Plaignant
Mme Monique Richer, doyenne de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval
Mis en cause
Mme Christiane Vadnais, journaliste; M. Louis-Charles Guillemette, rédacteur en chef; M. Antoine Goutier, directeur général et le journal Impact Campus
Résumé de la plainte
Mme Monique Richer, doyenne de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, porte plainte contre l’édition du mardi 21 mars 2006, du journal Impact campus. La plaignante conteste la une et la parution d’un reportage sur des soupçons de plagiat à la Faculté de pharmacie. Elle invoque que les mis-en-cause auraient manqué à l’éthique journalistique en s’appuyant sur une source anonyme et en présentant une information déséquilibrée. Mme Richer regrette également la publication, dans cette même édition, d’une chronique intitulée «Faire passer la pilule?» qui présenterait des opinions diffamatoires, une information inexacte et peu rigoureuse, ce qui aurait nuit à la réputation des étudiants, des enseignants et des professionnels diplômés de la Faculté de pharmacie.
Griefs du plaignant
La plainte de Mme Richer concerne un reportage de trois pages, un texte d’opinion rédigé par M.Antoine Goutier, de même que la une intitulée «Allégations de plagiat en pharmacie», parus dans l’édition du 21 mars 2006 du journal Impact Campus. De l’avis de Mme Richer, en vertu du guide déontologique du Conseil de presse, les journalistes M. Louis-Charles Guillemette et MmeChristiane Vadnais ont manqué à leurs responsabilités journalistiques par l’utilisation de sources anonymes, alors que M. Antoine Goutier, à l’intérieur de sa chronique, aurait manqué de réserve dans l’expression de ses opinions. S’appuyant sur l’article 2.1.7 du guide des Droits et responsabilités de la presse, la plaignante allègue que «les journalistes se sont fiés entièrement à une source anonyme pour justifier la rédaction de leur article». Elle précise également que les mis-en-cause ont semé, auprès du public, le doute sur l’intégrité des étudiants de la Faculté de pharmacie, sur les professeurs et sur les pharmaciens, en se basant sur cette seule déclaration anonyme. De plus, Mme Richer dénonce le fait que les mis-en-cause «n’ont accordé aucune crédibilité aux nombreux étudiants, professeurs et pharmaciens qui ont démenti les faits allégués». En regard de la chronique de M. Antoine Goutier, parue sous le titre «Faire passer la pilule?», la doyenne avance que l’opinion du directeur général du journal est «clairement diffamatoire». Elle explique que M. Goutier a manqué à son devoir et est contrevenu à la déontologie du Conseil, concernant la responsabilité des commentateurs, en faisant allusion aux «magouilles des étudiants en pharmacie», en présumant qu’il y aurait eu «collusion entre l’association étudiante et la doyenne» dans le but de dissimuler les faits et en déclarant qu’il «est dommage que des étudiants soient plus intéressées par l’acquisition d’un diplôme leur permettant de grassement gagner leur vie que par la recherche de la connaissance». Mme Richer soutient qu’il n’y avait rien, dans les éléments recueillis par les journalistes, qui permettait de tirer de telles conclusions. Elle ajoute que M. Goutier «remet en question la compétence de tous les diplômés de la Faculté de pharmacie» quant il affirme, à la fin de sa chronique, qu’il changerait de pharmacie si le pharmacien en service était un diplômé de l’Université Laval. Mme Richer conclut qu’il y a eu un manque de rigueur de la part des mis-en-cause dans le traitement de l’information et dans l’exercice de leurs fonctions.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Antoine Goutier, directeur général: M. Goutier indique d’abord que, sachant que le sujet de sa chronique était épineux, il s’est référé aux définitions du dictionnaire Le Petit Robert, lors de sa rédaction, afin d’évaluer la portée des propos qu’il y tenait. Au reproche de Mme Richer, selon lequel le contenu de la chronique serait clairement diffamatoire, le mis-en-cause fait observer que la définition du Petit Robert de l’adjectif «diffamatoire» s’applique à un propos «qui a pour but la diffamation; qui tend à porter atteinte à la réputation et à l’honneur de quelqu’un». M. Goutier assure que son objectif n’était cependant pas de salir la réputation de la Faculté de pharmacie, mais plutôt «d’attirer l’attention des autorités responsables du respect des règles universitaires, notamment concernant le plagiat». Il explique qu’il ne condamne personne dans son texte, mais qu’il considère qu’il y a suffisamment d’éléments concernant cette affaire pour justifier le regard des autorités compétentes, ce pourquoi il interpelle le secrétaire général de l’Université, M. Gilles Kirouac, dans sa chronique. En regard du grief de Mme Richer concernant le manque de rigueur et d’intégrité intellectuelle dans le traitement de l’information et dans l’évaluation des événements, le directeur général du journal rappelle que la première récrimination de la plaignante porte sur l’allusion aux «magouilles» des étudiants en pharmacie dans la chronique. Le mis-en-cause indique que la définition du terme «magouille» à laquelle il s’est fié est également celle du dictionnaire LePetit Robert, qui stipule que ce terme signifie «manŒuvre, tractations douteuses ou malhonnêtes». M. Goutier reporte cette affirmation dans le contexte de sa chronique ou il affirme: «Cependant, pouvons-nous croire que l’étendue du scandale est à la hauteur des accusations du dénonciateur? Le fait que le système ait été éventré, il y a quelques années, me porte à croire qu’il faut mettre de l’eau dans son vin. Je ne crois pas que les étudiants en pharmacie soient assez idiots pour continuer intégralement leurs petites « magouilles » […].» Pour le mis-en-cause, l’expression décriée par Mme Richer fait ici référence au système de distribution et de copie des examens qui fut démantelé il y a quelques années. Il ajoute que dans l’article «Une vieille histoire?», où elle fut interrogée, la plaignante reconnaît elle-même l’existence de ce trafic de recueils de questions d’examens, découvert quelques années auparavant. De même, dans le texte «Parrainage aux apparences douteuses», une étudiante, autre que l’auteur de la lettre anonyme, explique le fonctionnement de cet ancien système. En se basant sur ce procédé, le mis-en-cause conclut qu’il s’agissait bien de manŒuvres, un système bien établit, aux apparences douteuses, ce qu’il convient donc de qualifier de «magouilles». Le second commentaire de Mme Richer, sur le grief qui à trait au manque de rigueur et d’intégrité, concerne les suppositions du chroniqueur, à l’effet qu’il y aurait eu «collusion» entre elle et l’Association des étudiants en pharmacie. De nouveau, M. Goutier précise la définition du terme «collusion», comme une «entente secrète au préjudice d’un tiers». Le directeur général du journal Impact Campus expose deux arguments qui lui ont permis d’affirmer qu’il y avait bien «collusion» entre ces parties. Il évoque premièrement le retour d’appel de la doyenne aux responsables du journal qui avaient pourtant tenté de joindre l’association étudiante, en leur laissant un message, sans passer par la doyenne. De plus, la doyenne aurait alors affirmé au journaliste d’Impact Campus «que c’était avec elle qu’il allait avoir à discuter et que l’association ne lui parlerait pas». Le directeur général rappelle deuxièmement la copie d’un courriel, que le journal a obtenu et qui a été envoyé à tous les étudiants de la Faculté de pharmacie par l’association étudiante, où il est spécifié que Mme Richer et la présidente de l’association étudiante passeront dans les classes au courant de la semaine pour «mettre [lesétudiants] au courant de cette situation puisque Impact Campus tentera peut-être d’approcher d’autres étudiants». Le mis-en-cause signale qu’il voit, dans cette intervention, une tentative d’orienter l’information qui parviendra au média. C’est pour cette raison que le chroniqueur considère qu’il était possible de parler de «collusion» au préjudice d’Impact Campus, puisqu’on cherchait à limiter l’information qui lui serait donnée. M. Goutier souligne qu’il a tout de même émis des réserves dans sa chronique quant à la portée de cette collaboration entre la doyenne et l’association, en y indiquant que: «Ce climat de mystère contribue à accroître les soupçons sur la collaboration de la Faculté à un tel système. Il ne faut pas, par contre, tomber dans la démagogie et crier au loup sans avoir vérifié tout ce qui se passe en pharmacie». Il assure donc que, même s’il utilise le terme «collusion» dans sa chronique du 21 mars 2006, il a fait preuve de réserve, en émettant des mises en garde sur les conclusions à tirer, malgré les nombreux éléments ayant éveillé ses soupçons. Quant aux doléances de Mme Richer concernant le fait qu’il aurait manqué à son devoir en affirmant que «les étudiants veulent seulement se dépêcher à obtenir leur diplôme pour faire de l’argent» et qu’il «remet en question la compétence de tous les diplômés de la Faculté de pharmacie», M. Goutier répond qu’il a pris soin de ne pas inclure tous les étudiants de la Faculté dans ses propos. Citant le dernier paragraphe de la chronique, auquel la plaignante fait référence, le chroniqueur soutient qu’il a fait le choix délibéré d’utiliser l’article «des» au sujet des étudiants, comme un «article partitif exprimant une partie d’une chose au pluriel», puisqu’il était clair pour lui que cette situation ne concernait pas l’ensemble des étudiants. Il ajoute que, dans son texte, il fait état de l’étendue du phénomène qui ne concerne pas, selon lui, tous les étudiants, en affirmant: «Il y a pourtant une marge entre un cours et l’ensemble de la Faculté». Le mis-en-cause argue, par ailleurs, qu’il n’est pas incohérent de déduire que les étudiants qui trichent dans leurs examens cherchent à obtenir un diplôme plutôt que de parfaire leurs connaissances, mais qu’il n’a pas remis en doute la compétence de tous les diplômés de la Faculté de pharmacie. Revenant sur la fin de sa chronique où il affirme:«Ainsi, lorsque j’irai dans une pharmacie, je demanderai d’où vient le diplôme du pharmacien. S’il vient de Laval, je changerai de pharmacie, juste au cas où…», M. Goutier insiste sur l’utilisation de l’expression «juste au cas où…», expliquant qu’il s’agit «d’un élément de probabilité et de doute», qui représente que la réputation de l’ensemble des étudiants est affectée par la situation dénoncée par la lettre anonyme et que, tel que mentionné dans la chronique, «c’est non seulement l’intégrité de la Faculté, mais aussi celle de l’Université qui est entachée par ce type de comportement». Le chroniqueur ajoute, qu’après avoir reçu plusieurs commentaires d’étudiants de la Faculté de pharmacie, il a constaté que ce dernier paragraphe de la chronique n’avait pas été perçu comme il souhaitait l’exprimer. Puisque les étudiants s’emblaient tous s’inclurent dans le lot des accusés et que l’allusion au changement de pharmacie avait choqué une majorité d’entre eux, le mis-en-cause assure avoir conclu qu’il s’était mal exprimé et qu’ainsi, dans sa chronique suivante, il a reconnu qu’il était allé un peu trop loin et que ce dernier paragraphe était de trop. En terminant, M. Goutier signale qu’il a fait preuve de rigueur à l’intérieur de sa chronique et qu’il n’a «condamné personne sans appel». Il précise avoir voulu faire ressortir les problèmes liés à la situation dénoncée par le journal et avoir énoncé les éléments à clarifier. Le chroniqueur indique également qu’il a mis les affirmations de l’étudiant dénonciateur en perspective et n’a pas condamné la Faculté, mais a plutôt suggéré l’intervention des autorités compétentes pour clarifier la situation. Le mis-en-cause atteste enfin avoir nuancé son analyse, en tentant d’exposer que le problème dénoncé ne concernait pas l’ensemble des étudiants, mais qu’il y avait réellement un problème de plagiat, provenant de copies d’examens du système démantelé quelques années auparavant. Reconnaissant avoir un style provocant, il maintient avoir soupesé les deux points de vues lors de la rédaction de sa chronique. Il joint également une copie de l’édition du 28mars2006, soit celle suivant la parution du dossier sur les allégations de plagiat en pharmacie, expliquant qu’elle revient sur l’affaire, et qu’elle donne un autre éclairage à la situation, puisque cette seconde édition contient un texte présentant les réactions des étudiants en pharmacie aux allégations de plagiat, une chronique où il revient sur ses propos, de même qu’une série de lettres d’opinions d’étudiants en pharmacie. Commentaires de M. Louis-Charles Guillemette: M. Guillemette atteste d’abord avoir assumé ses responsabilités journalistiques et avoir fait preuve de rigueur lors du traitement du dossier portant sur les allégations de plagiat à la Faculté de pharmacie. à son avis, la lettre anonyme, qui fut envoyée à l’Ordre des pharmaciens du Québec, méritait une attention particulière, puisqu’elle dénonçait des pratiques qui lui paraissaient troublantes. Le rédacteur en chef relate premièrement, qu’au moment où il a reçu la lettre anonyme, il est entré en contact avec son auteur, pour «clarifier certaines questions et vérifier son identité». Il spécifie s’être assurer que cette source était crédible, qu’elle étudiait bien en pharmacie et que ses intentions étaient louables et dénuées de mauvaise foi. Suivant ces vérifications, M. Guillemette a amorcé son enquête, afin de recueillir les réactions des différents acteurs liés au dossier, alors que Mme Christiane Vadnais a pris contact avec deux autres étudiantes en pharmacie, pour corroborer la version des faits de l’auteur de la lettre. Le mis-en-cause déclare que, bien que ces deux étudiantes n’était pas aussi alarmistes que l’initiateur du dossier, «elles avouaient par ailleurs avoir été témoin des pratiques dénoncées dans la lettre et étaient en possession de cahiers d’examens», comme ceux dont il était question à l’intérieur de la lettre anonyme. Le journaliste précise qu’à ce moment, il a jugé pertinent de continuer les démarches dans ce dossier. Ainsi, il a procédé à une entrevue téléphonique avec la doyenne de la Faculté, à une interview avec la chargée des communications de l’Ordre des pharmaciens du Québec, ainsi qu’à une entrevue avec la présidente de l’Association des étudiants de pharmacie. Mme Vadnais a, pour sa part, contacté le secrétaire général de l’Université, de même que deux professeures en pharmacie. M. Guillemette estime donc avoir fourni à toutes le personnes impliquées dans le dossier, l’occasion d’intervenir dans le débat. Il assure avoir accordé de la crédibilité à ceux qui ont démenti les faits allégués par la lettre, indiquant qu’un espace beaucoup plus grand leur a été accordé dans le journal. Reconnaissant la place importante de la lettre anonyme à l’intérieur de l’édition mise en cause, M. Guillemette explique qu’elle est l’initiative officielle et tangible, à la base de ce dossier. Il souligne que l’importance de cette lettre est même reconnue par la plaignante, qui a répondu à l’Ordre des pharmaciens à la suite de cet envoi et qui a convoqué le comité exécutif de l’association étudiante, pour faire la lumière sur cette affaire et réaliser une enquête interne. Le mis-en-cause soutient n’avoir reçu aucune requête, de la part de Mme Richer, afin qu’elle puisse présenter une réplique au dossier, ni pour que les responsables du journal se rétractent ou s’excusent. Il indique toutefois qu’il était prêt à «écouter les commentaires de ceux qui voulaient réagir au dossier», et qu’il est allé, avec d’autres membres de la rédaction, rencontrer une quarantaine d’étudiants en pharmacie qui voulaient s’exprimer sur la question, ce qui a donné lieu à l’article publié en page 2 de l’édition du 28 mars 2006, sous le titre«Réaction des étudiants de pharmacie aux allégations de plagiat – Expression d’un profond désaccord». Il ajoute avoir offert deux pages complètes, dans cette même édition, aux nombreuses lettres d’opinion qui lui avaient été envoyées dans la semaine.
Réplique du plaignant
Mme Richer réplique d’abord aux commentaires du rédacteur en chef du journal Impact Campus, M. Louis-Charles Guillemette. Elle rappelle que sa plainte repose sur la section 2.1.7 du guide Droits et responsabilités de la presse, à savoir que «l’utilisation des sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle» et que les médias et les journaliste doivent s’assurer que cet anonymat «ne constitue pas un subterfuge pour manipuler l’opinion publique». Mme Richer réitère que, dans le cas présent, «les journalistes se sont fiés uniquement à une source anonyme pour justifier la rédaction de leur article». Elle maintient qu’ils ont tenté, sans succès, de corroborer les allégations de la source, sans accorder de crédibilité à ceux qui ont démenti les faits allégués. Selon Mme Richer, M. Guillemette admet lui-même avoir rencontré les étudiants de la Faculté de pharmacie, après la parution du dossier sur les allégations de plagiat, pour se rendre compte ensuite qu’elles n’étaient pas fondées. Pour la doyenne, «[u]n journaliste soucieux et respectueux des règles de pratique aurait validé les faits avant de publier son article». La plaignante déclare également que, lors de son entrevue avec le rédacteur en chef, elle lui a fait part de ses préoccupations. Il lui aurait alors répondu «qu’il ne voulait pas faire de la Faculté de pharmacie un cas d’espèce», puisque cette entrevue devait faire partie d’un reportage sur la préparation aux examens de l’ensemble du campus, ce qui ne fut pas le cas. La plaignante répond ensuite aux commentaires de M. Goutier, directeur général du journal, maintenant ses récriminations à l’endroit du chroniqueur et réaffirmant que les propos qu’il a tenus étaient diffamatoires. à son avis, M. Goutier a tenté de porter atteinte à la réputation des étudiants et du personnel de la Faculté, «en laissant entendre que le diplôme n’avait aucune valeur», alors qu’aucun fait présenté par le journal ne permettait de tirer cette conclusion. Elle regrette que M. Goutier ait prétendu, dans sa chronique, que les étudiants de la Faculté s’adonnaient à «des activités ou des manŒuvres, tractations douteuses ou malhonnêtes», alors que toutes les personnes rencontrées ont clairement nié l’existence d’un tel système de plagiat organisé et ont assuré les responsables du journal qu’il y avait une politique en vigueur pour contrer ce genre d’activités. Mme Richer estime, à la lumière des commentaires du mis-en-cause, que M. Goutier a prétendu que de consulter les étudiants et de les appuyer lors d’une situation injuste et difficile, constituait de la «collusion». La plaignante soutient, pour sa part, qu’il s’agit là de l’obligation d’une doyenne et d’une professeure que d’appuyer ses étudiants et de discuter avec eux. Elle ajoute que ces réunions se sont déroulées en toute transparence et que la liberté d’expression des étudiants n’a aucunement été brimée. Elle illustre cette affirmation par la rencontre entre le corps étudiant et les journalistes. Mme Richer souligne que le chroniqueur semble se confondre en excuses pour les dommages qu’il a causés, et ajoute que ces torts sont nombreux, puisqu’ils ont affectés la réputation des professeurs, des étudiants et de plusieurs pharmaciens diplômés de l’Université Laval. Bien que M.Goutier ait tenté de réparer les torts de façon détournée, dans sa chronique du 28 mars 2006, et malgré le fait qu’il revendique son droit à l’insolence, Mme Richer maintient qu’aucun des faits recueillis par le chroniqueur ne fondaient ces allégations diffamatoires.
Analyse
La plainte de Mme Richer porte sur l’ensemble du dossier concernant des «Allégations de plagiat en pharmacie», paru dans l’édition du 21 mars 2006, du journal Impact Campus.
La plaignante allègue premièrement que les journalistes, M. Louis-Charles Guillemette et Mme Christiane Vadnais, ont manqué à leurs responsabilités journalistiques, en utilisant une source anonyme pour appuyer l’ensemble de leurs soupçons.
La déontologie du Conseil de presse précise que l’utilisation de sources anonymes doit être justifiée et demeurer exceptionnelle. Quelle que soit la provenance des informations, les médias et les journalistes doivent s’assurer que l’anonymat requis par des sources ne constitue pas un subterfuge pour manipuler l’opinion publique. Mise à part cette réserve, les médias et les professionnels de l’information qui se sont engagés explicitement à respecter le caractère confidentiel de leurs sources doivent en protéger l’anonymat.
Dans le cas présent, il est mentionné dans l’article que l’auteur de la lettre, faisant état des allégations de plagiat a été identifiée par les journalistes, avant la publication du dossier. De même, le rédacteur en chef soutient être entré en contact avec son auteur afin de vérifier son identité.
Le Conseil considère donc que les mis-en-cause ont pris leurs responsabilités quant à la vérification de l’identité de la source avant la publication de l’article. Aux yeux du Conseil, le degré d’intérêt public des informations livrées sous couvert d’anonymat pouvait justifier l’emploi de celui-ci. Ce premier grief a donc été rejeté.
En deuxième grief, la plaignante affirme que les mis-en-cause ne se sont fiés qu’à une seule source anonyme et n’ont accordé aucune crédibilité aux nombreux témoignages d’étudiants, de professeurs et de pharmaciens qui démentaient les faits allégués par cette source.
Le Conseil a étudié avec attention le contenu de chacun des articles, de même que la une, des éditions des 21 et 28 mars 2006. Considérant la pluralité des intervenants rencontrés dans le dossier et la diversité des points de vues présentés, le Conseil estime que l’information livrée fut traitée de façon complète. Le Conseil note également que, dans l’édition suivant les allégations, les responsables du journal ont permis aux étudiants concernés de répliquer aux articles et à la chronique. Les griefs en cette matière n’ont donc pas été retenus.
Mme Richer reprochait ensuite au directeur général, M. Goutier, d’avoir manqué de réserve dans l’expression de ses opinions à l’intérieur de sa chronique du 21 mars 2006. La chronique est un genre journalistique qui laisse à son auteur une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. C’est leur lecture personnelle de l’actualité, des réalités et des questions qu’ils choisissent de traiter qui est surtout mise en perspective. La chronique de M. Goutier fut bien identifiée comme telle, à la section « Chronique campus » du journal, et s’inscrit dans le journalisme d’opinion.
De l’avis du Conseil, même si certaines de ses opinions et de ses jugements ont pu offenser la plaignante et des étudiants de la Faculté de pharmacie, la chronique du 21 mars 2006 ne contrevenait pas pour autant à la déontologie. Le quatrième grief invoqué par la plaignante est le manque de rigueur de l’information qui aurait eu court lors de la rédaction du dossier d’Impact Campus.
à cet effet, Mme Richer donne des exemples tirés de la chronique de M. Goutier. La plaignante évoque premièrement la référence aux «magouilles», afin d’exposer le manque de rigueur dans le traitement de l’information de la chronique. Comme cette expression faisait référence au fait qu’il y a eu un trafic de recueils de questions d’examens qui a été démantelé par le passé, il n’apparaît pas incorrect au Conseil, particulièrement dans le cadre d’une chronique, de parler de « magouilles ». La chronique fait également référence à une « collusion » entre la plaignante et l’association étudiante. Cette affirmation s’appuyait sur certains faits révélés dans cette même édition du journal. Le soupçon de « collusion » évoqué par le chroniqueur repose donc sur des faits présentés dans la chronique et, compte tenu de la liberté reconnue à ce genre journalistique, l’utilisation de ce terme ne dénote pas, aux yeux du Conseil, de manque de rigueur journalistique.
Le troisième point présenté pour illustrer le grief de manque de rigueur était l’affirmation, à la fin de la chronique, que les étudiants de la Faculté voudraient seulement se dépêcher à obtenir leur diplôme pour faire de l’argent.
Cette accusation provient d’abord de la lettre anonyme parue dans le journal. Ainsi, le chroniqueur peut être justifié de reprendre ces propos, d’autant plus que la situation mise à jour démontre, qu’à tout le moins, il y a bien eu un système de passation de copies d’examens par le passé. La plaignante évoquait enfin le fait que le chroniqueur remette en question la compétence de tous les diplômés de la Faculté en mentionnant qu’il « changerait de pharmacie » si le pharmacien en devoir était un diplômé de l’Université Laval.
En considérant l’ensemble de la chronique et le nombre d’articles faisant état des différents points de vues sur le sujet à l’intérieur de cette même édition, cette déclaration du chroniqueur ne portait pas, selon le Conseil, atteinte à la rigueur de l’information présentée. Les nombreuses lettres d’opinions publiées dans l’édition suivante, dénonçant ce dernier paragraphe, de même que la chronique subséquente de M.Goutier, dans laquelle il revient sur ce dernier paragraphe, remettent les choses en perspective.
Pour l’ensemble de ces considérations, les griefs concernant la rigueur de l’information n’ont pas été retenus. Enfin, Mme Richer allègue que la chronique est manifestement diffamatoire et que la publication du dossier sur les «Allégations de plagiat en pharmacie» a porté atteinte à la réputation et semé le doute sur l’intégrité des étudiants, des professeurs et des pharmaciens diplômés de la Faculté.
Le rôle du Conseil n’est pas de déterminer s’il y a eu diffamation ou d’évaluer le degré d’atteinte à la réputation des plaignants, cela relève des tribunaux. Le Conseil a étudié le dossier sous l’angle de l’éthique professionnelle. Ainsi, puisque aucun des griefs précédents n’a été retenu contre les journalistes ou les responsables du journal étudiant, il n’est donc pas possible de conclure à une atteinte à la réputation.
Au terme de ce qui précède, le Conseil rejette la plainte de Mme Monique Richer à l’encontre de la journaliste Mme Christiane Vadnais, du rédacteur en chef M. Louis-Charles Guillemette, du directeur général M.Antoine Goutier et du journal Impact Campus.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C01C Opinion non appuyée sur des faits
- C03A Angle de traitement
- C03B Sources d’information
- C03C Sélection des faits rapportés
- C08G Lettres anonymes
- C08H Lettres diffamatoires
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
- C15A Manque de rigueur
- C15B Reprendre une information sans la vérifier
- C15C Information non établie
- C17A Diffamation
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17G Atteinte à l’image