Plaignant
M.
Michel Chayer
Mis en cause
Mme
Karolyne Marengo, journaliste; M. Samuel Auger, directeur et rédacteur en chef
et l’hebdomadaire Quartier Libre
Résumé de la plainte
M.
Michel Chayer
porte plainte à l’encontre de la
journaliste Karolyne Marengo et l’hebdomadaire
Quartier Libre, concernant un article paru le 7 septembre
2005. Il déplore le manque de
pondération et de rigueur de l’article, ainsi qu’une atteinte à sa réputation
et à celle de la société québécoise.
Griefs du plaignant
M. Chayer
juge que les propos tenus par le cinéaste-écrivain, M. Julian Samuel, dans
l’article publié le 7 septembre 2005 «Préserver le savoir», dans
l’hebdomadaire Quartier Libre, sous
la plume de la journaliste Karolyne Marengo, sont haineux et discriminatoires à
l’égard de la société québécoise. Ces propos sont rapportés sans nuances et
stigmatisent tous les Québécois «de souche», souligne-t-il.
Le
plaignant se dit outré de lire qu’en substance, l’article insinuerait que «
nous serions au Québec qu’une bande de xénophobes, de racistes et
d’intolérants». Il se dit préoccupé par la publication de tels propos,
sans qu’aucun élément factuel soutienne ces assertions. Selon M. Chayer,
«il n’y a qu’un propos général que semble entériner l’auteure de
l’article».
Commentaires du mis en cause
M. Samuel
Auger mentionne qu’après avoir relu l’extrait annoté par le plaignant, et
contrairement à ce que ce dernier avance, le journal n’entérine en rien les
propos de M. Julian Samuel. Selon, le mis-en-cause, le cinéaste-écrivain était
« libre d’avoir son point de vue et de l’exprimer dans ses films ou de le
souligner lorsqu’il parle de son travail, en l’occurrence dans un article qui
n’est pas un éditorial». La rubrique «Plein cadre», est une
«rubrique-portrait», précise-t-il. Donc, l’absence de pondération
relevée par le plaignant ne s’applique pas. La journaliste n’a fait que
rapporter les propos du cinéaste-écrivain qui exprimait sa
«perception» de l’absence des minorités ethniques dans le paysage médiatique
québécois. L’article n’avait aucunement la prétention d’offrir une analyse sur
ce sujet.
En ce qui a
trait aux autres points soulevés par M. Chayer, soit l’atteinte à sa réputation
de «Canadien-français et de Québécois de souche», M. Auger ne voit
pas en quoi l’article dégage un tel constat. Le regard que pose le cinéaste est
spécifiquement sur le milieu médiatique, et ne s’adresse aucunement à la
population générale du Québec. En aucun cas, le cinéaste ne traite les
Québécois «de xénophobes, de racistes et d’intolérants» tel que
reproché par le plaignant. Le seul passage qui peut y faire vaguement référence
parle du fait qu’il déplore «le nationalisme de la province». Selon
M. Auger, cette phrase ne constitue pas une attaque envers quiconque, c’est une
opinion politique défendable ou non, que le cinéaste exprimait mais que
l’article n’endossait aucunement. Il considère que ce passage ne démontre
aucune atteinte à la réputation envers qui que ce soit et se demande en quoi
les propos du cinéaste constitueraient une atteinte à la réputation de M.
Chayer quand ce dernier n’est pas concerné par l’article.
Réplique du plaignant
M. Chayer
mentionne qu’il avait fait part de son indignation au rédacteur en chef, sans
que ce dernier lui envoie même un accusé de réception; il y voit un manque de
convenance.
M. Chayer
reproche à Quartier Libre de
rapporter, sans nuance, «que l’écrivain et documentariste Julian Samuel
se sent brimé au Québec à cause de ses souches orientales».
Conséquemment, ce documentariste publie des ouvrages et des films, en anglais,
au Québec, dont le sujet récurrent porte sur l’absence des minorités dans le
paysage médiatique québécois. Selon le plaignant, «ça tombe sous le sens
que M. Julian Samuel vit dans l’ostracisme. Il n’y a que des racistes qui
pourraient soutenir le contraire».
M. Chayer
déplore que le journal devienne le porte-voix de cette « campagne de
diffamation». Il juge l’article tendancieux, en ce sens qu’il ne
reproduit que les dénonciations du cinéaste sans y ajouter aucune critique et
sans les soutenir d’aucun élément factuel; ce faisant, le journal semble donner
l’impression de cautionner les propos du cinéaste, qui ajoute-t-il,
stigmatisent les Québécois «de souche».
Analyse
Les médias doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les genres journalistiques que constituent le reportage ou la nouvelle proprement dite d’une part, et l’expression d’opinions, d’autre part, afin d’éviter toute confusion chez les lecteurs sur la nature des textes.
Deux griefs sont soulevés ici. Le premier est à l’effet que la journaliste n’aurait fait que reproduire les dénonciations du cinéaste sans les critiquer ou les soutenir par des éléments factuels. Le rédacteur en chef précise que la rubrique «Plein cadre», dans laquelle le cinéaste est intervenu, n’est pas de l’éditorial et que ce dernier était donc libre d’y exprimer son point de vue.
En vertu de la liberté rédactionnelle qui leur échoie, les médias sont libres de présenter l’information comme ils le souhaitent. Ainsi, selon le Conseil, la journaliste pouvait rapporter les propos du cinéaste comme elle l’a fait, et n’avait pas à les soutenir, ni à les infirmer.
Le plaignant soulève dans le deuxième grief que les propos haineux et discriminatoires rapportés sans nuances stigmatisent tous les Québécois «de souche». Selon le rédacteur en chef, le cinéaste pose un regard critique sur le milieu médiatique québécois et non sur la population québécoise.
À la lecture de l’article, le Conseil n’a pas constaté que la publication des propos du cinéaste, décriés par le plaignant, était contraire à l’éthique journalistique.
Décision
Considérant les éléments ci-haut mentionnés, le Conseil rejette la plainte de M. Michel Chayer à l’encontre de Mme Karolyne Marengo et de l’hebdomadaire Quartier Libre.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15C Information non établie
- C17E Attaques personnelles
- C18A Mention de l’appartenance
- C20A Identification/confusion des genres
Date de l’appel
24 October 2006
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
M. Michel Chayer