Plaignant
La ligue contre la francophobie canadienne, M. Gilles Rhéaume, porte-parole; la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, M. Jean Dorion, président général; M. Francis Léger; M. Martin Proulx et Mme Josée Beaulieu
Mis en cause
Mme Barbara Kay, journaliste; M. Gerald Owen, responsable des plaintes et le quotidien National Post
Résumé de la plainte
La ligue contre la francophobie canadienne, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et plusieurs citoyens québécois portent plainte contre la chronique de la journaliste Mme Barbara Kay, parue le 9 août 2006 dans le quotidien National Post, sous le titre « The rise of Quebecistan ». Pour les plaignants, par son manque de rigueur, d’exactitude et de pondération, l’information qui y était présentée a entretenu de nombreux préjugés et véhiculé la haine envers le peuple québécois en général et les souverainistes tout particulièrement.
Griefs du plaignant
Plainte de M. Gilles Rhéaume, porte-parole de la Ligue contre la francophobie canadienne :
M. Rhéaume dépose une plainte au nom de la Ligue contre la francophobie canadienne, concernant la chronique de Mme Kay parue sous le titre « The rise of Quebecistan » dans l’édition du 9 août 2006 du National Post.
Le plaignant qualifie ce texte de « brûlot indigne », de « factieux » et de « mauvaise qualité », qui véhiculait des préjugés et amalgamait diverses informations pour appuyer un raisonnement francophobe. Selon lui, le National Post et la chroniqueuse ont fait preuve d’une mauvaise foi flagrante envers le Québec et les Québécois et ont dénaturé les faits.
M. Rhéaume conteste le propos de la journaliste à l’effet qu’un « soi-disant passé antisémite caractérisé et terroriste » rendrait les Québécois « plus sensibles que les autres Canadiens au discours du Hezbollah ». Pour le plaignant, cet argument n’est pas fondé, est discriminatoire et tend à véhiculer un racisme caractérisé envers les Québécois.
Le plaignant affirme que l’opinion des Québécois en regard du conflit qui a opposé Israël et le Liban et de la marche pour la paix d’août 2006, qu’elle quelle soit, ne peut en aucun cas être associée à de l’antisémitisme ou un quelconque passé terroriste au Québec. M. Rhéaume indique que d’associer tout un peuple au terrorisme, pour justifier et expliquer ses opinions, revient littéralement à du racisme.
Plainte de M. Jean Dorion, président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal :
La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) dépose une plainte contre l’article « The rise of Quebecistan » et déplore principalement le manque de rigueur, d’exactitude et de pondération de l’information de cette chronique. Il regrette également le manque de respect du propos de la journaliste, qui viserait à véhiculer des préjugés envers le peuple québécois en général et les Québécois indépendantistes en particulier.
Le plaignant soutient que ces manquements se sont d’abord manifestés par le lien que Mme Kay a établit, dans son texte, entre la sympathie exprimée par les Québécois envers les victimes de l’intervention d’Israël au Liban, lors de la manifestation du 6 août 2006, et « une épaisse coulée d’antisémitisme qui a marbré le discours intellectuel québécois tout au long de son histoire (a fat streak of anti-Semitism that has marbled the intellectual discourse of Quebec throughout its history) ».
M. Dorion reconnaît qu’il y a malheureusement « eu de l’antisémitisme au Québec à diverses époques, comme dans tout le reste du monde occidental », mais allègue que la chroniqueuse manque à ses devoirs journalistiques en omettant de mentionner « que les élites intellectuelles nationalistes du Québec ont souvent été à l’avant-garde du combat pour la liberté et l’égalité des Juifs ». Pour appuyer ses dires, le plaignant évoque la loi établissant la pleine égalité politique des concitoyens juifs, adoptée le 5 juin 1831 à l’Assemblée législative du Bas-Canada, ancêtre de l’Assemblée nationale du Québec, dont la majorité des députés étaient des patriotes. Ainsi, M. Dorion précise que l’Assemblée législative du Bas-Canada a été le premier parlement de tout l’Empire britannique à assurer l’émancipation des Juifs, par une loi à cet effet, alors que l’Angleterre même ne l’a fait que 27 ans plus tard. Il ajoute que le président de l’Assemblée au moment de l’adoption de cette loi était M. Louis-Joseph Papineau, le chef des Patriotes.
Le plaignant assure également que le mouvement indépendantiste québécois est loin de prendre ses distances par rapport à cette loi et continue à la promouvoir. Ainsi, en 1982 le gouvernement de René Lévesque a célébré le 150e anniversaire de l’émancipation des Juifs, en dévoilant une plaque commémorative, en présentant des discours à cet effet à l’Assemblée nationale du Québec et en organisant un grand banquet réunissant les dirigeants du Québec et la communauté juive. Il rappelle également qu’en 2002, le Congrès juif et la SSJBM ont commémoré le 170e anniversaire de cette loi par l’envoi d’une affiche commémorative à toutes les écoles secondaires québécoises.
M. Dorion indique également que le Conseil juif canadien fut fondé en 1919 dans les locaux du Monument National, alors siège social de la SSJBM, haut lieu de la pensée nationaliste au Québec. Le plaignant soutient que, s’il était vrai que l’antisémitisme avait occupé une place importante chez les indépendantistes, la SSJBM n’aurait sans doute pas loué ses locaux au Conseil juif canadien. De plus, les organisateurs du Congrès n’auraient certainement pas choisi un tel cadre pour leur fondation. Il signale, par ailleurs, qu’en 1994, le Congrès juif canadien l’a invité, à titre de président général de la SSJBM, à prendre la parole au Monument national pour rappeler cette collaboration, dans le cadre de la réception du 75e anniversaire du Congrès juif.
Selon le plaignant, si l’antisémitisme passé avait été un facteur important en regard de l’expression des sympathies envers les victimes libanaises, lors de la manifestation du 6 août 2006, le président général de la SSJBM prétend qu’il y aurait sans doute eu des manifestations prolibanaises encore plus considérables dans le Canada anglais, puisque l’antisémitisme y a atteint, particulièrement avant la deuxième guerre mondiale, une virulence nettement supérieure à celle du Québec, ce dont atteste, selon lui, le chapitre « L’antisémitisme à l’anglaise » du « Livre noir du Canada anglais » de Normand Lester et les diverses sources qu’il y cite.
Toujours à ce propos, M. Dorion déclare que la foule de la manifestation du 6 août 2006 a chaudement applaudi un groupe de Juifs, clairement identifiables, qui participaient à la manifestation. Pour le plaignant, cette situation démontre bien que les manifestants n’en avaient pas contre une communauté ethnique ou confessionnelle en particulier, mais contre les agissements du gouvernement israélien.
Le plaignant soutient que l’interprétation des faits de Mme Kay a non seulement prêté à des conclusions injustes, mais a également encouragé la peur et la haine envers les indépendantistes québécois et le peuple québécois de façon générale, attaquant par la bande certains politiciens fédéralistes québécois. Parmi les conclusions qu’il juge erronées, le plaignant évoque l’affirmation de la chroniqueuse à l’effet que cette manifestation prouvait que les Québécois, s’ils se séparaient du reste du Canada, n’hésiteraient pas à soutenir le Hezbollah : « You can bet that Hezbollah would be off the official terrorism list by Day two of the Republic of Quebec’s existence (Vous pouvez parier que le Hezbollah serait retiré de la liste officielle des groupes terroristes le deuxième jour d’existence de la République du Québec). »
Si quelques excès isolés sont difficilement évitables dans une manifestation de 15 000 personnes, M. Dorion soutient que la présence d’un nombre infime de drapeaux du Hezbollah n’autorisait pas Mme Kay à décrire les dirigeants québécois qui ont participé à la marche comme des « shameless Quebec politicians who led that pro-terrorist rally (politiciens québécois sans foi ni loi qui ont dirigé une manifestation proterroriste) ». Il ajoute avoir beaucoup circulé dans la foule lors de cette manifestation et avoir constaté que les rares tentatives de certains participants qui ont lancé des slogans proHezbollah ou antisémites n’ont pas fonctionnées, puisque la foule a refusé de les reprendre.
Le plaignant expose enfin que diverses explications ont été avancées pour saisir ce qui poussait l’opinion publique québécoise à être moins favorable à l’action du gouvernement israélien au Liban, que dans le Canada anglais. Selon M. Dorion, il y a eu suffisamment d’explications avancées pour que Mme Kay tente de comprendre la situation, sans inventer d’autres explications qui ont pour effet d’engendrer la haine envers les Québécois.
Plainte de M. Francis Léger :
M. Léger porte plainte contre Mme Kay et le National Post, puisqu’il estime que l’article « The rise of Quebecistan » présente une vision incorrecte, incomplète, partiale et biaisée de la société québécoise et de certaines de ses réalités historiques, en plus de manquer de rigueur et de respect envers les valeurs et les groupes sociaux qui composent la société québécoise et canadienne.
Plainte de M. Martin Proulx :
La plainte de M. Proulx concerne les propos de la chronique de Mme Kay qui invitent, selon lui, à la haine et au racisme envers les Québécois en les comparant à des terroristes et en affirmant que leurs chefs élus démocratiquement prônent l’antisémitisme. Il réprouve également le propos de la journaliste qui affirme : « The devil is always on the lookout for the moral relativism that signals a latterday Faust, and it seems he has found some eager recruits amongst Quebec’s most prominent spokespeople (Le diable est toujours en quête du relativisme moral qui désigne des Faust d’aujourd’hui, et il semble qu’il ait trouvé quelques recrues enthousiastes parmi les porte-parole les plus en vue du Québec). »
Plainte de Mme Josée Beaulieu :
Mme Beaulieu dénonce les propos tenus dans l’article publié dans l’édition du 9 août 206, du National Post, qui sont à son avis généralisateurs et diffamatoires. Elle dit se sentir horrifiée et insultée par le contenu de cet article, qu’elle juge calomnieux et médisant.
Selon la plaignante, Mme Kay ne s’est pas assurée de disposer d’une information complète avant de rédiger son article. Elle ajoute que si la chroniqueuse avait disposé de tous les renseignements, elle aurait su que les responsables de la sécurité sont régulièrement intervenus au cours de la manifestation du 6 août 2006, pour enlever les drapeaux et les pancartes des manifestants proHezbollah.
La plaignante se questionne également sur les raisons qui poussent une journaliste à crier à l’antisémitisme aussitôt qu’un groupe ose critiquer les démarches entreprises par Israël au Liban. Elle ajoute se sentir insultée par les suppositions de la chroniqueuse à l’effet que, en tant que Québécoise, elle supporterait de près ou de loin le terrorisme.
Alors que la manifestation du 6 août 2006 exprimait un désir sincère que la paix se fasse au Liban, la plaignante allègue que Mme Kay y a plutôt erronément vu une démarche antisémite, qui l’a poussée à extrapoler sur un « futur apocalyptique et démoniaque où le Québec deviendrait la terre de prédilection des terroristes ». La journaliste affirme ainsi : « You can bet that Hezbollah would be off the official terrorism list by Day two of the Republic of Quebec’s existence. By Day three, word would go out to the Islamosphere that Quebec was the new « Londonistan » (Vous pouvez parier que le Hezbollah serait retiré de la liste officielle des groupes terroristes le deuxième jour d’existence de la République du Québec. Au troisième jour, le mot véhiculerait dans l’Islamosphère, à l’effet que le Québec est devenu le nouveau Londonistan). »
Pour la plaignante, ces propos de la journaliste étendent de façon grossière les agissements et les paroles d’un groupuscule d’extrémistes qui a su se faire entendre durant la marche, à un groupe politique et social tout entier. Mme Beaulieu soutient que cette façon de faire constitue un manque de respect flagrant et une généralisation inacceptable.
L’extrait qui a choqué le plus la plaignante est le suivant : « Left-wing Quebec intellectuals and politicians (Pierre Trudeau being an obvious example) have always enjoyed flirtations with causes that wrap themselves in the mantle of « liberation » from colonialist oppressors – including their very own home-grown Front de Liberation du Quebec (FLQ), which gave them a frisson of pleasure as it sowed terror throughout Canada in the late ’60s with mailbox bombs, kidnappings and a murder. (Les intellectuels du Québec et les politiciens de gauche (Pierre Trudeau étant un exemple évident) ont toujours apprécié de flirter avec les causes qui s’enveloppent dans le manteau de la « libération » des oppresseurs colonialistes – comprenant leur Front de Libération du Québec (FLQ) très propre à leur pays, qui leur a donné un frisson de plaisir alors qu’il semait la terreur dans l’ensemble du Canada vers la fin des années 60 avec des bombes dans les boîtes aux lettres, des kidnappings et un meurtre). »
En regard de cet extrait, la plaignante se dit choquée que la chroniqueuse puisse affirmer que les événements de la crise d’Octobre 1970 aient pu procurer des frissons de plaisir à qui que ce soit au Québec. La plaignante affirme que parmi les Québécois qu’elle côtoie, toutes allégeances politiques confondues, aucun n’a trouvé acceptable ces événements reliés au FLQ. Mme Beaulieu pense plutôt que la chroniqueuse aurait dû se questionner sur le véritable impact que ces événements ont provoqué sur la pensée collective québécoise, à savoir s’il serait possible que de tels actes aient pu choquer les Québécois au point qu’ils soient maintenant dégoûtés par tout acte de terrorisme que ce soit, d’où l’organisation de cette marche pour la paix en août 2006.
APPUIS
La plainte est appuyée par huit autres personnes, ayant présenté des récriminations similaires à celles formulée par les cinq plaignants, à l’endroit de Mme Kay et du National Post.
Commentaires du mis en cause
M. Gerald Owen précise premièrement que le National Post n’est pas membre du Conseil de presse du Québec. En réponse aux plaignants, il indique que la journaliste Mme Kay a déjà répondu à la controverse engendrée par sa chronique du 9 août 2006, dans une chronique suivante, parue le 17 août 2006. En guise de commentaires, le mis-en-cause fournit donc une copie de cet article intitulé « Quebecers in denial : Counterpoint » (Le démenti des Québécois : Contrepoint).
Mme Kay y explique qu’elle a affirmé que, dans un Québec indépendant, sous la pression de sa population immigrée libanaise shiite, le Hezbollah serait retiré de la liste officielle des terroristes et que les défenseurs du terrorisme trouveraient au Québec, un endroit offrant peu de résistance à l’islamisme bourgeonnant, parmi ses immigrés musulmans.
La mise-en-cause précise qu’elle croit une telle chose, en raison du comportement dont on fait montre les quatre politiciens qu’elle a critiqués dans sa chronique. La chroniqueuse prétend que le comité d’organisation du rassemblement soi-disant pour la paix, a délibérément exclu la présence juive, ce qui constituait en soi un acte antisémite et un avertissement à n’importe quel politicien, qui doit rester neutre dans de telles circonstances, de rester loin d’un tel événement.
La journaliste ajoute que chacun des quatre chefs, tout comme les chefs des syndicats du Québec, ont signé un manifeste qui n’a pas condamné l’agression du Hezbollah, l’approuvant ainsi, puis qu’ils ont volontairement assumé un rôle dominant dans une marche dans laquelle des drapeaux du Hezbollah étaient mis en évidence en plus de pancartes affichant des slogans tels que « Juifs assassins », « Nous sommes tous Hezbollah », « Longue vie à Nasrallah » et « Vive le Hezbollah ». De même, le cinéaste séparatiste bien connu, M. Pierre Falardeau, aurait été photographié brandissant un drapeau fleurdelisé dans une main et un drapeau du Hezbollah dans l’autre. Un graffiti réalisé sur un bâtiment aurait également mentionné : « Dieu f… les juifs ». Mme Kay prétend aussi qu’un châle de prière juif a été déchiré en morceaux.
La chroniqueuse ajoute qu’il faut se rappeler que le Hezbollah est officiellement classifié comme une organisation terroriste par le gouvernement canadien. Elle se demande donc si ces mêmes chefs seraient demeurés aveugles devant des affiches portant des mentions telles que : « Nous sommes tous KKK », « Longue vie à Oussama Ben Laden », « Nous sommes tous des nazis » ou « Les femmes sont des porcs ». Mme Kay soutient que la mission du Hezbollah est de supprimer les Juifs, non simplement les Israéliens, de la terre.
Mme Kay reconnaît que des marches semblables ont eu lieu dans d’autres villes canadiennes, mais que, différemment au Québec, les politiciens à Toronto et ailleurs au Canada n’ont pas marché à la tête de ces manifestations haineuses.
Pour la journaliste, la complicité de ces politiciens, non pas avec le terrorisme lui-même, mais avec ceux qui le soutiennent, indique un penchant pour la conciliation avec des attitudes haineuses. Quand les marchands de haine voient le manque de jugement des élites dirigeantes, elle croit qu’ils en profitent. C’est ce qui s’est produit, selon elle, en Angleterre et Europe et ce qui pourrait se produire ici, si nous ne sommes pas vigilants. Mme Kay soutient que des commentateurs québécois ont convenu que les politiciens n’auraient pas dû participer à ce rassemblement.
Mme Kay ajoute que les diplomates sont habituellement prudents quant à leurs interventions officielles, mais l’ambassadeur israélien considère la question assez sérieuse pour avoir écrit une lettre officielle exprimant de grandes inquiétudes à Gilles Duceppe. La mise-en-cause avance que la communauté juive de Montréal est dévastée par le manque spectaculaire de jugement et de sensibilité de ces politiciens.
Pour conclure, Mme Kay répond aux médias francophones et à ses détracteurs que cette histoire ne la concerne pas directement ou n’est pas de sa faute. Elle explique que l’ouest est dans une guerre contre l’Islamo-fascisme global qui a déjà fait son nid dans nos villes et soutient que les canadiens doivent combattre la haine qui le nourrit de toutes les manières possibles. Mme Kay maintient que les politiciens du Québec et les chefs des syndicats ont, par leur silence, leur faiblesse et leurs actes de complicité manifeste, légitimé plutôt que désamorcé le sentiment antijuif au Québec. Pour ces raisons, la journaliste continue d’endosser les déclarations de sa chronique précédente, à l’effet que le Québec, dans les mains des dirigeants qui ont participé à la manifestation du 6 août, pourrait très bien devenir un « Quebecistan ».
Réplique du plaignant
Réplique de M. Jean Dorion, président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal :
M. Dorion indique que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) n’entend pas présenter de réplique aux commentaires de M. Owen, ni à la seconde chronique de Mme Kay, puisqu’il croit que la plainte déposée précédemment et l’article mis-en-cause sont très clairs et devraient permettre au Conseil de presse de se prononcer.
Réplique de M. Francis Léger :
M. Léger répond qu’il ne sent pas le besoin de répliquer aux commentaires de M. Owen.
Analyse
Les plaignants exprimaient plusieurs doléances en regard de la chronique de la journaliste Mme Barbara Kay, parue le 9 août 2006 dans le quotidien National Post, sous le titre « The rise of Quebecistan » notamment, l’inexactitude de l’information, le manque d’équilibre et d’exhaustivité de l’information, le manque de rigueur, la pondération et la partialité de l’information ainsi que le respect des groupes sociaux.
Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont ils doivent faire preuve représente la garantie d’une information de qualité. Elle ne signifie aucunement sévérité ou austérité, restriction, censure, conformisme ou absence d’imagination. Elle est plutôt synonyme d’exactitude, de précision, d’intégrité, de respect des personnes et des groupes, des faits et des événements.
Bien que la latitude reconnue au genre journalistique de la chronique accorde aux chroniqueurs le droit d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques dans le style qui leur est propre, ceux-ci ne sauraient se soustraire à ces règles de rigueur et d’exactitude. En ce sens, ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes.
Le Conseil a noté tout au long de la chronique de Mme Kay un manque de rigueur dans la présentation du contexte entourant la marche pour la paix d’août 2006, qui tend à inciter le lecteur à prêter des intentions à des personnalités publiques sans fait concret pour les démontrer. à plusieurs reprises dans la chronique, la journaliste a déformé des faits, pour ne présenter qu’une partie de la situation, ne visant qu’à soutenir son point de vue à l’effet que les dirigeants d’un Québec indépendant, retireraient le Hezbollah de la liste des mouvements terroristes et que ce nouveau pays deviendrait une terre d’accueil pour ceux-ci.
Le Conseil rappelle que, si les chroniqueurs peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent.
La déontologie du Conseil de presse établie clairement que les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever le mépris, à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire.
Le Conseil a estimé que les propos de la journaliste équivalaient à une provocation indue, en plus d’établir des généralisations propres à perpétuer les préjugés plutôt qu’à les dissiper.
Décision
Au terme de ce qui précède, le Conseil retient la plainte de la Ligue contre la francophobie canadienne, de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, de MM. Francis Léger et Martin Proulx et de Mme Josée Beaulieu contre la journaliste Mme Barbara Kay et le quotidien le National Post, pour manquements en regard de l’équilibre, de la rigueur, de la pondération et pour manque de respect envers certains groupes sociaux.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C12D Manque de contexte
- C13A Partialité
- C13B Manipulation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C15H Insinuations
- C18A Mention de l’appartenance
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination