Plaignant
La Ligue Québécoise contre la
propagande et la corruption canadiennes et M. Gilles Rhéaume,
porte-parole
Mis en cause
M. Denis Lessard, journaliste; M. Éric Trottier, directeur
de l’information et le quotidien La
Presse; M. Norman Delisle, journaliste; M. Jean Roy, v-p, aux services de
langue française et La Presse Canadienne;
M. Paul Larocque, journaliste; M. Martin Cloutier, directeur général,
LCN et
Le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. Gilles Rhéaume,
porte-parole de la Ligue Québécoise contre la propagande et la corruption
canadiennes (LQPCC) dénonce la diffusion, via
La Presse, La Presse
Canadienne et le Groupe TVA, d’un
sondage erroné produit par la maison de sondage CROP, le 31 janvier 2006.
Griefs du plaignant
M. Gilles Rhéaume,
porte-parole de la Ligue Québécoise contre la propagande et la corruption
canadiennes, dénonce les résultats erronés d’un sondage qui portait sur les
intentions de vote des Québécois ainsi que sur leur volonté de faire du Québec
un pays. Ce sondage repris par divers médias, soit
La Presse, La Presse
Canadienne et le Groupe TVA,
rapportait des résultats inexacts, ce qui aurait contribué, selon le plaignant,
à diffuser une information de mauvaise qualité. De l’avis de M. Rhéaume, les
maisons de sondage devraient s’autodiscipliner en se dotant d’un code de
déontologie afin d’éviter que de telles erreurs se répètent, en faisant, par
exemple, valider leurs résultats avant de les rendre public.
La Ligue demande que des règles déontologiques soient
édictées par le Conseil de presse pour éviter que les journalistes ne diffusent
de faux sondages. De plus, le plaignant estime que le Conseil devrait mettre
sur pied un observatoire des sondages d’opinion publique à caractère politique.
Le Conseil de presse a reçu quatre autres lettres dénonçant
les mêmes griefs que ceux énoncés ci-haut.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Éric Trottier, directeur de l’information, La
Presse:
M. Éric Trottier reconnaît que
La Presse a publié un sondage dont les conclusions se sont avérées
erronées, mais il ajoute que le journal a réagi rapidement et avec autant
d’impact que lors de la première publication du sondage.
Le directeur de l’information explique que
La Presse entretient depuis plus de 40
ans une relation de confiance avec la firme CROP qui n’avait pas commis
d’erreur de ce genre auparavant. Il était donc impossible, pour eux, de douter
des données fournies par le sondeur quand elles leur ont été transmises, le 30
janvier 2006.
Le lendemain, le vice-président de CROP révèle à
La Presse qu’une erreur avait été
commise dans la compilation des résultats transmis la veille. Toutefois, il
était incapable à ce moment-là de préciser l’ampleur de l’erreur commise; il a
demandé la soirée et la nuit pour refaire les calculs.
Plutôt que de publier un rectificatif qui aurait pu à son
tour s’avérer erroné, le mis-en-cause souligne qu’ils ont préféré attendre les
résultats révisés. Ils les ont reçu le lendemain. Dès lors, ils ont publié un
rectificatif qui aurait, selon le mis-en-cause, une ampleur jamais vue dans les
journaux québécois et canadiens. Le 2 février 2006,
La Presse publiait en une et dans toute la page A2, les résultats
révisés, accompagnés d’une lettre du vice-président de la
Presse ainsi qu’une lettre explicative de CROP.
Conséquemment, M. Trottier considère avoir agi avec
professionnalisme, de façon limpide et dans les délais impartis par la rigueur
journalistique.
Commentaires de Me Maxime Bédard, conseiller juridique représentant les
intérêts du Groupe TVA:
Me Maxime Bédard, représentant les intérêts de M. Paul
Larocque, journaliste et du Groupe TVA,
soumet que ses clients ont agi en conformité avec les droits et responsabilités
de la presse en pareille matière et ce, pour les motifs suivants.
Selon Me Bédard, M. Paul Larocque, dans son reportage, a
rapporté le contenu d’un sondage effectué par la maison de sondage CROP et
publié dans le journal La Presse. Les
images diffusées donnaient les résultats du sondage en fonction des réponses,
ainsi que la méthodologie utilisée. M. Larocque a pris soin de mentionner aux
téléspectateurs que les résultats pourraient être moins probants qu’ils ne le
paraissent étant donné que le sondage avait été fait en partie avant la fin de
la campagne électorale fédérale. De plus, M. Larocque a rapporté les propos de
certains membres du Parti québécois, dont certains mettaient les résultats en
doute.
Le mis-en-cause souligne l’expertise de ces deux entreprises
que sont La Presse et la maison de
sondage CROP qui constituent des sources fiables. Me Bédard ajoute qu’il n’a pu
retracer de problématiques majeures particulières reliées aux nombreux sondages
préparés par CROP au cours des dernières années. En définitive, il s’agissait
donc, selon lui, de sources fiables dont la compétence ne pouvait être remise
en question.
Par la suite, la maison CROP et
La Presse ont informé les médias et le public que des erreurs
avaient été commises dans la compilation des données, de sorte que les
résultats de ce sondage étaient inexacts. Selon Me Bédard, il s’agissait
d’erreurs extrêmement techniques et imperceptibles à un journaliste et à propos
desquelles ce dernier n’avait aucune obligation de vérification compte tenu de
la fiabilité des sources mentionnées ci-haut.
Dans un tel contexte, LCN
et TVA ont pris soin d’informer leurs
téléspectateurs de l’inexactitude du sondage: quant à
TVA, la mention de ne pas tenir compte
de ce sondage fut annoncée par M.Claude Charron au bulletin de 17 heures
le 2 février 2006. La même annonce fut faite sur les ondes de
LCN, le matin du 3 février. Me Bédard
ajoute que cette rectification a fait l’objet de nombreux reportages à travers
le Québec dans plusieurs médias. Les téléspectateurs ont donc pu être informés
rapidement de l’absence de fiabilité de ce sondage, conclut-t-il.
Par conséquent, Me Bédard considère que ses clients ont agi
en conformité avec les normes journalistiques applicables prévues par le code
de conduite du Conseil de presse.
Commentaires de M. Jean Roy, vice-président aux services de langue
française, La Presse Canadienne:
M. Jean Roy reconnaît avoir diffusé un texte du journaliste
Norman Deslisle qui traitait de la réaction du chef du Parti québécois au
sondage CROP publié dans le journal La
Presse, le même jour. La Presse
Canadienne a aussi transmis une dépêche traitant des résultats de ce
sondage. Deux jours après avoir pris connaissance des précisions apportées par
La Presse et la maison de sondage CROP,
au sujet des résultats, ils ont transmis un rectificatif.
M. Roy précise que dans ce dossier,
La Presse Canadienne n’a pas agi différemment de ses pratiques
habituelles, puisqu’elle reprend et diffuse régulièrement les résultats des
différents sondages, de nature politique ou autre, en suivant à la lettre les
obligations déontologiques que s’est donnée le média dans son
Guide de rédaction.
Selon le mis-en-cause, la plainte n’a aucun fondement car
La Presse Canadienne a diffusé les
résultats d’un sondage qu’elle ne savait pas erronés; le chef du PQ a commenté
ces mêmes résultats et le journaliste Norman Delisle n’a fait que son devoir en
cueillant les réactions. Dès que l’erreur a été reconnue,
La Presse Canadienne a publié un article rectifiant les faits avec
les nouveaux résultats.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune
réplique.
Analyse
Le dossier soumis au Conseil de presse allègue qu’un sondage publié par La Presse, La Presse Canadienne et le Groupe TVA présentait des données erronées sur les intentions de vote des Québécois ainsi que sur leur volonté de faire du Québec un pays. M. Gilles Rhéaume reproche la publication des résultats de ce sondage et demande qu’une vérification sérieuse soit effectuée avant la publication de sondages.
Selon le guide des principes déontologiques du Conseil de presse, lorsque les médias publient ou diffusent les résultats des sondages qu’ils ont effectués ou encore lorsqu’ils rapportent ceux d’autres instances, il est primordial que la qualité des informations recueillies par ce moyen soit vérifiable. Le Conseil ne peut qu’insister auprès des médias d’apporter une attention particulière sur la publication de données tirées de sondages dans la mesure où celles-ci ont une influence importante sur l’opinion publique. À cette fin, les médias écrits et électroniques doivent informer le public des éléments méthodologiques de l’enquête. Ceux-ci sont nécessaires pour que les citoyens puissent formuler leur propre jugement, en toute connaissance de cause, sur l’information qui leur est ainsi transmise.
Après examen, le Conseil constate qu’effectivement les résultats publiés étaient faux, ce qu’ont reconnu les médias mis en cause. Toutefois, ces derniers ont tous réagi rapidement après l’annonce des faux résultats du sondage, en publiant un rectificatif proportionné à la suite de leur erreur. Le grief est par conséquent rejeté.
Compte tenu des motifs précédemment exposés, la plainte de M. Gilles Rhéaume à l’encontre de la Presse, de la Presse Canadienne, du Groupe TVA et de ses journalistes est rejetée.
Analyse de la décision
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15D Manque de vérification
- C15E Fausse nouvelle/information