Plaignant
M. Sylvain Fréchette
Mis en cause
M. Pascal Bernier-Robidas, journaliste; M.
Alain Bernard, directeur général et l’hebdomadaire
Le Journal de Trois-Rivières
Résumé de la plainte
M. Sylvain Fréchette porte plainte contre
le journaliste Pascal Bernier-Robidas et l’hebdomadaire
Le Journal de Trois-Rivières. Il accuse le journaliste d’avoir
publié une mauvaise interprétation de ses intentions dans un article paru le 13
mai 2006 et rédigé à la suite d’une entrevue.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.Sylvain Fréchette,
reproche au journaliste, M.Bernier-Robidas, d’avoir rapporté, dans son
article paru le 13 mai 2006, des propos différents de ceux qu’il affirme avoir
tenus. En effet, selon le titre et le texte de l’article, le plaignant aurait
demandé la démolition d’un bar en construction, ce qu’il prétend n’avoir jamais
dit en réalité. Le plaignant affirme que, ce dont il a été question dans
l’entrevue, concernait la mauvaise foi de la ville de Trois-Rivières et du ministère
de l’Environnement.
Il précise que ce n’était pas la première
fois qu’il faisait une entrevue avec un journaliste du
Journal de Trois-Rivières, mais que le premier avec lequel il avait
été en contact, a été congédié. Il affirme avoir appelé le journal afin de
savoir pourquoi l’article le concernant n’avait pas été publié, et c’est alors
qu’il aurait appris que le premier journaliste n’y travaillait plus. Par la
suite, on l’a mis en contact avec M. Bernier-Robidas.
Après la parution de l’article, M. Fréchette
a contacté le journal par téléphone. Il s’est entretenu une première fois avec
le chef de pupitre, avec lequel il aurait eu une discussion
«orageuse», et une seconde fois avec le directeur général. Le
plaignant explique ensuite qu’il a voulu rencontrer M. Bernier-Robidas et ses
patrons, mais que cela lui a été refusé.
Enfin, M. Fréchette affirme que les médias
de Trois-Rivières sont influencés par l’argent et les élus locaux. Il croit que
cette situation les amènerait à cacher des scandales. Il rapporte qu’à
plusieurs reprises, il a contacté des journalistes à propos de son histoire,
mais qu’à chaque fois que le sujet est arrivé au bureau du patron, il aurait
été dévié ou oublié.
Commentaires du mis en cause
Commentaires
de Pascal Bernier-Robidas, journaliste:
Le mis-en-cause rappelle le contexte dans lequel s’est réalisée
l’entrevue et nuance le propos du plaignant qui selon lui est rempli
d’allégations sans fondement, d’accusations gratuites et de tentatives
d’ingérence dans la gestion de la salle de rédaction du Journal de
Trois-Rivières.
M.Bernier-Robidas explique les raisons qui l’ont amené à obtenir
une entrevue avec le plaignant. Selon lui, M.Fréchette a contacté le
journal pour s’exprimer sur un dossier d’environnement transformé en une
bataille judiciaire l’opposant à la municipalité de Pointe-du-Lac, puis à la
nouvelle ville unifiée de Trois-Rivières. Ce litige concernait le remblai d’un
chemin appartenant à M.Fréchette, avec des résidus de béton.
M.Fréchette aurait reçu une autorisation du ministère de l’Environnement,
mais, selon un règlement municipal, l’utilisation de ce matériau serait
illégale. En conséquence, la municipalité lui aurait demandé de le retirer.
Cette affaire a été portée devant les tribunaux, jusqu’à la cour Suprême du Canada,
qui a rejeté l’appel de M.Fréchette. Selon le mis-en-cause, le plaignant,
n’ayant plus de recours judiciaire, avait trouvé un moyen de dénoncer ce qu’il
considérait comme une injustice, en ayant une entrevue avec un journaliste.
Selon le journaliste, lors de cette entrevue, le plaignant lui aurait
montré des photographies d’un bar en construction, qu’il avait prises lui-même.
Or, selon le plaignant, pour remblayer sa terre, le propriétaire de ce bar
avait utilisé les mêmes résidus de béton que la ville de Pointe-du-Lac avait
obligé M.Fréchette à retirer. Celui-ci ne comprenait donc pas pourquoi le
propriétaire du bar n’avait pas eu les mêmes conditions que lui pour remblayer
son terrain. Il aurait alors clairement souhaité que l’on impose le retrait de
tous ces résidus de béton, comme cela avait été le cas pour lui. Le journaliste
lui aurait rappelé qu’une telle requête revenait à demander la démolition du
bar, dont la construction était pratiquement achevée. Ce à quoi M. Fréchette
aurait répondu qu’il s’en fichait. Le journaliste lui aurait demandé de
confirmer le fond de sa pensée concernant la démolition du bar et le plaignant
aurait réitéré cette opinion. Selon le journaliste ce contexte justifie le
choix du titre donné à l’article à savoir «Un Trifluvien réclame la
démolition d’un bar en construction». Il affirme en toute bonne foi avoir
rapporté précisément les propos du plaignant à la suite de leur entrevue.
Concernant les accusations du plaignant sur l’indépendance du Journal
de Trois-Rivières, il réplique que ces accusations relèvent de la paranoïa
et d’idées préconçues. Par ailleurs, il fait remarquer que si le récit du cas
du plaignant dévie toujours en arrivant au bureau des patrons des médias, le
problème ne vient peut-être pas des journalistes mais du plaignant lui-même. Il
considère que celui-ci a trop d’attentes envers les journalistes et que la voie
de la vengeance par les médias n’est pas une bonne solution.
Commentaires
de Alain Bernard, directeur général:
M.Bernard confirme tout d’abord les
propos de son journaliste. Il précise que la discussion qu’il a eue avec le
plaignant a été longue et explicative. Dans cette conversation, il a expliqué à
M.Fréchette, qu’après avoir discuté avec le journaliste et avec le chef
de pupitre, il avait jugé bon de ne pas renverser leur décision.
Il affirme aussi avoir mentionné à M.
Fréchette que la rédaction du journal l’a mise en garde concernant l’impact
d’un tel article. Le plaignant aurait décidé de poursuivre en donnant au
journaliste des photographies du bar en construction et les papiers de la cour
concernant son procès contre la ville de Pointe-du-Lac. Il ajoute que lors de
cette conversation avec M.Fréchette, il n’a jamais dit que l’article
serait modifié.
Réplique du plaignant
Le plaignant affirme qu’au cours de
l’entrevue avec M.Bernier-Robidas, il n’a jamais été question de la
démolition du bar, et que les documents qu’il a fournis au journaliste ne
parlent pas de démolition, mais d’équité. En effet, il pensait que le
traitement accordé au propriétaire du futur bar devait être le même que celui
qui lui avait été accordé concernant le remblai d’un chemin sur son terrain. Il
ajoute qu’il ne pensait pas que le bar devrait être détruit, mais seulement le
stationnement, qui lui seul était construit sur le résidu de béton. Il affirme
que les photographies données au journaliste servaient seulement à lui
démontrer l’absurdité de faire un stationnement avec d’aussi gros morceaux de
béton. Il précise que l’autorisation donnée au propriétaire du futur bar
prévoyait la pose de béton d’asphalte granulé, mais que ce n’est pas ce qui
avait été déposé.
En terminant, il affirme que le journal
reçoit beaucoup d’argent en publicité ou pour la publication d’avis publics de
la ville de Trois-Rivières, et que c’est un facteur qui influence
Le Journal de Trois-Rivières. Il ajoute
que tous ceux qui ont traité son dossier ont fait preuve de mauvaise foi, et
que si les journalistes n’ont pas voulu dénoncer ce qu’il considérait comme une
injustice, c’est parce que celle-ci était trop flagrante.
Analyse
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle, dont doivent faire preuve les médias et les journalistes, est synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes, des faits et des événements.
Bien avant la plainte déposée au Conseil de presse, le plaignant, M.Fréchette, et la ville de Pointe-du-Lac, puis la ville unifiée de Trois-Rivières, ont eu des démêlés juridiques jusqu’à la cour Suprême du Canada. À la suite de cette bataille judiciaire, la cour Suprême a donné raison à la ville. Ce litige concernait le remblai d’un chemin sur les terres de M.Fréchette avec des résidus de béton, résidus que la municipalité de Pointe-du-Lac l’avait obligé à retirer par la suite. Or, en contactant le Journal de Trois-Rivières, M.Fréchette affirme avoir uniquement eu l’intention de dénoncer le fait que, dans le district de Pointe-du-Lac, le propriétaire d’un bar en construction avait remblayé son terrain avec des résidus de béton. Il ne comprenait donc pas pourquoi ce dernier bénéficiait d’un traitement de faveur pour l’utilisation du même matériau et demandait équité.
L’analyse du Conseil vise à déterminer si le plaignant a été victime d’une erreur journalistique de la part de M.Bernier-Robidas.
Le plaignant déplorait que l’article paru dans le Journal de Trois-Rivières rapporte des paroles qu’il dit ne jamais avoir prononcées, à savoir qu’il aurait demandé la démolition du bar en construction. Ainsi, le titre, «Un Trifluvien réclame la démolition d’un bar en construction», et deux phrases de l’article seraient inexactes. Le mis-en-cause affirmait, pour sa part, avoir retranscrit fidèlement les paroles de M.Fréchette, recueillies lors d’une entrevue sollicitée par ce dernier. Devant ces deux versions contradictoires, le Conseil ne peut se prononcer sur ce grief.
M.Fréchette dénonçait aussi des ingérences au sein du Journal de Trois-Rivières en particulier, et dans les médias de Trois-Rivières en général. Ces ingérences seraient à la fois extérieures, c’est-à-dire de la part des élus de Trois-Rivières, et internes, de la part des grands patrons des médias. Dans la mesure où le plaignant n’a pas apporté de preuves, le Conseil a rejeté ce grief.
Enfin, M.Fréchette dénonçait avoir été traité avec négligence par les membres du Journal de Trois-Rivières avec lesquels il a été en contact. Le plaignant relate deux conversations téléphoniques explicatives qu’il a eu avec ces derniers: la première avec le chef de pupitre, et la seconde avec le directeur général. Le Conseil tient à rappeler, qu’il est de la responsabilité des organes de presse d’être courtois et ouverts envers leurs lecteurs, et de leur éviter les tracasseries qui pourraient les empêcher de faire valoir leurs remarques, critiques ou récriminations légitimes. Or, M.Fréchette a eu deux occasions de faire valoir son point de vue auprès des supérieurs du journaliste mis en cause. Certes, la démarche n’était pas parfaite, puisqu’en bout de ligne, un dernier retour d’appel promis n’a pas été effectué, mais elle correspondait néanmoins aux règles déontologiques du Conseil de presse. Le grief pour manque de considération a donc été rejeté.
Pour toutes ces raisons, le Conseil rejette la plainte de M. Fréchette contre M.Pascal Bernier-Robidas et Le Journal de Trois-Rivières.
Analyse de la décision
- C06D Ingérence extérieure dans la rédaction
- C06G Ingérence de la direction du média
- C11B Information inexacte
- C11F Titre/présentation de l’information
- C17 Respect des personnes