Plaignant
M. Christian Desmarteaux
Mis en cause
M. Benoît Rioux, journaliste et Canoë inc. (Bruno Leclaire, président et chef de la direction)
Décision sur la recevabilité de la plainte
Dans sa contestation adressée au Conseil de presse, le représentant des mis-en-cause invoquait que le blogue faisant l’objet de la plainte ne pouvait être recevable parce qu’il ne tombait pas sous la définition de média électronique, tel qu’il apparaît au règlement No 3 du Conseil de presse. L’examen de l’argument invoqué et du contexte de référence a permis au Conseil de dégager les observations suivantes :
– même s’il est vrai que l’article 3.1.3 du Règlement No 3 du Conseil sur lequel s’appuie le porte-parole des mis-en-cause n’indiquait pas formellement, au moment des commentaires du mis-en-cause, le 3 octobre 2006, que la presse électronique comprend aussi Internet, cet article n’indiquait pas non plus qu’il s’agissait uniquement et exclusivement de la radio et de la télévision;
– au moment de la réponse des mis-en-cause, dans la procédure de plainte apparaissant sur le site Internet du Conseil, au paragraphe intitulé « Qui peut porter plainte? », on pouvait lire : « Tout individu, organisme, entreprise publique ou privée peut déposer une plainte auprès du Conseil de presse du Québec en regard de présumés manquements à l’éthique journalistique dans la presse écrite ou électronique (radio, télévision, Internet). Ces manquements peuvent également concerner l’atteinte à la liberté de presse et au droit du public à l’information. Vous pouvez, si vous le souhaitez, choisir un mandataire pour vous représenter. » à cette date « Internet » était donc nommément inclus dans la notion de « presse écrite ou électronique » affichée sur le site du Conseil;
– pendant ce temps, sur le site Internet du Conseil, apparaissait dans la section « Avis et communiqués » un avis, daté de janvier 2002, publié le 19 novembre 2003 et intitulé « AVIS DU CONSEIL DE PRESSE DU QUéBEC CONCERNANT LE JOURNALISME EN LIGNE », qui traitait de la notion de média sur Internet;
– dans le même temps et toujours sur le site du Conseil, au cŒur même du guide déontologique du Conseil, Droits et responsabilités de la presse, pouvait-on lire les paragraphes suivants :
« Le « cyberjournalisme »
Le journalisme sur Internet a connu un grand essor dans le monde de la presse au cours des dernières années. Des journaux et des magazines électroniques ont trouvé place sur Internet. Le « cyberjournalisme » ne diffère pas, quant à sa substance et à sa raison d’être, d’un journalisme plus traditionnel, qu’il soit écrit, radiophonique ou télévisuel. Seul le support technologique a changé. » DERP, p.16
En conséquence, au terme de cet examen pour l’ensemble de ces raisons, il est apparu au Conseil de presse que l’objection des mis-en-cause ne pouvait être retenue et que la présente plainte serait considérée comme recevable.
Résumé de la plainte
M. Christian Desmarteaux porte plainte pour des propos haineux qui auraient été tenus sur le blogue de M. Benoît Rioux, publié sur Canoë.com, le 25 juillet 2006. Selon le plaignant, ces propos inacceptables auraient été tenus contre les gais « sans aucune intervention ni du journaliste, ni de Quebecor ».
Griefs du plaignant
M. Christian Desmarteaux porte plainte pour des propos haineux qui auraient été tenus sur le blogue de M. Benoît Rioux, publié sur Canoë.com, le 25 juillet 2006. Pour illustrer ses accusations, le plaignant invite le Conseil à lire « les propos qui ont été tenus contre les gais sans aucune intervention ni du journaliste ni de Quebecor ». M. Desmarteaux donne l’adresse Internet du blogue de M. Rioux et demande qu’on prenne le temps « d’y lire les propos tenus sans aucune modération, comme sur tous les blogues de Canoë », mais indique que celui-ci « a fait déborder le vase ».
Le plaignant annexe 51 pages sur les 122 que comptait le blogue.
INFORMATION COMPLéMENTAIRE
En information complémentaire, 40 jours environ après le dépôt de sa plainte, M. Desmarteaux fait parvenir au Conseil un extrait du blogue du journaliste Patrick Lagacé, publié sur Canoë.com, et que le plaignant commente ainsi : « Vous conviendrez sûrement avec moi, tout comme lui, que Canoë a trop souvent laissé déraper leur blogue puisque M. Lagacé lui-même a abandonné. »
Commentaires du mis en cause
Les mis-en-cause, par la voie de leur procureur, Me Jonathan L. Hickey, refusent de fournir des commentaires. Ils expliquent qu’à la suite d’une analyse de la plainte, ils concluent que le blogue de Canoë ne relève pas de la juridiction du Conseil de presse du Québec. Pour appuyer leur position, ils invoquent le Règlement No. 3 du Conseil de presse et disent considérer ainsi le dossier comme fermé.
Après examen de la contestation de recevabilité de la plainte, le Conseil a estimé que l’objection des mis-en-cause ne pouvait être retenue et que la présente plainte serait considérée comme recevable.
Dans sa décision, le Conseil a tenu compte du fait qu’au moment du dépôt de la plainte, à plusieurs endroits sur le site Internet du Conseil, et notamment dans la description de sa procédure de plainte, le terme « Internet » était nommément mentionné. Le concept de « cyberjournalisme était également évoqué dans le site du Conseil, à l’intérieur de la section consacrée au guide déontologique Droits et responsabilités de la presse ».
à la suite de la décision de recevabilité, les mis-en-cause demeurent toujours d’avis que la plainte ne peut être traitée par le Conseil. Selon eux, accepter la logique soutenue dans la décision voudrait dire que le Conseil aurait compétence sur tous les blogues et babillards se retrouvant sur Internet. En outre, selon Me Hickey, n’étant pas membre du Conseil de presse, Canoë n’est pas assujettie à ses règles.
Enfin, le procureur de Canoë inc. ajoute :
« à titre subsidiaire, et sans reconnaissance quelconque de la compétence du Conseil, nous somme d’avis que la plainte est tellement vague et générale qu’il est impossible pour Canoë d’identifier ce qu’on lui reproche.
La plainte de M. Desmarteaux, reprise dans son intégralité par le Conseil, reproche que des « propos qui ont été tenu contres les gais sans aucune intervention ni du Journaliste ni de Québécoir je trouve celà discriminatoire et surtout Fasciste (sic) ». Le Conseil a transmis plus de 52 pages d’interventions diverses, tirées du blogue, qu’on nous demandait de commenter. Or, les principes de justice naturelle et d’équité requièrent que le Conseil précise les commentaires ou propos « discriminatoires » qui lui sont reprochés (c’est-à-dire le nom de l’intervenant, la page, la date et l’heure). Faute de précisions suffisantes, nous considérons ne pas avoir l’obligation de répondre à la plainte. »
Réplique du plaignant
Le plaignant ne formule aucune réplique.
Analyse
Avant de rendre sa décision, sur le fond, le Conseil de presse souhaite apporter quelques précisions sur la recevabilité de la plainte et sur les motifs de son accueil pour examen par son comité des plaintes et de l’éthique de l’information (CPEI).
Le porte-parole des mis-en-cause indiquait qu’accepter la logique soutenue dans la décision de recevabilité rendue antérieurement voudrait dire que le Conseil aurait compétence sur tous les blogues et babillards se retrouvant sur Internet.
Pour sa part, le Conseil a estimé que, sans avoir nécessairement compétence sur tous les blogues publiés sur Internet, il avait compétence sur les blogues à caractère journalistique.
En regard de l’objection à l’effet que n’étant pas membre du Conseil, Canoë n’était pas assujettie à ses règles, le Conseil fait observer qu’au cours de son existence, il a traité plus d’une douzaine de dossiers où les mis-en-cause n’étaient ni des médias, ni des membres du Conseil de presse du Québec, notamment un dossier contre la Sûreté du Québec et un autre contre l’Assemblée nationale du Québec. En outre, le Conseil a traité les dossiers de certains médias alors qu’ils n’étaient, à l’époque, pas membres du Conseil, notamment ceux des quotidiens Le Devoir et Le Journal de Montréal.
Au surplus, le Conseil a relevé qu’en mai 2005, le service juridique de Quebecor média avait accepté de répondre à une plainte déposée contre l’entreprise Canoë, conjointement mise en cause dans le dossier 2005-03-067, reconnaissant alors implicitement à ce moment l’autorité du Conseil en la matière.
Toujours en matière de recevabilité, le Conseil a noté également que si le blogue de M. Benoît Rioux était accessible directement sur Canoë.ca, il était publié simultanément dans l’édition Internet du Journal de Montréal, média pour lequel travaille le journaliste et qui était accessible, en même temps, sur Canoë.ca
En ce qui a trait au dossier en tant que tel, le Conseil a reconnu dans la plainte formulée par M. Desmarteaux deux aspects, le premier portant sur les propos tenus sur le site Internet de Canoë.
à ce sujet, le Conseil aimerait rappeler que les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient ou diffusent et ne doivent en aucun temps se soustraire aux standards professionnels de l’activité journalistique sous prétexte de difficultés administratives, de contraintes de temps ou d’autres raisons d’ordre similaire. Cette responsabilité englobe l’ensemble de ce qu’ils publient ou diffusent : les informations journalistiques, la présentation et l’illustration de l’information, les commentaires et les informations provenant du public auxquels ils accordent espace et temps d’antenne.
Or, l’examen des 51 pages fournies en preuve par le plaignant a révélé à quelques endroits des propos soit irresponsables, soit injurieux ou racistes, et donc, contraires à l’éthique journalistique, ce que le Conseil ne peut que déplorer.
Le second aspect des griefs concernait les propos qui auraient été publiés sans intervention « ni du journaliste ni de Quebecor ». Dans ce cas, le Conseil a tenu compte de l’absence de principes déontologiques bien définis en regard de la fonction de « modérateur pour les blogues », notion qui n’apparaît pas actuellement dans le guide Droits et responsabilités de la presse.
à ce sujet, le Conseil estime d’ailleurs que, dès à présent, le principe énoncé plus haut sur la responsabilité des médias sur ce qu’ils publient implique l’obligation morale ou éthique d’un certain contrôle de leurs blogues à caractère journalistique, et donc de l’affectation de personnel compétent en la matière à une fonction de « modérateur ».
Décision
Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil a donc retenu partiellement la plainte de M. Christian Desmarteaux contre le journaliste Benoît Rioux et la société Canoë inc., aux seuls motifs de propos inacceptables expliqués plus haut.
Enfin, le Conseil aimerait mentionner qu’il a mis sur pied un groupe d’étude chargé d’approfondir la question des blogues sur le réseau Internet, de manière à mieux préciser les paramètres à caractère éthique et de mieux baliser cette nouvelle pratique journalistique dans l’avenir.
Analyse de la décision
- C13C Manque de distance critique
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15A Manque de rigueur
- C15I Propos irresponsable
- C17C Injure
- C17D Discréditer/ridiculiser
- C17E Attaques personnelles
- C17G Atteinte à l’image
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination