exacte et rigoureuse et a ainsi porté atteinte à sa réputation. Plus précisément, Monsieur St-Amour a négligé, à deux reprises, de rappeler le contexte énoncé par Monsieur Dezainde dans son témoignage concernant la démission de M. Joly du Parti libéral du Canada, section Québec: a) Dans son article publié en pages A6 et A7 de l’édition du 15 mai 2005, on rapporte que M.Dezainde a affirmé : «pour le ministre Cauchon, c’était impératif qu’il remette sa démission» et le journal a inscrit en gros titre: « il voulait faire table rase de tous ceux qui avaient trempé dans le financement du temps de Gagliano». b) Dans l’article paru dans l’édition du 29 mai 2005, M. St-Amour a écrit que MM.Morselli et Joly avaient tous les deux été « virés » du Parti en 2002 à la suite de la démission du ministre Gagliano. Cet article laisserait ainsi entendre, de façon sournoise et insidieuse, que M.Joly aurait été partie prenante au scandale du financement du Parti libéral et que, pour cette raison, il aurait été remercié par le Parti. Il s’agit là, pour le plaignant, d’une insinuation fausse et diffamatoire qui va bien au-delà du témoignage de M. Dezainde. à l’appui de son affirmation, le plaignant cite des exemples de ce témoignage extraits du rapport de la commission Gomery. – Pour le plaignant, le journaliste St-Amour a aussi été négligent en ne rapportant pas de façon rigoureuse les propos de M.Dezainde et il a ainsi porté atteinte à sa réputation. Il a également été fautif en choisissant des phrases sensationnalistes dans son article, telles que: «Pour le ministre Cauchon, c’était impératif qu’il remette sa décision(sic) » ; «Il voulait faire table rase de tous ceux qui avaient trempé dans le financement du temps de Gagliano». Le plaignant indique ensuite la conduite qu’aurait dû tenir le journaliste dans les circonstances: – Prendre toutes les précautions nécessaires, et qui s’imposaient dans les circonstances, pour s’assurer de rapporter les faits de façon neutre et objective; – Vérifier ses informations avant de publier, dans l’édition du 15 mai 2005, que M. Joly était agent officiel du Parti libéral du Canada pour le Québec, ou encore, qu’il était au courant de «la valse des enveloppes brunes» et responsable de toutes les dépenses électorales et de l’origine des fonds sollicités et reçus; – Faire des vérifications auprès du Parti libéral du Canada pour le Québec avant de rédiger cet article. Il aurait alors découvert que M. Joly n’était pas agent officiel du Parti libéral du Canada pour le Québec mais plutôt bénévole à titre de président de la Commission des finances du Parti libéral du Canada, section Québec, et qu’il n’était pas responsable des dépenses électorales; le journaliste aurait également pu découvrir que jamais le ministre Cauchon ne lui a demandé sa démission. Le plaignant demande donc que les informations publiées par le journaliste dans les éditions des 15et 29 mai 2005 du Courrier Laval soient rectifiées.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du journaliste et rédacteur en chef, Stéphane St-Amour: Le journaliste et rédacteur en chef précise que bien qu’elles soient non fondées, il prend ces accusations très au sérieux. Il répond ensuite aux reproches formulés par le plaignant : – D’abord l’affirmation concernant « cet acharnement » et cette «volonté flagrante d’entacher la réputation » du plaignant.M. St-Amour réplique qu’il ne cherchait simplement qu’à réaliser une couverture honnête de la commission Gomery. – Au sujet de l’expression « comparaîtra », le journaliste en donne d’abord une définition à partir d’un dictionnaire. Il explique ensuite que le nom de M. Joly apparaissait sur le rôle des témoins publié sur le site Internet de la commission Gomery. Il ajoute qu’au moment d’aller sous presse le vendredi 13 mai, il a de plus vérifié cette information auprès du responsable des communications à la commission Gomery. Ce dernier a confirmé l’information publiée sur le site Internet. – Le journaliste cite ensuite M. Joly qui se plaignait que dans l’édition du 22 mai, un article portait le titre de « L’AFFAIRE JOLY » alors qu’il n’avait pas comparu devant la commission Gomery, ni participé au scandale des commandites. Il contestait l’utilisation du terme «affaire». Le journaliste précise d’abord qu’il s’agit de l’édition du 15 mai dont il est question. Il ajoute que lorsqu’une personnalité publique est appelée à comparaître dans une commission d’enquête d’envergure en sa qualité de président de la Commission des finances du Parti libéral du Canada au Québec, ça devient une nouvelle d’intérêt public justifiant la couverture accordée aux événements l’impliquant. – Le journaliste et rédacteur en chef relève ensuite l’affirmation selon laquelle toute la démarche de publication visait à discréditer M. Joly. Il répond aux reproches selon lesquels il aurait rapporté de façon sélective et tronquée les témoignages devant la commission Gomery: selon lui, il a publié l’ensemble des extraits des témoignages de MM. Corbeil, Dezainde et Morselli qui concernaient le plaignant et le mettaient en cause en sa qualité de président de la Commission des finances du Parti Libéral du Canada pour le Québec, poste qu’il a occupé entre 1997 et 2002. Il rappelle que même la GRC a été appelée à enquêter sur les finances de l’aile québécoise du PLC-Québec dans le dossier du scandale des commandites couvrant les cinq années que M. Joly a passées à ce poste. – En ce qui a trait à l’affirmation selon laquelle la série d’articles n’avait pour but que de laisser croire au lecteur que M. Joly était lié d’une façon ou d’une autre au scandale des commandites, le mis-en-cause affirme qu’il n’a jamais cherché à discréditer le plaignant. Il aurait plutôt tenu ses lecteurs informés de l’implication de M. Joly dans une affaire qui retenait l’attention des médias depuis 2004. Le journaliste dit l’avoir fait en rapportant fidèlement les faits et en s’en tenant rigoureusement aux témoignages des personnes ayant prêté serment devant la Commission: MM Corbeil, Dezainde et Morselli, de même que Me Françoise Patry, ex-présidente du PLC-Québec. – Le plaignant accusait M. St-Amour d’avoir été négligent en ne rapportant pas de façon rigoureuse les propos de M. Dezainde, portant ainsi atteinte à sa réputation. Il aurait également été fautif en utilisant des phrases sensationnalistes dans son article. à ce sujet, le mis-en-cause invite le Conseil de presse à examiner l’extrait du témoignage de M. Dezainde, et à constater qu’il a été rigoureux dans cet article. Le journaliste rappelle que ce dernier qui comprenait 3,5 feuillets devait résumer six longues journées de témoignages qui se sont traduites par 1200 pages de transcription. Quant au titre, M. St-Amour expliquequ’il fut inspiré de la lecture que faisait l’ex-directeur général du Parti, Daniel Dezainde, des événements ayant suivi la « démotion » de M. Alfonso Gagliano. Il ajoute que, par prudence, il a utilisé le conditionnel dans sa formulation du titre. – Le plaignantaffirme aussi que le journaliste aurait dû vérifier ses informations avant de publier que M. Joly était agent officiel du PLC-Québec ou encore qu’il était au courant de la «valse des enveloppes brunes » et également responsable de toutes les dépenses électorales et de l’origine des fonds sollicités et reçus. M. St-Amour répond que l’ex-directeur général Benoît Corbeil affirmait tout le contraire dans son témoignage lorsque interrogé précisément à ce sujet par le procureur adjoint à chacune de ses deux comparutions devant de la commission Gomery. Le journaliste ajoute qu’il avait toutes les raisons de croire que les informations révélées devant la Commission et faites sous serment étaient véridiques. M. St-Amour explique que, de par ses fonctions, un agent officiel est entre autre responsable de toutes les dépenses électorales et de l’origine des fonds reçus et sollicités. Il ajoute: «Enfin, Benoît Corbeil, toujours sous serment, devant le juge Gomery, affirme dans son témoignage du 9 mai qu’il avait tenu informé Clément Joly que Bernard Thiboutot avait payé des travailleurs d’élections en argent. » Le journaliste et rédacteur en chef rapportent ensuite les échanges entre les avocats des parties à la suite de la publication des articles. Une mise en demeure exigeant la publication d’une lettre de M.Joly a été refusée par les procureurs du mis-en-cause. Pour eux, les fait reprochés étaient non fondés, le traitement journalistique a été jugé juste et rigoureux et les articles publiés jugés d’intérêt public. Quelques jours plus tard, le procureur de M. St-Amour, aurait toutefois proposé verbalement à M.Joly une entrevue avec le journaliste ainsi que la possibilité de publier une lettre se limitant à corriger les allégations de MM. Daniel Dezainde, Benoît Corbeil et Michel Béliveau devant la commission Gomery. Mais le plaignant et son procureur auraient refusé cette offre. M. St-Amour raconte que dans les jours qui ont suivi la couverture des événements, une rumeur avait circulé dans les milieux d’affaires et scientifiques de Laval à l’effet qu’il avait été congédié. Il dit soupçonner le plaignant d’être à l’origine de cette rumeur. Le journaliste et rédacteur en chef terminent ses commentaires en soulignant qu’il n’a rencontré le plaignant qu’une seule fois et qu’il n’a jamais rien eu contre lui. Commentaires du directeur de l’information, M. Eric Cliche: Le directeur de l’information rappelle que la commission Gomery a monopolisé l’information au cours du printemps 2005 et que M. St-Amour était attitré à sa couverture. Ses longues années d’expérience et sa rigueur journalistique ont permis de mettre en lumière les éléments qui touchaient plus particulièrement les acteurs de la région, la mission du Courrier Laval étant la couverture régionale de l’information. Selon M. Cliche, aucun des articles rédigés par le journaliste Stéphane St-Amour n’avait pour objectif d’entacher la réputation de M. Joly et de lui nuire. Ni le directeur de l’information ni M.St-Amour ne le connaissaient personnellement et n’avaient de raison de lui en vouloir. En regard du traitement de l’information, si le sujet a fait la une, c’est que la commission Gomery était le sujet de l’heure. Les médias en traitaient abondamment et M. Joly était, et est toujours, une personnalité régionale bien en vue à Laval. Mais en même temps, M. Joly a été président des finances pour le Parti libéral du Canada pour le Québec, de 1996 à 2001. Lorsque son nom est apparu au rôle des témoins à comparaître devant le juge Gomery, il a été décidé d’accorder la une à cette nouvelle. Ne pas le faire aurait été, selon le directeur de l’information, faire preuve d’un manque de rigueur. Le directeur de l’information reconnaît que M. Joly n’a finalement pas comparu devant le juge Gomery, mais au moment où le journal du dimanche 15 mai a été publié, son nom figurait toujours au rôle des témoins. Ce n’est qu’au début de la semaine suivante que son nom fut retiré . M. Eric Cliche rappelle qu’il en a été fait mention dans l’édition suivante, dans un article de M.St1/4#8209;Amour, intitulé: « Clément Joly n’a pas comparu ». Comme personne, selon lui, ne pouvait tenir pour acquis que M. Joly ne comparaîtrait pas, cette formulation a été utilisée, mais seulement après vérification auprès du responsable des communications de la Commission. Selon M. Cliche, jamais le Courrier Laval n’a fait preuve d’acharnement à l’endroit de M.Joly. En média responsable, son journal a assuré le suivi et a pris soin de rapporter les nouveaux éléments à mesure que la Commission progressait. Ce qui a permis non seulement d’apprendre que M. Joly n’avait pas comparu, mais les raisons pour lesquelles il ne témoignerait pas. En ce qui concerne les articles du journaliste ciblant la conjointe de M. Joly, encore là, le journaliste n’aurait fait que rapporter les faits, à savoir les échanges verbaux survenus au cours de la commission Gomery. Ce sont les travaux de la Commission qui ont permis d’apprendre que Mme Allard, la conjointe de M. Joly, est la seule candidate du PLC à ne pas avoir été obligée de verser 50 % du remboursement versé par le Directeur général des élections au PLC. M. Cliche croit que cette nouvelle était d’intérêt public. Le directeur de l’information explique ensuite que M. St-Amour a poussé l’investigation du côté de deux importantes firmes d’ingénierie de Laval après que leurs noms aient été mentionnés à la commission Gomery. Dans ce cas, le Courrier Laval a traité la chose avec la même rigueur qu’il l’a fait avec les témoignages impliquant le plaignant. M. Cliche affirme que tout au long du dossier, son équipe a fait preuve d’impartialité, de rigueur et de professionnalisme; que les informations ont été vérifiées en tout temps et que le journaliste St-Amour n’a pas fait preuve de négligence. Toutes les sources sont officielles et les faits véridiques. M. Eric Cliche termine en portant à l’attention du Conseil que le 19 juin 2005, la une du cahier B du Courrier Laval était consacrée à un événement bénéfice organisé par la fondation Armand Frappier dont M. Clément Joly est le président et chef de la direction. Après avoir décrit l’importance économique de l’événement et le traitement qu’il a reçu de son journal, le directeur de l’information fait observer que la une et l’article sont signés par Stéphane St-Amour. Si l’intention du journal avait été de porter ombrage à la réputation de M. Joly, il n’aurait certainement pas accordé ce traitement à cette nouvelle. Commentaires de l’éditeur, M. Claude Labelle : L’éditeur du Courrier Laval tient à assurer le Conseil que jamais son journal n’a publié d’articles ayant comme objectif d’entacher la réputation du plaignant. Selon lui, le journaliste a effectué une couverture juste et équitable de la commission Gomery. M. Labelle rappelle les années de service de son journaliste et l’appréciation des lecteurs pour la justesse et la véracité de ses articles. Le professionnalisme, la rigueur et la crédibilité de M.Stéphane St-Amour sont reconnus depuis de nombreuses années. En 22 ans de service, c’est la première fois qu’il fait l’objet d’une plainte au Conseil de presse et ce, malgré le fait qu’il a, à de nombreuses reprises, traité de sujets controversés.
Réplique du plaignant
M. Joly amorce sa réplique en tentant de démontrer l’intention malveillante qui anime M.St-Amour. Il cite des extraits des commentaires du journaliste qui faisait un rapprochement entre le plaignant et la rumeur de son propre congédiement du Courrier Laval. M Joly indique : «J’estime qu’il y a une présomption selon laquelle tous les articles écrits après cet épisode, y compris ceux sur Mme Allard, l’ont été avec l’intention consciente ou inconsciente de me nuire puisque le journaliste avait obtenu, bien malgré moi, une raison de vouloir le faire. […] Une chose est sûre, c’est qu’il entretient encore de nombreux doutes sur ma probité et mon intégrité. » M. Joly s’inquiète ensuite de ce que le journaliste tienne pour avérés les propos de MM. Corbeil, Dezainde et Morselli. Selon lui, le journaliste ne semble pas tenir compte que plusieurs des témoignages donnés devant la Commission ont été jugés contradictoires par le juge Gomery. Nonobstant ce fait connu, affirme le plaignant, il joue au juge et tire des conclusions sans prendre aucune précaution pour mettre ses lecteurs en garde. Le plaignant relève trois exemples de ce qu’il qualifie de « propos diffamatoires et mensongers ». Le premier est à l’effet que M. Joly était responsable de toutes les dépenses électorales et de l’origine des fonds sollicités et reçus. M. Joly fait observer que le journaliste ne cite personne à l’appui de ses dires. Le second exemple porte sur le fait d’avoir été « viré du parti en janvier 2002 ». Le plaignant reproche au journaliste de ne pas avoir cité le témoin Michel Béliveau qui a expliqué le rôle de M.Joly à la présidence de la Commission des finances. L’autre exemple porte sur la mention que la GRC avait été appelée en 2002 à enquêter sur les finances du PLC-Québec dans le dossier du scandale des commandites pour la période couvrant les cinq années que M. Joly a passées à la présidence de la commission des finances du parti. Pour le plaignant, cette affirmation confirme sa méconnaissance des structures d’un parti politique. M.Joly décrit alors les fonctions qu’il a occupées entre 1997 et 2002, l’année où il a voulu «ralentir et céder sa place à quelqu’un d’autre », raison pour laquelle il a offert sa démission. M. Joly s’applique ensuite à démontrer que plusieurs des explications du journaliste ne tiennent pas: Il demande si c’est dans les règles qu’un journaliste publie un article et ensuite, parce qu’il est publié, y fasse référence en le qualifiant « d’affaire Joly ». – Les explications concernant l’utilisation du verbe « comparaîtra » sur la page frontispice confirmeraient un manque de prudence de sa part. La nouvelle aurait pu être simplement qu’il figurait sur la liste des témoins. – Le plaignant relève que M. St-Amour affirme qu’il ne le connaît pas. Pourtant, en janvier 2002, alors qu’il était directeur de l’information du mensuel Connexions affaires Laval, ce journal a publié une édition avec sur la page couverture le titre : « La face cachée de Laval». On y voyait le portrait d’une itinérante devant la résidence de M. Joly. Le plaignant indique qu’il a été beaucoup surpris puisqu’il n’a jamais vu d’itinérante dans sa rue alors qu’il y habite depuis 1983. Pourquoi sa propriété, demande-t-il, alors qu’il existe sur le territoire de Laval des propriétés beaucoup plus cossues? – En ce qui a trait à la possibilité de réaction aux propos du journaliste que le mis-en-cause lui offrait, le plaignant affirme qu’il n’a jamais reçu de lettre à cet effet, si une telle lettre existe. Les propos rapportés par M.St-Amour sont nouveaux pour lui. – En réponse à la lettre de M. Eric Cliche, le plaignant reprend les paroles du directeur de l’information voulant « qu’une commission d’enquête évolue et personne ne peut prédire avec certitude le chemin qu’elle empruntera ». C’est pourquoi il lui répond que c’est précisément pourquoi il aurait fallu être prudent avec les mots utilisés. Il relève également la phrase de M. Cliche indiquant : « Rappelons que la commission Gomery a permis d’apprendre que Mme Allard, la conjointe de Clément Joly, est la seule candidate du PLC à n’avoir pas été obligée de verser 50 % du remboursement octroyé par le DGE aux assises duPLC». Il affirme que la phrase est fausse, explique comment sont remboursés les frais des candidats. Il ajoute que ni Mme Allard, ni son Association n’ont bénéficié de traitement de faveur de la part du Parti. Il affirme avoir toutes les preuves à cet effet.
Analyse
Le premier grief que le Conseil a analysé portait sur sept titres pointés par le plaignant en raison de leur inexactitude et leur caractère exagéré. Les titres et les manchettes, qui relèvent des éditeurs, doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. En conséquence, les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les titres et les manchettes ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris.
Après avoir procédé à l’examen de chacun des sept titres, il est apparu au Conseil qu’aucun grief ne devait être retenu contre six d’entre eux. Seul, le quatrième titre invoqué par le plaignant soit, «L’affaire Joly», était excessif, compte tenu que le plaignant n’était accusé de rien et n’avait pas comparu devant la Commission Gomery. Pour ces raisons, le Conseil a retenu le grief pour ce titre seulement.
Dans le cas des trois premiers titres, l’inexactitude n’a pas été démontrée. Pour ce qui est du cinquième, le Conseil a accepté les explications des mis-en-cause. En ce qui a trait au sixième titre, qui visait plus spécialement la conjointe du plaignant, le grief n’a pas été retenu en raison des versions contradictoires des parties et en tenant compte de l’occasion donnée à Mme Carole-Marie Allard de répondre en faisant connaître ses explications et sa version des faits.
Enfin, le septième titre est apparu au Conseil conforme au contenu de l’article qu’il annonçait. Selon le second grief, la série d’articles du Courrier Laval avait pour but de laisser croire aux lecteurs que le plaignant était lié au scandale des commandites et qu’elle visait à discréditer le plaignant.
Le Conseil fait observer que bien que rien ne démontre que le plaignant était lié au scandale des commandites, celui-ci avait Œuvré au sein du PLC avec des personnes qui l’étaient, dans un parti qui l’était, et que le plaignant avait occupé une fonction relative à la collecte de fonds dans ce parti.
Dans ce contexte, le Conseil considère que le choix de s’intéresser aux faits d’intérêt public qui concernaient plus particulièrement ce Lavallois bien en vue était compréhensible et légitime. Enfin, l’affirmation par le plaignant au sujet de l’intention alléguée du journaliste de sélectionner ses informations pour étayer sa thèse et prouver que le plaignant était mêlé au scandale des commandites n’a pas été retenue.
Le troisième grief reprochait au journaliste d’avoir fait preuve de partialité et d’avoir omis de présenter le témoignage de M. Dezainde dans son contexte, avec exactitude et rigueur. Le manque de précision du plaignant sur les éléments manquants à cette mise en contexte, dans le cas de l’article du 15 mai 2005, n’a pas permis de retenir le grief.
En ce qui concerne l’article du 29 mai, le Conseil ne partage pas l’avis du plaignant à l’effet qu’il laisserait entendre, de façon sournoise et insidieuse, qu’il a été partie prenante au scandale du financement du Parti libéral du Canada. Après examen, il est apparu au Conseil que l’article en question indique que ce n’est pas le plaignant qui, selon le témoignage rapporté, tire les ficelles et refuse de rendre des comptes au directeur général du parti. L’article rapporte également que le plaignant aurait reproché à des collègues leur manque de rigueur comptable. Ces passages ne peuvent, selon le Conseil, être interprétés comme une charge injustifiée contre le plaignant; pas plus que les deux longs paragraphes de la fin de l’article sous le titre «Une personnalité régionale ». Dans le grief suivant, le plaignant reprochait au journaliste d’avoir été négligent en ne rapportant pas de façon rigoureuse les propos de M.Daniel Dezainde dans leur contexte et d’avoir ainsi porté atteinte à sa réputation. Le journaliste aurait aussi été fautif en choisissant des phrases sensationnalistes dans son article, telles que : « Pour le ministre Cauchon, c’était impératif qu’il remette sa démission » et « Il voulait faire table rase de tous ceux qui avaient trempé dans le financement du temps de Gagliano». Après avoir relu ces extraits, le Conseil fait observer que tout en replaçant les déclarations en contexte, il ne faut pas donner aux citations un sens qu’elles n’ont pas.
