Plaignant
M. Yves Gingras et M. Michel Mathieu, conseiller en
radiodiffusion
Mis en cause
M. Max Bradette, animateur; M. Léon Le Breton, directeur
général; M. Alexandre Azoulay, propriétaire et la radio CJMS-AM
Résumé de la plainte
M. Yves Gingras porte plainte contre l’émission «Au
maximum» animée par M.MaxBradette le 6 janvier 2006, entre
onze heures et treize heures, sur les ondes de CJMS-AM. M. Michel
Mathieu dépose également une plainte contre ladite émission, mettant en cause
certains extraits diffusés les 28 et 29 décembre 2005. Selon les plaignants,
ces émissions ne respecteraient pas certaines normes radiophoniques et
présenteraient des propos hostiles envers certaines personnes et auditeurs
ayant participé à la tribune téléphonique.
Griefs du plaignant
Griefs de M. Yves Gingras:
La plainte de M. Gingras concerne l’émission «Au
maximum» diffusée sur les ondes de CJMS-AM, le 6 janvier 2006,
entre onze heures et treize heures.
M. Gingras précise que, lors de sa participation à
l’émission «Le p’tit monde à Frenchie» en janvier 2005, sur les
ondes de la même station, il fut insulté par les animateurs Frenchie Jarraud et
Gary Daignault, qui ont notamment diffusé sur les ondes son numéro de téléphone
personnel et ont, par la suite, laissé intervenir une auditrice dénommée
Jeannine qui a révélé son identité, en plus de l’injurier en ondes. M. Gingras
a obtenu gain de cause, à la suite de cette affaire, devant le Conseil canadien
des normes de la radiotélévision (CCNR Dossier 04-05-939) qui a jugé que les
mis-en-cause avaient porté atteinte à la vie privée du plaignant, en faisant
entorse à plusieurs normes déontologiques.
Le plaignant déplore toutefois qu’un an, jour pour jour,
après la diffusion de ces premières émissions du «P’tit monde à
Frenchie», la station CJMS-AM présente l’émission «Au
maximum», mise en cause dans le présent dossier, qui contreviendrait de
nouveau à la déontologie journalistique. M. Gingras évoque en particulier
«les propos tenus par un auditeur participant […] dénommé Réal qui a
identifié sur les ondes le nom [d’]un
surintendant à l’emploi de la ville de Montréal en l’accusant sans preuve sur
les ondes de la station d’avoir participé à une fraude aux dépens de la [V]ille
de Montréal».
M. Gingras affirme que l’écoute audio et le compte rendu écrit
de l’extrait mis en cause mettent en lumière les «propos déplacés et
désobligeants» de l’auditeur. Il déplore également que «non
seulement l’animateur Maximilien Bradette n’a absolument rien fait pour
empêcher que ne soient diffusés les propos accusateurs, il n’a aussi rien fait
pour les pondérer ou ramener à l’ordre l’auditeur, mais au contraire
l’animateur l’a encouragé à continuer dans ses accusations et ses
allégations». Selon le plaignant, il y aurait alors eu «diffamation
à l’endroit de la [V]ille de Montréal et de son employé», ce qui serait
chose courante lors de l’émission «Au maximum».
Le plaignant ajoute que la station radiophonique n’a pas
pris les moyens techniques qu’elle s’était engagée à prendre devant le CRTC
pour présenter un délai de diffusion de trente secondes et que même le premier
délai de dix secondes ne serait toujours pas en application.
L’avis public 1988-213 du CTRC sur la diffusion des tribunes
téléphoniques, de même que la Loi 1991 sur la radio précisent que «la
programmation d’une station se doit d’être de haute qualité et
équilibrée» et que «le diffuseur est toujours responsable des
propos émis par son antenne». De l’avis de M. Gingras, ces normes ne
seraient pas respectées sur la station CJMS, suivant les extraits mis en
cause.
Griefs de M. Michel Mathieu
M. Mathieu déplore les agissements de l’animateur M.
Maximilien Bradette et de la station radiophonique CJMS-AM de
Saint-Constant, qui ont suivi les émissions diffusées les 28 et 29 décembre
2005, entre onze heures et treize heures.
En regard de l’émission du 28 décembre 2005, M. Mathieu
déplore «la façon plutôt cavalière dont l’animateur [M.] Bradette traite
ses auditeurs». À son avis, les propos tenus alors par l’animateur
frôlent «la vulgarité et le mépris à l’endroit des auditeurs».
Le plaignant assure avoir tenté de participer à l’émission
mise en cause «quelques semaines auparavant en essayant d’informer M.
Bradette sur les règles et politiques du CRTC» et en lui précisant que sa
manière de procéder en ondes contrevenait à certaines de ces lois en matière de
diffusion des tribunes téléphoniques. M. Bradette lui aurait alors
«immédiatement coupé la ligne», en le «ridiculisant» et
«en se proclamant « le Roi des ondes »», spécifiant que
«ses patrons lui avait (sic) dit qu’il était le « Capitaine du
bateau »».
M. Mathieu précise qu’il était «sur la route lors de
la diffusion du 28 décembre», ce qui a rendu impossible sa participation à
l’émission. C’est donc le lendemain, soit le 29 décembre 2005, qu’il décide d’y
réagir, sous le pseudonyme de Jean-Claude, et qu’il tente alors en vain
«pour une deuxième fois d’informer monsieur Bradette sur les règles et
procédures en vigueur au Canada et sur ses responsabilités en tant que
diffuseur».
Quant à cette seconde intervention, le plaignant regrette
que dès qu’il eut fait part à l’animateur de son désaccord et qu’il eut tenté
d’informer ce dernier sur les règles en vigueur au CRTC, il lui ait
«aussitôt raccroché la ligne et a déclaré en ondes « Je suis le
Capitaine de ce Bateau » en ajoutant que ses patrons lui laissaient le
champ libre». M. Mathieu précise également que le ton qu’il a utilisé,
lors de cet appel téléphonique, «était empreint de politesse et de
courtoisie contrairement à l’attitude agressive et méprisante de l’animateur
[M.] Bradette».
Suivant cette même émission, un second auditeur prénommé
Joseph intervient sur les ondes «et encore une fois alors que Joseph ne
se dit pas d’accord avec les propos de l’animateur», il se fait
«rabrouer et se fait raccrocher tandis que monsieur Bradette clame haut
et fort « Je suis le capitaine du [b]ateau »». M. Mathieu
soutient que l’animateur a, de ce fait, brimé ce second interlocuteur «en
le privant d’émettre son opinion» et en présentant une information
déséquilibrée.
M. Mathieu conclut en indiquant que, de son avis, les
mis-en-cause ont manqué aux «règles du Conseil sur la diffusion des
tribunes téléphoniques», à «la Loi sur la radio, principalement à
la programmation qui se doit d’être de qualité et à l’équilibre en matière de
diffusion». Il affirme également que «la station et l’animateur ont
refusé aux participants d’exercer leur droit fondamental de réplique» et
de présenter une «opinion contraire à celle de l’animateur», ce qui
aurait occasionné une entorse à la «liberté d’expression», de même
qu’au «choix et traitement des contributions du public». En regard
de ces griefs, le plaignant soutient que l’animateur et la station
radiophonique «ont usurpé leur privilège d’utiliser les ondes», en
présentant une programmation déséquilibrée et en manquant de respect envers les
auditeurs intervenant sur la tribune téléphonique.
Commentaires du mis en cause
M. Alexandre Azoulay rappelle, en premier lieu, que «Communications
Médialex, la station radiophonique CJMS et toutes les parties
impliquées» dans l’émission du 6 janvier 2005, ont présenté «de
sincères excuses» et diffusé la décision du Conseil canadien des normes
de la radiotélévision sur les ondes de CJMS-AM.
Le mis-en-cause soutient également que les responsables de
la chaîne radiophonique ont pris les moyens pour améliorer le «système de
délai de mise-en-ondes (sic)» et «pris les mesures de sécurité
nécessaires», afin de «contrôler en temps réel ce qui se
passe» en ondes.
M. Azoulay ajoute que toutes les parties et tous les
organismes impliqués, en rapport aux griefs liés à l’émission du 6 janvier
2005, ont reçu des excuses de la part des mis-en-cause et «l’assurance
qu’une telle situation ne se reproduirait plus».
Pour ce qui est de la conversation diffusée sur les ondes le
6 janvier 2006, le propriétaire de
Communication
s Médialex inc. affirme qu’elle ne se compare en rien avec celle
du 6 janvier 2005, qui fut l’objet de reproches de la part du CCNR. Il atteste
également que, bien que le plaignant accuse les responsables de la station
«de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour créer un délai de
diffusion», ceux-ci sont en mesure «d’arrêter avant diffusion les
propos offensants».
Le mis-en-cause précise que, dans le cas de l’émission
«Au maximum» du 6 janvier 2006, «l’intervenant critiquait une
personnalité publique, ne dévoilant ni son numéro de téléphone, ni son adresse
personnelle ou aucune autre information reliée à sa vie privée». Il
explique que «[l]’intervenant était choqué par de présumées activités
illégales» commises par la personnalité nommément visée dans la
conversation radiophonique et que «toute personne exerçant une activité
publique prête flanc à ce genre de critiques». De plus, «[l]a
personne en question n’a formulé aucune plainte et n’a demandé aucun temps
d’antenne pour se défendre».
M. Azoulay réprouve la démarche des plaignants qui agissent,
selon lui, «pour provoquer les autorités de l’industrie de la
radiodiffusion afin qu’elles interviennent sans raison valable» dans le
déroulement des activités de la radio, ceci suivant des motifs purement
personnels aux plaignants. Il déplore également les plaintes répétées de MM.
Gingras et Mathieu qui reviennent, à son avis, à du «harcèlement
continuel» qui «fait perdre le temps des organismes que régissent
la radiodiffusion» et celui des responsables de la station radiophonique
de Saint-Constant.
Enfin, le mis-en-cause atteste que les responsables de CJMS-AM
acceptent «toutes remarques, plaintes ou suggestions formulées» par
les auditeurs et qu’ils y répondent volontiers. Il précise que cette démarche
vise l’équité envers tous les publics et les membres de la communauté et
qu’advenant un désaccord avec certaines opinions diffusées, les auditeurs
peuvent y réagir «en ondes ou dans tout autre médium de la région».
Réplique du plaignant
Les plaignants n’ont soumis aucune réplique.
Analyse
Les tribunes téléphoniques ou « lignes ouvertes » sont soumises aux mêmes exigences de rigueur, d’authenticité, d’impartialité et de qualité que tout autre type de traitement de l’information.
MM. Yves Gingras et Michel Mathieu déposent chacun une plainte contre CJMS-AM de Saint-Constant et l’animateur M. Max Bradette, en rapport à certaines diffusions de décembre 2005 et de janvier 2006 de l’émission «Au maximum» dans lesquelles l’animateur n’aurait pas respecté les règles déontologiques propres au genre journalistique des tribunes téléphoniques.
M. Yves Gingras désapprouve les propos tenus sur les ondes de CJMS-AM par un auditeur, lors de l’émission «Au maximum» du 6 janvier 2006. Ce dernier a alors identifié en ondes le nom d’un surintendant à l’emploi de la Ville de Montréal, en l’accusant, sans preuve, de participer à une fraude aux dépens de la ville. Le plaignant regrette que l’animateur M. Bradette ait encouragé l’auditeur à poursuivre ses accusations.
En lien avec ce grief, le Conseil rappelle que les émissions de tribunes téléphoniquescomportent des difficultés particulières qui découlent principalement de leur caractère de spontanéité et du fait que les animateurs sont souvent dépendants des interventions de l’auditoire. Le rôle de ceux qui les animent requiert un respect des personnes et de leur vie privée. Comme aucun élément à l’appui des allégations de fraude ne fut apportée par l’auditeur ou par un journaliste, le Conseil considère qu’il était de la responsabilité du diffuseur, afin d’éviter tout manquement éventuel à l’éthique journalistique, d’utiliser son délai de diffusion pour masquer le nom de la personne en cause. Le genre de la tribune téléphonique permet à l’auditoire de jouir d’une grande latitude pour s’exprimer, l’auditeur était donc en droit de porter à la connaissance du public des pratiques qu’il jugeait malhonnêtes. Toutefois, il demeure de la responsabilité du radiodiffuseur d’éviter que le nom d’un tiers soit associé de façon gratuite aux actes répréhensibles évoqués.
M. Michel Mathieu dénonce, pour sa part, la façon méprisante avec laquelle l’animateur, M. Bradette, traite les auditeurs qui participent à la tribune téléphonique. À son avis, le mis-en-cause abuse de sa fonction d’animateur.
À l’écoute des émissions du mercredi 28 décembre et du jeudi 29 décembre 2005, on constate que l’animateur réplique à l’auditeur s’exprimant sous le pseudonyme de Joseph qu’il «parle comme un imbécile des fois», qu’il «jase en innocent» et qu’il exprime «des propos qui font une insulte à [s]on intelligence et à l’intelligence de [s]es autres auditeurs». Il demande aussi à plusieurs reprises à son collaborateur de couper la ligne téléphonique alors que certains auditeurs tentent d’exposer un nouveau point de vue en ondes. Ce faisant, aux yeux du Conseil, l’animateur ne respecte pas les règles déontologiques qui incombent au genre de la tribune téléphonique.
En effet, les responsables de tribunes téléphoniques doivent être attentifs à l’équité et l’équilibre dans l’argumentation. Ils doivent être respectueux des personnes, éviter de tenir des propos injurieux, grossiers ou discriminatoires.
En dernier grief, M. Mathieu allègue que l’animateur M. Bradette ne lui a pas permis, de même qu’à l’auditeur Joseph, de s’exprimer sur l’incident de la veille et qu’il a ainsi bafoué leur droit de réplique.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse stipule que: « Les médias et les journalistes ont le devoir de favoriser un droit de réplique raisonnable du public face à l’information qu’ils ont publiée ou diffusée». Le Conseil considère donc qu’il était de la responsabilité de l’animateur de permettre aux auditeurs de réagir à la conversation de la veille et de laisser l’auditeur Joseph présenter sa réplique face à la situation qui avait conduit M. Bradette à lui couper la ligne avant qu’il n’ait terminé ses explications. Un droit de réplique que l’animateur n’a pas respecté, en rompant de nouveau la liaison téléphonique avec les deux interlocuteurs.
En raison de ces considérations, le Conseil retient la plainte et blâme l’animateur M. Max Bradette, le directeur général M. Léon Le Breton et la station radiophonique CJMS-AM.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C01B Objection à la prise de position
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C12A Manque d’équilibre
- C12C Absence d’une version des faits
- C15C Information non établie
- C15I Propos irresponsable
- C15J Abus de la fonction d’animateur
- C16B Divulgation de l’identité/photo
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image