Plaignant
Le Cabinet du maire et du comité exécutif de la Ville de Montréal et M. Richard Thériault, directeur de l’administration et des communications
Mis en cause
Mme Linda Gyulai, journaliste, M. Raymond Brassard, directeur de rédaction et le quotidien The Gazette
Résumé de la plainte
Le plaignant porte plainte au nom de la Ville de Montréal contre la journaliste Linda Gyulai et le quotidien The Gazette qui, dans une série de reportages publiés les 1er, 2 et 3 octobre 2005 portant sur l’attribution de contrats et sur les contributions aux partis politiques municipaux, auraient manqué à l’éthique journalistique et auraient ainsi induit le public en erreur.
Griefs du plaignant
Le directeur de l’administration et des communications de la Ville de Montréal, M Richard Thériault, porte plainte au nom de la Ville contre la journaliste Linda Gyulai et le quotidien The Gazette au sujet d’une série de reportages publiés les 1er, 2 et 3 octobre 2005. Les articles visés portaient sur l’adjudication de contrats et de présumés liens avec des contributions aux partis politiques municipaux.
Selon le plaignant, dans leur traitement, les mis-en-cause ont manqué à l’éthique professionnelle en faisant des liens fallacieux entre des individus et ont transmis des informations fausses. Ils ont également omis des informations qui auraient donné un éclairage plus conforme à la réalité. Les mis-en-cause auraient enfin recherché par leur publication des effets sensationnels, au détriment d’une information factuelle et équilibrée, dans un ensemble ayant pour effet d’induire le public en erreur. Le plaignant dénonce les manquements journalistiques suivants de la part des mis-en-cause :
ARTICLE DU 1er OCTOBRE 2005
– Dans cette édition, la journaliste et le quotidien évoquent, en première page, et dans un carré de couleur rouge qui prend la moitié de la page : « IS CITY HALL FOR SALE? ». Le mot «SALE » est écrit en rouge et, en sous-titre, on peut lire : «Donors to political parties obtain millions in contracts, investigation shows ».
Le tout est illustré d’une photo de l’hôtel de ville. Selon M. Thériault, « dès cette première image, le lecteur est immédiatement plongé dans un monde occulte : quiconque contribue à un parti politique est assuré d’obtenir de juteux contrats de plusieurs millions de dollars de l’Hôtel de Ville de Montréal ». Cette « image d’occultisme » serait répercutée dans la toute première phrase de la série d’articles qui précise le nombre d’entreprises et de cabinets répertoriés. Selon le plaignant, pour le lecteur qui reçoit ce message, il ne peut y avoir de doute : il y a un système occulte d’attribution des contrats et voici la liste des fautifs.
– L’article affirme dans son deuxième paragraphe qu’il est illégal pour une entreprise de contribuer à la caisse électorale d’un parti politique. Cette interdiction, selon la journaliste, est faite pour éviter ce qu’elle qualifie de «back-scratching between politicians and business people who seek city contracts ». Mais, selon l’article, ces règles n’ont pas empêché bon nombre de dirigeants d’entreprises de contribuer au parti politique du maire de Montréal. Ainsi, selon le plaignant, dans l’esprit du lecteur, les règles qui visent à éviter ce que la journaliste qualifie de «back-scratching » ont été violées.
– Ailleurs dans l’article, il est expliqué que les personnes physiques peuvent donner en toute légalité aux partis municipaux. Le plaignant estime que cette explication est donnée trop tard et sur le ton « d’une remarque en passant », alors que la journaliste repart de plus belle dans son énumération des « contributeurs-gens d’affaires » qui auraient reçu un retour d’ascenseur. Pourtant, dans l’article, il n’est jamais mentionné que quelqu’un ait agi de façon illégale.
– Le plaignant affirme que l’article laisse planer des doutes sur la probité des personnes publiques comme si elles attribuaient les contrats de la Ville en tenant compte des contributions financières aux partis politiques. Le plaignant en conclut qu’il est difficile à la lecture de l’article de ne pas croire à un régime de favoritisme entre les personnes qui contribuent à la caisse électorale et les firmes qui reçoivent des contrats.
– L’article laisse aussi planer un autre doute : politiciens et gens d’affaires sont de mèche pour contourner la loi et on infère « que c’est donnant-donnant entre les politiciens et les gens d’affaires». Un tableau, en page A7, relie les contributions faites aux deux principales formations politiques en affirmant que ce sont ces mêmes compagnies qui ont obtenu des contrats. Suit une liste des dons à chacun des principaux partis municipaux avec le nombre de firmes qui ont obtenu des contrats de la Ville, comme s’il y avait un lien entre contributions politiques et mandats, mais sans que la preuve n’en soit fournie.
– Le plaignant estime que pour que le dossier soit traité équitablement, le processus d’attribution des contrats à la Ville de Montréal aurait dû se retrouver dans le premier article.
– Il indique que le rapport sur l’adjudication des contrats produit par le vérificateur général de la Ville et daté du 31 mai 2005 ne constate « aucune déviation » dans le processus d’attribution mais que l’article n’en fait pas mention.
– La journaliste n’aurait pas tenu compte de certains éléments pertinents dont le fait que la Ville de Montréal et l’ensemble des arrondissements attribuent pour 1,350 milliard de dollars annuellement à ses 3 000 fournisseurs qui doivent répondre à des appels d’offres.
Alors que la procédure est définie par la Loi, la Ville s’est dotée de modalités qui vont au-delà des dispositions législatives. Le processus est géré par les fonctionnaires et c’est seulement à la toute fin que les élus sont appelés à prendre une décision finale; c’est là que s’arrête l’intervention des élus dans l’attribution des contrats. De plus, le vérificateur général de la Ville a examiné l’attribution des contrats et il a jugé le tout conforme à la loi sur le financement des partis municipaux.
ARTICLE DU 2 OCTOBRE 2005
– Dans son édition du dimanche 2 octobre, en page 1, le quotidien titre : « LAWYERS TOP CITY DONORS » et la suite de l’article, en page A6 : CITY HALL CONNECTIONS: THE LAW FIRMS, ce qui sous-entendrait qu’il y a, à l’Hôtel de Ville, une « filière », dans le sens populaire et criminel du terme, et que certaines firmes d’avocats en sont les bénéficiaires.
– Deux questions servent d’amorce: « Who contributes the money to municipal party coffers? Who get contracts? Part 2 in a three part series connecting the contributions and the contracts looks at law firms. »
Selon le plaignant, la mise en contexte, induit tout de suite un lien entre les contributions aux partis politiques et l’attribution des mandats.
– La première phrase du reportage, «How many lawyers does it take to get Mayor Gérald Tremblay elected?», exprimerait également un parti pris évident.
– L’article fait état de contributions à l’UCIM par plus de 140 avocats provenant d’une trentaine de firmes et établit des liens entre certaines firmes et du travail partisan effectué pour la formation politique du maire Tremblay. Cependant, après avoir présenté des explications «sur l’attribution des mandats et les procédures d’appels d’offres sur invitation pour le recours à des firmes d’avocats » et avoir reconnu que les fonctionnaires peuvent attribuer des milliers de petits mandats, « elle évoque quatre firmes d’avocats qui se voient attribuer par voie d’actes délégués des mandats ».
– La journaliste cite une conseillère indépendante qui souhaite que le Conseil municipal ait plus de contrôle ait plus de contrôle sur l’attribution de contrats. On présente ensuite un tableau faisant le lien entre le nombre de cotisants de dix firmes d’avocats faisant affaire avec la Ville, en donnant le montant total des contributions de leurs membres à l’UCIM entre 2001 et 2004. Selon le plaignant, ce tableau renvoie au lecteur, «l’image tronquée et démagogique que pour obtenir des contrats, il faut cotiser à la formation politique du parti au pouvoir ». Pour lui, l’article donne ainsi l’impression qu’il y a un système occulte d’attribution de mandats aux firmes d’avocats alors qu’il ne cite que le nom de deux avocats provenant de firmes distinctes qui ont effectivement effectué du travail partisan.
– Après une description de certains contrats octroyés par le chef de cabinet du maire, la journaliste indique que le directeur principal du Service des affaires corporatives de la Ville de Montréal, Me Robert Cassius de Linval, a octroyé des douzaines de contrats à des cabinets d’avocats. Le plaignant reproche qu’aucune mise en contexte n’est faite pour expliquer les fonctions attachées à son poste. Selon le plaignant, la journaliste a « préféré prendre le raccourci » de parler des contrats octroyés par le cabinet du maire pour ensuite indiquer que le juriste a été à l’emploi de Fasken Martineau Walker, qu’il a travaillé à la campagne du maire Tremblay en 2001 et qu’il a ensuite été embauché comme conseiller juridique au cabinet du maire de Montréal. Ces liens faits, il devient immédiatement suspect, à l’esprit du lecteur, que ce fonctionnaire ait accordé en 2003 deux contrats à Fasken Martineau Walker. Mais selon le plaignant, les faits n’ont pas été vérifiés: Me Cassius de Linval n’a pas travaillé à la campagne électorale de 2001. Il est entré à la Ville de Montréal le 28 novembre 2001. MM. Gérald Tremblay et Robert Cassius de Linval ne se connaissaient pas avant le mois de novembre 2001. Les deux délégations de contrats à la firme Fasken Martineau ont en fait été attribués par le directeur de la Ville, M. Robert Abdallah. Néanmoins, la journaliste conclut que Me Cassius de Linval a récemment attribué des mandats à son ancienne firme. Selon le plaignant, le doute est semé sur la probité du haut fonctionnaire.
ARTICLE DU 3 OCTOBRE 2005
– Le plaignant affirme que la première phrase de l’article donne le ton: « With the spectre of Gomery commission hanging over politics, chief electoral says it’s time to rethink the rules for financing political parties that operate on his turf ».
Pour le plaignant, « la mise en place est plutôt insidieuse alors que personne n’a parlé de gestes illégaux dans le financement des partis politiques municipaux à Montréal depuis les
condamnations en 1995 et 1996 (sous une autre administration) et que personne n’a allégué que l’adjudication de contrats à la Ville de Montréal est faite de façon malhonnête ou de façon illégale ». Ce lien avec la commission Gomery doit être dénoncé parce qu’aucune malversation n’a été constatée et que personne n’enquête sur cette question. Le plaignant rappelle que le commissaire Gomery enquête sur des allégations contenues dans le rapport de la vérificatrice générale du Canada.
– L’article donne aussi la parole au directeur général des élections (DGE) qui affirme vouloir une augmentation des amendes en renforcement de la Loi sur le financement des partis politiques. Interviewé avant la parution des articles, le directeur général des élections se dit surpris du nombre de cadres d’entreprises qui ont des contrats avec l’administration municipale. Après avoir évoqué les règles de financement et de contribution des particuliers aux partis politiques, la journaliste répète que « des cadres, des associés, conjoints ou employés de 300 entreprises ont contribué à l’UCIM et que ces entreprises font des affaires avec la Ville ». Le plaignant fait cependant remarquer que le DGE a affirmé qu’il n’ouvrirait pas d’enquête à la suite de la série d’articles de The Gazette.
En conclusion, M. Thériault indique que le seul fait de laisser planer le doute sur la probité des élus et des dirigeants d’entreprises justifie un blâme. En omettant de décrire précisément les règles qui encadrent de manière très stricte le processus d’octroi de contrats à la Ville de Montréal, la journaliste aurait manqué à ses obligations d’assurer un traitement équitable de l’information. Pour le plaignant, ce manquement est d’autant plus grave que la veille de la publication de la série d’articles, la Ville de Montréal a émis un communiqué décrivant ce processus. Ainsi, l’angle de traitement choisi par les mis-en cause aurait clairement été celui du sensationnalisme. Les articles visés proposeraient une abondante énumération de faits et évoqueraient des liens sans en démontrer l’illégalité. Ils induiraient que les personnes publiques ont consenti des faveurs aux fournisseurs de services qui ont contribué aux partis politiques. Le lecteur demeure sous l’impression qu’il y a un système occulte d’attribution de contrats mais n’a pas de preuve de ce que les articles laissent sous-entendre. Enfin, la recherche des faits a été bâclée ce qui aurait entraîné des erreurs importantes et laissé planer des doutes sur l’intégrité du processus d’attribution des contrats et sur les personnes qui y sont associées.
Commentaires du mis en cause
Commentaires du directeur de rédaction, M. Raymond Brassard:
Selon le directeur de rédaction, les assertions vagues et non fondées de cette plainte représentent une tentative flagrante pour décourager le média dans son rôle d’attirer l’attention sur des questions d’intérêt public.
M. Brassard fait observer que « la série d’articles se concentrait sur les insuffisances de la loi qui réglemente le financement politique municipal et l’impact résultant de l’octroi de contrats – non sur des violations particulières de cette loi. » Il cite au passage un éditorial de M. Bernard Descôteaux dans Le Devoir du 4 octobre qui résumerait très bien, selon lui, la série d’articles parus dans The Gazette.
Le directeur de rédaction affirme que tous les individus mentionnés dans la série d’articles ont eu de nombreuses occasions de commenter et de répliquer, et qu’une attention considérable a été donnée à leurs réponses et opinions. Il est important de noter, selon M. Brassard, « que personne de l’administration Tremblay – de fait, personne parmi ceux qui sont mentionnés ou cités dans les trois parties de la série – n’a jamais demandé une rectification des faits ».
Selon M. Brassard, « la recherche et le reportage de Mme Gyulai ont été minutieux complets et basés sur des documents publics. Les articles étaient justes, pondérés et d’intérêt public. » Par conséquent Th Gazette appuie sans hésitation les articles, la journaliste et sa réponse qui suit.
Commentaires de la journaliste, Mme Linda Gyulai:
Mme Gyulai explique dans un premier temps sa démarche amorcée à l’automne 2004 : à partir des listes de personnes ayant contribué aux partis politiques de la Ville de Montréal, elle a cherché à savoir à quel point les gens d’affaires, dont les compagnies font de transactions avec la Ville, supportaient l’un ou l’autre des partis, ou les deux. Comme les élus municipaux gèrent les budgets et prennent des décisions politiques, il était d’intérêt public de connaître quels groupes apportent leur support aux candidats et aux partis. La
Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM) oblige d’ailleurs les candidats à déclarer cette information. Elle ajoute que cette loi interdit aux compagnies de verser une contribution aux partis mais qu’elle n’interdit pas aux gens d’affaires qui transigent avec une municipalité de contribuer. Cette « apparente dichotomie » étai également, selon elle, une préoccupation du DGE. C’est donc ce qui allait devenir l’objectif central de la série de trois reportages sur le support financier aux partis municipaux.
Avant de répondre point par point à la plainte de M. Thériault, Mme Gyulai fait observer que le jour précédent la publication du premier reportage, le bureau du maire Tremblay a émis un communiqué au sujet des articles qui n’avaient pas encore paru. De toute évidence, l’administration avait déjà préparé une réponse.
Pour la journaliste, le plaignant est dans l’erreur quand il prétend que ses article portaient sur l’adjudication de contrats et de présumés liens avec des contributions aux partis politiques municipaux. Pour elle, les articles portaient plutôt sur le financement politique municipal. D’ailleurs, le premier article établissait clairement que l’objectif de la série portait sur le système de financement dans lequel les partis ont tendance à tirer leurs contributions de gens d’affaires, plus spécialement de ceux dont les firmes contractent avec la Ville. Les articles portaient aussi sur les faiblesses de la LERM qui interdit les contributions des compagnies.
Mme Gyulai insiste également sur le fait que le plaignant ne conteste aucun chiffre publié par The Gazette. Selon elle, les articles présentent les faits, les points de vue et les arguments des deux parties équitablement et fournissent à tous les participants une occasion de répondre. L’article laisse ensuite les lecteurs tirer leurs propres conclusions.
En ce qui a trait aux accusations du plaignant sur la qualité journalistique douteuse de la série d’articles, elle rappelle que celle-ci a demandé un an de recherche. Les articles sont basés sur des faits qui sont accessibles dans les documents publics.
ARTICLE DU 1er OCTOBRE 2005
– Selon Mme Gyulai, le plaignant n’exprime qu’une opinion personnelle lorsqu’il prétend que «le lecteur est immédiatement plongé dans un monde occulte : quiconque contribue à un parti politique est assuré d’obtenir de juteux contrats de plusieurs millions de dollars de l’Hôtel de Ville de Montréal ». Selon elle, rien dans l’article ni dans le titre ne suggère que quelqu’un a déjà un contrat garanti ou qu’il existerait des contrats « juteux ». En fait, l’article ne fait que poser clairement dès le départ qu’il y a une contradiction dans la loi québécoise sur le financement des partis politiques qui, d’une part, interdit les contributions des compagnies, mais de l’autre, permet les contributions des gens d’affaires oeuvrant à l’intérieur de ces compagnies.
– Pour la journaliste, il est faux de dire que « cette image d’occultisme » est répercutée dans la toute première phrase de la série d’articles. Selon elle, cette première phrase présente une liste de faits qui précise le nombre d’entreprises et de cabinets répertoriés sans mention d’un parti politique ou d’une administration. De même, il n’est suggéré nulle part que les gens d’affaires contribuent au parti avant de se voir attribuer un contrat. Le plaignant interprète donc mal le second paragraphe de son article quand il suggère que l’article crée l’impression que les règles de financement n’ont pas été respectées.
– Selon Mme Gyulai, M.Thériault porte un jugement de valeur quand il considère que la précision selon laquelle il est illégal pour les gens d’affaires de contribuer aux partis a été présentée de façon superficielle. En fait, cette explication occupe deux paragraphes de l’article. De plus, le plaignant nous induirait en erreur quand il prétend que « l’explication survient un peu plus tard dans l’article » alors qu’elle apparaît déjà à la une de The Gazette. Contrairement à ce qu’il affirme, l’article « n’infère » rien, mais offrirait une vision équilibrée du système permettant à tous de présenter leur vision des choses. Enfin, selon MmeGyulai, le tableau de la page A7 ne présenterait que des données factuelles.
– Selon la journaliste, il en va de même pour ce qui est de l’affirmation du plaignant selon laquelle l’article laisse planer un doute sur la probité des personnes publiques et laisse croire à un régime de favoritisme. Pour elle, il s’agit encore d’une interprétation personnelle. L’article ne fait pas mention de favoritisme, ne contient aucun énoncé sur les contrats attribués, ni sur le nombre de contrats obtenus par une firme. Enfin, aucune information n’apparaît concernant le respect ou non des règles d’attribution des contrats municipaux. Enfin, l’article ne fait aucune interprétation ni aucune spéculation sur leur attribution.
– En ce qui a trait aux trois omissions alléguées par M. Thériault, la journaliste y répond ainsi :
1. The Gazette n’a jamais tenté de démontrer que toutes les compagnies avaient profité de quelque chose. L’article présente seulement des données : 302 compagnies, dont 284 qui obtiennent des contrats. L’article examine les règles de financement qui, de l’avis du DGE, ne font pas ce que le législateur visait à l’origine.
2. L’information sur le processus d’attribution des contrats à la Ville de Montréal n’a rien à voir avec le sujet de l’article qui ne porte que sur les règles de financement des partis politiques.
3. Enfin, selon Mme Gyulai, le plaignant informerait mal le Conseil quand il écrit que le vérificateur général n’a constaté « aucune déviation » dans son rapport du 31 mai 2005. La journaliste cite le rapport qu’elle a annexé à ses commentaires pour démontrer qu’on y trouve des exemples où des correctifs sont requis. En outre, elle n’aurait eu aucune raison de mentionner le rapport du vérificateur parce que l’article ne traite pas de l’attribution des contrats. La journaliste conteste l’affirmation du plaignant selon laquelle les fournisseurs doivent répondre à des appels d’offres. Selon elle, les contrats de moins de 25 000 $ ne requièrent pas de soumission. Elle ajoute que son second article précise qu’elle a trouvé dans les archives de la Ville des centaines de mandats de moins de 25 000 $ attribués à des firmes d’avocats et que ces chiffres n’ont jamais été contestés.
ARTICLE DU 2 OCTOBRE 2005
La journaliste réagit d’abord aux reproches formulés contre l’amorce de l’article « Whocontributes the money to municipal party coffers? Who get contracts? Part 2 in a three part series connecting the contributions and the contracts looks at law firms. »
Elle affirme ne pas en être l’auteure. Elle la trouve toutefois honnête et exacte parce que la vaste majorité des contractants retracés dans les chiffres de The Gazette ont en commun d’avoir obtenu des contrats de la Ville. Il s’agit d’un état de fait. Elle conteste aussi l’interprétation du plaignant selon laquelle le mot « network » devrait être interprété dan le sens populaire et criminel du terme. Elle n’a jamais utilisé ce mot.
– Pour elle, le plaignant semble oublier un élément important du contexte, c’est que le même jour, The Gazette a publié un article sur les réactions de M. Tremblay sous le titre : «Tremblay defends contracts : Calls Gazette article on political donations « sensationalist » ». Ainsi, le quotidien a accordé à M.Tremblay et à son administration, de même qu’à l’opposition, une couverture considérable.
– Mme Gyulai répond également aux accusations de parti pris formulées par le plaignant au sujet de la première phrase du reportage : « How many lawyers does it take to get Mayor Gérald Tremblay elected?».
Il s’agirait encore une fois d’un jugement de valeur dont M.Thériault ne démontre pas l fondement. De plus, le plaignant ne conteste pas les faits puisque deux avocats ont réalisé du travail partisan pour le parti de M. Tremblay ce qui a été confirmé par M. Zampino.
– Le tableau faisant le lien entre le nombre de cotisants de dix firmes d’avocats qui font affaire avec la Ville et donnant le montant total des contributions au parti de l’UCIM entre 2001 et 2004 n’est constitué que de données factuelles sur les contributions d’avocats de différentes firmes et indique s’ils ont obtenu des contrats de la Ville. De plus, l’article cite M.Zampino qui affirme qu’il n’y a pas de lien entre l’obtention d’un contrat municipal par une firme et des contributions au parti.
– En ce qui concerne les omissions, M. Thériault est dans l’erreur en prétendant que l’article ne donne pas le contexte des contrats attribués à Me Robert Cassius de Linval. Selon la journaliste, l’article indique qu’une recherche des résolutions dans les archives de la Ville a permis de retrouver des centaines de contrats attribués unilatéralement par des fonctionnaires.
– Il est également mentionné qu’on ne sait pas combien de consultants obtiennent des contrats de la Ville parce que celle-ci soutient qu’elle n’a aucun moyen de retracer ce type de contrats. En outre, en ce qui concerne le cas de MeCassius de Linval, le plaignant serait dans l’erreur quand il prétend que la journaliste n’a pas vérifié les faits. Une source lui a rapporté qu’il avait travaillé pour la campagne de 2001. De plus, elle a tenté de vérifier à son bureau si c’était le cas et on lui a répondu que non. Ainsi, MeCassius de Linval a eu l’occasion de s’expliquer, mais il a refusé les invitations et n’a pas retourné ses appels. Enfin, il serait également faux d’affirmer qu’elle conclut que l’avocat a récemment accordé des contrats à son ancienne firme.
ARTICLE DU 3 OCTOBRE 2005
– Ici encore, pour la journaliste, le plaignant pose un jugement de valeur quand il considère le ton du troisième article comme insidieux. Pourtant l’article établit clairement que le DGE envisage de modifier les règles de financement des partis politiques provinciaux et municipaux et que ce sont les témoignages devant la commission Gomery qui ont provoqué sa réflexion sur ces règles de financement. L’article du 3 octobre explique clairement que cette commission examine des contrats fédéraux et cite également le DGE qui exprime sa confiance envers le système québécois.
En regard de la conclusion du plaignant, la journaliste considère que M. Thériault est dan l’erreur sur plusieurs aspects :
– sur le fait de suggérer que les articles sèment des doutes sur l’intégrité des élus et des gens d’affaires;
– sur le fait que l’article aurait dû contenir la procédure d’attribution de contrats, notamment parce que l’article ne soulève aucune question sur la façon dont les contrats sont attribués; parce que le processus n’a pas été élaboré par l’administration Tremblay mais est plutôt imposé par une loi.