Sans d outer de la probité du plaignant, le fait d’avoir Œuvré aux côtés de certaines personnes impliquées dans le scandale des commandites, et d’avoir occupé la fonction de président de la Commission des finances du Parti libéral du Canada fait partie de son image publique. Cet état de fait était antérieur à la couverture journalistique et en cela, le journaliste n’y était pour rien.
Pour ces raisons , le Conseil n’a pas retenu le grief, estimant que, telles que présentées, les citations respectaient les règles déontologiques. Demeure la question du sensationnalisme. Pour le plaignant, il serait présent autant dans les titres que dans certaines phrases, comme dans les deux dernières citées. Une distinction s’impose à cette étape-ci, entre le sensationnalisme et l’information qui étonne, celle qui surprend. On parle du sensationnalisme comme du « goût du public pour le sensationnel, pour ce qui produit sur lui une forte impression ». Mais le mot désigne également « l’exploitation de ce penchant par les médias ». Il est dans la nature même de l’information de porter une connaissance neuve et intéressante à l’attention de quelqu’un qui ne la connaît pas. Il s’agit même d’un droit, celui du public à l’information. Par contre, le sensationnalisme commence quand les médias exploitent indûment ce penchant du public pour les impressions fortes.
Dans l’ensemble, les mis-en-cause ne sont pas tombés dans ce piège. La commission Gomery était le sujet de l’heure et les médias en traitaient abondamment; M. Joly était une personnalité régionale bien en vue à Laval; il était en même temps l’ancien président de la Commission des finances pour le PLC-Québec et son nom était apparu au rôle des témoins à comparaître devant le juge Gomery. Ce sont des faits d’intérêt public. à plusieurs moments durant l’analyse, il a été possible d’observer que les mis-en-cause avaient été pondérés dans leur traitement de l’information. Ils auraient aussi offert au plaignant une entrevue et la possibilité de publier un texte de précision.
Le dernier grief à l’étude voulait que la série d’articles n’ait eu pour but que de laisser croire au lecteur que M. Joly était lié d’une façon ou d’une autre au scandale des commandites; que la démarche de publication n’était orientée que dans le but de le discréditer; et qu’en choisissant des phrases sensationnalistes dans son article et en ne rapportant pas de façon rigoureuse les propos de M.Dezainde, le journaliste avait ainsi porté atteinte à la réputation du plaignant.
À ce sujet, le Conseil rappelle que les allégations de diffamation relèvent des tribunaux. Le Conseil ne se prononce qu’en matière d’éthique journalistique. Ainsi, la décision qu’il rend dans le présent dossier n’a pas pour but de statuer sur l’accusation de diffamation portée par le plaignant à l’endroit des mis-en-cause et plus particulièrement contre le journaliste Stéphane St-Amour.
Pour le Conseil, ce n’était pas la publication par un journaliste des témoignages sur ce qui s’est passé au sein du Parti libéral du Canada qui portait atteinte à la réputation de ses membres mais quelques gestes répréhensibles que certaines personnes avaient pu y commettre. Et il n’y a pas manquement à l’éthique à les rapporter si le traitement journalistique est rigoureux. Or, dans la présente plainte, il n’a pas été démontré qu’il en était autrement. Il serait donc inconséquent de conclure dans le sens de ce dernier grief, même sous l’angle de l’éthique journalistique.
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons le Conseil de presse retient partiellement la plainte de M. Clément Joly contre le journaliste et rédacteur en chef Stéphane St-Amour et le journal régional Courrier Laval sur le motif de sensationnalisme pour le titre «L’affaire Joly». Les autres griefs sont rejetés.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15G Rumeurs/ouï-dire
- C15H Insinuations
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17F Rapprochement tendancieux