Plaignant
M. Gaston Laurion
Mis en cause
M. Yves Boisvert, journaliste; M. Éric Trottier, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Gaston Laurion porte plainte contre M. Yves Boisvert pour manque de rigueur dans une chronique parue le 6 juillet 2006 dans le quotidien La Presse. Il lui reproche d’avoir donné une information incomplète, en omettant de rapporter des citations, et d’avoir fait preuve de sensationnalisme.
Griefs du plaignant
M. Gaston Laurion reprochait au journaliste, M. Yves Boisvert, d’avoir manqué de rigueur dans une chronique parue le 6 juillet 2006 dans le journal La Presse. La plainte portait sur le volet de la chronique intitulé « M. Michaud et la Cour ».
Le sujet de ce volet était les suites actuelles d’une histoire datant de 2000. Dans son article, le journaliste écrivait : « C’est une vieille histoire, mais elle n’est pas finie. Je suis encore d’avis qu’Yves Michaud a tenu des propos plus que douteux en faisant allusion aux juifs et au vote des immigrés au référendum de 1995. Mais je suis aussi d’avis que l’Assemblée nationale a abusé de son pouvoir en le condamnant. » Dans les faits, le 13 décembre 2000, M. Yves Michaud aurait tenu des propos qualifiés par certains d’antisémites et de racistes dans le cadre des travaux de la Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec. L’Assemblée nationale avait par la suite unanimement voté une motion de blâme à l’encontre de M. Michaud.
Le plaignant reproche ainsi au journaliste d’avoir omis de citer les propos de M. Michaud, que le journaliste a qualifié de « plus que douteux », et de ne pas avoir expliqué la raison pour l’emploi de ce qualificatif.
Selon le plaignant, l’information transmise par le journaliste serait donc incomplète et le lecteur n’aurait pas la possibilité de vérifier ses sources. De ce fait, M. Laurion considère que M. Boisvert a fait preuve de sensationnalisme.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Yves Boisvert, journaliste :
M. Yves Boisvert explique tout d’abord que le texte concerné par la plainte est une chronique identifiée comme telle. Cela suppose, selon lui, une liberté dans le choix et le traitement des sujets. De plus, le lecteur doit s’attendre à ce que l’auteur exprime des commentaires sur des sujets d’intérêt public. M. Boisvert considère que l’affaire Michaud en est un, puisqu’il a fait l’objet de jugements en Cour supérieure et en Cour d’appel.
Ainsi, le texte réfèrerait clairement aux décisions de ces Cours, dans lesquelles une partie des propos que M. Boisvert trouve « douteux », seraient reproduits. Il renvoie le lecteur au site Internet http://www.jugements.qc.ca, qui référence les jugements de nombreux tribunaux et organismes du Québec. Dans la décision de la Cour d’appel, on peut lire une partie des propos de M. Michaud. De plus, l’affaire ayant été maintes fois discutée dans les journaux, le mis-en-cause estime qu’il n’avait pas à reproduire l’entièreté de ces propos.
Par ailleurs, il considère qu’il est légitime, quoique matière à controverse, d’estimer les propos de M. Michaud douteux.
M. Boisvert mentionne ensuite que le sensationnalisme est un procédé par lequel on exagère indûment un fait au point de lui donner une importance démesurée et de le dénaturer. Or, il estime que cinq paragraphes sur un sujet d’intérêt public à la fin de sa chronique ne peuvent pas être considérés comme du sensationnalisme, ni par le ton, ni par l’espace occupé.
Il précise enfin que, dans sa chronique, il prend la défense de M. Michaud, tout en exprimant son désaccord avec les propos de ce dernier qui ont entraîné un blâme de l’Assemblée nationale.
Commentaires de M. Éric Trottier, directeur de l’information :
M. Trottier mentionne que La Presse est solidaire de l’article et des explications de M. Boisvert.
Réplique du plaignant
Le plaignant déplore que la réponse de M. Boisvert ne réponde pas à sa demande. La seule chose qui lui importait était qu’on lui cite les « propos plus que douteux » que M. Michaud aurait tenus à l’occasion des audiences des états généraux sur la langue française et qui lui ont valu le blâme de l’Assemblée nationale.
Analyse
Le plaignant, M. Gaston Laurion portait plainte contre M. Yves Boisvert, journaliste à La Presse concernant une chronique publiée le 6 juillet 2006.
Dans un volet de cette chronique, le journaliste commentait une récente décision de la Cour d’appel dans une affaire opposant M. Yves Michaud à l’Assemblée nationale. En effet, la Cour d’appel a rejeté la requête de M. Michaud, pour le même motif que l’avait fait la Cour supérieure, c’est-à-dire que les tribunaux ne peuvent porter atteinte au privilège de l’Assemblée nationale d’exercer un contrôle exclusif sur ses débats.
M. Laurion reprochait d’abord au journaliste son manque de rigueur pour ne pas avoir cité les propos de M. Yves Michaud, dont il parlait dans sa chronique. Pour le plaignant, cela rendait l’information incomplète. à cet égard, le Conseil rappelle que les chroniqueurs doivent rappeler les faits relatifs aux événements, situations et questions qu’ils décident de traiter avant de présenter leur point de vue, afin que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause quant aux sujets sur lesquels ils se prononcent. Or, après analyse, le Conseil a estimé que dans sa chronique, M. Boisvert n’a pas manqué à l’éthique journalistique dans la mesure où il a expliqué le contexte entourant la décision de la Cour et les propos de M. Michaud. Il a rappelé le sujet de ces derniers, même s’il ne les a pas cités. Les griefs pour information incomplète et manque de rigueur sont donc rejetés.
Le plaignant dénonçait aussi le fait que le journaliste n’indiquait pas les sources permettant de lire les propos de M. Michaud. Or, les indications consignées dans l’article permettaient aux lecteurs de facilement trouver la décision de la Cour d’appel dans laquelle les propos de M. Michaud sont en grande partie cités. Ainsi, le grief pour absence de source est rejeté.
Le plaignant reprochait ensuite au mis-en-cause d’avoir qualifié les propos de M. Michaud de « plus que douteux », alors même qu’ils n’étaient pas cités dans la chronique. Le journaliste, disposant d’une grande latitude dans la rédaction de sa chronique, avait le droit de donner son opinion concernant les propos de M. Michaud. De plus, dans la mesure où le sujet de ces propos est mentionné, qu’ils sont replacés en contexte, et que le lecteur a une référence lui permettant de les consulter, M. Boisvert avait la latitude pour les qualifier de « plus que douteux ». Le grief pour expression d’opinion est donc rejeté.
Le plaignant reprochait enfin au journaliste d’avoir fait preuve de sensationnalisme. Après analyse, le Conseil considère que la chronique de M. Boisvert n’est pas sensationnaliste. Celui-ci présente les faits avant de les commenter et ne met pas l’accent sur les paroles de M. Michaud, mais au contraire sur l’injustice de la part de l’Assemblée nationale dont M. Michaud aurait été victime. Le grief de sensationnalisme n’a donc pas été retenu.
Décision
Pour l’ensemble des motifs exposés, la plainte de M. Gaston Laurion contre M. Yves Boisvert et le quotidien La Presse est rejetée.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C03B Sources d’information
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
Date de l’appel
15 May 2007
Appelant
M. Gaston Laurion
Décision en appel
La commission d’appel du Conseil de presse du Québec a étudié l’appel que vous avez interjeté relativement à la décision rendue par le comité des plaintes et de l’éthique de l’information dans le dossier cité en titre.
Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, nous rejetons votre appel et fermons le dossier cité en titre.