Plaignant
M. Michel Dufour
Mis en cause
M. Jean-Philippe Pineault, journaliste; M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction en chef; M. Jean-Claude L’Abbée, éditeur et chef de la rédaction et les quotidiens
Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec
Résumé de la plainte
M. Michel Dufour porte plainte contre un article de M. Jean-Philippe Pineault publié dans les quotidiens Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec le 6 décembre 2005. Cet article, qui faisait écho à un reportage de M. Normand Lester, diffusé la veille sur le réseau de télévision TQS, aurait reproduit, en plus d’avoir déformé les affirmations de M. Lester, certaines informations erronées présentes dans le reportage.
Griefs du plaignant
M. Michel Dufour porte plainte contre les quotidiens d’information Le Journal de Montréal et LeJournal de Québec pour avoir publié, dans leur édition du 6 décembre 2005 un article de M.Jean-Philippe Pineault qu’ils ont respectivement intitulé «Une mitrailleuse par la poste!» et «Rien de plus facile que d’acheter une vraie mitraillette par la poste».
De l’avis du plaignant, le journaliste aurait rapporté, sans les avoir contre-vérifiées au préalable, des informations inexactes issues d’un reportage portant sur les armes à feu, réalisé par M.Normand Lester et diffusé le 5 décembre 2005 à l’émission «Le Grand Journal» de TQS. Il ajoute que M. Jean-Philippe Pineault aurait manqué de rigueur en tirant des conclusions erronées à partir de ce reportage, et ce, sans avoir eu recours à un expert dans le domaine des armes afin de contre-vérifier les informations qu’il détenait.
M. Dufour reproche au quotidien Le Journal de Québec le choix du titre de l’article qui induirait le lecteur en erreur. En effet, il précise qu’une mitraillette est une arme automatique dont l’acquisition est prohibée au Canada et que l’arme dont il est question dans le reportage de M.Lester est une arme fabriquée pour ne tirer qu’en mode semi-automatique. Il indique que, même si l’arme en question ressemble à une mitrailleuse, ce n’en est toutefois pas une puisqu’elle ne peut tirer qu’en mode semi-automatique. Le plaignant reproche également au journaliste d’avoir écrit que «C’est un jeu d’enfant d’obtenir une mitraillette de guerre… par la poste» et ce, bien que l’arme en question ne soit pas une mitraillette de guerre.
Concernant l’assertion selon laquelle le journaliste du réseau TQS n’aurait eu besoin que d’un permis de chasse aux canards pour se faire livrer chez lui un fusil d’assaut semi automatique de la seconde Guerre mondiale, M. Dufour rétorque que le journaliste n’a pourtant jamais prétendu s’être fait livrer chez lui cette arme.
Dans l’article, on peut lire que l’arme dont il est question est «un modèle semblable à celui que Lépine avait déchargé sur les étudiantes de l’École polytechnique». Or, le plaignant affirme que les armes, qui n’ont rien en commun, ont également des usages totalement différents.
En réponse au mis-en-cause qui écrivait que «la Loi sur les armes semi-automatiques a été resserrée après la tuerie de l’École polytechnique», M. Michel Dufour explique qu’il n’existe pas de loi, à proprement parler, sur les armes semi-automatiques.
Enfin, le plaignant mentionne qu’il est normal que le reportage ait mis en évidence qu’une personne n’a nullement besoin de présenter un permis de chasse pour acheter des munitions puisque le permis requis est celui de possession/acquisition d’armes à feu et de munitions.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de Me Bernard Pageau, en lieu et nom de MM. Serge Labrosse et Jean-Claude L’Abbée:
De l’avis du mis-en-cause, le travail du journaliste M. Jean-Philippe Pineault résumait de façon professionnelle le reportage télévisé diffusé sur TQS.
Commentaires de M. Jean-Philippe Pineault, journaliste:
Le mis-en-cause précise que l’article publié le 6 décembre 2005 dans les quotidiens Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec relatait les faits exposés dans le reportage de M.Normand Lester. Il explique que, n’étant pas à l’origine de l’enquête, il a seulement pris soin de reproduire fidèlement les faits exposés dans ce reportage et que c’est la raison pour
laquelle, dès le titre du texte, il a fait référence au journaliste du réseau TQS.
M. Jean-Philippe Pineault justifie le choix du terme «mitraillette» pour son article en raison du fait que M. Normand Lester a utilisé le vocable «mitrailleuse» dans son reportage et qui est, selon lui, un synonyme de «mitraillette». À propos du qualificatif «arme de guerre» qu’il lui associe, le mis-en-cause explique que M. Lester a parlé dans son reportage de «mitrailleuse légère standard de l’armée allemande» et de «puissante arme de guerre».
Concernant l’affirmation selon laquelle M. Lester se serait fait livrer l’arme chez lui, le mis-en-cause explique que le reportage mentionnait que «la mitraillette légère standard […] est disponible par commande postale, téléphonique ou Internet» avant de montrer des images de l’arme et de présenter le journaliste réalisant une démonstration de tir.
Le plaignant reprochait également à M. Jean-Philippe Pineault d’avoir écrit que le journaliste de TQS avait obtenu «un modèle semblable à celui que Lépine avait déchargé sur les étudiantes de l’École Polytechnique» et précisait que les deux armes étaient totalement différentes l’une de l’autre. Or, le mis-en-cause explique que dans son reportage, M. Lester affirmait que «la mitrailleuse dont la culasse a été modifiée pour tirer en mode semi-automatique, exactement comme [l’arme] du tueur en série Marc Lépine.»
Concernant l’assertion selon laquelle le journaliste de TQS «n’a eu besoin que d’un permis de chasse aux canards pour se procurer la mitraillette», M. Jean-Philippe Pineault réplique que M. Lester expliquait clairement dans son reportage que l’arme en question était «à vendre à tout Canadien en possession d’un simple permis de chasse».
Le mis-en-cause explique que la phrase selon laquelle une personne «n’a aucunement besoin de présenter un permis de chasse pour acheter des balles» est également tirée du reportage de M.Lester où on pouvait distinctement entendre qu’il a pu «commander […] une ceinture de 250 balles fabriquée après la guerre sans avoir à produire de permis de chasse ou tout autre identification».
Réplique du plaignant
M. Michel Dufour conteste le fait que M. Jean-Philippe Pineault ait reproduit fidèlement les faits exposés par M. Lester puisque, selon lui, il déforme les affirmations de ce dernier dans son article.
Il explique que «mitraillette» et «mitrailleuse» ne sont pas des synonymes et ajoute qu’une simple vérification lui aurait permis de le constater.
Concernant l’affirmation selon laquelle le journaliste de TQS se serait fait livrer chez lui la mitraillette et n’aurait eu besoin que d’un permis de chasse au canard pour se faire, le plaignant explique que jamais, dans son reportage, le journaliste n’a pourtant affirmé cela.
M. Michel Dufour mentionne également que M. Lester n’aurait jamais affirmé dans son
reportage que les deux armes étaient semblables comme le prétend M. Jean-Philippe Pineault. La seule chose qu’il aurait voulu dire est qu’il s’agissait de deux armes semi-automatiques.
Enfin, concernant l’assertion selon laquelle il n’y aurait «aucunement besoin de présenter un permis de chasse pour acheter des balles», M. Michel Dufour explique que M. Lester n’a pas prétendu s’être procuré des munitions sans permis mais bien des bandes de munitions qui, précise-t-il, ne contiennent pas de munitions.
Analyse
M.Michel Dufour reproche à M. Jean-Philippe Pineault, auteur de l’article publié le 6 décembre 2005 dans les quotidiens LeJournaldeMontréal et LeJournaldeQuébec, d’avoir publié des informations relatives au reportage de M. Normand Lester diffusé la veille sur le réseau TQS, sans avoir eu recours à un expert dans le domaine des armes à feu. Le plaignant reproche également au journaliste d’avoir fait montre d’un manque de rigueur en rapportant des informations erronées et en tirant des conclusions fausses à partir de ce reportage.
À cet égard, le Conseil de presse rappelle que les professionnels de l’information doivent prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes représente la garantie d’une information de qualité. Elle est synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des évènements.
Toutefois, et si le Conseil ne peut que constater que M.Jean-Philippe Pineault aurait dû vérifier les informations qu’il a reprises dans son article, il remarque également que le journaliste ne s’est jamais attribué la nouvelle et qu’il a pris soin de mentionner que M. Normand Lester en était l’auteur. Afin toutefois d’éviter que des erreurs se propagent, le Conseil recommande le recours systématique à la contre-vérification des sources.
Par ailleurs, l’analyse a permis au Conseil de constater que le journaliste a tiré une conclusion erronée sur la base du reportage diffusé sur le réseau TQS et ainsi rapporté une information inexacte. En effet, et contrairement à ce qu’affirmait le journaliste, il est impossible de se procurer des munitions, au Canada, sans présenter son permis de possession/acquisition d’armes à feu. Dans le traitement de sujets délicats, comme celui des armes à feu, et pour lesquels le public ne dispose pas toujours d’une connaissance approfondie, le Conseil appelle donc à une grande prudence des journalistes afin que ceux-ci veillent à ce que les informations qu’ils transmettent soient exemptes de toute inexactitude.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de M.Michel Dufour et déplore que le journaliste M. Jean-Philippe Pineault ainsi que les quotidiens Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec aient véhiculé une inexactitude dans les articles faisant l’objet de la plainte.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
Date de l’appel
24 October 2006
Décision en appel
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité
de maintenir la décision rendue en première instance.
Griefs pour l’appel
Le
Journal de Québec