Plaignant
M. Rosaire Gagnon
Mis en cause
M. Carol Néron, éditorialiste et
coordinateur de l’éditorial; M. Michel Simard,
éditeur adjoint et rédacteur en chef et le quotidien
Le Quotidien
Résumé de la plainte
M. Gagnon porte plainte contre
l’éditorialiste Carol Néron et le journal Le
Quotidien pour les modifications apportées à sa lettre d’opinion lors de sa
publication dans la rubrique «Votre opinion» le 28 mars 2006. Ces
modifications l’auraient discrédité.
Griefs du plaignant
M. Gagnon a soumis au Conseil une plainte
contre M. Néron, pour avoir utilisé partiellement un texte publié le 28 mars
2006 sous la rubrique du courrier des lecteurs du
Quotidien. Selon lui, M. Néron s’est servi d’une partie de son
texte pour «boucher un trou» dans la page éditoriale.
Il prétend que son opinion originale a été
ratatinée et vidée de toute l’argumentation qu’elle contenait et qu’elle a été
ramenée à un collage insipide et sans couleur. Il estime que ce traitement
irrespectueux le discrédite professionnellement et personnellement.
Selon lui, son texte correspondait aux
règles de publication des lettres d’opinions.
M. Gagnon ajoute que ce n’est pas la
première fois que M. Néron utilise ce procédé de coupure qui porte atteinte à
l’intégrité de son opinion et soumet au Conseil un autre exemple d’un de ses
textes publié le 23 février 2005 et qui a été coupé.
Le plaignant considère que cette
«trituration insidieuse» est inacceptable
et qu’il eut mieux valu que son texte ne soit pas publié, plutôt qu’il soit
soumis à un tel régime.
Il demande finalement réparation et que son
texte soit publié intégralement. Il souhaite aussi qu’à l’avenir, le journal
évite de publier s’il ne publie pas entièrement.
Commentaires du mis en cause
Commentaires
de Me Emmanuelle Cartier, avocate représentant Le Quotidien:
Me Cartier est d’avis que la plainte de M.
Gagnon est mal fondée. Ses commentaires se divisent en trois points: la
prérogative de l’éditeur, la politique de publication du
Quotidien et la qualité du travail d’édition.
Elle s’appuie sur la jurisprudence du
Conseil pour affirmer que la prérogative de l’éditeur est telle que nul ne peut
dicter à la presse ce qu’elle doit publier ou non. Elle mentionne aussi
l’article 1.2.3 du guide Droits et
responsabilités de la presse selon lequel «il relève de la discrétion
rédactionnelle des médias et des professionnels de l’information de déterminer
l’espace qu’ils accordent à la publication des informations qu’ils ont retenues
et choisies de porter à l’attention du public. Nul ne peut dicter à la presse
les décisions en la matière, ni en ce qui concerne le choix du moment de
publication des informations». (DERP, p. 19).
Ainsi, elle estime que M. Gagnon n’a pas le droit d’exiger la publication de
ses textes.
Elle continue en affirmant que, en accord
avec le guide Droits et responsabilités
de la presse, Le Quotidien
s’est doté d’une politique relative à la publication des
lettres d’opinion et que cette politique est régulièrement publiée en page
éditoriale. Elle la reproduit intégralement dans son courrier puis explique
qu’un travail d’édition était nécessaire concernant le texte de M. Gagnon,
conformément à cette politique.
En dernier lieu, elle prétend que,
conformément à l’article 2.2.1 du guide Droits
et responsabilités de la presse, selon lequel «les journaux peuvent
apporter des modifications aux lettres qu’ils publient (titres, rédaction,
corrections) pourvu qu’ils n’en changent pas le sens et qu’ils ne trahissent
pas la pensée des auteurs», la
qualité du travail d’édition est impeccable, malgré l’avis de M. Gagnon qui,
lui, pense que «son opinion originale a été ratatinée et vidée de toute
l’argumentation qu’elle contenait». Elle ajoute que M. Gagnon ne donne
pas d’exemple d’éléments de son argumentaire qui seraient essentiels et qui
n’auraient pas été conservés dans le texte publié. Pour elle, le travail
d’édition n’a pas changé le sens et ne trahit pas la pensée de l’auteur. Elle
considère qu’il en est de même pour le texte publié le 23 février 2005.
Pour toutes ces raisons, elle demande le
rejet de la plainte.
Réplique du plaignant
M. Gagnon réplique que l’essence de sa
plainte portait sur l’amputation de son texte. A son avis, celle-ci
affaiblissait son opinion et donc la dénaturait complètement.
Il affirme qu’il n’a jamais prétendu au
droit d’exiger la publication de ses textes, et que d’ailleurs, il est souvent
arrivé que ses textes ne soient pas publiés du tout.
Le plaignant dénonce donc la réduction de
83 % du nombre de mots dans le texte publié par
Le Quotidien par rapport
à son texte original. Il se demande comment on peut garder la substance d’un
texte avec une épuration aussi radicale. Il maintient que le texte original a
été vidé de toute l’argumentation invoquée et il cite les arguments qui, selon
lui, étaient nécessaires. Il fait de même pour le texte du 23 février 2005.
M. Gagnon explique ensuite que dans les
deux cas, il a puisé dans l’information existante pour fonder l’essence de ses
opinions et que les informations soustraites étaient essentielles pour
comprendre le cheminement qui l’avait amené à de tels commentaires.
Il reconnaît que les deux textes en
question étaient plus longs que l’exige la politique du journal, mais que la
règle «environ 300 mots» invite à plus. En effet, tel qu’il avait pu
le constater, il était déjà arrivé que des textes de plus de 300 mots soient
publiés, contrairement aux règles citées dans les commentaires à la plainte.
Enfin, le plaignant répète qu’il aurait
préféré que ces textes ne soient pas publiés plutôt que de les vider de leur
substance. Dans ce sens, il considère toujours que les modifications de M.
Néron trahissent la pensée de l’auteur et que les informations disparues
étaient nécessaires pour comprendre les raisons de son intervention et le
contenu des textes lui-même. Ainsi, selon lui, M. Néron a contrevenu à
l’article 2.2.1 du guide Droits et
responsabilités de la presse.
Analyse
En publiant les lettres des lecteurs, les professionnels de l’information doivent encourager la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre de points de vue. Des espaces tels que la rubrique «Votre opinion» du journal Le Quotidien favorisent le débat démocratique et diversifient l’information.
Cependant les journaux sont libres d’apporter des modifications aux lettres qu’ils publient (titres, rédaction, corrections) s’ils n’en changent pas le sens et ne trahissent pas la pensée des auteurs. À cet égard, il importe que les médias se donnent des normes de publication des lettres ouvertes qui leur parviennent du public. Ainsi, le journal Le Quotidien publie régulièrement, en page éditoriale, les normes qu’il s’est donné.
Le plaignant, M. Rosaire Gagnon, désapprouve certaines modifications apportées à l’un de ses textes. Selon lui, ces modifications en changent le sens.
À la lecture des documents qui lui ont été soumis, le Conseil a constaté que le journal avait respecté ses propres normes concernant la publication des lettres d’opinion. En effet, Le Quotidien a permis à M. Gagnon de s’exprimer. Le Conseil estime que la réplique publiée a subi une importante coupure et qu’elle a été réduite à l’essentiel par la rédaction afin que celle-ci soit publiable. Toutefois, le Conseil considère que l’esprit de cette lettre est conforme à la pensée de son auteur. En effet, après comparaison de la lettre originale et de la lettre publiée par Le Quotidien, le Conseil constate que le sens du texte initial a été respecté.
Par conséquent, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Rosaire Gagnon contre M. Carol Néron et Le Quotidien.
Analyse de la décision
- C08B Modification des textes
- C17D Discréditer/ridiculiser