Plaignant
M. Raymond Viger, rédacteur en chef et le bimensuel Reflet de Société – Journal de la Rue
Mis en cause
M. Serge Labrosse, directeur général de la rédaction et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Le bimensuel Reflet de Société – Journal de la Rue porte plainte contre le quotidien Le Journal de Montréal, concernant la une de l’édition du mardi 15 août 2006 intitulée « Un élève sur 5 a un couteau ou une arme à feu, ARMéS à L’éCOLE ». Le plaignant reproche au journal et à son pupitreur d’avoir utilisé un titre sensationnaliste et disproportionné qui ne représenterait ni les résultats de l’enquête sur les armes, ni le contenu de l’article du journaliste M. Marco Fortier.
Griefs du plaignant
M. Raymond Viger, rédacteur en chef du Reflet de Société – Journal de la Rue, porte plainte contre le quotidien le Journal de Montréal, concernant la une du mardi 15 août 2006, parue sous le titre « Un élève sur 5 a un couteau ou une arme à feu, ARMéS à L’éCOLE », qui présenterait une mauvaise interprétation des résultats d’une enquête publiée en pages 2 et 3 de cette même édition.
L’article en page 3 mentionne notamment que « 18,7 % des élèves montréalais affirment avoir déjà apporté une arme à l’école ». Le plaignant indique que les jeunes de 14 à 17 ans qui ont fourni cette statistique ne disent pas qu’ils amènent présentement une arme à l’école, mais plutôt qu’ils en ont déjà emmené une. Il ajoute que, si un jeune qui a aujourd’hui 17 ans a déjà apporté une arme à 14 ans, il est tout de même inclus dans cette statistique, ce qui ne veut pas dire qu’il emmène actuellement une arme à l’école.
Le plaignant dénonce également la définition d’une arme telle que présentée dans cette manchette, c’est-à-dire incluant uniquement des couteaux ou des armes à feu, alors que la définition de l’article indique que parmi les armes on retrouve le « couteau, le gaz irritant et les bâtons utilisés dans les arts martiaux ». Il précise que c’est un peu plus loin et dans une proportion moindre, que l’article fait mention de « fusil ». M. Viger soutient donc que ce titre est incomplet et induit le public en erreur. Il précise que les gaz irritants ou les bâtons d’arts martiaux sont beaucoup moins offensifs que les couteaux ou les armes à feu, ce qui aurait changé la couleur du titre, car une forte proportion des jeunes ayant répondu positivement à l’enquête détiennent, selon le plaignant, des armes à but défensif qui ne peuvent blesser les autres.
Pour terminer, le plaignant allègue que les conséquences de ce titre erroné peuvent être importantes, puisqu’elles augmentent le sentiment d’insécurité du public. Il ajoute que cette crainte pourrait également contribuer à augmenter la violence chez les jeunes qui croiront à tort que les autres étudiants peuvent être armés en classe.
Commentaires du mis en cause
Me Bernard Pageau expose d’abord que, dans l’édition mise en cause, le Journal de Montréal et le journaliste M. Fortier ont rapporté les principaux résultats d’une étude menée auprès de 1 400 jeunes garçons de Montréal et de Toronto.
En regard des récriminations exprimées par le plaignant au sujet du titre de la une, Me Pageau souligne qu’il va de soi qu’il réfère aux articles parus en page intérieure du quotidien et intitulés « Des armes dans nos écoles » et « Une arme à feu en moins d’une heure ».
En regard de cet article, le représentant des mis-en-cause soutient que le journaliste a agit de façon professionnelle en rapportant les principales conclusions de l’étude, de même que les commentaires de ses auteurs quant aux résultats.
Me Pageau estime que le plaignant n’est pas d’accord avec les résultats de l’étude. Il reconnaît que l’article présentant l’étude parle également de gaz irritants et de bâtons utilisés pour la pratique des arts martiaux, mais réplique que la phrase à l’intérieur de l’article précise que : « Les armes les plus susceptibles de se retrouver à l’école sont le couteau, le gaz irritant et les bâtons utilisés dans les arts martiaux », ce qui, selon Me Pageau, ne représente pas une définition exhaustive des armes, mais plutôt une énumération des armes les plus susceptibles de se retrouver à l’école.
Le représentant des mis-en-cause réprouve également l’affirmation du plaignant à l’effet que le titre de la une aurait induit le public en erreur parce qu’on y mentionnait uniquement les couteaux et les armes à feu et non les autres armes énumérées dans la description de l’article. Il répond que le titre est conforme aux résultats de l’étude présentés dans l’article, à savoir que près de 20 % des élèves ont déjà apporté une arme à l’école, soit approximativement un élève sur cinq.
Me Pageau ajoute enfin qu’il lui semble évident que le lecteur prendra connaissance des articles publiés en page 2 et 3 du quotidien, en plus de lire la manchette. Il soutient que ces articles présentent les commentaires de divers intervenants face aux résultats de l’étude, ce qui complèterait l’information et permettrait de la présenter au public d’une façon équilibrée. Ainsi, les mis-en-cause soutiennent que l’ensemble du reportage sur les armes dans les écoles est conforme aux standards déontologiques et fut réalisé de façon professionnelle.
Réplique du plaignant
En regard des commentaires du représentant des mis-en-cause, M. Viger regrette d’abord qu’aucun des arguments avancés dans sa plainte n’ait été discuté ou développé. Pour le plaignant, Me Pageau n’a fait que mentionner que le journaliste rapportait adéquatement les principales conclusions de l’étude, ce qui n’était pas son principal motif de plainte.
M. Viger ajoute que le représentant des mis-en-cause interprète erronément sa position en indiquant que le plaignant est en désaccord avec les résultats de l’étude publiée dans le journal. Il explique que ce n’est pas l’étude qu’il critique, mais plutôt l’interprétation que le pupitreur en a fait en titrant la une de façon exagérée, qui présente un des résultats de l’étude de manière erronée.
Afin de confirmer ses reproches à l’endroit du Journal de Montréal, le rédacteur en chef de Reflet de Société signale qu’il a contacté Mme Patricia Erickson, une chercheuse qui a travaillé sur l’étude dont le quotidien rapportait les résultats et qui était citée et photographiée à l’intérieur de l’article, pour obtenir son opinion quant au titre. M. Viger joint donc une copie du courriel de Mme Erickson à sa réplique.
Mme Erickson y affirme que les armes dans les écoles ne représentent pas un grave problème. Elle ajoute que la définition d’une arme était importante pour comprendre son étude et que, dans ce cas précis, elle référait à toutes les armes pouvant être utilisées, incluant des chaînes, des bâtons et autres armes de défense. Mme Erickson explique que les armes à feu et les couteaux n’y représentaient qu’un très faible pourcentage, qui se retrouvait majoritairement dans la rue et rarement à l’intérieur des écoles. La chercheuse précise également que cette étude ne prend que des garçons en considération et que les filles sont généralement moins susceptibles d’apporter des armes en classe, ce qui aurait contribué à modifier le nombre d’étudiants armés.
Concernant le titre de la une, la chercheuse affirme qu’il s’agit d’une manchette susceptible d’induire le public en erreur, car peu d’étudiants apporteraient actuellement une arme à feu ou un couteau à l’école.
Analyse
M. Raymond Viger portait plainte au nom de Reflet de Société – Journal de la Rue, concernant le titre de la une de l’édition du mardi 15 août 2006 du quotidien Le Journal de Montréal, se rattachant à un reportage sur les armes dans les écoles.
Le plaignant reprochait aux responsables de l’édition d’avoir autorisé la publication, à la une, d’un titre qui présenterait une interprétation erronée des résultats d’une enquête sur les armes dans les écoles, publiés dans les articles en page 2 et 3 de cette même édition, ce qui contribuerait à ajouter un caractère sensationnaliste à la nouvelle et à perpétuer une crainte démesurée chez le public.
Au sujet de l’intégrité dans la présentation de l’information, la déontologie du Conseil stipule que les manchettes et les titres relèvent de la prérogative de l’éditeur et doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables de l’information doivent éviter le sensationnalisme.
Après examen, le Conseil a pu constater que le titre de la une, soit « Un élève sur 5 a un couteau ou une arme à feu – ARMéS à L’éCOLE », présentait certaines erreurs ou inexactitudes en regard des résultats de l’étude sur la violence chez les jeunes. Ainsi, si l’étude permet de constater que 18,7 % des jeunes garçons montréalais interrogés ont affirmé avoir déjà apporté une arme à l’école, cela ne signifiait pas qu’ils sont généralement armés à l’école. De plus, l’article sur lequel se base la une du journal précise que les armes les plus susceptibles de se retrouver à l’école sont le couteau, le gaz irritant et les bâtons servant la pratique des arts martiaux, mais que 2,2 % des élèves montréalais affirmaient avoir déjà apporté un fusil à la polyvalente. De ce fait, le fusil ou les armes à feu se retrouvaient en proportion nettement moindre que les autres armes apportées dans les écoles par les jeunes hommes : 2,2 % contre 16,5 % pour les couteaux et les armes de défense. De plus, la méthodologie de cette étude ne prenait pas en compte les filles qui auraient pu changer à la baisse le pourcentage d’étudiants ayant apporté des armes à l’école si elles avaient été prises en compte. Il aurait donc été plus adéquat que le titre mentionne un « garçon » sur 5, plutôt qu’un « élève » sur 5.
Bien que les articles reliés à ce reportage semblent présenter de façon adéquate les résultats de l’étude et exposer les points de vue de divers intervenants en regard de celle-ci, cela ne changeait rien au devoir d’exactitude dans la présentation de l’information. Pour ces raisons, le Conseil a retenu le grief.
Décision
Au terme de ce qui précède, le Conseil retient la plainte de Reflet de Société – Journal de la Rue contre le quotidien Le Journal de Montréal, concernant le manque d’exactitude et d’intégrité dans la présentation de l’information à la une du quotidien.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue