Plaignant
Le Mouvement Masculin-Pluriel et M.
Claude Lachaine, directeur
Mis en cause
Mme Michaëlle Jean, animatrice et journaliste, Mme Dominique
Rajotte, rédactrice en chef, M. Sébastien Barangé, recherchiste, M. Gérald
Mathon, réalisateur, M. Guy Filion, adjoint au
directeur général des programmes Information-Télévision française et l’émission
«Michaëlle» et la Société
Radio-Canada (SRC)
Résumé de la plainte
Le Mouvement Masculin-Pluriel reproche à la
Société Radio-Canada d’avoir diffusé,
sur son site Internet et son réseau de télévision, des chiffres inexacts,
biaisés et habillés
pour amplifier le contenu dramatique de l’émission «Michaëlle» lors
de l’entrevue avec M. Richard Poulin sur le marché mondial du sexe.
Griefs du plaignant
M. Claude Lachaine porte plainte contre Mmes Michaëlle Jean
et DominiqueRajotte ainsi que MM. Sébastien
Barangé et Gérald Mathon et ce, pour avoir diffusé sur le site Internet et sur
la SRC des chiffres faux, biaisés et
habillés de manière à amplifier le contenu dramatique de l’émission
«Michaëlle».
Le plaignant explique que le 15 avril 2005, la
SRC a publié sur le site Internet de
l’émission «Michaëlle» un résumé annonçant l’entrevue de
l’animatrice avec le sociologue de l’Université d’Ottawa, M. Richard Poulin.
Dans sa plainte, M. Lachaine cite les quatre phrases qu’il met en cause et que
l’on peut lire sur le site Internet.
Dans le premier paragraphe :
1.
«Au Québec, 30 % des consommateurs de
pornographie sont des adolescents de 13 et 14 ans»;
2.
«On retrouve plus de 100000 sites de
pornographie infantile au Canada».
Dans le second paragraphe :
3.
«Selon les
Nations Unies, près de 4 millions de personnes, en majorité des femmes et des
fillettes, font l’objet de ce trafic tous les ans dans le monde»;
4.
«Au pays, entre 8000 et 16000 femmes,
souvent mineures, sont enrôlées chaque année dans la prostitution».
Il ajoute qu’en annonçant l’entrevue avec M. Poulin à la
télévision de Radio-Canada,
MmeMichaëlle Jean a de nouveau mentionné : «Au pays, entre
8000 et 16000 femmes, souvent mineures, sont enrôlées chaque année
dans la prostitution».
À la suite de ces deux évènements, le plaignant précise que
le mouvement qu’il représente a effectué des démarches afin d’obtenir les
sources qui justifiaient les déclarations faites sur le site Internet et sur
Radio-Canada. Il livre ensuite une
chronologie détaillée de ces démarches.
Après avoir fait parvenir les questions du Mouvement
Masculin-Pluriel à la SRC par
courriel, M. Lachaine explique qu’il a appris, lors d’une conversation
téléphonique, que sa demande de renseignements avait été égarée. Il précise que
le Mouvement a ensuite adressé un courriel à l’Ombudsman de
Radio-Canada. Peu de temps après,
Monsieur Barangé, journaliste- recherchiste, et Madame Rajotte, rédactrice en
chef, auraient contacté le plaignant pour l’informer qu’une autorisation était
nécessaire avant qu’ils puissent lui répondre et lui auraient alors indiqué que
les sources étaient confidentielles. Le plaignant explique qu’il a finalement
reçu les réponses à ses questions un mois après avoir entamé les démarches.
Dans sa réponse au plaignant, la
SRC indique les sources qui ont été utilisées pour élaborer
l’annonce de l’entretien de Mme Jean avec M. Poulin que l’on pouvait lire sur
le site Internet. Le plaignant explique qu’à la suite de cette réponse, le
Mouvement n’a
maintenu ses questions que pour deux des quatre phrases initialement mises en
cause et a fait parvenir à Radio-Canada
des commentaires en regard de ses troisième et quatrième question.
Le plaignant considère qu’il n’a pas reçu les informations
réclamées à la SRC concernant l’affirmation
«Au pays, entre 8000 et 16000 femmes, souvent mineures, sont
enrôlées chaque année dans la prostitution»
. Selon M. Lachaine, les chiffres publiés avaient pour unique but
d’augmenter le contenu dramatique de l’émission de Mme Jean.
Commentaires du mis en cause
M.
Guy Filion
précise qu’il
adresse son commentaire en son nom et en celui de MmeDominique Rajotte,
rédactrice en chef.
Selon eux, l’essentiel de l’argumentation de Radio-Canada
se trouve dans les réponses du 1er septembre et du 21 octobre
2005 qui ont été transmises au plaignant et dont est jointe une copie.
Les mis-en-cause expliquent que les 3 et 4
août 2005, M. Lachaine a d’abord tenté de communiquer par Internet avec la
journaliste-animatrice Michaëlle Jean. Officiellement en vacances, celle-ci n’a
toutefois jamais répondu à ces courriels. En effet, Mme Jean n’a pas retrouvé
son poste de journaliste animatrice à la Société Radio-Canada à
la suite de son congé.
Ils précisent que, bien que la réponse au
Mouvement Masculin-Pluriel n’ait pas été aussi rapide qu’ils l’auraient
souhaité, leur intention a toujours été de lui fournir les renseignements
désirés, ce qui fut fait le 1er septembre 2005.
Les mis-en-cause considèrent par ailleurs
qu’ils ont répondu clairement et rapidement aux quatre questions du Mouvement
Masculin-Pluriel ainsi qu’aux questions additionnelles reçues le 6 et 8
septembre 2005. Ils précisent qu’à l’issue de cette correspondance, ils ont
décidé de publier une «précision» sur le site Internet de
l’émission «Michaëlle» en regard de la dernière question. Ils y
avouent une «imprécision» mais toutefois pas une
«erreur». En effet, une des sources de cette question, Mme Ginette
Plamondon, auteure de «La Prostitution: profession ou exploitation
– une réflexion à poursuivre» avait confié au journaliste
Sébastien
Barangé que des
chiffres précis étaient difficiles à obtenir. Elle aurait aussi ajouté que ses
dernières recherches lui indiquaient que ce trafic était nettement à la hausse
au Canada.
Les mis-en-cause concluent que cette précision a donc bien été publiée
à la demande du Mouvement Masculin-Pluriel et précisent que celle-ci sera
maintenue sur le site Internet de la SRC pour une période de six mois.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
Le Mouvement Masculin-Pluriel porte plainte contre la Société Radio-Canada pour avoir diffusé, sur le site Internet de l’émission «Michaëlle» et sur son réseau de télévision, des chiffres inexacts au travers des affirmations que sont «selon les Nations Unies, près de 4 millions de personnes, en majorité des femmes et des filles, font l’objet de ce trafic tous les ans dans le monde» et «au pays, entre 8000 et 16000 femmes, souvent mineures, sont enrôlées chaque année dans la prostitution».
Les règles d’éthique qui prévalent en «cyberjournalisme» sont les mêmes que dans les médias traditionnels. Les principes universels d’impartialité, d’exactitude et d’honnêteté visant une démarche journalistique rigoureuse, que ce soit au plan de la recherche et de la collecte des informations, de leur traitement et de leur diffusion, doivent être respectés.
Dans sa correspondance, le plaignant précisait à la SRC ne pas être satisfait des sources fournies par celle-ci pour justifier les affirmations qu’il met en cause. En réponse au Mouvement Masculin-Pluriel, la SRC cite un document datant de 1998 du Fonds des Nations Unies pour la population sur lequel on peut lire que «4 millions de femmes et de fillettes sont achetées et vendues dans le monde entier, à de futurs époux, à des proxénètes ou à des marchands d’esclaves». L’analyse permet au Conseil de conclure que l’information publiée sur le site Internet n’était pas erronée.
En ce qui à trait à la seconde phrase, le plaignant a fait part de ses commentaires à la SRC et suggère que les sources permettaient plutôt de lire que «qu’entre 8000 et 16000 migrantes et migrants font chaque année l’objet de trafic au Canada». Or, l’affirmation diffusée par la SRC sur son site Internet et son réseau de télévision ne mentionnait pas cette précision. Toutefois et en regard de cette inexactitude, la SRC a choisi de publier une précision sur son site Internet. Le Conseil constate que, par cet acte, elle a corrigé l’imprécision mise en cause par le plaignant.
Toutefois, l’analyse révèle que cette précision n’apparaît pas sur le site Internet lorsque l’on consulte l’annonce de l’émission dans la rubrique «reportages archivés» pour le mois d’avril et dans la rubrique «liste d’invités» à l’entrée «Richard Poulin». Si la SRC a fait le nécessaire pour clarifier l’imprécision soulevée par le plaignant, elle aurait cependant dû veiller à ce que la précision apparaisse dans toutes les rubriques où l’annonce de l’émission est présente.
Le Mouvement Masculin-Pluriel reprochait également à la SRC que les chiffres diffusés soient biaisés et habillés de manière à ce que le contenu dramatique de l’émission «Michaëlle» soit amplifié. Toutefois, l’analyse ne révèle aucune tentative de sensationnalisme ou d’exagération dans la diffusion de ceux-ci.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte du Mouvement Masculin-Pluriel contre Mmes Michaëlle Jean, Dominique Rajotte; MM. Sébastien Barangé, Gérald Mathon et la Société Radio-Canada.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue