Plaignant
M. François Bruneau
Mis en cause
M. Claude Charron, animateur, M. Serge Fortin, vice-président information TVA, l’émission «Le TVA 17 heures» et le Groupe TVA inc.
Résumé de la plainte
M. François Bruneau porte plainte contre la chronique de M. Claude Charron datant du 28septembre 2005, intitulée «Mon opinion» et s’inscrivant dans le cadre de l’émission «LeTVA 17 heures». De son avis, l’animateur aurait utilisé sa chronique afin de discréditer le DrPierre Mailloux ainsi que les personnes qui adhèrent à ses opinions et ce, en omettant de rappeler les propos de ce dernier, en émettant des opinions n’étant basées sur aucun fait ainsi qu’en lui prêtant des intentions erronées.
Griefs du plaignant
M. François Bruneau porte plainte contre l’émission «Le TVA 17 heures» et son animateur M.Claude Charron. Il reproche à ce dernier les propos exagérés et mensongers qu’il a tenus contre le Dr Pierre Mailloux, le 28 septembre 2005, lors de sa chronique quotidienne intitulée «Mon opinion».
Il rappelle les responsabilités de la presse relativement à la chronique, telles qu’énoncées
dans le document Droits et responsabilités de la presse. Les chroniqueurs, qui sont tenus au respect des exigences en terme de rigueur et d’exactitude, doivent éviter de donner aux évènements une signification qu’ils n’ont pas et d’altérer les faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. Ils doivent également s’efforcer de rappeler les faits relatifs aux évènements qu’ils choisissent de traiter afin que le public puisse se faire une opinion en toute connaissance de cause et ainsi éviter de laisser planer des malentendus. Il expose ensuite les quatre entorses à ces exigences qu’il reproche M. Charron.
1. Dans sa chronique, Claude Charron n’aurait pas pris soin de rappeler, au préalable, les propos mentionnés par le DrMailloux lors de l’émission «Tout le monde en parle» diffusée sur les ondes de Radio-Canada le 25 septembre 2005. Selon le plaignant, les propos vagues – tels que «Dimanche soir dernier, devant des milliers de téléspectateurs, il en a remis sur le délire raciste qui lui fait gagner sa croûte de temps en temps» et «vous connaissez l’esclandre du Doc Mailloux, pas besoin d’insister» – prononcés par M. Charron, n’auraient pas suffi pour que le public se fasse sa propre opinion. Il conclut que la chronique ne permettait pas aux auditeurs d’identifier de façon précise quels étaient les propos où les idées qui étaient critiquées.
2. À la fin de sa chronique, M. Charron aurait laissé entendre que, dans les commentaires qu’il a prononcés à l’émission «Tout le monde en parle», le Dr Mailloux avait suggéré que les noirs étaient responsables des difficultés qu’ils rencontraient sur le plan socio-économique. Or, et selon le plaignant, l’analyse de l’émission démontrerait que le DrPierre Mailloux n’a nullement suggéré ceci et que le chroniqueur lui aurait donc prêté des intentions malhonnêtes.
3. De plus, M. Charron aurait qualifié les personnes qui croient au bien-fondé scientifique des affirmations du Dr Mailloux de «simples d’esprit». De l’avis du plaignant, de tels propos auraient pour conséquence de discréditer les personnes qui accordent une crédibilité aux résultats sur lesquels s’appuie le docteur, de même que les chercheurs ayant réalisé l’étude ainsi que le comité de révision qui en a autorisé la publication.
4. Par son vocabulaire ainsi que par le ton utilisé, le chroniqueur aurait sous-entendu que le Dr Mailloux cautionnait les pratiques des nazis, des sexistes et des homophobes en regard de l’utilisation qu’ils font de certaines études. Or, et selon le plaignant,
l’analyse des propos tenus par le Dr Mailloux dans l’émission «Tout le monde en parle» démontrerait que celui-ci n’a aucunement fait référence aux groupes ou idéologies mentionnés par M. Charron. Il ajoute que le Dr Mailloux n’aurait, de plus, présenté aucune suggestion directe ou indirecte quant à l’interprétation ou à l’utilisation qui devrait être faite des résultats des études qu’il citait. De l’avis du plaignant, le chroniqueur aurait donc versé dans le procès d’intention.
Il conclut que la chronique de M. Charron déforme et exagère les propos du Dr Mailloux. La chronique, en ne se basant pas sur des déclarations faites par le docteur, aurait, en plus d’être un procès d’intention, donné aux évènements une signification qu’ils n’avaient pas en laissant planer des malentendus qui pouvaient risquer de discréditer le Dr Pierre Mailloux de même que ceux qui partagent son opinion.
Commentaires du mis en cause
M. Serge Fortin précise qu’il présente sa réponse au nom du Groupe TVA inc. ainsi que de M.Claude Charron.
Il explique que la chronique, le billet et la critique sont des genres journalistiques qui laissent à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement des sujets d’information. Ils permettent aux journalistes d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans un style qui leur est propre, incluant l’humour ou la satire. M. Fortin mentionne que la jurisprudence du Conseil de presse a repris et entériné ces
principes afin de favoriser des débats vigoureux, grâce à ce genre journalistique, et d’éviter d’établir un lexique de termes à employer ou à proscrire.
Il explique que les faits relatifs aux évènements sont les déclarations controversées du Dr Pierre Mailloux concernant l’existence d’une preuve scientifique qui, fondée sur les conséquences de l’ère esclavagiste, établirait l’infériorité du quotient intellectuel des noirs. Il précise que ce sont ces propos qui ont amené M. Charron à réagir par le biais de sa chronique dans laquelle il a repris les principaux aspects de la position prétendument scientifique avancée par le Dr Mailloux. Dans un style littéraire que le mis-en-cause qualifie de «fougueux, ironique et éloquent», le chroniqueur a disséqué et contredit cette opinion, en apportant ses arguments et exemples. De l’avis du mis-en-cause, il n’en fallait pas plus, en terme de contexte, pour permettre aux téléspectateurs ou aux lecteurs de comprendre les tenants et aboutissants de l’opinion du chroniqueur. Il précise que cette opinion s’inscrivait dans le cadre de l’émission «Le TVA 17 heures» qui comprenait plusieurs reportages sur les propos controversés du Dr Mailloux. La mise en contexte était donc, selon lui, bien présente.
En second lieu, M. Fortin précise que l’opinion de M. Charron concernant la portée des propos du Dr Mailloux serait claire et ne laisserait place à aucun malentendu. Il explique que M. Charron a mentionné, à maintes reprises, que des «impérialistes, des oppresseurs et des exploitants» ont invoqué des motifs scientifiques qu’il qualifie de «plus que douteux» pour expliquer et justifier leur pensées et ce, afin d’affirmer que l’oppressé mérite objectivement et scientifiquement le traitement inférieur qui lui est réservé. La thèse reprise par le Dr Mailloux, et qui utiliserait le même genre de raisonnement, signifierait donc que les noirs mériteraient la discrimination dont ils font l’objet puisqu’ils sont moins intelligents que les blancs. M. Charron aurait donc mis en évidence, selon le mis-en-cause, une conséquence subtile mais logique découlant des propos du Dr Mailloux.
En troisième lieu, en affirmant que les simples d’esprit achèteront la thèse avancée par le Dr Mailloux, M. Charron, dans son style que le mis-en-cause qualifie de «subtil et ironique», réfèrerait au fait que le raisonnement à la base de toute cette thèse est simple et fait abstraction de nombreuses données variables fondamentales. En d’autres termes, il précise que bien qu’alléchants au terme d’une équation simple, les résultats des études reprises par le Dr Mailloux ne résisteraient pas à une analyse sérieuse.
Finalement, le mis-en-cause explique que M. Charron n’aurait pas affirmé que le Dr Mailloux soutenait les théories nazis, sexistes ou homophobes. Il n’aurait fait que mentionner l’opinion selon laquelle les propos du Dr Mailloux utilisaient erronément la science pour inférioriser un groupe de personnes.
En définitive, le mis-en-cause rappelle que les propos du Dr Mailloux ont suscité de vigoureuses dissidences et des critiques, et que celui-ci a déjà été réprimandé, dans une décision récente du CRTC, pour des propos semblables. De son avis, l’opinion de M. Charron était donc à la mesure de la polémique provoquée par le Dr Mailloux et respectait les normes journalistiques en vigueur au Conseil de presse.
Réplique du plaignant
Le plaignant explique qu’un groupe de chercheurs réalisant une étude scientifique sur la différence de quotient intellectuel entre différents peuples, et dont la méthodologie a été approuvée par un groupe de pairs avant d’être publiée, ne devrait en aucun cas être associé aux mouvements basés sur une idéologie raciste.
Il précise que l’étude citée par le Dr Mailloux a dû être revue, avant d’être publiée, par un comité de révision scientifique. Par conséquent, le plaignant affirme que toute personne devrait avoir le droit de citer publiquement les résultats d’une étude publiée dans une revue scientifique reconnue et ce, sans être associé à des groupes prônant la suprématie raciale.
Or, dans la conversation où les propos reprochés au Dr Mailloux ont été énoncés, ce dernier n’a jamais laissé entendre que l’étude qu’il citait venait ajouter de la crédibilité ou confirmer les prétentions de groupes racistes. Toutefois, le plaignant explique que M.
Charron a clairement associé le Dr Pierre Mailloux à l’idéologie nazie dans sa chronique. De son avis, ni l’humour ni la satire ne peuvent être invoqués pour justifier les propos qu’il a tenus et qui laissent planer des sous-entendus sur les intentions du Dr Mailloux.
Si le plaignant reconnaît que l’on puisse être en désaccord avec la façon dont certains groupes racistes interprètent et utilisent les résultats des études citées par le Dr Mailloux, il est, de son avis, inapproprié que M. Charron ait affirmé que «les études reprises par le Dr Mailloux ne résistent pas à une analyse sérieuse». Si l’hypothèse concernant la sélection faite du temps de la traite des noirs peut être contestée puisqu’elle n’est pas scientifiquement vérifiée, cela ne donnerait toutefois pas le droit à M. Charron d’associer Pierre Mailloux au mouvement nazi.
Enfin, le plaignant rappelle que M. Claude Charron a déjà fait usage par le passé d’une comparaison avec les nazis dans sa chronique et ce, afin de discréditer la personne qu’il dénonçait. Il précise qu’il avait d’ailleurs dû présenter des excuses dès le lendemain. Selon lui, il s’agirait donc d’une technique malhonnête qui nécessite des excuses publiques.
Analyse
La chronique, est un genre journalistique qui laisse à ses auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Elle permet aux journalistes d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. Elle accorde une grande place à la personnalité de leurs auteurs puisqu’il s’agit de leur lecture personnelle de l’actualité.
S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, ils ne peuvent cependant cacher ou altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. Il importe par ailleurs, qu’ils rappellent les faits relatifs aux évènements, situations et questions qu’ils décident de traiter avant de présenter leur point de vue.
Le plaignant, M. François Bruneau , déplorait que M.Charron n’ait pas pris soin de rappeler les propos mentionnés par le DrPierre Mailloux, lors de l’émission «Tout le monde en parle», contre lesquels il prend position dans sa chronique. Il ajoutait que les vagues allusions qui y étaient faites n’avaient pas été suffisantes pour que le public puisse se faire sa propre opinion sur le sujet.
L’analyse révèle que, dès le début de sa chronique, l’animateur a rappelé que son opinion porterait sur les propos controversés du psychiatre. De plus, le Conseil constate que, compte tenu du fait que l’émission «Le TVA 17 heures», au terme de laquelle intervenait l’opinion de M. Charron, présentait deux reportages sur les déclarations du Dr Mailloux à l’émission «Tout le monde en parle», l’animateur s’est acquitté de ses responsabilités en matière de mise en contexte.
Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil rappelle que les insinuations, surtout quand elles risquent de porter préjudice à une personne, devraient être évitées (D2004-01-025). À cet égard, le plaignant reprochait à M. Charron d’avoir véhiculé plusieurs sous-entendus dans sa chronique, laissant entendre que le Dr Pierre Mailloux aurait suggéré que les personnes de race noire étaient responsables des difficultés socio-économiques qu’elles rencontrent et qu’il cautionnerait les pratiques nazies, sexistes et homophobes .
Or l’analyse démontre que M. Claude Charron a tenté de mettre en perspective, dans sa chronique, certaines conséquences qui lui semblaient pouvoir se dégager des propos tenus par le DrPierre Mailloux. Toutefois, la paternité de ces opinions ne lui sont nullement attribuées puisqu’il est clair qu’il s’agit de celles du chroniqueur. Par conséquent, il ne pouvait s’agir d’insinuations à son encontre.
Enfin, les auteurs de chronique doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux évènements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risqueraient de discréditer des personnes ou des groupes. M. François Bruneau reprochait en dernier lieu au chroniqueur d’avoir tenté de discréditer le DrPierre Mailloux, ainsi que les personnes qui accorderaient de la crédibilité à sa thèse en les qualifiant de «simples d’esprit».
À cet égard, le Conseil estime que le qualificatif «simples d’esprit» qu’utilise l’animateur est le reflet de son opinion quant aux personnes qui partageraient le point de vue du Dr Pierre Mailloux et que cette opinion s’exerçait à l’intérieur des limites journalistiques de la chronique.
Décision
Par conséquent, le Conseil de presse rejette la plainte de M.François Bruneau contre le chroniqueur M.Claude Charron et le Groupe TVA.
Analyse de la décision
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C12D Manque de contexte
- C15H Insinuations
- C15I Propos irresponsable
- C17D Discréditer/ridiculiser