Plaignant
M. Jérôme Saucier
Mis en cause
Mme Lysiane Gagnon, journaliste; M. Éric
Trottier, directeur de l’information et le quotidien
La Presse
Résumé de la plainte
M.Saucier porte plainte contre la
journaliste Lysiane Gagnon pour les propos qu’elle a tenus dans une chronique
intitulée «MeArbour et son conseil» parus dans le journal
La Presse du 25 juillet 2006. Dans le
premier paragraphe de cette chronique, elle comparait l’action militaire des
Alliés durant la Seconde Guerre mondiale et l’action militaire d’Israël au
Liban durant la crise de juillet 2006.
Griefs du plaignant
M. Jérôme Saucier considère qu’en comparant
sciemment et directement l’action militaire d’Israël au Liban dénoncée par
MeArbour au Conseil des NationsUnies, à l’action militaire des
Alliés durant la Seconde Guerre mondiale, MmeGagnon laisse clairement
entendre que les deux actions sont comparables, voire équivalentes.
M.Saucier accuse la journaliste de
n’avoir pas fait preuve de rigueur, ni intégrité intellectuelle dans
l’évaluation qu’elle a fait de la guerre au Liban. Il estime en effet que
comparer cette dernière à la lutte des Alliés contre le fascisme représente une
faute grave, et que, en tant que leader d’opinion et chroniqueuse régulière dans
les pages de La Presse,
MmeGagnon a le devoir de mesurer la portée de ses écrits et d’être fidèle
aux faits.
Plus précisément, M.Saucier considère
que l’utilisation de références, d’images et d’un vocabulaire tirés de la lutte
contre le nazisme devrait se faire avec la plus grande prudence. Selon lui, on
ne peut pas comparer à la légère la lutte contre le parti nazi, coupable
d’horribles crimes contre l’humanité, à la lutte contre le parti Hezbollah au
Liban. C’est pourquoi il estime qu’en soulignant que les dommages collatéraux
liés à la lutte contre le nazisme se comparent à ceux de la lutte d’Israël
contre le Hezbollah, MmeGagnon laisse planer un malentendu qui risque de
discréditer des groupes, et, par association, de soulever la haine et le mépris
envers l’ensemble des Libanais.
Commentaires du mis en cause
MePhilippe-Denis Richard estime que
la plainte de M.Saucier contre Mme
Gagnon et La
Presse, est non fondée.
Il explique d’abord que MmeGagnon est
une chroniqueuse réputée au sein de l’équipe éditoriale de
LaPresse et qu’elle y exerce cette fonction depuis longtemps.
Il précise que sa chronique est facilement identifiable au sein du journal et
qu’ainsi, le public n’est pas induit en erreur quant au genre journalistique
auquel appartient l’article.
Selon lui, MmeGagnon a présenté les
propos de MmeArbour de façon factuelle, avant d’en faire la critique. Le
public peut ainsi se former une opinion en toute connaissance de cause. Il
considère que rien dans la plainte ne permet d’identifier de manquement en
regard de l’exactitude de l’information, de la rigueur ou de l’éthique
journalistique. Il estime que la chronique n’exprime pas une généralisation
hâtive d’un jugement formé à l’avance et que rien dans son ton ou dans sa
teneur n’est matière à soulever la haine ou le mépris, ni à discréditer un
groupe ou des personnes.
MeRichard estime que la chronique de
MmeGagnon s’inscrit raisonnablement dans la liberté d’expression et la
libre circulation des idées. Pour lui, la liberté de la presse et le droit du
public à l’information seraient compromis si les journalistes d’opinion
devaient se soumettre à quelque courant d’idées dans leur façon d’aborder des
événements. Ces libertés seraient aussi ébranlées, si les journalistes devaient
véhiculer des messages qui projetteraient l’image que voudraient se donner
d’eux-mêmes les individus ou les groupes concernés. Ces compromissions seraient
la source d’un mécanisme de direction et d’orientation de l’information qu’il
faut éviter.
Il ajoute que M.
Saucier aurait pu
exprimer son désaccord dans une lettre à l’éditeur l’invitant à publier son
opinion dans l’une des rubriques appropriées de
La Presse.
Enfin, MeRichard précise que la
liberté d’expression protège la démocratie, entre autres, parce que les droits
et les libertés énoncés dans la Charte
sont des éléments essentiels de la structure politique du Canada.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
La chronique de MmeLysiane Gagnon parue dans l’édition du 25 juillet 2006 du journal La Presse était consacrée à la réaction de MeLouise Arbour, haut-commissaire aux droits de l’homme à l’ONU, concernant l’action militaire d’Israël au Liban durant la crise de l’été 2006.
Le plaignant considère que la mise-en-cause a manqué de rigueur en comparant l’action militaire d’Israël au Liban à l’action militaire des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale.
Le choix d’un sujet d’information et sa pertinence relèvent du jugement rédactionnel des professionnels de l’information, de même que le genre choisi et la façon de présenter et d’illustrer l’information. Ainsi, MmeGagnon pouvait en toute liberté décider d’aborder le sujet de la guerre au Liban dans sa chronique, dans les limites que lui prescrivent les normes déontologiques: l’information présentée doit être rigoureuse, complète et conforme aux faits et aux événements. Après analyse, le Conseil a estimé que l’information présentée par MmeGagnon était exacte, complète et mise en contexte. C’est l’interprétation des faits par la journaliste qui est mise en cause.
Or, la chronique est un genre journalistique qui laisse à ses auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Aussi, MmeGagnon pouvait, comme elle l’a fait, utiliser dans sa chronique un ton polémiste à l’égard de la réaction de MeArbour concernant l’action militaire d’Israël au Liban. Le Conseil considère donc que MmeGagnon n’a pas manqué de rigueur dans la rédaction de sa chronique. Le grief n’est donc pas retenu.
En dernier lieu, le plaignant s’inquiétait des préjugés et des stéréotypes que pouvaient véhiculer cet article. Selon lui, comparer l’action militaire des Alliés contre le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale à l’action militaire d’Israël contre le Hezbollah au Liban durant la crise de 2006, est déraisonnable et tend à soulever, par association d’image, la haine et le mépris à l’égard des Libanais.
À la lecture de la chronique, le Conseil estime qu’elle ne soulève pas la haine ou le mépris à l’égard du peuple libanais.
Pour l’ensemble des motifs exposés, la plainte de M.Jérôme Saucier contre MmeLysiane Gagnon et le journal La Presse est rejetée.
Analyse de la décision
- C15A Manque de rigueur
- C18C Préjugés/stéréotypes