– sur le fait qu’il y avait recherche de sensationnalisme, qu’il y avait mauvaise foi de la part de la journaliste et sur le fait qu’il y avait des omissions dans les faits rapportés.
Réplique du plaignant
Le directeur de l’administration et des communications de la Ville de Montréal amorce sa réplique en indiquant que la réponse de la journaliste est trompeuse et fondée sur des arguments fallacieux.
Selon lui, il semble que dès le début, elle se soit mise en tête qu’il y avait un lien inextricable entre certains individus qui auraient contribué à des partis politiques et ceux qui ont reçu des contrats de la Ville. Et elle a ensuite essayé de bâtir ses articles autour de cette prétention.
M. Thériault dit également ne pas s’étonner que dans ses commentaires, M. Brassard cite l’éditorialiste du Devoir afin de justifier la série d’articles, mais omet de mentionner ceux de M.Michel C. Auger dans le Journal de Montréal et de M. François Cardinal dans La Presse qui, selon le plaignant, dénigraient les articles de The Gazette.
En ce qui concerne le cas de Me Robert Cassius de Linval, le plaignant réitère que ce dernier n’a participé en aucune façon à la campagne électorale de 2001, contrairement à ce qu’allègue la journaliste.
À plusieurs occasions, la journaliste aurait également mentionné que le cabinet du maire et du comité exécutif n’avait jamais contesté les données utilisées lors des recherches effectuées par The Gazette, qu’il n’avait trouvé aucune erreur dans les trois articles et qu’il n’a jamais demandé au journal de corriger ou de clarifier les faits relatés. Le plaignant fait remarquer qu’immédiatement après la publication de l’article du 1eroctobre 2005, la Ville a publié un communiqué. Non seulement on y dénonçait les articles sensationnalistes, mais on y indiquait que le vérificateur général de la Ville de Montréal avait déclaré, qu’en règle générale, l’attribution de contrats était effectuée conformément aux lois applicables.
M. Thériault termine donc en reprochant à Mme Gyulai d’avoir eu recours à « de considérables généralisations » en insinuant que les personnes à l’Hôtel de Ville ont tendance à favoriser les individus disposés à contribuer à la caisse du parti au pouvoir et ce, sans jamais fournir de preuves concrètes.
Analyse
Le plaignant formule des griefs pour quatre motifs: omission d’informations pertinentes ou importantes, inexactitude de l’information, liens fallacieux entre les individus visés par les articles et enfin, sensationnalisme.
Le Conseil rappelle que le choix des informations et la manière de les traiter relèvent de la liberté rédactionnelle des médias et des journalistes. En vertu de ce principe, Mme Gyulai pouvait décider de ce qui apparaîtrait dans ses articles. Ainsi, les griefs pour omission d’informations n’ont pas été retenus.
Pour ce qui est des informations inexactes, il a également été conclu qu’il n’y avait pas matière à retenir le grief même si, selon le Conseil, la journaliste aurait pu faire preuve davantage de prudence devant la réponse obtenue du bureau de Me Robert Cassius de Linval quant à l’implication de ce dernier dans la campagne électorale de 2001 .
En regard des liens fallacieux ou rapprochements tendancieux qui auraient été véhiculés par un tableau, par l’amorce d’un texte et par les articles visés par la plainte, le Conseil a estimé que le traitement journalistique de Mme Gyulai a été effectué à l’intérieur des normes déontologiques et de la latitude reconnue aux professionnels de l’information.
Ces normes déontologiques précisent, en outre, que les manchettes et les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables doivent alors éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris.
Or, le quatrième ensemble de griefs portait sur des reproches pour sensationnalisme. Après examen, le Conseil a conclu que les titres et sous-titres utilisés lui apparaissaient à la limite des principes professionnels acceptables. Il invite donc The Gazette à la prudence afin d’éviter une disproportion entre les titres et sous-titres, et le contenu des articles auxquels ils se rapportent.
Décision
Après considération de l’ensemble des explications du plaignant, et au-delà des réserves exprimées, le Conseil de presse rejette la plainte contre la journaliste LindaGyulai et le quotidien The Gazette.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17F Rapprochement tendancieux
Date de l’appel
24 October 2006
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
The
Gazette