Plaignant
La Bourse de Montréal et M. Luc Bertrand, président et chef de la direction
Mis en cause
M. Yann Paquet, directeur, Information, Sports et Nouveaux médias et la Société Radio-Canada
Résumé de la plainte
La Bourse de Montréal reproche à la Société Radio-Canada d’avoir diffusé, par l’intermédiaire de son site Internet, des informations inexactes, non vérifiées et portant atteinte à sa réputation et ce, en associant cette dernière aux perquisitions ayant eu lieu chez Norbourg Gestion d’actifs inc.
Griefs du plaignant
M. Luc Bertrand précise d’abord qu’il souhaite porter à l’attention du Conseil de presse une situation ayant impliqué la Bourse de Montréal et ayant mis sa réputation en cause. En effet, le 25 août 2005, une nouvelle affirmant que des opérations policières se déployaient à la Bourse de Montréal pour cause de fraude s’est retrouvée à la une de différents médias québécois. Le plaignant précise que, contrairement à l’information diffusée, aucune opération policière ou perquisition n’a pourtant eu lieu, ni à la Bourse de Montréal, ni à la Tour de la Bourse. M. Bertrand déplore qu’aucun journaliste n’ait communiqué avec la Bourse de Montréal afin de valider l’information diffusée et ce, d’autant que la nouvelle fut diffusée entre 8 h 30 et 11 h 00, soit à un moment de la journée où le personnel de la Bourse pouvait être facilement rejoint. Il explique que pour une institution boursière, il ne peut y avoir de pire scénario médiatique que celui qui s’est déroulé le 25 août 2005. En effet, la crédibilité de cette institution est basée sur la confiance du public et cet évènement soulève, selon lui, des questions importantes en termes d’information non validée, erronée et potentiellement dommageable. M. Luc Bertrand conclut en précisant que bien qu’il reconnaisse les défis que doivent quotidiennement surmonter les journalistes afin de couvrir l’information, il espère toutefois que le Conseil de presse pourra sensibiliser ses membres aux risques que représente la diffusion d’informations non vérifiées auprès des sources concernées.
Commentaires du mis en cause
M. Yann Paquet présente une chronologie des évènements et précise que ceux-ci n’ont jamais eu lieu à l’édifice de la Bourse de Montréal. – Le 25 août 2005 au matin, un journaliste de Radio-Canada aurait vu la convocation à une conférence de presse organisée par l’Autorité des marchés financiers, qui devait avoir lieu à l’édifice de la Bourse et aurait appris des porte-parole que la GRC était en train d’effectuer des perquisitions, sans plus de précisions. – à la suite de cette information, le journaliste aurait contacté la GRC, qui lui aurait confirmé, après vérification, que six perquisitions étaient en train de se dérouler. On aurait précisé que les recherches portaient sur les activités d’une maison de courtage. – Le mis-en-cause explique que les notes prises par le journaliste pendant cette entrevue sont précises: «On est à l’immeuble de la Bourse. On est là pour chercher des documents, pour valider des allégations de fraude… C’est une compagnie de courtage.» – Le journaliste aurait ensuite tenté, sans succès, de joindre les porte-parole de la Bourse. Il aurait ensuite demandé l’aide d’un collègue pour joindre des contacts plus personnels qui lui aurait dit ne pas être au courant. – Après discussion sur la fiabilité de la nouvelle, M. Yann Paquet précise que le texte fut publié sur le site Internet à 10 h 24. La nouvelle y faisait état de perquisitions dans l’immeuble de la Bourse et précisait que celles-ci visaient des bureaux de courtage. – à la suite de cette publication, un représentant de la Bourse aurait joint le rédacteur en chef des nouvelles du site Internet pour l’aviser qu’aucune perquisition n’avait lieu dans l’immeuble de la Bourse. Après vérification, l’information corrigée fut diffusée à 12 h 07. M. Yann Paquet explique s’être récemment entretenu avec le porte-parole concerné à la GRC. Celui-ci n’aurait pas nié qu’il pouvait s’être trompé. à cet effet, les informations contenues dans la lettre du plaignant au Conseil mentionnent que d’autres médias ont fait la même erreur que Radio-Canada ce matin-là, ce qui laisse supposer que d’autres journalistes ont reçu des informations erronées en provenance d’organismes autorisés. Il ajoute que la lecture des articles permet de constater que les textes publiés n’indiquent aucunement qu’il y a eu une «fraude à la Bourse de Montréal». De plus, il est bien précisé que les renseignements recherchés portent sur des bureaux de courtage et trois des quatre textes indiquent spécifiquement que Norbourg est la firme de courtage visée. Le mis-en-cause remarque qu’il n’a jamais été écrit que la Bourse de Montréal, en tant qu’organisme, faisait l’objet d’une enquête. Toutefois, M. Yann Paquet convient qu’il y a eu erreur sur le lieu de perquisition. Il s’agit, selon lui, d’une erreur déplorable qui fut toutefois rapidement corrigée. De plus, et compte tenu du libellé des textes publiés sur le site Internet, cette erreur n’a pas eu pour résultat, à son avis, d’impliquer la Bourse de Montréal, de mettre en cause sa réputation et d’affecter la relation de confiance qui unit le public investisseur à l’institution.
Réplique du plaignant
M. Luc Bertrand précise qu’il souhaite apporter deux précisions au sujet de la description chronologique du mis-en-cause. Concernant la prise de notes du journaliste durant l’entrevue, et compte tenu du fait que celles-ci sont très précises et qu’on n’y lit nulle part que la Bourse de Montréal est impliquée, le plaignant se demande pour quelle raison on a alors pu lire sur le site de la Société Radio-Canada que «La Gendarmerie Royale du Canada et la Sûreté du Québec ont perquisitionné la Bourse de Montréal ce matin». Il ajoute que dans le quatrième point, il est précisé que le journaliste aurait tenté, sans succès, de joindre les porte-parole de la Bourse. Or, le plaignant explique que ce matin-là, le porte-parole de la Bourse, le directeur des communications ainsi que tous les membres de la haute direction de la Bourse de Montréal étaient présents. De plus, le journaliste n’a laissé aucun message auprès d’une assistante administrative ou d’une réceptionniste. Il précise qu’un journaliste de Radio-Canada a tout de même joint le porte-parole de la Bourse ce matin-là pour obtenir des éclaircissements concernant l’information qu’il lisait sur le site Internet de la Société Radio-Canada. Cet appel a d’ailleurs permis de rectifier les faits et de modifier la manchette du site internet. Le plaignant conclut en réitérant le risque qui consiste à associer à des affaires frauduleuses des institutions fondées sur la confiance du public, telle la Bourse de Montréal et ce, sans vérification préalable des sources.
Analyse
La Bourse de Montréal porte plainte contre le site Internet de la SociétéRadio-Canada pour avoir diffusé, le matin du 25 août 2005, des informations inexactes et non vérifiées à l’effet qu’une perquisition de la Gendarmerie Royale du Canada et de la Sûreté du Québec visant la firme de gestion d’actifs Norbourg se déroulait dans l’édifice de la Bourse de Montréal. Tout d’abord, le plaignant reproche à la SRC d’avoir publié une information erronée et ce, sans avoir vérifié sa source d’information. Le mis-en-cause rétorque quant à lui que cette information lui a été transmise par un porte-parole de la GRC et qu’il n’est, malgré sa tentative, pas parvenu à joindre la Bourse de Montréal le matin de la diffusion afin de la vérifier. Ce dernier point est démenti par le plaignant. Les règles d’éthique qui prévalent en «cyberjournalisme» sont les mêmes que dans les médias traditionnels. Les principes universels d’impartialité, d’exactitude et d’honnêteté visant une démarche journalistique rigoureuse, doivent ainsi être respectés. De plus, les professionnels de l’information doivent prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. En raison du contexte qui est celui d’une information d’intérêt public qui pouvait nécessiter une diffusion rapide, le Conseil estime que le journaliste, en se fiant à la source crédible qu’est la GRC a, au point de vue de l’éthique journalistique, respecté ses obligations. Il aurait toutefois pu faire preuve de davantage de prudence en attribuant l’information publiée à cette source. Par ailleurs, la Bourse de Montréal estimait que l’information diffusée sur le site de la Société Radio-Canada portait atteinte à sa réputation. Toutefois, le Conseil tient à rappeler que la distinction a toujours été faite entre la Bourse et la firme Norbourg. L’erreur de la SRC portait sur le lieu de la perquisition et non sur l’organisme visé par celle-ci. Aux yeux du Conseil, la SRC a fait le nécessaire afin de s’assurer que les distinctions étaient effectuées adéquatement entre la firme perquisitionnée et la Bourse de Montréal.
Décision
Pour les motifs expliqués plus haut, tout en notant que la Société Radio-Canada aurait pu faire preuve de davantage de prudence en attribuant l’information publiée à la GRC, le Conseil de presse rejette la plainte de la Bourse de Montréal.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C15D Manque de vérification
- C17G Atteinte à l’image